Atelier, 10 janvier 2020

Le pouvoir performatif du poème. Albiach, Chedid, Pey, Prigent, Rouzeau, Venaille

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Ce Colloquatelier de sociocritique appliquée a pour but de mettre en évidence ce que Laure Murat appelle, dans un texte où elle décrit le rôle joué par le roman Notre-Dame de Paris (1842) de Victor Hugo sur la préservation de la Cathédrale Notre-Dame, le «pouvoir performatif de la littérature», c’est-à-dire sa capacité à agir sur l’état et le devenir de la société qui l’environne avec les moyens qui sont les siens. En l’occurrence, le corpus choisi pour faire valoir cette action du texte littéraire relèvera d’un genre dont une longue tradition de paresse et de suffisance a préjugé et préjuge encore qu’il n’est qu’une collection de colifichets décoratifs : la poésie. Chaque lecture présentée lors de ce Colloquatelier porte sur un poème précis choisi dans l’œuvre d’un des six poètes suivants: Anne-Marie Albiach, Andrée Chedid, Serge Pey, Christian Prigent, Valérie Rouzeau et Frank Venaille. Chacune de ces œuvres d’envergure a développé une esthétique poétique singulière tant et si bien que leur ensemble peut être tenu pour largement représentatif de ce qui s’est fait en poésie en France sur les quatre-vingt dernières années, grosso modo de la Seconde Guerre mondiale à nos jours.

Mode de fonctionnement du Colloquatelier

La rencontre tient d’un colloque, puisque des gens s’entretiennent les uns avec autres, et d’un atelier, parce que toute lecture de poème faite dans l’esprit qui vient d’être décrit tient d’une manière d’artisanat. Il importe de souligner que l’on n’attend pas nécessairement une lecture définitive, serrée au quart de tour des poèmes; tout work in progress, toute hypothèse interprétative en voie de constitution, tout commentaire intelligemment prospectif seront bienvenus. Chaque intervenant dispose de 25 minutes pour présenter sa lecture sociocritique d’un poème d’Albiach, de Chedid, de Pey, de Prigent, de Rouzeau ou de Venaille. Pour donner le plus de place possible aux interactions et pour éviter toute perte de temps, on a exclu tout support technologique (power point, etc.) dans la présentation des lectures (à l’exception d’un micro mis en place par les organisateurs, car les interventions sont enregistrées afin d’être mises ensuite sur le site du CRIST).

Communications de l’événement

Nathalie Watteyne

Lecture de «L’un et l’autre papillon éléphant» de Valérie Rouzeau

Nathalie Watteyne présente sa lecture sociocritique du poème L’un et l’autre papillon éléphant de Valérie Rouzeau (au bas de la page).

Texte à l’étude:

L’un et l’autre papillon éléphant sont trompés
Voyageurs votre train est plus long que le quai
Comment descendre de là trouver la voie la pente
Assez douce pour la vie et même à remonter
Tu traces sur la vitre embuée tes hiéroglyphes
Tes codes secrets astuces tes si si fragiles scies
De n’être pas allée aux jonquilles avec qui
Dans une vie antérieure à dos de pachyderme
Un superfétatoire pétale au bout du nez
Énorme légèreté solitudes longitudes
Chemins de fer forgés de transports sans moyens
Désormais certainement il faut nous arracher
Crever le plafond bas nous prendre dans nos bras.

Texte supplémentaire tiré du même recueil:

Écrire une lettre à son chien sans avoir
Dans sa vie aucun clébard
À la poignée de main la patte au creux de paume
Composer une épître à l’amitié canine
À l’inconnu canin qui quelquefois frétille
Venant à vous ému content
Et vous fait un sourire plein de cros prévenants.

Viviane Marcotte

Lecture de «Monsieur/même la Révolution/n’aime pas les masques» de Serge Pey

Viviane Marcotte présente sa lecture sociocritique du poème Monsieur/même la Révolution/n’aime pas les masques de Serge Pey (au bas de la page).

Texte à l’étude:

Monsieur
même la Révolution
n’aime pas les masques

La police de la Seine
avec ses mains blanchies
par les troupeaux
prononce contre vous
des ordonnances
interdisant
nos visages et nos cartes

Gazés
nassés
à la manif du 8 juin
de la Place d’Italie
aux Invalides
où même les dockers
ont été piégés
les yeux troués
par des syllabes lacrymogènes

Gémissement d’insecte
sous le silence
des canons à eau

Mots d’ordre
sur les banques fracturées
et les tiroirs de l’air

Agir en primitif
Prévoir en stratège
Paris est une fête
Poulets grillés
C’est pas la manif
qui déborde
c’est le débordement
qui manifeste

Sous
Les pieds
D’un opticien mutilé
Un poète intelligent
A bombé

Ouvrez vos yeux

Seigneur des angles
et du lard
et des retards du poème

Seigneur
des géométries liquides
et des triangles lourds

Seigneurs des tripes
et des destins déroulés
jusqu’au vomi
des anges

Seigneur du poivre
et des poils
de piment
arrachés aux chiennes
des tomates

Seigneur pleurant
sous les couilles
de la lune
écoutez

Interdit
de prononcer des mots diurnes
et des gestes d’embuscades
de jeter
dans les maisons
des substances
de miroirs
ou d’images aiguës
pouvant causer des blessures
au plus profond des poupées

Interdit
De déchirer
Ou de scier les heures
De promene
Des mannequins nus
Ou de boire la lumière
Des places publiques

Écoutez
nous nous vengeons
Venez
Bientôt ma femme et moi
nous serons tout blancs
de cervelle
Voyez voyez
la cervelle sauter
Voyez voyez
les Rentiers trembler
Hourra
cornes-au-cul
vive le Père Ubu

Sophie Ménard

Lecture de «La mort du pou» d’Andrée Chedid

Sophie Ménard présente sa lecture sociocritique du poème La mort du pou d’Andrée Chedid (au bas de la page).

Texte à l’étude:

De calotte en redingote
De boulotte en maigriote
Le Pou trotte
Picote
Gigote

De Parpaillotte en Iscariote
Pelote, Culottes
Camelote, Menottes
De Vieillotte en Cocotte
Mascotte, Despote
Ou Patriote
Le Pou
S’emberlificote!

Puis, un jour,
Tête de Linotte,
Le Pou capote
Dans une compote!

Félix Durand

Lecture de «…Où la forêt est la plus sombre» d’Anne-Marie Albiach

Félix Durand présente sa lecture sociocritique du poème …Où la forêt est la plus sombre d’Anne-Marie Albiach (au bas de la page).

Texte à l’étude

Sandrine Astier-Perret

Lecture de «Qu’il est dur le Chemin de la croix parisien…» de Franck Venaille

Sandrine Astier-Perret présente sa lecture sociocritique du poème Qu’il est dur le Chemin de la croix parisien de Franck Venaille (au bas de la page).

Texte à l’étude:

Qu’il est dur le Chemin de la croix parisien. Pénibles ses quatorze stations.

Je marche, noctambule malgré moi, dans les rues de ma ville.
La nuit, elle est là pour permettre de croiser divers types humains intéressants à fixer dans un herbier.
Celui-ci, par exemple, dit «le moineau» tant il bouge constamment la tête.
Un autre, que je nommerai pas, qui voudrait m’entraîner vous savez où.

Qu’il est dûr le Chemin de croix, d’ailleurs Jésus vient de tomber pour la.
J’ai l’exclusivité de l’information que je complète: première fois.
Cela fait rigoler tavernes et brasseries entières.
Je me tiens à l’écart. Je m’écarte. On exige de moi que je me lance dans le grand écart.
Quel gâchis!
Les femmes, avec des rires en provenance directe de leur vagin.
Les hommes, je m’en moque de ceux-là, n’ayant jamais rien attendu de bon de cette catégorie d’individus.
Et puis c’est à cet instant-là qu’ils allument leur cigare aux rouges à lèvres de leur compagne, manière discrète pour moi d’évoquer la fellation de fin de repas.
Tout cela est très porc, non!

Qu’il est dur de monter, lentement, dans ma ville, jusqu’à l’éblouissement de la place des Abbessès.

Mais demeurent d’autres grands plaisirs de la vie de nuit.
Dormir en est un (j’ai même croisé des somnanbules!)
Ma préférence va vers celles et ceux qui me demandent quel est le score actuel de Jésus trahi par Judas? Trois chutes?
On peut probablement rencontrer ce genre de bookmaker dans d’autres capitales mais aucune autre ne possède une rue Léon Delhomme donnant directement dans l’ascenseur de mon immeuble.
Marcheurs! Heureux marcheurs! Que sortent pour la nuit les gueules cassées, les accidentés de la vie difficile, toute la monstrueuse famille monstrueuse des monstres.

Et votre serviteur qui garde ses gants pour pleurer.

Olivier Parenteau

Lecture de «L’ordre du jour d’avance rebute…» de Valérie Rouzeau

Olivier Parenteau présente sa lecture sociocritique du poème L’ordre du jour d’avance rebute… de Valérie Rouzeau (au bas de la page).

Texte à l’étude:

Pour Patricia Nolan

L’ordre du jour d’avance rebute
Au point de désirer au lit
Rester jusqu’à plus de midi
L’heure bandante par excellence
Avec minuit car mieux vaut tard
Que jamais pour le seul plaisir
Tiens se faire un tour de cadran
Un joli tour bien joué au temps
Sale temps d’horloge chronos usant
Nos carcasses avec nos cervelles
Verse-moi du vin dans la clepsydre
Around the clock you sleep you rock
Et de midi à minuit fuck
Off l’ordre du jour enjambé.

Pierre Popovic

Lecture de «Danses pour Garrincha. 2. Samba» de Christian Prigent

Pierre Popovic présente sa lecture sociocritique du poème Danses pour Garrincha. 2. Samba de Christian Prigent (au bas de la page).

Texte à l’étude:

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