Colloque, 22 octobre 2021
«On parlera un jour des archives du désir». Colloque sur l’oeuvre d’André Roy
Action Writing, Les passions, L’accélérateur d’intensité, Nuits, Vies, La vie parallèle: l’œuvre poétique et essayistique d’André Roy est marquée par des cycles et quelques électrons libres. Plus récemment, c’est à une série d’hommages qu’il nous a convié·es, en établissant un dialogue avec l’œuvre de Kafka, de Mandelstam et de quelques écrivain·es persécuté·es ou écorché·es par l’histoire littéraire. Penser sa poésie selon un système cyclique comme il le fait, «c’est faire un vœu sur la durée» (Leclerc, 2012:42), ce qui inscrit d’emblée son œuvre dans l’inachèvement, comme un constant work in progress. Mais malgré cette imposante production d’une trentaine de titres sur près de cinquante ans –ayant reçu de nombreux prix– cela n’a pas empêché son œuvre d’être passablement ignorée par le milieu universitaire; comme on le constate dans la bibliographie jointe à cet appel, si on a consacré une trentaine de critiques à l’œuvre royenne au fil des ans, peu –voire pas– d’études, de mémoires ou de thèses s’y sont intéressé·es. Mise à part sa participation au renouveau formaliste de la poésie québécoise dans les années 1970 –aux côtés de Nicole Brossard, François Charron, Roger Des Roches, Normand de Bellefeuille, Claude Beausoleil et France Théoret, notamment– l’histoire littéraire lui a accordé assez peu d’importance, quelques lignes tout au plus. Pourtant, en 1981, Roy, parlant de sa déconstruction formelle et langagière du recueil de poésie, «[se] réjouiss[ait] d’avance à l’idée que les universitaires allaient barbotter là-dedans», «par malice, par ironie» (Bonenfant et Giguère, 1981:53). Le présent appel vise à renverser cette tendance en défrichant les territoires inexplorés de cette œuvre trop longtemps négligée.
Doctorant en études françaises de l’Université de Sherbrooke, professeur de niveaux universitaire et collégial, journaliste, critique littéraire (Fugues) et de cinéma (24 images), André Roy a été un acteur important dans le milieu culturel québécois des dernières décennies. Il est surtout l’un des premiers écrivains ouvertement gai du Québec (avec Michel Tremblay et Jean-Paul Daoust), de même que l’un des premiers à avoir écrit sur le sida dans la littérature québécoise. D’aucuns qualifieraient aujourd’hui son œuvre de queer, formellement et thématiquement: il s’agit d’une écriture ironique qui cherche d’abord la jouissance du texte (Barthes), qui déjoue les conventions formelles et déplace les signifiants, et ce, afin de «parasiter la communication» (Bonenfant et Giguère, 1981:53) et d’instituer une nouvelle lisibilité à travers l’indicible, le non-dit et le manque. Poésie carnavalesque, écriture du détraquage et de la rupture, elle est aussi ancrée dans les pulsions du corps sexué, machinée par le désir; ce faisant, elle ne cesse de jouer, de produire un dialogue entre le sujet cultivé et le sujet désirant. On a plus souvent qualifié ses textes d’intimistes, voire d’autobiographiques, en considérant l’énonciation au je qui apparaît dès 1979 et la figure d’«André» qui arpente la plupart de ses recueils comme une invitation à la mise à nu solidaire permettant de se retrouver soi-même dans l’autre. Son œuvre poétique est toutefois ponctuée de références intermédiales (au cinéma, à la peinture, au théâtre, à la danse), et le dialogue avec d’autres œuvres littéraires et d’autres arts en constitue l’une des isotopies dominantes. Sans être didactique, sa poésie porte également une charge politique: s’investissant dans l’écriture d’un désir minoritaire, elle aborde aussi des enjeux sociohistoriques importants (l’épidémie du sida dans On sait que cela a été écrit avant et après la grande maladie, par exemple, ou la persécution du peuple juif dans La très grande solitude de l’écrivain pragois Franz Kafka). Toute cette œuvre lucide est traversée par la réécriture, l’autoréférentialité, le ressassement et une réflexion sur sa propre pratique, au point où Paul Chanel Malenfant l’envisage comme une «chronique de métamorphoses» (1992:170).
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Communications de l’événement
Mémoire rose. Réconcilier histoire et homosexualité à travers les lectures d’André Roy
En s’appuyant sur l’essai Le Rayon rose (Les Herbes rouges, 2006), Michaël Blais s’interroge sur la possibilité d’une réconciliation entre l’Histoire et la communauté homosexuelle masculine.
Les corps fluides dans «N’importe qu’elle page»
Maxime Poirier-Lemelin s’intéresse à l’inscription du sujet féminin dans le recueil N’importe qu’elle page (Les Herbes Rouges, 1984[1973]).
Le voyage cinéphile d’André Roy
Alice Michaud-Lapointe nous parle d’André Roy, le cinéphile. Elle s’intéresse aux liens entre l’écriture du poète et son amour du cinéma, particulièrement dans son essai Voyage au pays du cinéma (Les Herbes rouges, 1999).
«Ça m’vomit sans voix sans organes bien décomposé»: l’écriture «machinée» par le désir d’André Roy
Étienne Bergeron revisite la poétique des premiers recueils d’André Roy à la lumière des travaux de Barthes, de Deleuze et Guattari, mais aussi de ceux plus récents d’Évelyne Grossman, laquelle se réclame de la pensée de ces philosophes.
Les correspondances anatomiques dans «Action Writing» d’André Roy
Arilys Jia s’intéresse aux correspondances anatomiques dans la somme poétique Action Writing (1985). Elle part du constat que le corps, démultiplié dans le recueil, fait corps avec le texte, c’est-à-dire que le corps s’y déploie au même rythme que la pensée qu’il incarne, soit une pensée qui déconstruit le réel afin de le donner à voir.
Existe-t-il une «transmission» gaie? Passage du temps et relation dans la poésie d’André Roy
Kevin Lambert s’intéresse à l’absence quasi-totale de la famille dans l’œuvre d’André Roy.
Quelques lettres pour ne pas mourir: Maladie de l’hommage et temporalité queer chez André Roy
Nicholas Dawson livre un vibrant hommage au poète André Roy.
Intelligence et corps à corps de mélancolies
Élise Turcotte lit Intelligence et corps à corps de mélancolies, un hommage à André Roy écrit par Nicole Brossard.
Plan rapproché de l’espion quatorze fois estimable André Roy, poète et ami
Pierre Samson livre un hommage à son ami, le poète André Roy.
«Je vibrons»: pour une approche fractale de la syntaxe dans «Le sentiment du lieu» d’André Roy
Antoine Forcione propose une lecture fractale de la suite poétique Le sentiment du lieu (Les Herbes rouges, 1978).
André Roy et le désir mélancolique
Gérald Gaudet s’intéresse à la place du désir et de la mélancolique, tous deux intrinsèquement liés, dans l’œuvre d’André Roy. Sa communication est lue par Alex Noël.
La sentimentalité matérialiste dans la tétralogie de «L’accélérateur d’intensité»
Bertrand Laverdure propose une réflexion sur l’influence de la Grande maladie dans la poésie d’André Roy.