Journée d'étude, 6 avril 2018

Franchises et industrialisation de la culture populaire contemporaine

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La journée d’étude Franchises et industrialisation de la culture populaire contemporaine s’est déroulée le 6 avril 2018 à l’Université du Québec à Montréal.

Certes, déjà le livre, le journal étaient des marchandises culturelles, mais jamais la culture et la vie privée n’étaient entrées à ce point dans le circuit marchand et industriel, jamais les murmures du monde —autrefois soupirs des fantômes, chuchotements des fées, farfadets et lutins, paroles des génies et des dieux, aujourd’hui musique, paroles, films portés sur les ondes— n’avaient été à la fois fabriqués industriellement et vendus mercantilement. Ces nouvelles marchandises sont les plus humaines de toutes, puisqu’elles débitent en rondelles des ectoplasmes d’humanité, les amours et les craintes romancées, les faits divers du cœur et de l’âme.

Communications de l’événement

Marta Boni

Sérialité et réception: à la recherche des pulsations d’un monde fictionnel

Marta Boni aborde la question de la sérialité et de la réception en regard des recherches du Labo Télé, un groupe de recherche sur les formes et les plateformes de la télévision à l’ère du numérique, qu’elle a fondé à l’Université de Montréal.

Laurence Perron

«Time, the final frontier»: exploration des enjeux temporels dans la franchise Star Trek

«Space, the final frontier: les amateurs de Star Trek se rappellent sans problème que chaque épisode de la série originale (1966-1969) et de Next Generation (1987-1994) s’ouvrait sur cette célèbre citation réitérée par le capitaine et annonçant le programme toujours renouvelé de “boldly go where no man has gone before”. Dans cette communication, nous soutiendrons que, si l’un des enjeux de la franchise Star Trek est bel et bien d’explorer les territoires intergalactiques encore vierges, ceux-ci ne sont pas que spatiaux mais sont aussi très souvent temporels. En présentant à travers les années et les différentes séries un nombre impressionnant de sauts temporels, de temporalités alternatives, de retour vers le passé ou de bonds dans le futur, la franchise Star Trek nous emmène aussi “when no man has gone before”. Dans un premier temps, nous présenterons par conséquent, en traversant l’entièreté des productions télévisuelles reliées à Star Trek, la variété de jeux sur la temporalité auxquels le spectateur se retrouve confronté. Nous déplierons ensuite les implications idéologiques et esthétiques qui nous semblent être à l’origine de ces choix. Ce panorama nous permettra ensuite de penser comment le format même de la franchise Star Trek, par son recours fréquent à la mécanique du reboot ou du stand alone episode ainsi que son étalage considérable dans le temps (de 1966 à 2017), offre lui-même l’occasion de penser les logiques de la temporalité propres aux médium de la franchise télévisuelle.»

Roxanne Chartrand

«Resistance is futile»: Sérialité et mondes possibles dans l’univers de Star Trek

«La théorie des mondes possibles, dont les premiers balbutiements remontent au philosophe Gottfried Wilhelm Leibniz, a été largement reprise par certains logiciens (Kripke, Hintikka, Montague) afin de penser, entre autres, les conditions de vérité des énoncés contrefactuels et propositionnels. Plusieurs narratologues (Ryan, Pavel, Dolezel, Ronen) se sont également approprié ce concept afin de penser l’ontologie des mondes fictionnels, la question de la vérité des énoncés au sein de ceux-ci, mais également les relations qui existent entre la multiplicité des mondes fictionnels et la réalité. En effet, selon Ryan, la théorie des mondes possibles permet d’envisager la réalité comme “un univers composé d’une pluralité de mondes distincts” (Ryan 2012, p.1, ma traduction).

Observer la pratique de construction des mondes de la science-fiction à la lumière des mondes possibles permet d’envisager le récit transmédiatique en tant que structure cohérente composée d’un ensemble de possibles actualisés et actualisables. Lors de cette présentation, je propose d’explorer les multiples liens entre les concepts de sérialité, de franchisation et de mondes possibles en m’appuyant sur une analyse du multivers de Star Trek (Gene Rodenberry, 1966).

La théorie des mondes possibles peut permettre de rendre compte de cette prolifération de savoir quant à l’univers diégétique. Considérant la pluralité de sous-univers fictionnels qui composent le monde de Star Trek, cette présentation tentera de les explorer afin de dégager une structure claire qui soulignera les façons dont opèrent ces mondes de manière systémique. Ainsi, il sera possible de rendre compte des variations qui se présentent au sein des multiples itérations du même monde fictionnel. En effet, cette structure systémique permet d’expliquer les irrégularités entre le savoir xénoencyclopédique (c’est-à-dire le savoir historique appartement au monde fictionnel), et les représentations subjectives (liées au point de vue des personnages de la diégèse). D’un autre côté, la théorie des mondes possibles permet également d’expliquer la coexistence ontologique d’univers alternatifs, réconciliant ainsi les différences entre les mondes qui composent les téléséries et les dix premiers films, ainsi que les trois films appartenant à la reprise de 2009 (J.J. Abrams).»

Alexandre Poirier

«Greatness from small beginings»: la construction des mondes fictionnels par le héros problématique dans «Uncharted» et «Indiana Jones»

Le genre romanesque de l’aventure est au centre des productions populaires depuis le 19e siècle (Tadié, 2013). Il constitue un terreau fertile pour la naissance de séries entièrement basées autour d’un héros récurrent et de franchises transmédiales, plus récemment, avec Indiana Jones (Spielberg et Lucas, 1981-2008) et Uncharted (Naughty Dog, 2007-2017) qui mettent en vedette Dr. Henry Jones II et Nathan Drake, respectivement. Dans le cadre de ma présentation, je procéderai à une analyse comparative des protagonistes de ces deux franchises (ou “personnages-auteurs”, comme l’entend Mathieu Lettourneux) afin de déterminer en quoi leur présence (aussi minime soit-elle, comme c’est le cas du spin-off Uncharted The Lost Legacy, sorti en 2017) permet la construction de leurs mondes fictionnels respectifs, du développement du récit et des personnages secondaires qui n’existent que pour eux. Il sera notamment question de la constante tension entre faiblesse et puissance, caractéristique de bons nombres de héros populaires (Eco, 1993), qui est symptomatique d’un alter-ego, d’une double-identité cachée dont les personnages ont honte. Cette faiblesse dissimulée sert bien souvent de tremplin aux protagonistes dans la démonstration de leur puissance afin de venir à bout des péripéties les plus rocambolesques qui soient et ultimement abandonner le trésor maudit au nom du Bien : d’orphelin sans nom à descendant de Francis Drake combattant des mercenaires mégalomanes pour Nate; de simple professeur à explorateur téméraire anti-Nazi pour Jones. Outre la présentation des spécificités et différences des oeuvres vidéoludique et cinématographique – qui constituent les médiums de prédilection du canon principal de ces deux franchises – quant à l’empathie et l’attachement du joueur-spectateur pour l’incarnation du héros dans l’univers spatial du monde fictif, j’aborderai également la présence de héros au sein d’autres productions (bédéiques, littéraires, télévisuelles) de ces franchises transmédiales (Saint-Gelais, 2011), où le genre de l’aventure forme un architexte qui tisse des liens intertextuels entre les différents mondes fictifs à travers les plateformes médiatiques.

André-Philippe Lapointe

«Les Derniers Jedi». S’affranchir des lois de son univers ou méditer les codes cinématographiques de la saga?

L’analyse va s’intéresser à la composition narrative de la superproduction Star Wars: Episode VIII – The Last Jedi (2017) de Rian Johnson. Pour concevoir son œuvre, le réalisateur a dû négocier avec la tradition de la saga et les formules disneyennes: l’humour bien affiché, les animaux mignons dont on peut douter de l’intelligence (contribuant à les rendre encore plus mignons), le recyclage de grandes figures mythiques… Si Johnson a su intégrer assez naturellement à son film les éléments propres au cinéma de Disney (qui ne sont d’ailleurs pas foncièrement éloignés de la saga Star Wars), il dialogue de façon plus active avec les éléments de cette dernière. Sa résistance même au sein de certains codes de la franchise permet d’enrichir son univers, sans en altérer les lois ou la philosophie. Dans une posture nihiliste opposée, l’ancien Jedi Kylo Ren tente d’échapper aux principes de binarité régissant son univers diégétique et d’abolir le manichéisme des Jedi et des Sith, même si cela doit l’entrainer définitivement du côté obscur.

Johnson poursuit l’expansion de l’univers avec, outre des nouveaux mondes et des nouvelles technologies, un nouveau rapport à la Force. Le visuel du film expose comment l’on doit négocier avec son passé, qu’il faut accepter, pour parvenir à le dépasser. En produisant une œuvre personnelle qui porte un nouvel éclairage sur les lois de la saga, le réalisateur teste l’élasticité de ses codes. Il découvre en même temps la flexibilité de la communauté et des fans. Avec des personnages questionnant ouvertement la structure de la série et l’action de ses héros intrépides, The Last Jedi critique la masculinité toxique qu’on peut ressentir dans les vieux dialogues entre Leia Organa et Han Solo. En voyant le nouvel opus, le spectateur en vient donc à repenser aux deux premières trilogies et aux deux films plus récents.

Ruby Thélot

Why Won’t People on The Internet Let Things Die?

«My talk will explore the lesser known side of “fanbases”.

The first part will present 4Chan’s /mu/ board and the edification of its musical canon. 4chan is an anonymous image-based board-type forum modeled on Japan’s Futuba channel. Highly controversial due to its /p/ board and implications with the alt-right, the forum is also host to cultural sections with their own specific fandoms and canons.

The first instruction upon entering is “Read The Sticky”: in it we learn what we need to know in order to understand, what is good and what is bad. Though it possesses an already established palette of taste, its dynamism forces new additions to the cannon as new releases are presented to the board’s anonymous members.

This new addition process will be contrasted with the board’s own franchises, two outputs in the realm of Facebook groups known as /mu/ and /notmu/.

How are cultural canons built in online subcultures?

The second part of my talk will address Facebook “blank-shitposting” groups. “Seinfeld shitposting”, “Rick and Morty Schwiftposting”, “It’s Always in Sunny Shitposting”, “Simpsons Shitposting” are a few examples in a sea of groups of which I am a member centered on the creation of original content parodying the virtual universe members love. Shit-posting is a new kind of fandom as it is based on a participative aesthetic. Creation is mandated (“OC ONLY” is on the “Pinned Post”, the Facebook equivalent of a “Sticky”): clips and images are sampled, cut and pasted, repurposed, mish-mashed, etc. The results are visual plunderphonics that themselves become tropes and themselves become object of fandom. This process evolves, devolves, continues and digresses ad infinitum. A great example of this culmination can be found in “Simpsonwave”.

What are the aesthetic implications of a participative fandom?»

Stéphane Girard

Performance de soi et téléréalité en contexte sériel: enjeux identitaires dans «The Real Housewives of New York City»

«Tenue en partie responsable de l’”épidémie” de comportements narcissiques typiques de notre contemporanéité selon plusieurs, une certaine téléréalité (par exemple The Real World, The Osbournes, Keeping Up with The Kardashians ou Jersey Shores)— à ne pas confondre avec la téléréalité de type “documentaire” (Cops, America’s Most Wanted, Intervention, Hoarders, De garde 24/7, etc.) ou celle axée sur la “compétition” —(Big Brother, Survivor, American Idol, RuPaul’s Drag Race, Occupation Double, etc.)— n’a de cesse de faire de l’exhibitionnisme égocentré et de la “performance de soi” continue son principal ressort narratif, discursif et économique. Ainsi, dans le cadre d’une série comme The Real Housewives of New York City (Bravo TV, 2008-), elle-même tributaire d’une lucrative franchise initiée par The Real Housewives of Orange County qui a engendré une pléthore de spin-offs (dont Atlanta, New Jersey ou Vancouver, mais aussi Bethenny Ever After, Vanderpump Rules ou Bethenny & Fredrik), les protagonistes (ici féminines) et le diffuseur doivent se doter à même le (para)texte de la représentation d’un branding qui leur soit suffisamment propre et distinct pour éviter que leurs identités respectives ne soient diluées à même ce franchisage désormais caractéristique du genre.

En privilégiant une perspective discursiviste et en nous référant plus spécifiquement au concept de paratopie identitaire et spatiale (D. Maingueneau), nous tâcherons d’identifier les principales stratégies d’autoreprésentation sollicitées par certaines housewives de New York pour s’assurer de conserver l’attention du public —et des caméras— dans un contexte où l’offre télévisuelle ne cesse de proliférer. Ce faisant, nous chercherons aussi à appréhender cette complexe interrogation: que fait la téléréalité/sérialité à/de l’identité?»

Antonio Dominguez Leiva

«Mad Max»: histoire hasardeuse d’une franchise post-apocalyptique

Antonio Dominguez Leiva présente une synthèse de ses travaux sur l’influence de la saga Mad Max sur notre imaginaire culturel à partir de ses recherches publiées dans l’ouvrage Mad Max. L’apocalypse sera motorisée (Éditions le murmure, 2016).

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