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Devant la douleur des autres

Émilie Houssa
couverture
Article paru dans Essais, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Ouvrage référencé: Sontag, Susan (2003), Devant la douleur des autres, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 138p.

Problématique principale et thèses

Devant la douleur des autres est un essai sur les images de guerre, plus exactement sur leur statut, leur lecture et leur utilisation (politique et médiatique). L’ouvrage se décompose en neuf parties qui ne désignent une progression ni thématique ni chronologique. Susan Sontag réfléchit dans ces pages à la façon dont nous envisageons les images de guerre à travers une multitude d’événements (de la Seconde Guerre mondiale aux guerres (russe et états-uniennes) en Afghanistan) et une multitude d’auteurs (de Charles Baudelaire à Roland Barthes). L’ensemble part d’une question pour en arriver à une autre. Tout l’essai semble en effet tendu entre deux questions. La première ouvre l’ouvrage: «Comment pouvons-nous faire, selon vous, pour arrêter la guerre?» (Sontag, 2003, p.11). Sontag reprend ainsi la question posée à Virginia Woolf au moment de la guerre d’Espagne, question à la base de l’ouvrage Trois Guinées que Virginia Woolf publie en 1938. Devant la douleur des autres découle aussi de cette question, à laquelle Sontag ajoute une autre question dans la droite ligne de la première, une question simple et pourtant vrai problème pour Sontag: «Existe-t-il un antidote à l’éternelle séduction qu’exerce la guerre?» (Sontag, 2003, p.130). Mais aussi, plus précisément, «pourrait-on se mobiliser activement contre la guerre au vu d’une image (ou d’un groupe d’images) comme on peut rejoindre les rangs des opposants à la peine de mort en lisant par exemple, Une tragédie américaine de Dreiser ou L’Exécution de Troppmann de Tourgueniev» (Sontag, 2003, p.130)? Sontag interroge la valeur d’une image, la force de persuasion, la force de séduction mais aussi la force de subversion que peut représenter une image et le récit qu’elle porte. Est-ce qu’une image peut (re)présenter: rendre présente, la guerre? Si oui de quel droit, sous quel angle pouvons-nous nous confronter à ces vues? Ce nous est finalement le cœur du problème pour Sontag.

«Nous – ce “nous” qui englobe quiconque n’a jamais vécu une telle expérience – ne comprenons pas. Nous ne saisissons pas la chose. Nous ne pouvons imaginer à quel point la guerre est horrible, terrifiante – ni à quel point elle peut devenir normale. Nous ne pouvons ni comprendre, ni imaginer. C’est ce que chaque soldat, chaque journaliste, chaque travailleur humanitaire, chaque observateur indépendant ayant connu le feu de la guerre et eu la chance d’échapper à la mort qui frappait les autres, tout près, éprouve, obstinément. Et ils ont raison.» (Sontag, 2003, p.134).

Cette conclusion vient après une longue description d’une photographie de Jeff Wall: Deaf Troop Talk (A Vision After an Ambush of a Red Army Patrol, near Moqor, Afganistan, Winter 1986). Cette description, comme les nombreuses autres de l’ouvrage, sert d’illustration problématique. Devant la douleur des autres est ainsi plein de ces images fortes et sanglantes racontées. C’est-à-dire que, concrètement, il n’y a pas d’images dans le livre, mais pour chaque exemple, chaque événement, Sontag fait appel à une image qu’elle nous décrit, nous raconte. Sontag interroge ainsi plus implicitement, mais aussi plus généralement tout le long de cet essai, la capacité d’une image à raconter, plus précisément, notre capacité à nous raconter une image. Question essentielle pour ce que Sontag nomme non pas la mémoire collective mais l’instruction collective (Sontag, 2003, p.94).

Place des événements dans l’œuvre

Les événements du 11 septembre 2001, comme de nombreux autres événements, ponctuent la réflexion de Sontag au cours de cet essai. Les attentats du 11 septembre et leur médiatisation permettent à Sontag de s’interroger sur la possibilité de représenter un événement, plus exactement l’horreur d’un événement (Sontag, 2003, p.29). Mais ils constituent également un événement problématique quant à l’esthétisation des images de terreur: les «belles images» de Gilles Peress, Susan Meislas ou Joel Meyerowitz (Sontag, 2003, p.84) ou la commercialisation de Here is New York (Sontag, 2003, p.35) réinterrogent le «comment montrer». Sontag va plus loin, avec le 11 septembre, c’est l’utilisation politique des images de terreur qu’elle analyse. Pour Sontag (2003, p.29-30): «Une catastrophe vécue prendra souvent, étrangement, l’apparence de sa représentation. L’attentat contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001, a été décrit comme “irréel”, “surréel”, “semblable à un film” – tels sont les premiers commentaire que l’on pu entendre de ceux qui avaient fui les tours ou avaient assisté à leur effondrement.» Cette sensation d’irréalité autour des événements est alimentée par le fait qu’aucune photographie des corps des victimes des attentats ne sera rendue publique. Ainsi l’imaginaire autour de Ground Zero, désigné par Sontag comme «cette immense fosse commune» (Sontag, 2003, p.84), restera complètement aseptisé. Sontag accuse ainsi le politiquement correct qu’il y avait à ne pas vouloir reconnaître l’esthétisation forte des images de l’événement, mais aussi, plus profondément, la force politique de ces non-images face aux, bientôt, multiples images des prisonniers Afghans. Susan Sontag de rappeler les trois photographies en couleur de Tyler Hicks, montrant la capture, la torture et l’exécution d’un prisonnier Afghan, publiées dans le New York Times le 13 novembre 2001 (Sontag, 2003, p.21). Les événements du 11 septembre participent ainsi de la réflexion plus générale menée par Sontag. Cependant, ces événements prennent une place particulière dans l’argumentation de Sontag, ils ponctuent sa réflexion générale et intemporelle pour lui donner une assise résolument actuelle (rappelons ici que l’ouvrage paraît pour la première fois en 2002).

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

On reproche aux images d’être le support d’un souffrance que l’on regarde à distance, comme s’il y existait d’autre façon de regarder. Mais regarder de près – sans la médiation de l’image- n’est encore que regarder.

Certains des reproches adressés aux images de l’atroce ne diffèrent pas de ce qui caractérise la vue elle-même. La vue n’exige pas d’effort; elle requiert une distance spatiale; elle peut se faire aveugle (nos yeux sont équipés de paupières mais nos oreilles n’ont pas de portes). Les qualités mêmes qui faisaient de la vue, chez les philosophes grecs, le plus excellent, le plus noble des sens, sont aujourd’hui jugées déficitaires.

Le sentiment domine qu’il s’attache une valeur moralement négative à ce condensé de la réalité qu’offre la photographie; que l’on n’a pas le droit d’éprouver la souffrance des autres à distance, lorsqu’elle est dépouillée de son pouvoir brut; que l’on paie un prix humain (ou moral) trop élevé l’apanage si longtemps prisé de la vision – cette capacité à se mettre en retrait de l’agressivité du monde pour se rendre libre d’observer et de choisir ce à quoi nous souhaitons prêter attention. Mais en disant cela, on ne fait jamais que décrire la fonction de l’esprit lui-même.

Il n’y a rien de mal à prendre du recul et à réfléchir. La sagesse dit: «On ne peut pas frapper et penser en même temps.» (Sontag, 125-126)

Noter toute autre information pertinente à l’œuvre

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Table des matières

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Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Texte sur les rabats de l’ouvrage, traduit par Fabienne Durant-Bogaert

«L’un des traits distinctifs de la vie moderne est qu’elle dispense d’innombrables occasions de considérer (à distance, à travers le support de l’appareil photographique) les horreurs qui adviennent dans toutes les parties du monde. Les images d’atrocités sont devenues, par le biais de l’écran de télévision ou d’ordinateur, une sorte de lieu commun. Mais la description de la cruauté a-t-elle pour conséquence d’immuniser les spectateurs contre la violence ou de les y inciter? Leur perception de la réalité est-elle érodée par le barrage quotidien des images? Que signifie se sentir concerné par les souffrances des gens dans des zones de conflit lointaines? Il y a vingt-cinq ans, l’essai désormais classique de Susan Sontag, Sur la photographie, définissait les termes du débat. Le présent livre s’attache à reconsidérer en profondeur l’interaction qui s’opère entre l'”actualité”, l’art et la manière dont nous comprenons la description contemporaine de la guerre et du désastre. On prête volontiers aux images le pouvoir d’inspirer la protestation, d’engendrer la violence ou de produire l’apathie: autant de thèses que Susan Sontag réévalue en retraçant la longue histoire de la représentation de la douleur des autres – depuis Désastres de guerre de Goya jusqu’aux documents photographiques de la Guerre de Sécession, de la Première Guerre mondiale, du lynchage des Noirs dans le sud des Etats-Unis, de la guerre civile espagnole, des camps de concentration nazis jusqu’aux images contemporaines venues de Bosnie, de Sierra Leone, du Rwanda, d’Israël et de Palestine, ou de New York, le 11 septembre 2001. Ce livre nous parle aussi de la manière dont ont fait (et comprend) la guerre aujourd’hui, convoquant nombre d’exemples empruntés à l’histoire et quantités de thèses émanant des sources littéraires inattendues. Platon, Léonard de Vinci, Edmund Burke, Wordsworth, Baudelaire et Virginia Woolf participent tous à cette passionnante réflexion sur la vision moderne de la violence et de l’atrocité. L’ouvrage contient aussi une critique virulente du provincialisme de certains “experts” médiatiques qui dénigrent la réalité de la guerre et substituent à une intelligence politique du conflit un discours désinvolte prônant l’existence d’une nouvelle “société du spectacle” universelle. De même que Sur la photographie nous invitait à repenser la nature de notre modernité, Devant la douleur des autres modifiera notre appréciation non seulement des usages et de la signification des images, mais aussi de la nature de la guerre, des limites de la compassion et des obligations de la conscience.»

Dédicace

«Pour David»

Entrevues

Extrait d’un entretien de Bill Moyers avec Susan Sontag qui eut lieu le 4 avril 2003:

«BILL MOYERS: Let me ask you to– what did you want us, the reader, to take away from this book?

SUSAN SONTAG: What I want people to think about is how serious war is. How it is elective. It’s not an inevitable state of affairs. War is not the weather. I want people to think about what war is. And at the same time, I know it’s very hard. I end the book by saying, in a way the world is divided into people who know– have had direct experience of war, and people who haven’t.

And if you’ve had a direct experience of war, and I think every single soldier, or journalist who’s been– in– you know, in the trenches and the front line or an observer– or human rights worker, or anybody who has actually had a direct experience, prolonged direct experience with war, knows that when you go home, and people say, “How was it?” Or “What was it like?” You really can’t explain. You can’t– you– you– you feel as if you can never tell them what it was really like.

That it is both more horrible than any kind of pictures could convey, and maybe one of the most horrible parts of it is that it becomes a normality. It becomes a world that you can live in. There is a culture of war.

BILL MOYERS: Let’s talk about the images in REGARDING THE PAIN OF OTHERS. Why don’t images that you write about and that we see, why don’t they stop war?

SUSAN SONTAG: I don’t think images can stop war, because I don’t think images just come all wrapped up with their meanings– very apparent to us. I think the images, as I say, they’ll disgust you with war in general, but they won’t tell you which of the wars, let’s say, that might be worth fighting, like World War II, and the ones that you should bring to an end as quickly as possible or pull out of. That– for that you have to have a politics or you have to have an ethics, or you have to have some knowledge. And that’s why you need words to go with the images.

It’s not the pictures that are going to tell us that specific message. The pictures are going to tell us how terrible war is. But they’re not going to help us– understand why this war is wrong.

Because you know, the other people will just say, “Well, hey, war is hell.” I mean, don’t you know that? But grow up. You know, did you think war was– pretty activity in which nobody gets killed? Of course! War is hell.” So the pictures are not going to tell us to stop a particular war, a particular war. And for that we need debate, and we need a two party system, which we no longer have in this country.

So this is a book that really wants to talk about how horrible war is. Precisely in the way that images both convey it and can’t convey it.

BILL MOYERS: Well, what do you mean? They convey it– they convey a slice of it, but not the totality?

SUSAN SONTAG: Well, they can– of course they can’t convey the totality. That goes without saying. No image can. But it’s also the– when you watch things through an image, it’s precisely affirming that you’re safe. Because you are watching it. You’re here and not there. And in a way you’re also– you’re– you’re innocent. You’re not doing it. You’re neither being killed nor are you– are you firing the gun.

You become a spectator. It confirms you in a kind of feeling of– invulnerability. On one level it’s people looking at war as spectacle. But they don’t just look at it as spectacle. They just look at it as, well, that’s a terrible thing. Really terrible. And they turn the channel.

You know, I opened– I’m a very faithful reader of the NEW YORK TIMES– every morning. And when I see that section, The Nation At War, and I look at those incredible color photographs of the Iraqi mother with her children cowering and– you know, and some bombardment or dead bodies or American soldiers or debris or destroyed houses, day after day after day, I think, “This is extraordinary that we can be here and we’re so safe. And they’re there.” And that’s a situation we’re just going to get used to.

BILL MOYERS: You once wrote that a picture becomes apathetic unless it leads you to action, or something like that. What should we do when we see images like this?

SUSAN SONTAG: Well, how do we get politics back into our lives? I mean, that– we have– we have a– a form of politics now in which we’re told that our duty as citizens is to assent, to be supportive. United we stand. That’s a very sinister slogan, as far as I’m concerned.

BILL MOYERS: Well, there’s a big tendency in America to make patriotism into consensus.

SUSAN SONTAG: Exactly. So if you’re a patriot, then you have to agree with the government. Well, I think I’m the patriot, or at least as patriotic as anybody who supports this war. Because I do have the interests of this country in mind when I oppose this war.

BILL MOYERS: You write in here, “Compassion is an unstable emotion. It needs to be translated into action or it withers. Otherwise, you say, one starts to get bored, apathetic, cynical.” What do you do with your comp– what do you with your compassion?

SUSAN SONTAG: Well– I’m an evangelist. I talk a lot. And– I try to set information. I speak, I write. I guess I believe in ethical action. I am an activist in that. I feel a need to put my life where my mouth is or my life where my keyboard is. I feel a need to act on what I believe or what I say I believe. It’s if I don’t act on it then I don’t think it’s worth anything.»

http://www.pbs.org/now/transcript/transcript_sontag.html [La page n’est plus disponible.]

Impact de l’œuvre

Cet essai a fait l’objet de nombreuses analyses dans différents périodiques (cf. https://web.archive.org/web/20090524083718/http://www.photovisionmagazine.com/articles/painofothers.html [Consultée le 9 août 2023]), de nombreuses critiques (cf. https://web.archive.org/web/20100909152353/http://www.guardian.co.uk/theobserver/2003/aug/03/society [Consultée le 9 août 2023])  et de nombreux comptes rendus (cf. François Brunet, « Susan Sontag, Devant la douleur des autres, trad. de l’anglais par F. Durant-Bogaert, Paris, Christian Bourgois, 2003, 139 p. », Études photographiques, 15 | Novembre 2004, [En ligne1Consultée le 9 août 2023], consulté le 14 décembre 2009.) Il fut traduit (en 2003 en France par exemple) et édité dans de nombreux pays. Il y eut même une nouvelle édition américaine en 2004. On cite également très régulièrement cet ouvrage dans des études sur l’image de guerre.

Pistes d’analyse

Les pistes d’analyse de cet essai sont multiples, mais celle qui me semble cependant la plus importante a trait à ce que j’ai déjà exposé dans la présentation de l’ouvrage: ce que Sontag nomme «l’instruction collective». Comment l’image, l’image de guerre en l’occurrence, entre-t-elle dans «l’instruction collective»? Et pourquoi Sontag refuse-t-elle l’appellation de mémoire collective dans ce cas-ci? Le terme de mémoire collective vient de Maurice Halbwachs qui désigne par mémoire collective une mémoire directe et orale, contrairement à la mémoire culturelle (qui représente, pour Halbwachs, une réserve de souvenirs à partir desquels une communauté constitue son présent). La mémoire collective repose sur une transmission immédiate. Mais ici, Sontag ne fait pas tant la différence entre ces deux termes pour refuser l’appellation de mémoire collective, qu’elle ne semble la rapprocher de l’idée de «culpabilité collective» (Sontag, 2003, p.94). Pourtant, il est intéressant de voir comment Sontag  construit une argumentation serrée (notamment dans la cinquième partie de son essai) pour montrer que la photographie n’est pas seulement un emprunt, mais bien un récit, une histoire à transmettre.

«Les sociétés, écrit Sontag, nomment ces objets de réflexion «souvenirs», ce qui est, à long terme, une fiction. Toute mémoire est individuelle et ne peut se reproduire – elle meurt avec chaque individu. Ce qu’on appelle mémoire collective n’est pas le travail du souvenir, mais une stipulation: voilà ce qui compte, voilà comment l’histoire s’est déroulée, et les images sont là pour inscrire l’histoire dans nos têtes.» (Sontag, 2003, p.94)

Pour en arriver là, Sontag part de l’idée commune relayée par bon nombre d’intellectuels de «l’inauthenticité du beau» (Sontag, 2003, p.86). Une image trop «filmique», trop «composée», trop «belle», ne pourrait pas être vraie. Mais ce que montre Sontag, c’est que ce beau, s’il crée une distance avec l’objet représenté, permet également une distance pour le spectateur de l’image. Cette distance, c’est le récit qui se crée explicitement entre deux personnes via une image: dépositaire d’une histoire en proposition. La force d’une image travaillée ouvertement va moins «choquer» par le sujet même qu’elle présente (on s’attachera – et donc se choquera – plus sur la forme qu’elle prend) et donc moins influencer la personne qui la regarde. Ce décalage crée un temps, un temps de réception, de réflexion face à l’image, l’individu spectateur entre ainsi dans la construction même de l’image: c’est-à-dire non pas seulement le sujet présenté, mais la façon dont il est présenté. Et pour les images de guerre, des images violentes par leur sujet même, le sectateur devient par ce biais plus à même de se raconter cette violence plutôt que de la subir. Certains pourront alléguer le fait que cette distance ne permet plus à ces images de dénoncer l’horreur, pourtant ce que montre Sontag, notamment en prenant le dernier exemple de son ouvrage (la photographie de Jeff Wall : Deaf Troop Talk (A Vision After an Ambush of a Red Army Patrol, near Moqor, Afganistan, Winter 1986), c’est que l’histoire qui peut alors se poser sur ces images, si nous n’avons jamais été confrontés directement à la guerre, est notre incompréhension (au sens premier du terme, notre incapacité à faire nôtre) de la force de l’horreur. Ce décalage permet ainsi de révéler, de manière la plus «réelle» qui soit, l’inhumanité profonde de toute guerre.

Cette réflexion permet de mettre en perspective toute la médiatisation autour des événements du 11 septembre 2001. Du contrôle des images de Ground Zero, à l’importance qu’ont pris les photographies des victimes sur les murs de la ville, en passant par les milliers d’expositions, d’ouvrages et de projets qui ont repris et réfléchi l’imaginaire du 11 septembre, Sontag donne avec Devant la douleur des autres des pistes d’analyse fortes pour réfléchir cette mémoire (nécessairement individuelle pour Sontag, 2003, p.94) mise en partage et contrôlée pour constituer une histoire collective.

Couverture du livre

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    Consultée le 9 août 2023
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