Colloque, 26 mai 2017

Table ronde: Mobiliser les formes narratives

Benoit Bordeleau
Boris Du Boullay
Bertrand Gervais
Yannick Guéguen
Pierre Ménard
couverture
Littérature et dispositifs médiatiques: pratiques d’écriture et de lecture en contexte numérique, événement organisé par Chaire de recherche du Canada sur les arts et la littérature numériques ALN et PAI / LMI Literature and Media Innovation

Avec la participation de Yannick Guéguen, Boris Du Boullay, Benoit Bordeleau et Pierre Ménard. Animation: Bertrand Gervais

YANNICK GUÉGUEN, «Écriture géolocalisée, récits panoramiques et gyroscopie narrative»

Dans cet exposé, nous présenterons trois types d’interfaces sonores et narratives: géolocalisées, gyroscopiques et panoramiques. Ces interfaces ont été développées pour offrir de nouvelles façons d’écrire des récits en fonction du potentiel des technologiques mobiles. À partir d’études de cas, nous allons envisagers ce que ces interfaces imposent à la durée, la structure et la forme du récit. Plusieurs paramètres doivent être considérées, notamment l’engagement de l’auditeur et les choix dans la suite des séquences narratives. Comment, dans ce contexte, écrire ces textes littéraires basés sur ces contraintes spécifiques? Dans un premier temps, nous présenterons quelques constats concernant l’écriture dans le champ des médias géolocalisés. En partant de parcours sonores littéraires linéaires, nous nous tournerons ensuite vers de nouvelles formes de créations basées sur des trames de points sonores. Dans un deuxième temps, nous présenterons une interface qui utilise le gyroscope du téléphone mobile et nous allons envisager les possibilités en terme d’écoute narrative. Enfin, nous montrerons un dispositif panoramique et tactile. L’enjeu à travers les contenus présentés est de réfléchir à la singularité de ces interfaces narratives, en filiation avec les études sur les oeuvres littéraires ou artistiques numériques.

BORIS DU BOULLAY, «Du cinéma à l’HTML: la pratique numérique comme retour à l’écriture»

Cinéaste et créateur multimédia, je propose d’envisager cette question de l’usage des médias numériques par les écrivains en renversant la proposition pour travailler sur une création cinématographique qui devient, par changement de support et usage des outils numériques, une écriture textuelle. Ce glissement de support, du cinéma à l’HTML, transforme la pratique du cinéma vers un cinéma d’écriture «à sa table», comme un écrivain, et convoque des formes narratives où le monde n’est plus visé, mais au coeur d’une écriture incessante. L’écriture de départ (le scénario) devient la forme finale, en devenir. La lecture de Michel Henry et de sa phénoménologie de la vie nous permet de nous positionner sur ce travail d’écriture, manipulable, modelable, transformable, en perpétuel mouvement. Michel Henry décrit une vie écrasée dans sa donation, sans distance: la vie s’éprouverait en elle-même avant même sa phénoménalité. Envisagé comme une question de cinéma dans mes travaux pratiques, est-ce une piste possible pour penser un retour à l’écriture pour tenter malgré tout, par l’absurde ou l’accumulation, une description de cette (non)-distance, avec ce qui se fait et se défait dans des outils numériques.

BENOIT BORDELEAU, «De Hoche’élague aux Vournoussages: avoir lieu entre flâneries et archives»

Cette courte présentation montrera comment la mise en ligne (et en présence) de parcours urbains, par le biais de blogues et de réseaux sociaux, est un engagement dans l’espace public et, plus qu’une tentative d’épuisement du quotidien, la proposition d’un ralentir, par l’accumulation de photographies, de citations, de notes, etc. Cette amorce de discussion s’appuiera sur des projets numériques personnels et collectifs ayant eu cours durant les dix dernières, dont Hoche’élague, #Dérive(s) et plus récemment Vournoussages, ce dernier offrant une incursion dans des archives familiales. Nous comptons montrer, sans prétention théorique, comment les outils et plateformes numériques peuvent faire partie intégrante de l’appropriation d’un territoire et, peut-être, d’avoir lieu à travers la rumeur des réseaux.

PIERRE MÉNARD, «Pas de marche pas d’oeuvre: espace à explorer, parcours de lecture et imaginaire mobilisé»

Dans un espace hybride où les frontières entre réel et numérique sont devenues poreuses, les oeuvres d’art et de littérature numériques modifient nos structures perceptives et configurent notre sens du réel. Elles transforment sensiblement nos manières d’écrire, de lire, et changent notre rapport au monde. L’idée de navigation appliquée à la connaissance, c’est une invitation à prendre le large. Mais ce qui compte en premier lieu ce n’est pas tant l’inventaire du savoir, c’est la marche, le mouvement de la connaissance. C’est cette même idée d’ouverture, de l’action de l’usager comme constructeur de ses propres connaissances, que l’on retrouve dans la substitution de «navigation» à «lecture» pour désigner l’exploration numérique. Mais si la navigation s’applique bien au savoir, la «déambulation» paraît plus adaptée aujourd’hui à ce qui est en jeu avec la littérature numérique qui transforme la question littéraire et la «déplace» sur des problématiques qui lui étaient traditionnellement extérieures ou marginales. Une manière d’avancer dans la lecture, de mettre le texte en marche. La forme la plus répandue et la plus populaire du texte est le roman. Le récit interactif est éclaté, il remet en question la linéarité traditionnelle du texte. Le passage du livre à différentes formes d’interfaces numériques, offre en effet au lecteur comme à l’auteur, qui deviennent acteurs, agissants non comme des machines, mais de manière libre et autonome, d’inédites et singulières approches du récit et de lectures du monde. Les parcours invisibles que chacun dessine quand il marche en ville, dans les paysages qu’il traverse, dans ses déplacements, ses errements comme son cheminement, s’apparentent à un labyrinthe de textes “aux sentiers qui bifurquent”, à l’intérieur desquels le lecteur doit s’égarer selon sa fantaisie, retourner sur ses pas, refaire le même trajet en sens inverse, en inventer d’autres parfois, pour s’approprier l’espace numérique, le parcourir plus librement et participer ainsi de façon active à une création toujours recommencée. Il ne s’agit pas de représenter l’espace, mais de le produire en lui donnant un sens. On retrouve également ces cheminements dans la pratique artistique de la mobilité. Dans ces mouvements, les lieux se transforment, les images se succèdent. La mobilité de l’esprit qui divague en cours de route le rend apte à la réflexion, sensible à l’imaginaire et à son environnement.

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