Hors collection, 01/01/2001

L’Orient et les reflets de la mort dans les contes de Poe: du fantastique au comique

Rachel Bouvet
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«De tous les sujets mélancoliques, se demande Poe dans Genèse d’un poème, quel est le plus mélancolique selon l’intelligence universelle de l’humanité? La mort, réponse inévitable». Sujet de prédilection -pourrait-on ajouter- pour celui que l’on considère comme le maître du fantastique, sujet qui conduit d’emblée à explorer la question de la fin. Le problème se complexifie dès l’instant où l’on s’interroge sur le rôle de l’Orient dans cet imaginaire de la fin. Qu’est-ce qui motive cet alliage de l’Orient et de la mort? Le fait que certaines civilisations orientales ont placé la mort au centre de leurs préoccupations et donné au culte des morts une dimension inégalée? Que ces civilisations antiques ont disparu, que tout ce qui les désigne engage nécessairement l’idée de la mort pour l’artiste ou le savant du XIXe siècle? Loin d’être un simple décor souscrivant à la mode de l’époque, l’Orient apparaît dans certains contes d’Edgar Allan Poe comme un miroir déformant où l’on ne voit jamais la mort en face. Parfois, ce sont des ombres que l’on distingue, et l’on se prend à penser que les morts finiront par revenir de l’autre monde, qu’ils traverseront le miroir. Parfois, c’est notre propre visage, notre double, qui s’y reflète; mourir, dès lors, c’est mourir deux fois, des deux côtés du miroir. Parfois, ce sont des formes burlesques qui soudain apparaissent, des formes créées par les miroirs grossissants devant lesquels on s’esclaffe. Cet article vise à explorer les contrées de la mort, cet au-delà de la vie qui occupe tant de place dans l’imaginaire des vivants, ainsi qu’à déployer les figures de l’Orient, cet au-delà de l’Occident que l’imaginaire occidental a créé. Il s’agira en quelque sorte de s’aventurer dans deux directions: celles du temps et de l’espace, et de s’interroger sur les contes de Poe où l’imaginaire de la fin croise l’imaginaire de l’ailleurs. Trois textes seront étudiés: «Ligeia», «Les souvenirs de M. Auguste Bedloe» et «Le mille deuxième conte de Schéhérazade». Diverses contrées orientales y sont évoquées: l’Égypte antique avec ses sarcophages, ses momies, ses voyages au-delà de la mort; l’Inde, avec ses villes paradisiaques et ses insurrections qui mettent en danger les officiers anglais; le monde arabo-islamique enfin, avec les arabesques et Les mille et une nuits, ce «classique oriental» dans lequel une femme décide de défier la mort à l’aide des mots. Toutefois, le merveilleux cède la place chez Poe à l’effet comique lorsque Schéhérazade décide de raconter l’ultime histoire de Sindbad. Nous verrons comment ce conte satirique perpétue une tradition où l’Orient a joué un rôle important. Les deux premiers contes, quant à eux, relèvent du fantastique, un genre littéraire où l’influence orientale s’est également fait sentir.

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Cet article est la version préliminaire de l’article publié dans Jean-François Chassay, Jean-François Côté, Bertrand Gervais, dir., Edgar Allan Poe. Une pensée de la fin, Montréal, Éditions Liber, 2001, p. 57-77.

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