Hors collection, 01/01/2008

Du désert ocre au désert blanc

Rachel Bouvet
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Sahara, un nom formé à partir de la racine «sahar», qui désigne la couleur ocre, fauve, auburn, autrement dit les nuances colorées du désert de sable, l’un des nombreux noms du désert en arabe, qui se dit aussi baidâ, bâdiya (le désert des bédouins), qafr (terre abandonnée), ou encore mafâza (de fawaz, traverser le désert, triompher, gagner). Sahara, le désert ocre: cette connotation sémantique, cette couleur qui sert à identifier une entité paysagère, a complètement disparu lors de la francisation du mot, qui fait rêver en couleurs, certes, mais qui ne sert à désigner que l’ensemble géographique situé en Afrique du nord. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on pense généralement, cette région est composée en grande majorité de regs (désert rocheux), alors que les ergs (dunes), qui occupent pourtant une place privilégiée dans l’imaginaire, ne forment qu’une toute petite partie du territoire. Exilé dans une autre langue, n’ayant emporté que quelques membres de sa famille lexicale (le nom sahraoui et l’adjectif saharien), le terme s’est délesté de ses riches couleurs pour s’affubler d’une majuscule et devenir un nom propre. Il enrichit quelque peu la langue française qui apparaît bien pauvre sur ce sujet, le nom commun désert ne connaissant pas de synonymes: pas de nuances, pas d’invention linguistique dans un univers culturel d’où le désert est absent, du moins en tant qu’espace arpenté. Si le Sahara a perdu sa palette de couleurs, en revanche, la banquise, la calotte polaire, les régions glaciaires, nordiques, ont donné lieu à une métaphore figée: le désert blanc. Je reviendrai plus loin sur le procédé métaphorique, qui prend des allures tout à fait particulières dès qu’il s’agit des grands espaces; pour l’instant continuons à explorer les ressemblances et les oppositions entre le désert et le désert blanc, car il faut bien l’admettre, ce que j’appelle ici «le désert ocre» n’est pas tout à fait le désert, même s’il en est le paragon, la pierre de touche. Pour commencer, observons la structure d’opposition climatique qui se met en place un peu avant le début du premier millénaire.

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Cet article est la version préliminaire de l’article publié dans Daniel Chartier, dir., Le(s) Nord(s) imaginaire(s), Montréal, Imaginaire l Nord, coll. «Droit au pôle», 2008, p. 55-71.

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