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Twin Towers

Jean-Philippe Gravel
couverture
Article paru dans Films, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Guttentag, Bill; Port, Robert David (2003), Twin Towers, États-Unis, 34 min.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

À l’image de quantité d’«émissions spéciales» et commémoratives que les chaînes télé américaines consacrent aux attentats du 11 septembre, Twin Towers est un documentaire à tendance édifiante qui cherche à rendre hommage au personnel des unités de secours qui essayaient de procéder à l’évacuation des tours du World Trade Center au moment de leur effondrement. En contraste avec leur nature tragique et déroutante, les attentats du 11 septembre ont rapidement avalisé quantité de récits et de témoignages — sauvetages héroïques ou improbables, témoignages d’altruisme, de compassion et de deuil, hommage aux secouristes disparus dans l’exercice de leur fonction — propres à présenter les retombées des attentats comme une victoire morale, comme le «révélateur de ce qu’il y a de mieux en Amérique», notamment pour les citoyens ordinaires qui s’y impliquèrent directement. Twin Towers participe essentiellement de ce discours consolateur et patriotique en faisant l’épitaphe de l’officier décoré d’une escouade des services d’urgence de la police de New York, Joseph Vigiano Jr., dont le frère était aussi pompier ; le film s’intitule «Twin Towers» en allusion au surnom que leur donnait leur père (lui-même un vétéran du corps des pompiers, «le plus décoré de New York» nous dit-on), avant qu’ils ne perdent tous deux la vie en ce matin fatidique.

Le film rappelle 911 par sa trame narrative en ceci qu’il s’agit, là encore, d’un «film accidentel» : en effet, le matériel utilisé durant la première moitié du film couvre une période de six mois précédant les attentats, moment où les cinéastes et le producteur de Law & Order (Scott Wolf) tournaient l’épisode-pilote de ce qui devait être une émission de télé-réalité consacrée aux activités de la «NYPD Emergency Services Unit». La première moitié du film résume donc le train de vie de cette escouade forcée de côtoyer au quotidien des situations dangereuses — descentes dans des «crack houses» de Harlem, opérations de sauvetage, interventions sur des scènes de meurtre — sans oublier de relater l’esprit de corps qui règne entre les membres, décrits comme faisant partie d’une «grande famille»… Le personnage de Joseph Vigiano finit par ressortir du lot de par ses qualités héroïques. Le père de Joseph exprime sa fierté et son inquiétude envers ses fils, conscient des risques qu’ils encourent et se félicitant qu’ils aient appris à régler leurs querelles familiales et à embrasser leurs épouses tous les jours avant de partir au travail.

Le film passe ensuite à l’image des tours en feu. La suite du film sera racontée rétrospectivement, l’équipe de tournage ne s’étant pas trouvée sur les lieux le jour du 11 septembre. Les images des tours jumelles en feu puis de leur effondrement font partie d’un répertoire d’archives médiatiques connu. Les événements du 11 septembre sont assez brièvement évoqués pour accompagner le témoignage de collègues de l’unité de la «NYPD Emergency Services Unit», laquelle aurait perdu la moitié de ses membres (14 sur 23) ce jour-là. Le père Vigiano, effondré, relate sa dernière conversation téléphonique avec son fils, lorsque celui-ci lui annonçait «se diriger vers les tours du World Trade Center». Le documentaire se termine par une alternance d’images de la cérémonie des funérailles de Vigiano (probablement dans la cathédrale de St-Patrick) et d’une autre procession, cette fois sur le site de Ground Zero.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Court-métrage documentaire.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Multiples témoignages en voix-off ou en présence des intervenants.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée — le site représenté est celui des tours incendiées du World Trade Center. Le film présente aussi des images d’obsèques sur le site de Ground Zero.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de façon explicite par l’entremise d’un répertoire assez connu d’images souvent utilisées par les médias (CNN, Fox News, etc).

Moyens de transport représentés: Voitures et camionnettes de police, hélicoptères, essentiellement durant les scènes d’intervention policière de la première partie. [vérifier si les images des attentats comportent des plans aériens (hélicoptère) — peut-être s’agit-il seulement d’In Memoriam?]

Moyens de communication représentés: Le père de Joseph Vigiano évoque une ultime conversation sur téléphone cellulaire avec son fils, quelques instants avant la mort de celui-ci («I am heading towards the World Trade Center»). Aussi : radios en circuit fermé (police; scènes d’intervention en première partie).

Montage de commentaires radiophoniques et appels d’urgence sur radio en circuit fermé, en voix-off, superposés aux images des tours incendiées.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Le héros présumé du film est mort (ainsi que son frère) dans l’effondrement des tours. S’il fallait parler de «point de vue», le film épouserait plutôt celui (collectif) des survivants du corps policier auquel il appartenait. Ils sont une dizaine à rendre hommage au disparu et à témoigner des risques de leur métier, du courage qu’il demande, etc. Le témoignage du père de Joseph Vigiano, avant et après la perte de ses fils, abonde dans ce sens. Le point de vue est collectif en ceci qu’il représente celui d’un corps d’élite, dont les membres présentent un discours relativement uniforme ; il est toutefois individuel en ce qu’il moment commente très peu les enjeux politiques des attentats et leur traitement par les médias, etc. Le personnage du père présente une figure tragique.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Son direct des archives — bruit de fracas, «holy shit», etc. —, voix-off superposées (montage sonore) de radio de police, commentaires d’annonceurs radio.
La musique extradiégétique oriente la perception affective des événements (empathique) : dynamique et rythmée lors des scènes d’intervention policière, elle contribue à rappeler au spectateur qu’il a affaire à ce qui se destinait à être une série grand public de télé-réalité; solennelle durant les obsèques, elle fait entendre les habituels «Amazing Grace» et autres airs de circonstance («Danny Boy»), etc.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Ne s’applique pas.

Autres aspects à intégrer

Comme certains critiques l’ont remarqué, le film, par son titre et son “tagline”, annonce l’histoire de deux frères mais ne s’intéresse en fait qu’à un seul d’entre eux.

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

When Dick Wolf, producer of the NBC series Law & Order, began filming a reality-TV pilot about a New York City police squad, no one could have known that terrorists would claim the lives of fourteeen of the men in that day on September 11, 2001.

Joseph Vigiano, a highly decorated member of NYPD Emergecy Services Squad 3, died in the World Trade Center, along with his older brother, John, Jr., a firefighter with Bedford-Stuyvesant’s Ladder 132. They both rushed to the scene as soon as the first building was struck and were still helping people evacuate when the towers collapsed.

The footage that had been shot for Wolf’s pilot is the basis for this Academy Award-winning documentary. Twin Towers follows Joe’s Harlem-based rescue team as they go on raids and investigate homicides, and includes interviews with their families, news footage and home videos to tell a story of dedication, heroism and the American spirit that defines us, as a people and a nation.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

«Twin Towers originally was never meant to be a film. “”We wanted to make our small contribution to September,”” Guttentag said. “”Just about all of us worked [on the film] for free. We wanted a record of that day for the future.”” » (Bill Guttentag en entrevue, http://voice.paly.net/view_story.php?id=808 (consulté le 22 aout 2007)

Citer la dédicace, s’il y a lieu

«On September 11, retired Fire Captain John Vigiano, Sr., and his wife, Jan, lost both of their sons. This film is dedicated to Joe and John, Jr., and to the families they left behind.»

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

La réception critique de l’œuvre suit deux courants : le premier, à tendance fortement émotive, se trouve à la remorque des grandes lignes de l’interprétation manichéenne qui fait des attentats une «attaque des forces du mal» et un événement traumatique ; en conséquence, ce petit film est ainsi qualifié d’«indispensable». Des avis critiques moins enthousiastes tendent à reprocher au film son caractère relativement indigent, de par sa brièveté, la minceur relative de son personnage (en ce qu’il y est davantage traité comme un «symbole» qu’autre chose), et l’impression de «déjà-vu» que suscitent les images (de seconde source) des tours jumelles (sic).

Impact de l’œuvre

À sa présentation au festival de Sundance, le film aurait reçu une longue ovation debout — le film a par la suite remporté l’Oscar du meilleur court-métrage documentaire.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

On peut dire que le film reconduit de façon presque exemplaire (en raison de sa brièveté) la manière dont seront traités les événements du 11 septembre dans la plupart des films et émissions commémoratives à tendance édifiante, notamment une structure en trois actes à laquelle correspondent autant d’ingrédients narratifs : 1) la valorisation d’un corps d’élite et l’émergence, au cœur de celui-ci, d’une figure de «héros ordinaire» ; 2) les attentats comme tels, la reprise des images médiatiques de celui-ci, en portant l’accent sur les ruines et en expurgeant généralement les éléments plus traumatisants (chute de corps, cadavres écrasés, etc.); 3) ultimes hommages et obsèques de l’après-coup, témoignages rétrospectifs d’endeuillés et de survivants, prières solennelles, pathos patriotique, efforts de reconstruction contribuant à «racheter» l’événement en le présentant comme une victoire morale.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

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Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Affiche / pochette du film

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