Hors collection, 01/01/2011

Du récif à la vague: figures de la mer chez Segalen et Le Clézio

Rachel Bouvet
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Si Victor Segalen a acquis la réputation d’être un écrivain qui n’aimait pas la mer, ni la navigation, il n’en demeure pas moins que le premier voyage en mer joue un rôle primordial dans son rapport à l’écriture, ce que l’on peut dire aussi de Jean-Marie Gustave Le Clézio, dont la fascination pour la mer est quant à elle bien connue. En tant que médecin travaillant dans la marine, Segalen a traversé trois océans et consacré plusieurs de ses textes aux îles du Pacifique, notamment Les Immémoriaux, Le Maître-du-jouir et le Journal des îles. Chez Le Clézio, l’élément marin occupe une place prépondérante dans les trois récits ayant pour cadre l’océan Indien, La Quarantaine, Le Chercheur d’or et Voyage à Rodrigues, dans la longue nouvelle se déroulant sur l’océan Atlantique, intitulée Hasard, de même que dans Étoile errante, où l’on traverse la mer Méditerranée, et dans Raga, un récit de voyage dans le Pacifique. Si le réseau hydrographique se compose des mêmes océans, en revanche les figures associées à la mer dans les deux oeuvres suggèrent deux manières très différentes d’envisager le rapport à ce qui est autre. Si la mer suscite chez de nombreux écrivains le sentiment de l’infini, elle engendre chez d’autres celui de la limite: le choc des vagues se fracassant sur le rocher ou sur le récif corallien recèle un pouvoir de fascination hors du commun en ce qu’il fait naître l’idée de la limite, de l’altérité. On est loin ici de la fluidité propre au mouvement du ressac, déplaçant sans cesse les motifs recueillis sur les différents rivages, brassant les cultures de manière inédite et insufflant aux vagues un pouvoir régénérateur. Altérité et exotisme d’un côté, brassage ou métissage culturel de l’autre: telles sont les questions fondamentales qui sous-tendront ma réflexion sur le rapport entre la mer et l’écriture chez ces deux auteurs, dont l’ascendance bretonne n’est peut-être pas totalement étrangère au fait que l’on rencontre plusieurs figures marines dans ces oeuvres.

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Cet article est la version préliminaire de l’article publié dans Claude Cavallero, dir., Le Clézio, Glissant, Segalen: la quête comme déconstruction de l’aventure, Chambéry, Presses de l’Université de Savoie, coll. «Écriture et représentation», 2011, p. 109-121.

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