Article d'une publication

Samedi

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: McEwan, Ian (2006), Samedi, Gallimard, Paris, 349p.

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Roman de l’après-11 septembre, Samedi dévoile l’ébranlement personnel, politique, social et affectif que l’effondrement des tours du World Trade Center peut provoquer chez une personne raisonnablement intégrée dont la vie familiale et professionnelle sont par ailleurs exempts de soucis majeurs. Le roman investit dans le détail les bouleversements induits par le 11 septembre dans la vie quotidienne, la psychologie individuelle, les relations entre les êtres. Centré sur une journée comme le Ulysse de Joyce, Samedi décrit les événements ordinaires d’une journée de congé, le samedi 15 février 2003, journée qui glisse peu à peu vers le cauchemar. De petits incidents surviennent dans la vie de Henry Perowne, neurochirurgien à Londres qui regarde la vie avec le louable souci de comprendre cette vie grâce à la logique scientifique, efficace, simple, répétitive, qui lui a permis de mener jusqu’à ce jour une vie heureuse et solide. Il observe, de son balcon, un avion en feu qui survole Londres et l’angoisse le saisit jusqu’à l’obsession, avec en arrière-plan le rappel des attentats new-yorkais et la difficulté à déchiffrer la vérité du mensonge médiatique et politique (nous sommes en pleine affirmation gouvernementale sur les armes nucléaires irakiennes). En ce jour de congé, qui est également le jour du retour de sa fille après 6 mois passés en France, le jour du match hebdomadaire de squash avec son meilleur ami, anesthésiste américain, et le jour d’une imposante manifestation pacifiste avant la guerre en Irak (plus d’un million de manifestants), la normalité de la vie de Perowne bascule. Dans un style méthodique et quasi chirurgical, McEwan investit les pensées de Henry Perowne tout au long des instants primordiaux de cette journée. La journée va chavirer lorsque, à la suite d’un accrochage mineur avec sa voiture, trois malfrats le menacent et qu’il reconnaît chez le meneur, les troubles d’une affection héréditaire et fatale : l’athétose. Jusqu’à la confrontation finale, on ne saura pas si le neurochirurgien choisira les nouvelles valeurs liées à l’esprit de revanche et le cynisme imposés par le temps de l’après-11 septembre ou bien s’il maintiendra son esprit critique dans les limites sereines et quasi paisibles de « l’honnête homme » et de sa certitude sensible d’une certaine continuité et stabilité environnées de dérèglements qui ne sauraient, peut-être, s’éterniser. Fasciné par sa propre mutation, par un mystérieux morcellement du moi, par ses ambivalences mais aussi par ses convictions profondes, Ian MacEwan étudie en une investigation très fine ce qui apparaît consumé et ce qui subsiste de valeurs éthiques, de respect et d’humanité dans un cheminement personnel soudain en crise. Crise sociale, intelligibilité d’un réel qui bouge et change, conscience de ces transformations, sensation d’un monde perdu, d’un passage dangereux, d’un moment de transition et d’affrontement, crépuscule et déclin d’un système de valeurs et d’une certaine éthique, nostalgie sans illusions, toutes ces directions narratives apparaissent discutées, questionnées et retournées avec un art du récit exemplaire. À ce questionnement foisonnant, l’auteur ne répond pas toujours, ou parfois renvoie dos à dos des réponses contradictoires (notamment au sujet de l’envahissement l’Irak) d’où surgissent de nouvelles possibilités d’interprétation, une forme de pensée qui dénonce les manques et les facilités. Beau roman, un peu long, un peu lent, ambigu, avec une écriture subtile et raffinée et qui pose intelligemment de bonnes questions.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Narrateur unique, jeux sur la temporalité.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Le 11 septembre est particularisé: sa mémoire est présente, marquée au fer rouge, chez tous les protagonistes, deux ans après les faits. Le 11 septembre est omniprésent mais comme cauchemar et réminescence (avion en feu, manifestation, discussion, violence urbaine, menace du terrorisme, manifestation géante à Londres contre la guerre).

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Le roman traite de l’après-11 septembre. Il n’est mentionné que comme un lointain écho, déjà mythifié en quelque sorte, par la menace de la guerre en Irak.

Attitude face aux événements:

Réflexions intellectuelles profondes, peser le pour et le contre, défendre ce à quoi on croit quelles que soient les circonstances et douter.

Moyens de transport:

Un avion en feu au-dessus de Londres va être l’élément déclencheur de l’angoisse propre au récit en rappelant les attentats de septembre 2001. La voiture du personnage principal, une Mercedes, est présentée comme sa seule contribution à des signes extérieurs de richesse et sera à l’origine du conflit, suite à un accrochage avec des malfrats.

Les médias:

L’épouse du neurochirurgien est l’avocate d’un grand quotidien londonien, elle défend la liberté de presse en toute situation. La télévision sert à faire le point sur l’avion en feu qui traverse le ciel de Londres.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

La vie organisée et somme toute heureuse du personnage principal y apparaît soudainement sujette à une extrême fragilité, fragilité accentuée par la résonance au coeur de son quotidien du 11 septembre et de la menace de la guerre en Irak. Le pessimisme et le doute gangrènent ses pensées et ses paroles et ses actes expérimentent cette nouvelle précarité au milieu d’un conflit de forces sociales qui lui semblent de prime abord extérieures. Le conflit à tous les niveaux de l’existence, professionnel et familial, le sentiment d’une identité démasquée car remise en cause font que la réalité des rapports sociaux devient soudain parlante et contradictoire, sombre et lumineuse. Mais il existe aussi chez le personnage un sentiment de malaise, une vague culpabilité oscillante qui cherche tour à tour à justifier ou à réduire les impressions du confort occidental, de l’amour et du bonheur reçus, acceptés et partagés, de la réussite sociale, d’un épanouissement serein dans un pays démocratique. La manifestation organisée à Londres pour protester contre l’entrée en guerre des troupes anglaises en Irak sert de prétexte à évoquer l’après-11 septembre pour toute la famille décrite.

Point de vue sur les événements:

Cette journée est abordée d’un point de vue individuel. il s’agit d’une forme de quête personnelle dans laquelle le contexte politique contemporain n’est nullement absent. Mais la dominante demeure la dimension personnelle.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Pour Henry Perowne – neurochirurgien réputé, mari heureux, père comblé d’un musicien de blues et d’une poétesse – ce devait être un samedi comme les autres. Pas question d’aller défiler contre la guerre en Irak. Plutôt goûter les plaisirs de la vie. Et pourtant… Un banal accrochage, et voilà la violence qui surgit dans son existence protégée. Henry aura beau tenter de reprendre le fil de sa journée, ses vieux démons et le chaos du monde le rattraperont sans cesse durant ces vingt-quatre heures, au terme desquelles plus rien ne sera jamais comme avant. Tout en faisant diaboliquement monter le suspense, McEwan entrelace événements planétaires et privés avec une telle virtuosité que cet étrange samedi devient la métaphore de toute une vie, de toutes nos vies fragiles d’Occidentaux pris dans la tourmente de ce début de siècle. Et cette réflexion profonde sur le hasard et le destin, les pouvoirs respectifs de la science et de l’art, la quête d’un sens qui résisterait à la mort, nous montre une fois de plus, après Expiation, un romancier parvenu à la plénitude de son talent.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

« Tous ces gens sûrs d’eux même face à la complexité du monde me dérangent ». Extrait de la Revue Transfuge dont le Numéro 13 – Novembre/Décembre 2006 est consacré à Ian McEwan : https://web.archive.org/web/20070825162632/http://www.transfuge.fr/ [Consultée le 9 août 2023]
Voir aussi : https://web.archive.org/web/20070814095425/http://www.randomhouse.com/boldtype/0398/mcewan/interview.html [Consultés le 9 août 2023])

Citer la dédicace, s’il y a lieu

À Will et Greg McEwan

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

https://web.archive.org/web/20070309115059/http://www.chronicart.com/livres/livres_fictions.php3?id=10269 [Consultée le 9 août 2023]
https://web.archive.org/web/20070205005358/http://www.benzinemag.net/roman/samedi.htm [Consultée le 9 août 2023]
https://web.archive.org/web/20061125131042/http://pariscotedazur.fr/archives/2006/11/12/654-ian-mcewan-samedi-il-se-passe-toujours-quelque-chose [Consultée le 9 août 2023]
http://www.01men.com/afpt/critiques-livres-evene-eve-livre-22581.html [C’est page n’est plus accessible]
http://www.librairiedialogues.fr/livre/9782070775361/Samedi-Ian-Mc-Ewan-… [Cette page n’est plus accessible]
https://web.archive.org/web/20070701002347/http://www.telerama.fr/livres/M0610091703410.html [Consultée le 9 août]
http://bartllebooth.over-blog.com/article-5123822.html [Cette pas n’est plus accessible]
(Sites consultés le 7 février 2007)

Impact de l’œuvre

Inconnu pour le moment.

Pistes d’analyseÉvaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Ce roman se place d’emblée à l’intérieur du processus de mythification, il participe pleinement de l’écho du 11 septembre.
Ce Samedi a lieu 2 ans après le 11 septembre, et cette journée en subit les conséquences indistinctes, encore ignorées. Le roman analyse un large faisceau de modifications psychologiques, sociales, politiques, qui lui sont dues et complique ou corrige les impressions reçues par le narrateur par le jeu complexe d’un questionnement qui ne se referme jamais totalement devant le lecteur.
Ce qui semble une impression diffuse et plus ou moins oppressante, le pur potentiel d’une menace extérieure, traduit le mouvement et l’ébranlement extrêmement profond provoqué par le 11 septembre au niveau des sociétés occidentales. Le souvenir et la permanence du 11 septembre, cette menace qui pèse de façon sourde, étouffante fixent les enjeux du roman dans une continuité vertigineuse, un bombardement qui isole et qui ne finit plus, sans échappatoires. Le monde a changé, la morale, les comportements ne sont plus les mêmes. L’impossibilité de distinguer l’ampleur des changements, de répondre précisément aux nouvelles questions posées, permet de capter quelques aspects de la mutation sociale amorcée.
Ce roman est une tentative de réponse à l’après-11 septembre mais aussi une partie du processus qui permet de chercher les mots, de délimiter un discours, une parcelle de vérité devant l’éclairage aveuglant du 11 septembre. Nous sommes donc en plein dans le processus de mythification vu du point de vue occidental.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« C’est à cet instant précis qu’il identifie la cause de son vague sentiment de honte ou de gêne : sa tendance à croire que le monde ne sera plus jamais comme avant, que des rues inoffensives comme celle-ci et la tolérance qu’elles incarnent ne peuvent être anéanties par le nouvel ennemi — organisé, tentaculaire, haineux et déterminé. […] Le monde n’a pas fondamentalement changé. Parler d’un siècle de crise est excessif. »
(p.105)

« S’est-il ridiculisé avec ses angoisses ? Cela fait partie du nouvel ordre moral, cette limitation de sa liberté mentale, de son droit de divaguer. Il n’y a pas si longtemps, ses pensées vagabondaient de manière plus imprévisible, sur une liste de sujets bien plus longue. Il se demande s’il ne serait pas en train de devenir un pigeon, un consommateur toujours plus avide d’informations, d’opinions, de spéculations, de la moindre miette lancée par les autorités. Il est un citoyen docile qui regarde le Léviathan accroître son pouvoir tout en se réfugiant dans son ombre. »
(p. 229)

« Derrière lui, comme troublée par ces réflexions, Roslin tressaille, gémit, s’agite, puis redevient silencieuse, et il se tourne à nouveau vers la fenêtre. Londres, celui où il se sent chez lui, est ouvert à tous les vents, impossible à défendre, et attend sa bombe comme une centaine d’autres villes. Les heures de pointes seraient le meilleur moment. […] Les autorités sont d’accord, un attentat est inévitable. Il vit une ère radicalement nouvelle — ce n’est pas parce que les journaux le disent que c’est faux. Mais du sommet de sa journée, l’avenir est plus difficile à déchiffrer, l’horizon rendu indistinct par la multiplicité des possibles. »
(p. 346)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Bibliographie:

L’innocent, Seuil, 1990 L’enfant volé, Gallimard, 1993 Les chiens noirs, Gallimard, 1996 Délire d’amour, Gallimard, 1999 Sous les draps, nouvelles, Gallimard, 1999 Amsterdam, Gallimard, 2001 Expiation, Gallimard, 2003 Samedi, Gallimard, 2006.

Courte biographie:

Né le 21 juin 1948 à Aldershot, fils d’un officier britannique blessé à Dunkerque pendant la guerre, Ian McEwan grandit à Singapour, en Afrique du Nord et en Allemagne. De retour en Grande-Bretagne, il publie « Premier amour, derniers rites ». Il est aussi l’auteur de « L’Enfant volé », « Sous les draps », « Délire d’amour » ou encore Amsterdam qui a obtenu le Booker Prize en 1998. (source https://web.archive.org/web/20071016115843/http://www.ratsdebiblio.net/mcewanian.html [Consultée le 9 août 2023])

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