L’œuvre du poète constructiviste brésilien Augusto de Campos, désignée de contrapoemas, cherche à saboter les modes et les esthétiques traditionnelles de la littérature, résistant à ce qu’il nomme la «sclérose du langage», pour donner vie à une anti-littérature. La contrapoésie d’Augusto de Campos évite ainsi les associations typées ou génériques à l’identité, au langage, ou à l’imagerie visuelle, et dans la foulée, établit un mouvement de poésie concrète brésilien et mondial réputé pour ses pratiques artistiques expérimentales, le concretismo. L’incursion de De Campos sur Internet n’a servi qu’à réaffirmer son avant-gardisme alors qu’il continue de travailler la poétique en tant qu’assemblage d’éléments VERBIVOCOVISUELS, déployant «une multiplicité de médias afin d’explorer les dimensions verbale, vocale et visuelle du mot poétique, à travers des vidéos, des poèmes animés numériques, la culture populaire, la sculpture, la peinture et la musique d’avant-garde» (Shellhorse, 148). Dans le monde du Web et des arts médiatiques qui se développe rapidement, l’esthétique du Web de troisième génération (Flores, 2019) et l’obsolescence technologique fusionnent pour créer un environnement de réception aussi dynamique que celui de création de ces œuvres. Haroldo de Campos (1929-2003), frère d’Augusto, met l’emphase sur la traduction créative des œuvres littéraires et soutient que la traduction est une pratique de création et non seulement d’adaptation. La traduction ne sépare jamais le mot de sa signification, ce qui implique qu’une œuvre traduite est une nouvelle œuvre de création (Mallac, 1970).

Le 10 et 11 juin 2021, la Chaire ALN/NT2, en collaboration avec McGill Digital Humanities et Aarea.co, a tenu un colloque intitulé Trans[création], inspiré de la notion de transcréation (transcriação) développée par Haroldo de Campos. Une exposition éponyme, dévoilée lors de la première journée du colloque, rend hommage aux premières œuvres d’art Web d’Augusto de Campos. Trois de ses œuvres Web nouvellement converties de Flash à HTML5 sont exposées aux côtés de trois œuvres hypermédiatiques originales d’artistes canadiens. La cohabitation des œuvres dans cette exposition prend la forme d’un dialogue entre la littérature électronique issue des premières générations et l’art Web actuel, leurs technologies respectives, mais également entre le Brésil et le Canada. Trans[création] a donné place pour des membres de la communauté artistique de se réunir pour visionner et discuter de l’œuvre de De Campos et sa contribution à l’évolution continue de l’art numérique.

Bibliographie

Flores, Leonardo. 2019. «Third Generation Electronic Literature». Electronic Book Review. <HTTPS://DOI.ORG/10.7273/AXYJ-3574>.

de Mallac, Guy. 1970. «Brazilian Structuralism: Haroldo De Campos». Contemporary Literature. JSTOR. <WWW.JSTOR.ORG/STABLE/1207537>.

Shellhorse, Adam Joseph. 2020. «The Verbivocovisual Revolution: Anti-Literature, Affect, Politics, and World Literature in Augusto De Campos». CR: The New Centennial Review. JSTOR. <WWW.JSTOR.ORG/STABLE/10.14321/CRNEWCENTREVI.20.1.0147>.

Crédit (image): Wallace Masuko

Communications de l’événement

Katherine (Kate) Bundy

SOS/404: Transcreation+Digital Obsolescence

Kate Bundy nous propose une observation brève et temporaire, au cœur de Trans[création] sur les Clip Poemas de de Campos. Il s’agit d’un problème à la fois matériel et poétique, qui peut certainement être réparé, renouvelé, traduit et «transcréé». C’est ce code d’erreur HTTP que l’on obtient lorsque l’on clique sur quelque chose qui n’existe plus sur le World Wide Web: 404. Il existe un curieux dialogue entre ce code d’erreur et l’un des Clip Poemas de Campos intitulé SOS.

Langue: anglais

Lara Bourdin

From self-translation to digital transcreation: reflections on movement between (artistic) languages

Du chevalet à la platine, de la page à l’écran: le mouvement à travers les médias est un aspect essentiel de la création artistique. La théorie sur les peintres-sculpteurs tels que Picasso ou Braque nous apprend que ces artistes recherchaient un engagement plus complet avec leurs sujets. Pouvons-nous comprendre les changements entre l’analogique et le numérique comme faisant partie de cette longue histoire de la pratique artistique transmédia? Et comment la théorie de l'(auto)traduction peut-elle nous aider à éclairer les enjeux esthétiques et sémantiques de ces passages d’un média à l’autre?

Langue: anglais

Stephen Keller

Language, Code, Translation

Stephen Keller aborde le concept de langage: la manière dont nous communiquons entre nous et avec nos homologues machines, les ordinateurs. La poésie et l’utilisation poétique du langage reposent traditionnellement sur la récitation orale d’un poème ou la sédimentation du poème sur le papier. La poésie électronique nécessite un ensemble d’instructions données à l’ordinateur avant qu’un poème puisse exister dans le substrat numérique. La conférencier examine l’acte de traduction d’un poème électronique d’un langage informatique à un autre: le sens est-il perdu/créé dans le processus?

Langue: anglais

Lidia Ponce de la Vega

(Virtual) Repatriation: Repaired, Returned, Reborn

Lidia Ponce de la Vega problématise le concept de rapatriement virtuel en explorant les questions et les défis du retour et de la réparation (virtuels). Elle se penche sur la relation entre les objets numériques et les idées de nation, de propriété, de partage de données, de matérialité et de libre accès. En proposant le concept de rapatriement épistémique virtuel, la conférencière soutient que les objets numériques, qu’ils soient numériques ou numérisés, constituent un nouveau point de départ pour le développement de nouvelles connaissances ancrées dans les espaces numériques.

Langue: anglais

Nancy Perloff

«Linguaviagem»: Corresponding with Augusto de Campos

Dans le poème Acaso (1963, mot portugais signifiant «hasard»), Augusto de Campos applique un processus de permutation qui aboutit à des anagrammes dont l’ordre et la structure ne sont pas immédiatement apparents. Augusto appelait ses anagrammes des «vocables anagrammatiques», ce qui pourrait impliquer un son et une performance (comme Cidade), mais Acaso est davantage un poème abstrait avec des motifs que nous essayons de lire et de déchirer visuellement. Nancy Perloff explique comment Augusto rend le déchirage plus dicile en alignant tous les anagrammes d’«acaso», dans l’ordre alphabétique, puis en inversant cet ordre. Sa règle: éviter l’apparition de «acaso» et, en fait, éviter de former n’importe quel mot vernaculaire, ne suggérant dans la dernière strophe que le mot «caos» (chaos) dans «acaos» (qui évoque «pas de chaos») et «caaos» (qui donne un soupçon de chaos). En raison de l’utilisation de toutes les permutations possibles des lettres «acaso», le mot qu’il épelle ne doit apparaître qu’une seule fois et il le fait dans le huitième bloc de texte (cinquième ligne). La conférencière propose une comparaison entre l’utilisation du «hasard» par Augusto et John Cage, en faisant valoir que les éléments aléatoires ne jouent en fait qu’un rôle mineur pour chacun, et elle conclue sa communication par une lecture de la dimension «verbivocovisuelle» dans un poème minimaliste contrasté, Sem um numero (Sans chire) (1957).

Langue: anglais

Marcelo Noah

Entre o pós-tudo e o porvir: aproximações entre Augusto de Campos, João Giberto e Caetano Veloso

Augusto de Campos a réussi à représenter simultanément le mouvement auquel il appartenait en tant que l’un de ses créateurs et à élargir le champ de sa pratique poétique guidée par le principe de l’«invention», de sorte que l’impératif créatif dépasse toute simplification réductrice. En plus de la provocation calculée aux tabous de la poésie versifiée, la poésie concrète a proposé une nouvelle perspective aux écrivains.es et aux lecteurs.rices, élargissant l’expérience cognitive en relation avec la poésie. Dans sa communication, Marcelo Noah observe les points d’intersection entre la poésie concrète d’Augusto de Campos et la musique, en particulier celles de João Gilberto et de Caetano Veloso.

Langue: portugais

Eduardo Jorge de Oliveira

O poema e a margem de recusa—notas de leitura sobre Augusto de Campos

Le refus est une ressource fondamentale dans l’œuvre d’Augusto de Campos, car il est la mesure de l’imagination poétique. La marge est au centre: son éthique est dans le mot, le rythme et l’art de traduire. Dans sa communication, Eduardo Jorge de Oliveira développe l’argument de de Campoos: «Mon objectif est la poésie, qui -de Dante à Cage- est couleur, est son, est échec de réussite, et n’est pas plus qu’une conférence sur rien» (1986:10).

Langue: portugais

Patrícia Lino

Augusto de Campos, o poema inter-ghetto e as massas

La forme courte du poème, ainsi que son caractère intermédiaire, semblent s’adapter plus naturellement au format éphémère, populaire et consumériste des réseaux sociaux, par rapport à d’autres genres littéraires. Ce sont les chaînes de poésie et les pages de poètes qui dominent, en nombre et en présence, le monde littéraire brésilien des réseaux sociaux. En effet, la visualité, le son et le mouvement cinématographique qui caractérisent et distinguent la composition poétique des autres formes littéraires, trouvent sur internet et, en particulier, sur ces plateformes, un espace qui privilégie la dimension interdisciplinaire ou indisciplinée du poème. En permettant la publication rapide et libre d’images, de vidéos et d’animations, la structure d’Instagram, de Facebook et de Twitter influence même, par le design, la façon dont les poèmes eux-mêmes sont faits, lus et vus spatio-temporellement. Au Brésil, la présence d’un poète comme Augusto de Campos (São Paulo, 1931) sur les réseaux sociaux -qui, depuis 2018, y expose son travail- corrobore l’idée que les particularités et les exigences de la publication du poème visuel, du vidéopoème, du poème performatif, du poème slam ou de l’exercice d’appropriation du poème lui-même à partir de l’image, du son ou du corps correspondent, esthétiquement et fonctionnellement, aux particularités et aux exigences du cybermonde. Parmi les œuvres publiées par Augusto de Campos sur Instagram sont inclus les soi-disant Contrepoèmes, Bolsogrammes et d’autres œuvres, également inédites, qui à ce jour, ne semblent pas faire partie d’une série ou d’un ensemble. En plus de réfléchir au rôle des réseaux sociaux dans la diffusion du poème intermédial et à son adaptation facile et rapide à la conception de ces plateformes en ligne, Patricia Lino propose de rassembler, d’organiser et d’analyser dix de ces poèmes récemment publiés sur le compte Instagram d’Augusto de Campos, @poetamenos, et de repenser les effets de sa dimension politiquement intervenante dans la vie culturelle brésilienne.

Langue: portugais

Dene Grigar

Saving Flash Literature

Le 31 décembre 2020, Adobe a cessé de prendre en charge le logiciel Flash, une plateforme de premier plan pour le net art populaire de la fin du XXe siècle à la première décennie du XXIe siècle. Avant ce moment charnière, certains artistes et organisations artistiques se sont empressés de migrer et/ou de documenter leurs œuvres et de développer des outils et des méthodes pour sauvegarder l’art Flash. Les efforts en ce sens se poursuivent et prendront de nombreuses années pour faire face à l’énorme perte potentielle de ces importants artefacts culturels du début de l’ère numérique. Cette présentation compare plusieurs méthodes utilisées pour sauvegarder la littérature Flash, telles que ruffle.js, Conifer, Webrecorder, et les playthroughs vidéo ou Traversals, afin de fournir une compréhension critique des possibilités et des contraintes de chacune, des informations utiles pour les chercheurs engagés dans la préservation numérique, les humanités numériques, et l’étude de la littérature et des langues.

Langue: anglais

Livia Benedetti, Gina Cortopassi, Alexandra L. Martin & Marcela Vieira

Visite guidée de l’exposition avec les commissaires de «Trans[création]»

L’exposition Trans[création] a été lancée à la fin du premier jour du colloque avec une visite filmée de l’exposition, présentant au public les thèmes de l’exposition ainsi que les modalités d’exploration.

Langue: anglais, français

Rejane Rocha

Augusto de Campos entre dois tempos: poeta concreto e digital

Dans le processus de construction de l’Atlas de la littérature numérique brésilienne, premier répertoire qui, au Brésil, entend rassembler, organiser, documenter et préserver la production littéraire numérique du pays, les œuvres numériques d’Augusto de Campos ont été comprises comme des œuvres qui dépassent les limites de l’expérimentalisme concret, bien qu’elles en héritent d’éléments importants. Les poèmes numériques requièrent d’autres modes de lecture qui, s’ils n’excluent pas les interprétations faites pour les poèmes imprimés, signalent la nécessité de prendre en compte la modularité (Manovich, 2005) de l’environnement numérique et la combinaison des fragments de médias fournis par les outils informatiques qui sont présents dans la poétique de ces poèmes. Dans sa communication, Rejane Rocha présente un modèle d’analyse et de caractérisation des poèmes numériques d’Augusto de Campos qui les situe à trois niveaux différents, basés sur les concepts de transcodage (Manovich, 2005), de remédiation (Bolter et Grusin, 1999) et d’agentivité (Murray, 1997). La conférencière discute des manières dont le transcodage et la remédiation sont des outils viables pour comprendre les procédures de passage d’un média à un autre et les reformulations des potentialités perpétrées par les outils disponibles du logiciel Flash. Les analyses de Rocha lui permettent de conclure que les poèmes numériques d’Augusto de Campos sont des poèmes avec différents degrés d’autonomie par rapport aux médias imprimés, même si, malgré tout, ils doivent être analysés dans leurs spécificités esthétiques, propres au support numérique dans lequel ils sont construits.

Langue: portugais

Cecily Raynor

The Technopoetics of the Algorithm: Milton Läufer and the Born Digital Avant-Garde

L’intervention algorithmique modifie la façon dont les utilisateurs s’engagent et perçoivent les œuvres créatives. Les algorithmes évoquent néanmoins un sentiment de perte de contrôle d’un objet numérique ainsi qu’une ambiguïté imminente autour des questions d’origine et de développement. Cela n’est nulle part plus apparent que dans les textes littéraires, où la randomisation des intrigues ou l’intervention de la machine dans la poétique ont un impact immédiat sur la façon dont les utilisateurs interagissent avec la littérature numérique. La richesse des travaux théoriques sur l’intervention algorithmique d’auteurs comme Ed Finn, Ian Bogost, Benjamin Schmidt, Ted Underwood et Andrew Piper, sonde la relation entre les machines et les textes numérisés et natifs du numérique. Dans cette présentation, Cecily Raynor examine le travail de Milton Läufer, un écrivain numérique argentin basé à Berlin qui utilise les algorithmes comme une intervention transcréative, produisant et transformant des textes littéraires depuis 2001. Dans des projets allant de la poésie aux courts romans, en passant par des rendus visuels évocateurs du constructivisme latino-américain, le travail de Läufer est unique par sa profondeur historique et son intervention technique. En effet, Läufer programme son propre code et construit ses propres paramètres algorithmiques pour une myriade de projets multilingues. Dans sa tentative d’historiciser le travail de Läufer, la conférencière soutient qu’il fonctionne comme un nœud crucial au sein d’une avant-garde numérique née au début du siècle en Amérique latine, dans laquelle l’intervention algorithmique est utilisée à des fins transcréatives. En effet, l’expérimentation de la techno-poétique et des environnements numériques au début des années 2000 a produit une multitude de projets artistiques nés numériques qui visaient à provoquer et à tester les limites, une tradition que Läufer construit et prolonge. Ce faisant, Raynor rattache le travail de Läufer à la période des avant-gardes latino-américaines, en mettant l’accent sur les médiums numériques qui reposent sur des modes de lecture multisensoriels, y compris la vue et le son, et sur l’expérimentation des contraintes du langage.

Langue: anglais

Nathaniel Wolfson

Augusto de Campos’s Black Box Poetics

Nathaniel Wolfson explore les traductions intermédiales d’Augusto de Campos, en me concentrant sur les collaborations de 1975 entre de Campos et l’artiste visuel Julio Plaza, intitulées «Caixa Preta» («Boîte noire»). Après un bref aperçu du développement historique et théorique de l’art cybernétique au Brésil à partir du début des années 1960, le conférencier examine comment le concept poétique de la «boîte noire» a émergé dans les collaborations de de Campos et de Plaza. Il soutient que les deux artistes ont utilisé le concept de la boîte noire à la fois pour faire référence aux limites imposées à l’expression de l’intériorité poétique, une préoccupation clé de la poétique décamposienne, et pour faire référence au concept cybernétique de la boîte noire comme l’invisibilité du fonctionnement interne des systèmes techniques (Ashby, Wiener, et al). Wolfson place ensuite ces conversations dans le contexte plus large du tournant cybernétique du mouvement brésilien de la poésie concrète, impliquant la réception par Haroldo de Campos des écrits du philosophe allemand Max Bense ainsi que le développement par Waldemar Cordeiro et d’autres d’une «poétique sémantique». Le conférencier conclue en discutant de l’inclusion dans la série «Black Box» du poème cidade/city/cité, qui a été écrit en 1963 et a été traduit par la suite à travers les médias. Dans cette itération, cidade/city/cité est devenu le produit de la collaboration de de Campos avec l’artiste informatique Erthos Albino de Souza, avec qui il a transformé le poème original en une œuvre informatisée: un paysage urbain iconique dans lequel les mots ont été traduits en lumière, comme des trous percés sur les cartes noires utilisées pour stocker et traiter les données dans les premiers ordinateurs.

Langue: anglais

Maíra Freitas

A transcriação da realidade e a fabulação do real em Pedro Costa

À partir de la production du cinéaste portugais contemporain Pedro Costa, Maíra Freitas développe une perspective d’analyse qui considère la fabrication du réel et la transcription de la réalité. L’indiscernabilité entre les régimes documentaire et fictionnel dans le cinéma de Costa est construite à partir de la présentation d’un monde et de personnages simultanément réels et parfaitement irréels. Pour comprendre comment ce cinéma brouille la compréhension de l’irréel et du réel, comment il articule poiésis et mimésis, la conférencière utilise deux concepts dans notre analyse: la transcription du réel et la fabrication du réel. Le réel est ce qui contourne la réalité, la donnée immatérielle qui nous permet de porter un regard critique sur la matérialité. La réalité se concentre sur l’espace, sur ce qui est visible ; et le réel se concentre sur le temps, sur ce qui est irreprésentable.

Le concept de transcription, si cher à la poésie, résultant de la re-création, c’est-à-dire de l’idée que chaque traducteur doit aussi être un créateur afin de préserver l’œuvre originale, est ici pris par approximation métaphorique. Dans le contexte dans lequel il a été formulé par Haroldo de Campos, transcrire serait le «contraire de la traduction dite littérale», c’est-à-dire la valorisation de l’écart créatif entre la traduction et l’original. Freitas met en perspective l’idée d’ «œuvre originale qui a besoin d’être traduite» comme corrélation de la réalité concrète qui gagne en lisibilité grâce à la traduction. La traduction littérale est l’acte d’enregistrer la réalité à travers l’audiovisuel, mais dans le cinéma de Costa, le spectateur n’est pas autorisé à acquérir un ensemble d’informations lisibles sur les personnages «documentés». En utilisant un ensemble d’informations visibles de la réalité pour créer dans ses vides, le cinéaste finit par corrompre la fluidité et l’intelligibilité possibles du visible, en le transcréant et, par conséquent, en renforçant le décalage créatif entre la réalité des personnages et les films. Ainsi, le cinéaste finit par conserver, non pas l’apparence évidente de la réalité, mais le sens et l’imaginaire présents dans l’environnement des expériences. C’est à partir de la réalité transcrite que le cinéaste opère la fabrication de l’expérience de vie des personnages documentés, situés dans la diaspora africaine des Capverdiens qui ont immigré au Portugal.

Langue: portugais

Livia Benedetti, Lara Bourdin, Gina Cortopassi, Dene Grigar, Alexandra L. Martin, Nancy Perloff & Marcela Vieira

Table ronde des commissaires de «Trans[création]»

Les quatre commissaires de Trans[création] (Livia Benedetti, Gina Cortopassi, Alexandra L Martin et Marcela Vieira) se sont réunies avec Nancy Perloff, commissaire au Getty Research Institute et Dene Grigar, commissaire et fondatrice de The NEXT, pour une table ronde. Animée par Lara Bourdin, elles abordent les diverses pratiques commissariales ainsi que les enjeux technologiques du commissariat en ligne ou d’œuvres hypermédiatiques.

Langue: anglais, français, portugais

Eduardo Ledesma

Transcreations: Reconsidering the Kinetic Poetry of Augusto de Campos in Light of its Digital Afterlife

Au fil des décennies, Augusto de Campos a transfiguré ses premiers poèmes concrets en déployant les technologies médiatiques les plus récentes pour rêver d’une poésie qui, selon ses propres termes, «aspire à l’avenir». Grâce à la transcréation ou à la traduction créative de ses poèmes sur différents supports, les œuvres qui avaient pour origine des formats statiques tels que le papier sont devenues de plus en plus matérielles, tridimensionnelles, sonores et cinétiques -en fait, elles sont devenues ce que William Carlos Williams considérait comme des poèmes, de petites machines où les mots sont des engrenages, des roulements et des pistons en mouvement. Grâce à la technologie, de Campos manipule le temps et l’espace poétiques, actualisant un cinétisme qui n’était auparavant que virtuellement présent par le biais de métaphores, d’illusions optiques et de mouvements suggérés. Le mouvement devient un signifiant clé, conférant aux mots une force expressive et les transformant en mots-objets animés ou en mots-entités. Au fur et à mesure que les mots dérivent, apparaissent et disparaissent, que ce soit sur un écran d’ordinateur ou projetés sur diverses surfaces, le poème devient un mécanisme de vue, de son et de mouvement, un assemblage matériel que le «lecteur» peut expérimenter dans un état incarné. À travers chaque transcréation et réincarnation, les poèmes de de Campos acquièrent une valeur supplémentaire et imprègnent rétroactivement les versions précédentes d’une charge affective et sémantique supplémentaire. En revenant aux «mêmes» poèmes, de Campos expérimente la création d’assemblages technologiques de plus en plus complexes. Ses premiers poèmes articulaient les principes dynamiques fondamentaux et étaient les moteurs d’une sensibilité poétique qui brouillait les distinctions génériques et sémiotiques entre les systèmes de représentation symbolique et iconique. Ses œuvres ultérieures mobilisent la nature plastique et filmique du numérique et permettent l’actualisation des métaphores du mouvement de la première période, dotant l’image poétique de nouvelles capacités de visualisation. La symbiose entre l’image et le texte, l’homme et la machine, le numérique et l’analogique devient un thème central des transcréations ultérieures de de Campos. La quête incessante du poète pour trouver la manière parfaite d’intégrer les différentes dimensions de la poésie (image, son, texture, mouvement) est elle-même une métaphore du mouvement perpétuel qui corrobore l’existence d’un principe dynamique dans la poésie de de Campos, une poésie qui est perpétuellement en mouvement (vers l’avant).

Langue: anglais, espagnol

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