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Flight 93

Jean-Philippe Gravel
couverture
Article paru dans Films, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Markle, Peter (2006), Flight 93, États-Unis, 89 min.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Film réalisé en 2005 et diffusé une première fois le 30 janvier 2006 sur la chaîne américaine A & E, Flight 93 se veut la reconstitution des événements entourant l’échec du quatrième attentat, le matin du 11 septembre, dont la cible était la Maison Blanche. Il relate les réactions des passagers et leurs efforts pour mettre en échec la mission-suicide de leurs ravisseurs. Le film porte une attention particulière aux échanges téléphoniques entre certaines victimes et leurs proches, exploitant le potentiel mélodramatique de la situation. Contrairement à l’approche clinique de United 93 de Paul Greengrass, Flight 93 tend à employer des caractérisations types et des situations convenues pour atteindre la catharsis du spectateur. Les efforts de coordination et d’intervention entre les divers organismes de sécurité mobilisés ce jour-là ne constituent que l’arrière-plan d’une situation que le film présente essentiellement sous l’abord d’une grande tragédie humaine.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Long-métrage de fiction, «basé sur des faits vécus», dont la forme s’apparente au film catastrophe et au docu-fiction.

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Déroulement chronologique. Narration hétérodiégétique à focalisation externe et points de vue multiples. Emploi de sous-titres pour traduire quelques dialogues en arabe, ainsi que pour indiquer l’heure et le lieu de certaines scènes. Musique empathique composée pour le film. Un bref flashback subjectif, évoquant l’entraînement d’un terroriste au pilotage.

La facture visuelle se rapproche du cinéma direct, par son utilisation fréquente de la caméra à l’épaule, de zooms brusques, etc., mais cet effet de réalisme et de «direct» entre en contradiction avec l’ubiquité de la caméra, la variation extrêmement nombreuse des points de vue (tant au sol que dans l’avion) qu’organise le montage. Le film tente plus ou moins adroitement d’équilibrer ce qui serait l’exploitation du caractère terrifiant de la situation et un certain recours à l’emphase dramatique afin de favoriser l’identification émotive des spectateurs avec des personnages passablement typés (mère ou épouse inquiète, mari aimant, etc.)

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée en ce que le film fictionnalise les événements qui se sont déroulés à l’intérieur du vol 93 en mettant l’accent sur leurs retombées auprès des proches des passagers. La saisie graduelle de l’ampleur des événements — une catastrophe nationale — passe par la vision des images télévisées des tours du World Trade Center, de la frappe du premier avion à l’effondrement des tours, par des «inserts» reconstituant des bulletins d’actualité.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de façon explicite. Le film se déroule principalement à l’intérieur du vol United 93. Il dramatise également les conversations téléphoniques entre certains otages de l’avion et leurs épouses et parents, dont l’attitude progresse au cours du film: alarmistes, effrayés ou négationnistes au début, les proches des victimes tendent, à mesure que se confirme l’horreur de la situation, à adopter un rôle aussi volontaire que possible, informant les victimes des derniers développements (captés à la télévision) à propos des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, avant de suggérer aux victimes de lutter contre leurs agresseurs. En fin de course, l’attitude devient plus fataliste ou résignée : échanges de paroles affectueuses, manifestations de support, prière et recueillement…

Moyens de transport représentés: Les avions qui ont servi à perpétrer les attentats du 11 septembre, et spécialement le vol 93, sont mis en scène et sont au cœur du récit. D’ailleurs, United 93 comporte quelques plans extérieurs assez spectaculaires, montrant les mouvements erratiques de l’avion lorsque les terroristes s’emparent du cockpit, puis au moment où l’avion vient survoler un champ à très basse altitude avant de s’écraser.

Les médias ou les moyens de communication représentés: Les téléphones (cellulaires et autres) sont ici des accessoires de première importance puisqu’ils servent d’unique moyen de contact avec l’extérieur dont disposent les victimes. La nécessité entre les intervenants de «rester en contact» (ce qui ne va pas sans ratés), devient un enjeu majeur du «suspense», ainsi que le rôle des téléphones pour assurer le relais des informations qui permettent aux personnages de prendre graduellement la mesure de l’ampleur de l’attaque dans laquelle ils se trouvent impliqués.

Le film met également en scène la captation des messages des terroristes par le FAA Center de Boston, et l’appel d’une hôtesse («Amy»: probablement Madeline Sweeney) du vol 11 par l’American Airlines Center de Boston, peu avant son écrasement dans la tour nord; il met en scène l’avertissement (fax? radar?) d’American Airlines au vol 93, concernant la possibilité d’une intrusion dans le cockpit des pilotes, et la captation par le centre de contrôle du traffic aérien FAA Center des messages de menace du pilote terroriste Ziad Jarrah sur la présence d’une bombe à bord de l’avion.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Les principaux protagonistes sont les passagers du vol 93, à la fois les victimes et les terroristes; s’y ajoutent les proches des victimes qui ont été en contact avec elles par téléphone au cours des événements. D’une manière ou d’une autre, chacun est concerné directement par la préparation, la gestion ou les conséquences des attentats. La dramatisation parfois outrancière des échanges entre les victimes et leurs proches, la somme de personnages impliqués et les registres émotifs couverts ici pour solliciter l’empathie du spectateur, permettent de dire que le film présente un point de vue collectif sur les attentats, au sens d’une tragédie collective présentifiée comme une somme de drames individuels.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Évidemment, le film déploie un arsenal efficace de bruitages lors des séquences qui se déroulent à l’intérieur de l’avion: bruits de réacteurs, communications radio, etc. Les messages envoyés par transmetteurs par les terroristes sont aussi fidèlement reconstitués dans le film.

La partition musicale quant à elle est extradiégétique et empathique. Elle s’inspire souvent de motifs horlogers, suggérant le tic-tac d’une bombe à retardement ; lors des moments plus tragiques, elle arbore, bien sûr, la pompe solenelle commandée par les circonstances.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

FLIGHT 93 tells the stirring story of the brave passengers and crew aboard hijacked United Airline’ Flight 93 on September 11, 2001. After learning of the attacks on the World Trade Center and the Pentagon, these ordinary civilians chose to fight back against the terrorists. The courageous revolt ultimately led to the deadly crash in a Shanksvill, Pennsylvania, field, just 20 minutes from Washington. The passengers’ actions likely prevented the plane from being used as a guided missile to destroy the U.S. Capitol or the White House.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

Aucune intention connue pour le moment (11/2007).

Citer la dédicace, s’il y a lieu

«This film is dedicated to the passengers and crew of Flight 93, and to their families.»

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Impact de l’œuvre

Inconnu pour l’instant (11/2007).

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

United 93 de Paul Greengrass et Flight 93 ayant été diffusés à un mois d’intervalle, il est difficile de ne pas se prêter au jeu de la comparaison entre ces deux films qui portent sur un même sujet et qui, superficiellement, empruntent des procédés semblables pour en rendre compte (soit la forme apparente du docu-fiction). On s’aperçoit bien vite qu’au-delà de leurs ressemblances superficielles les deux films comportent des différences de traitement majeurs.

La plus importante de toutes concerne sans doute la fonction attribuée aux moyens de communication dans chacun des films. Tandis que l’approche d’United 93 relevait plutôt de l’autopsie — inspirant un certain sentiment d’absurdité face au manque de coordination qu’il soulignait entre les différents appareils de sécurité échouant à intenter une action préventive contre les attentats, Flight 93 fait porter l’accent sur les échanges ultimes et chargés d’émotion entre certains passagers et leurs épouses ou leurs pères et mères. Le film fait ainsi défiler des personnages typés, sujets à des réactions typées, où se mêlent, à mesure qu’ils prennent graduellement conscience de l’ampleur exceptionnelle de la situation (notamment grâce aux bulletins de nouvelles), le déni, l’inquiétude hystérique, la résignation et le recueillement. On remarquera en passant les efforts du scénario pour leur accorder un rôle aussi pro-actif que possible dans les circonstances, faisant parfois de certains parents et épouses les premiers personnages à proposer aux victimes de résister contre les terroristes et de s’emparer de l’avion.

Reste que tout ce déploiement d’émotion ne résoud pas le problème, bien simple, que le spectateur, sachant d’avance quelle sera l’issue de l’affaire, pourra trouver ces développements inutiles, bien plus à leur place dans un film-catastrophe, dont le dénouement fictif peut promettre une fin heureuse, que dans cette «reconstitution» dont les moments les plus éminemment dramatisés (et ces échanges en sont), semblent accuser l’échec des procédés emphatiques de la fiction hollywoodienne à pouvoir dramatiser un incident réel sans céder à ses écueils habituels — défi que relève plus sobrement le film de Greengrass —, c’est à dire à pouvoir fictionnaliser l’événement sans le mythifier.

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

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Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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Affiche / pochette du film

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