Colloque, 10 juin 2022

La correspondance comme espace intellectuel: le cas d’Émilie Du Châtelet

Lucille Raynal
couverture
Femmes en correspondances (XVIIe-XVIIIe siècle), événement organisé par Nathalie Freidel, Emma Gauthier-Mamaril et Judith Sribnai

«J’ay perdu un amy de vingtcinq années, un grand homme qui n’avoit de défaut que d’être femme, et que tout Paris regrette et honore» écrit Voltaire à Frédéric II de Prusse, le 15 octobre 1749. Ce «grand homme» n’est autre que Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet (1706-1749), scientifique et femme de lettres, qui vient tout juste de mourir.

Il est vrai que si Mme Du Châtelet est célèbre pour ses travaux scientifiques –en particulier sa traduction des Principia Mathematica de Newton (1759)– elle semble l’être beaucoup moins pour sa correspondance. Si quelques-unes de ses lettres ont été publiées de son vivant, une grande partie des échanges entre Émilie et Voltaire a disparu. Encore trop souvent réduite à ces «vingt-cinq années» de relation Voltaire, ce n’est qu’en 2018 que les lettres de Mme Du Châtelet sont réunies dans une toute nouvelle édition.

Femme professionnelle dans un univers essentiellement masculin, Du Châtelet semble investir l’espace épistolier dans le but d’affirmer son autorité. Ne se limitant pas aux sujets mondains – elle qui a abondamment profité des plaisirs de la vie aristocratique – elle ne s’occupe pas que de la gestion patrimoniale et des actions juridiques, qui sont pourtant nombreuses dans sa correspondance. Passionnée par les mathématiques et la physique, soutenant les théories de Leibniz au détriment de celles de Newton, l’épistolarité lui permet de développer des idées complexes avec lesquelles elle tente d’ouvrir les portes des institutions masculines, jusqu’à affronter verbalement le secrétaire de l’Académie des Sciences, Jean-Jacques Dortous de Mairan (1678-1771).

Dans sa communication, Lucille Raynal analyse quelques lettres traitant de la supériorité intellectuelle de Du Châtelet afin de mieux cerner l’audace dont elle fait preuve, en s’appuyant, entre autres, sur les travaux de Dena Goodman, Anne-Lise Rey, Síofra Pierse ou Isabelle Laboulais.

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