Journée d'étude, 3 mai 2019
Raconter l’Internet et les réseaux socionumériques
Les technologies numériques occupent une place de plus en plus importante dans le roman contemporain. Les nouvelles habitudes de communication du 21e siècle, largement fondées sur des échanges par le biais de courriels, de messages textes, d’entrées de blogues ou de statuts et commentaires sur les réseaux sociaux, se voient incorporées à l’intrigue, qu’elles contribuent à faire progresser. La somme d’informations accessibles aux personnages à partir d’un moteur de recherche (ou, de manière plus pointue, de compétences en hacking) permet d’intégrer des données factuelles sans recourir à une omniscience de la narration ou à une quelconque gure de spécialiste. Le rapport renouvelé au temps créé par l’exploration à rebours d’un Facebook ou d’un compte Instagram ouvre des possibilités inédites au récit mémoriel. L’espace virtuel mais réel que déploient Google Earth ou Google StreetView invite à repenser de manière similaire la relation de voyage. Au plan thématique, ces innovations sont un prétexte à interroger les modalités contemporaines de socialité, de communication, de connaissance ou de perception, ainsi que leur incidence sur les identités et les représentations de soi. Elles suscitent également des questionnements plus vastes sur les notions de vérité et de mensonge à l’ère des flux d’information décentralisés, de même que sur les rôles et les pièges du numérique dans la prolifération de rumeurs ou l’alimentation de théories du complot. Au plan formel, l’intégration à la trame narrative de conversations ou de données telles que formatées par diverses plateformes et interfaces (Twitter, WhatsApp, Snapchat, etc.) confère à ces fragments médiatiques le statut de genre intercalaire, si ce n’est de quasi mise en abyme, dont l’écriture, la forme, le style contrastent et alimentent ceux de l’oeuvre en son ensemble.
Communications de l’événement
Médias, réseaux sociaux et roman: retour sur une pratique
Retour sur une pratique: l’écrivain Jean-Jacques Pelletier retrace la genèse de sa volonté d’intégrer de manière importante les réseaux sociaux dans la plupart de ses romans.
Déjà la préhistoire?
«La nouveauté de la technologie numérique serait-elle à la fois trop loin et trop actuelle, trop associée à notre présent, trop rapidement transformée pour permettre aujourd’hui une relecture distanciée?», c’est la question que pose Jean-François Chassay. Pour y répondre, il se penche sur deux romans québécois: Programmeurs à gages (1986) de Jacques Bissonnette et Copies conformes (1989) de Monique Larue, tous deux publiés alors que l’accès à l’Internet se démocratise.
Les configurations romanesques de l’imaginaire numérique chez Nicolas Dickner
Mélodie Simard-Houde aborde «la présence de l’imaginaire du numérique dans trois romans de l’écrivain québécois Nicolas Dickner, Nikolski, Tarmac et Six degrés de liberté, des oeuvres parues entre 2005 et 2015 chez Alto et qui déploient un rapport particulier à la culture numérique, car elle est constamment thématisée dans l’intrigue, souvent en lien étroit avec une représentation de l’espace et du voyage, qui va fonder la quête identitaire des personnages principaux».
I Hate the Internet: «un roman contre les hommes, l’argent et la saleté d’Instagram»
La présentation d’Allan Deneuville s’articule autour du roman I Hate Internet (2016) de Jarett Kobek. Le participant étudie les critiques émises par le roman sur Internet, la façon particulière de le narrer, c’est-à-dire «non pas comme une surface plane, mais comme un dispositif idéologique multiscalaire à échelle monde», et ce que le roman nous dit de «la littérature et de son implémentation locale à San Francisco».
Tentative d’épuisement d’un flux parisien
Sylvain David et Sophie Marcotte proposent une lecture croisée des romans Écoute de Boris Razon et Tentative d’épuisement d’un lieu parisien de Georges Perec «afin d’identifier quelques reprises et dépassements» de l’oeuvre de Razon sur celle de Perec, «le tout dans la perspective d’une réflexion plus vaste sur l’évolution récente de l’écriture romanesque face à l’omniprésence de l’univers du numérique».
Entre information et dérision: la mise en récit du web dans «Document 1» de François Blais
Dans cette communication, Rachel LaRoche s’intéresse «aux intéractions entre récit et imaginaire numérique» dans le roman Document 1 de François Blais.
À l’origine de tous les mots: maudit téléphone mobile! Le cas chinois, avec le roman «Le téléphone portable» de Liu Zhenyun
Valérie Jeanne-Perrier analyse le roman «Le téléphone portable» de Liu Zhenyun.
Performer son archive numérique par travail de mémoire et d’effacement: «Anamnèse» de Fabrice Masson-Goulet
Gabriel Tremblay-Gaudette observe la place importante de l’Internet et des médias sociaux dans trois récits québécois contemporains: Sports et divertissements, de Jean-Philippe Baril-Guérard; Dimanche, de Jérôme Baril; Amamnèse, de Fabrice Masson-Goulet.
Face au désir la fiction se profile
Pierre Ménard nous entretient sur un des récents ouvrages de l’auteur Philippe Annocque, le roman Seule la nuit tombe dans ses bras, et sur la fonction des réseaux sociaux dans ce dernier.
Le virtuel. Vingt ans après. Lecture croisée de «(As Francesca)» de Martha Baer et de «De synthèse» de Karoline Georges
«En prenant compte des transformations de nos préconceptions de l’Internet et du virtuel», le participant procède à une lecture croisée de As Francesca de Martha Baer et De synthèse de Karoline Georges, «deux romans séparés par plus de vingt ans, qui mettent en jeu des versions fort contrastées du virtuel» et «qui ont en commun de jouer sur les liens complexes qui se tissent entre le virtuel et le réel».