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Lendemains de terreur

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Romans états-uniens, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Block, Lawrence (2004), Lendemains de terreur, Paris, Éditions du Seuil, 552p. [Block, Lawrence (2003), Small Town, New York, Harper Torch, 541p.]

Disponible sur demande — traduction française et version originale anglaise (Fonds Lower Manhattan Project)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

L’action se passe un an après le 11 septembre. Un homme, Peter Shevlin, a tout perdu, femme et enfants, dans les attentats. Pour lui la ville de New York est responsable de cette immense perte et donc coupable. Il faut la punir. Commencent une série de meurtres inexpliqués. Un écrivain moyen se trouve impliqué dans les meurtres, puis accusé de l’un d’eux. De nombreux personnages gravitent autour de l’entropie provoquée par les meurtres, eux-mêmes continuation des attentats du 11 septembre, meurtres qui frappent de façon presque aléatoire certains quartiers de New York. Victime d’une quête sans espoir, le meurtrier est assez rapidement identifié et, l’apprenant, se terre sur un bateau. La police ne le retrouve pas et le type de narration choisi par l’auteur laisse à penser que ce n’est pas vraiment le plus important. Là où chacun des personnages vit dans un monde à part, les rencontres sont rares et c’est vers une rencontre que l’auteur finit par nous mener. L’administration et la police quant à elles font leur travail dans un mélange d’indifférence et de curiosité sans pertinence morale. Parmi la galerie de personnages, une femme, Susan Pomerance, gérante d’une galerie « d’art marginal », et l’écrivain John Blair Creighton émergent nettement de cette narration longue et complexe. Susan Pomerance entreprend d’aller au bout de ses fantasmes sexuels avec l’ancien chef de la police de N.Y., lui-même en pleine déroute psychologique et qui se révèle un esprit libre. La série de meurtres paraît à partir de là un prétexte qui permet d’explorer divers caractères — immoraux selon les canons en usage, c’est-à-dire non politiquement corrects— et des fonctions sociales (avocats, policiers, écrivains, galeriste, agent littéraire, etc.) dans un New York apparemment préoccupé seulement d’immédiateté, de satisfaction instantanée, de vécu immédiat depuis les attentats de 2001. Entre les commentaires sur le monde de l’édition américaine, le bluff et le métier des agents littéraires, les pratiques sado-masochistes et autres explorations sexuelles, Lendemains de terreur parvient à rendre attachants et proches le désarroi et l’attente sans fin des personnages.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Roman policier.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Narrateurs multiples.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

Ce roman est un roman de l’après-11 septembre. Les attentats de N.Y servent de prétexte à une mise en scène de « conditions » intimes, de feintes et de mouvements séparés qui n’aboutissent à rien pour l’essentiel et surtout pas à une plus grande communication entre les personnages. Le 11 septembre est évoqué par allusions, transversalement aux rebondissements du récit.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements ne sont pas présentés de façon explicite.

Attitude face aux événements: Les personnages du récit sont dessinés de façon à évoquer chacun une façon particulière de se réaliser ou de sombrer. Trois types de réactions émergent nettement :

  1. celle de l’écrivain : nombreux commentaires sur sa fonction, son travail, ses doutes, ses difficultés liées à l’écriture;
  2. celle du tueur qui devrait constituer le ressort du roman mais est abandonnée au profit des attitudes de l’écrivain et de la galeriste;
  3. celle enfin de Susan, la galeriste d’art marginal, personnage attachant qui se lance dans une quête sexuelle, pour elle émancipatrice.

On pourrait résumer l’ensemble des réactions des nombreux personnages de ce livre par cette formule : tout paraît continuer alors que plus rien n’est comme avant.

Moyens de transport représentés: Rien de déterminant côté transport.

Les médias et les moyens de communication représentés: Dans un registre moindre que celui des médias mais tout aussi significatif, une attention toute particulière est apportée par l’auteur aux techniques de vente et au bluff des enchères propres au monde de l’édition américaine, vis-à-vis d’un écrivain prometteur qui a perdu le droit d’être un écrivain banal parce qu’il a été impliqué et inculpé dans une affaire de meurtre.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Peter Shevlin a perdu sa femme et ses enfants dans les attentats. Un des policiers a été aider les pompiers, il en est ressorti traumatisé.

Point de vue sur les événements: Traumatisme pour tous, et quête désespérée de l’instant.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique sur le texte.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

New York, un an après le 11 septembre 2001, un inconnu étrangle Marilyn Fairchild, agent immobilier qui avait pour habitude de draguer dans des bars sordides. Le suspect principal du meurtre s’appelle John Blair Creighton, un romancier en mal d’inspiration… Dans le même temps, un serial killer particulièrement vicieux commence à livrer une guerre sans merci à l’immense cité, dans l’espoir de la laver de ses péchés… Tous ces personnages ont été bouleversés par le 11 septembre. Tous éprouvent un amour immodéré pour cette ville tentaculaire. Tous sont entraînés dans le tourbillon d’énergie, de sexe et de mort des nuits blanches et des aubes blafardes de la mégalopole. Scènes érotiques et scènes de meurtres se mêlent dans ce roman éblouissant où Lawrence Block nous livre ce qui, à ses yeux, constitue l’essence même de New York.

Biographie de l’auteur: Lawrence Block est né à Buffalo (New York) le 24 juin 1930. Auteur, entre autres, de La Balade entre les tombes, Le Diable t’attend, Tous les hommes morts, Le Blues du libraire, Même les scélérats…, etc., lauréat de l’Edgar, du Shamus, du Nero Wolf et du Faucon de Malte, les plus hautes distinctions du genre, il compte parmi les grands du roman policier américain.

On tue ce qu’on veut baiser, principe de base du crime sexuel. »

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Inconnues.

Citer la dédicace, s’il y a lieu

Celui-ci est pour le lapin

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

http://www.lelibraire.org/chronique.asp?cat=8&id=1221 [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

http://www.lire.fr/critique.asp/idC=47025/idR=216/idTC=3/idG=5 [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

http://cuneipage.over-blog.com/article-1998669-6.html [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

http://www.indierockforum.com/index.php?s=a86fa48d10052d3ce4dceb7ab7d7cc… [La page n’est plus accessible.]

« Dans cet ouvrage à la construction éblouissante, Lawrence Block révèle le secret de New York. En fait, la mégalopole n’est qu’une manière de grand village rempli d’individus de toutes sortes unis par des liens aussi solides qu’ils sont invisibles. Et qu’ils soient écrivain, ex-grand manitou de la police, galeriste, avocat spécialisé dans la défense des criminels ou drogué reconverti dans le nettoyage des hauts lieux de la vie nocturne, tous ces gens ont un point commun: un amour immodéré de cette ville qui les abrite. Voilà pourquoi lorsque, dans l’ombre terrifiante des attentats du 11 septembre, un tueur fou commence à livrer une guerre sans merci contre l’immense métropole, tous se sentent concernés.

Et désemparés devant cette machine à tuer qui frappe où et quand elle veut. Écrit dans un style à la fois lyrique et détaché, l’ouvrage est d’une grande violence, – en particulier dans la description de scènes érotiques qui pourront en choquer plus d’un.

Où l’illustre Grand Maître du roman policier américain définit ce qui, à ses yeux, constitue l’essence même de New York et dans un récit d’une grande violence raconte comment un tueur s’est mis en devoir de purger la mégalopole de tous les péchés qui s’y commettent. » (http://librairiepantoute.com/fichelivre.asp?id=190901&/2020591596/lendem…)

Impact de l’œuvre

Consulter les sites Web. Impacts littéraires principalement réduits à la sphère de la littérature policière.

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Après le 11 septembre, lendemains de catastrophe, soulagement, personnages en apnée, valeurs morales en berne, plaisirs et jubilation de l’instant.
L’enquête montre le fouillis des interprétations des meurtres commis par un seul homme, les théories du complot, l’image terroriste qui plane obstinément sur la ville et semble éclairer les assassinats laisse la place à une sorte d’indifférence. La rationalité policière démêle plus ou moins les fils d’une enquête pourtant donnée comme facile, alors que les personnages du récit attendent une suite comme dans un mauvais film qui ne sait pas finir.

Confrontés au traumatisme de l’après-11 septembre, les personnages tentent d’aller au bout d’eux-mêmes en baignant dans une sorte d’instantanéité. L’atmosphère mentale des protagonistes rend le son creux d’un ordinaire inarticulé mais contraint et bouleversé par les implications dans leur vie du 11 septembre. Une sorte d’intelligence confuse de l’urgence de vivre guide le lecteur vers les nœuds d’effarement précédemment vécus au moment des attentats.
Cette approche n’est pas sans intérêt tant elle banalise le 11 septembre à l’intérieur d’un quotidien et d’une psychologie marqués et transformés par lui, un quotidien devenu sans grande signification hormis l’amour (rare) qui redonne sa majesté à la vie si on le cherche et surtout si on le trouve.

Un quotidien en apesanteur renvoie les personnages du récit à leur solitude intrinsèque ou bien vers une survie en expansion basée sur la sexualité, l’érotisme, une sphère érotique élastique qu’il faut habiter sans restrictions pour rester humain.

Ce roman montre les traumas, explore les réactions, décrit leurs prolongements dans les sphères de l’intime, il ouvre aux témoignages de l’après, aux spéculations. Il en propose une lecture violente, sexuée, qui correspond à une image partielle mais cohérente du mythe de New York.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

« Les émeutes contre la conscription avaient eu lieu parce qu’elles devaient avoir lieu.

C’était un sacrifice.

La ville, New York, se sacrifiait pour sa propre gloire.

C’était une saignée rituelle, par le biais de laquelle l’âme de la ville se rachetait et se renouvelait, renaissait de ses cendres parapsychiques pour être encore plus grande qu’auparavant.

Et ces émeutes n’étaient pas un exemple isolé. Pas du tout. La ville avait été ébranlée par quantités de tragédies et de catastrophes majeures et absurdes qui cessaient d’être absurdes quand on les replaçait dans cette nouvelle perspective. » (p.185)

——

« Il chercha son exemplaire des poèmes de Blake, trouva « Le tigre ». Il voulait vérifier un vers, pour être sûr qu’il s’en souvenait bien. C’était bien ça :

« T’a-t-il fait, celui qui fit l’Agneau ? »

Il reposa le livre, s’empara du lapin et le regarda au fond des yeux. Ils étaient en pierre sombre — de l’obsidienne, qui sait ?— et lui donnaient l’air éveillé, ce qui était autant de gagné. S’il fallait qu’on parle à un petit lapin turquoise, mieux valait avoir l’impression qu’il vous écoutait.

« Comment se fait-il que je t’aie embarqué, et comment se fait-il que je ne m’en souvienne pas ? Et qu’est-ce que j’ai fait, juste avant de te prendre, ou juste après ?

Et pourquoi a-t-elle mis mes mains sur sa gorge ? » » (p. 528)

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

Consulter le site (en anglais) de l’auteur: http://www.lawrenceblock.com/index_flash.htm [Page consultée le 8 septembre 2023 via WayBack Machine, URL modifiée]

Couverture du livre

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