Colloque, 13 et 14 octobre 2016

D’un imaginaire, l’autre: la machine dans tous ses états

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Le colloque D’un imaginaire, l’autre: la machine dans tous ses états, organisé par Jean-François Chassay et Isabelle Boof-Vermesse, s’est tenu les 13 et 14 octobre 2016 à l’Université du Québec à Montréal. L’événement était conjointement organisé par Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire et Cecille, le Centre d’Études en Civilisations, Langues et Lettres Étrangères de l’Université de Lille.

Depuis le milieu du XIXsiècle et le développement de ce qu’on a dès lors nommé le «système industriel américain» (produire des objets en regroupant les différentes étapes de leur conception sous un toit, dans une même usine), les États-Unis sont associés à l’idée du progrès technologique, en particulier à travers la production de machines de types fort diversifiés. Des voitures d’Henry Ford aux ordinateurs produits par Bill Gates et Steve Jobs, en passant par des réflexions –sinon des réalisations– qui remettent en jeu la définition de l’être humain par la création de cyborgs, le pays où est né Internet a eu un impact prodigieux à ce sujet, bien au-delà de ses frontières. Cet impact concerne aussi bien la manière dont ont été transformées les structures des sociétés occidentales, que la manière dont les êtres humains ont commencé à se concevoir différemment– pensons à l’effet des réflexions sur la cybernétique ou sur les réseaux virtuels.

Ainsi, depuis 150 ans et l’invention du téléphone, différents modes de communication, qui se traduisent par l’invention de multiples machines, irriguent l’imaginaire américain et se manifestent partout en Occident.

Ce colloque examinera la présence des machines dans les créations imaginaires des deux côtés de l’Atlantique depuis la fin du XIXsiècle. Il s’agira de s’interroger sur la façon dont se révèlent les traces d’un imaginaire américain de la machine dans les textes littéraires mais aussi au cinéma, dans les séries télé, la peinture, le théâtre…  Comment cet imaginaire machinique américain est-il déplacé, condensé, interprété? Inversement, quelle est la part qui revient à l’Europe dans la construction de cet imaginaire américain?

À travers la figure de la machine et son ancrage aux États-Unis, le colloque «D’un imaginaire, l’autre: la machine dans tous ses états» permettra également de penser de manière comparatiste les rapports culturels entre l’Amérique et l’Europe.

Communications de l’événement

Isabelle Boof-Vermesse

«O Machine!»: La machine universelle, une comparaison entre “The Machine Stops” (1909) de E. M. Forster et “The Diamond Age or A Young Lady’s Illustrated Primer” (1995) de Neal Stephenson

«Cette présentation a pour but de comparer deux textes séparés de presque un siècle, mais dont les résonances sont surprenantes.

Depuis Descartes, l’homme craint de n’être qu’une machine.

Si au XIXe siècle, ère de la thermodynamique, la machine supplante le corps de l’homme, c’est son intelligence qui se voit remplacée par celle de sa création au XXe siècle avec les sciences de l’information.»

Isabelle Boof-Vermesse est maître de conférence en littérature américaine et en études culturelles à l’Université Lille 3. Spécialiste de littérature de genre, elle travaill sur le roman policier, notamment californien (Raymond Chandler, Dashiell Hammett et James Elroy), et la fiction spéculative. Elle a publié plusieurs articles sur William Gibson et Neal Stephenson. Elle a coordonné plusieurs ouvrages dont le dernier porte sur l’imaginaire machinique avec Cristina Castellano de l’Université de Guadalajara au Mexique.

Matthieu Freyheit

Le recours au hacker dans la fiction de jeunesse contemporaine: du solide dans le liquide?

«Les expressions ne manquent pas pour désigner notre plongée collective dans un numérique que l’on adjoint à tout substantif qu’il pourrait, de sa présence magique, métamorphoser.

Pour Nicholas Negroponte, c’est l’homme numérique. Pour Milad Doueihi, c’est l’humanisme numérique. Pour Rémy Rieffel et plusieurs autres, c’est la révolution numérique. Pour Jean-François Fogel et Bruno Patino, c’est la condition numérique.

Notre vie algorithmique, selon l’expression d’Éric Sadin, n’en finit plus, semble-t-il, de se décliner et de se généraliser.»

Matthieu Freyheit est maître de conférences en études culturelles à l’Université de Lorraine. Auteur d’une thèse consacrée à la figure du pirate, il travaille plus largement sur les fictions de jeunesse, les cultures numériques et les cultures populaires. Il a organisé plusieurs colloques sur les hackers, sur les femmes criminelles, sur les dinosaures et sur l’imaginaire hivernal.

Hélène Machinal

«You’re being watched» versus «Is it now?», le rapport de l’homme à la machine dans Person of Interest

«La série Person of Interest a plusieurs spécificités que je voudrais souligner d’emblée. Bien que fondée sur une structure formulaïque, elle développe, surtout à partir de la saison trois, un arc macroscopique et feuilletonant qui s’élabore en étoffant une mythologie spécifique qui nourrit la réflexion politique et esthétique dès lors introduite.

La formule sur laquelle reposent les épisodes est celle de l’enquête, tandis que les arcs narratifs des saisons trois à cinq s’appuient sur les schèmes de la s-f, construisent un monde fictif orwellien, où la surveillance et l’assujettissement de l’individu règnent et réactivent la théorie typiquement américaine du complot militaro-gouvernemental.

La machine et le rapport entre l’homme et cette dernière sont centraux dans la série et, là encore, on peut noter une évolution sur le temps long de l’ensemble des cinq saisons. La sérialité permet en effet ici de suivre la naissance, l’apprentissage et l’émancipation d’une intelligence artificielle et d’imaginer l’avenir du monde. Un monde possible, tel qu’il peut être infléchi par une médiation entre les sujets et le monde qui ne s’opèrerait plus que par une subjectivité numérique. Enfin, Person of Interest double sa réflexion politique d’une perspective esthétique car il me semble que cette série devienne autoréflexive au fil des saisons et incite le spectateur à penser les phénomènes d’émergence au-delà de celle d’une subjectivité numérique en introduisant une mise en abyme. La machine devient ainsi une machine à produire des séries et thématise à la fois la sérialité sur le mode de la circularité et sur le mode méta-réflexif de notre rapport de spectateur à la série comme machine à produire de la fiction.»

(Pour des raisons de droits d’auteur, certains extraits intégrés à cette vidéo sont présentés sous forme audio seulement.)

Jean-François Chassay

Faire corps: l’imaginaire de la voiture

«Je propose d’examiner la question de savoir si les machines peuvent penser.

C’est la première phrase du texte sans doute le plus célèbre de l’histoire de l’intelligence artificielle, Computing Machinery and Intelligence d’Alan Turing, publié dans Mind en octobre 1950.

Ce que sous-tend dès cette phrase le contenu de l’article, c’est la possibilité d’un lien entre conscience humaine et conscience machinique.»

Jean-François Chassay est chercheur régulier à FIGURA, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire. Professeur au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal depuis 1991, Jean-François Chassay a publié une vingtaine de livres (romans, essais, anthologies, actes de colloque). En 2002, il remportait le Grand prix d’excellence en recherche décerné par le réseau de l’Université du Québec. Il a été membre de la rédaction puis codirecteur de Spirale (1984-1992), puis directeur (1998-2001) de Voix et Images.

Gérald Preher

En route vers la liberté: les automobiles dans les nouvelles de Richard Ford

«L’oeuvre de Richard Ford est marquée depuis sa première publication par la présence de véhicules qui, au fil des pages, se révèlent être le véritable moteur de l’action.

Les critiques ont d’ailleurs souvent joué sur son nom de famille pour titrer leurs recensions.»

Gérald Preher est enseignant-chercheur HDR en études américaines à l’Institut catholique de Lille. Membre du CRILA (Centre de recherches interdisciplinaires en langue anglaise) de l’Université d’Anger, il est spécialisé dans l’étude de la nouvelle et associate editor du Journal of the Short Story in English. Rédacteur en chef de la revue Résonances-femmes, il a édité et coédité plusieurs ouvrages sur des écrivains américains dont Faulkner at Fifty: Tutors and Tyros et The Masculine South. Ses derniers travaux portent, entre autres, sur Elizabeth Spencer et Richard Ford.

Elaine Després

L’éternelle fuite en avant de la sainte loco

«Si l’imaginaire de l’ère glaciaire nous provient du XIXe siècle, la machine qui nous permet d’y remédier –même dans un monde futuriste– nous replonge aussi dans la révolution industrielle dont elle presque devenue la métonymie: le train.

Le train est une puissante machine narrative, mais il est aussi un espace social -un habitacle, une arche- dans lequel on vit et on survit, où on construit une nouvelle structure sociale. Le train est aussi machine, le plus souvent personnifié, il est mouvement et vitesse, en particulier dans un monde qui en est dénué, figé dans la glace. Finalement, il est réseau, puisque ses rails forment une géographie nouvelle, marquant et construisant le territoire, redessinant la carte du monde, dont les anciennes frontières et les ruines sont disparues sous la neige.

C’est à partir de ces quatre éléments que j’aborderai la question du train dans un roman graphique en quatre tomes, le Transperceneige.»

Olivier Parenteau

Représenté de façon réaliste partout: de quelques représentations du camion dans la littérature française et américaine (1952-1971)

Dans cette communication, Olivier Parenteau aborde les représentations de la figure du camion dans la littérature française et américaine du XXe siècle, du Camion de Marguerite Duras au Duel de Richard Matheson.

Marie-Hélène Voyer

«D’autres corps en nous»: de quelques narrateurs machiniques dans le roman français et québécois contemporain

«La littérature contemporaine questionne à plusieurs égards les fondements et le caractère irréductible de ce que l’on nomme l’individu.

Dans l’introduction à leur dossier Le roman contemporain au détriment du personnage, paru dans L’esprit créateur, René Audet et Nicolas Xanthos affirment d’ailleurs que “la remise en question de l’unité de l’individu est sans doute le trait le plus marquant de la littérature actuelle.”»

Marie-Hélène Voyer est étudiante de niveau postdoctoral au département d’études littéraires de l’UQAM. Son projet de recherche s’intitule Incendiaires et désaxés, figures du personnage séditieux et poétique de la destruction dans le roman français et québécois contemporain.

Philippe St-Germain

Les prothèses hors de la machine

«Il sera question ici des rapports tortueux entre le corps et la machine, le greffon et la prothèse, la mémoire et le contrôle: le corps en mutation.

Que se produit-il lorsque la machine commence à se dérégler et quand les prothèses – ces outils de contrôle – en viennent à acquérir une autonomie aussi inattendue qu’inquiétante, voire effrayante?»

Sophie Horth

Expériences lovecraftiennes: La machine, la technique et l’horreur cosmique

«L’œuvre de l’auteur américain H. P. Lovecraft est souvent associée, notamment dans les manifestations artistiques récentes, à l’occultisme et au triomphe d’une histoire ancienne, à l’incapacité de l’être humain à comprendre ce qui lui est éloigné par le temps et l’espace.

Cependant, la fiction lovecraftienne est habitée par un savoir technique et scientifique qui est au cœur de l’apparent scepticisme de ses personnages. C’est ce savoir qui, d’une certaine manière, contribue à leur destruction psychologique et physique, parce que confrontés à ce que la science ne peut comprendre, les personnages sentent le monde s’effriter sous eux et font l’expérience du sublime.

Plus spécifiquement, la machine occupe dans l’œuvre de Lovecraft un rôle important. C’est grâce à elle que les personnages perfectionnent leur compréhension du monde, pensant s’affranchir de la superstition et du travail manuel, certes, mais c’est aussi à cause d’elle qu’ils entrent en contact avec ce qui les dépasse complètement.

Dans le cadre de cette présentation, nous verrons comment les machines dans les nouvelles Cool Air (1928) et From Beyond (1934) contribuent à l’horreur dans la fiction lovecraftienne en nous référant au travail du philosophe Emmanuel Kant dans sa Critique de la faculté de juger.»

Gaïd Girard

Dans la «vallée de l’étrange» (Mori): des robots et des hommes dans quelques films de SF américains des années 70 (THX 3811, Westworld, Futureworld)

Dans cette communication, Gaïd Girard aborde la théorie de la vallée de l’étrange (The Uncanny Valley) de Mashiro Mori afin de faire la lumière sur trois films de science-fiction des années 1970: THX 1138 (1971) de George Lucas, Westworld (1973) de Michael Crichton et Futureworld (1978) de Richard T. Heffron.

Gaïd Girard est Professeure émérite à l’UBO (Brest). Elle est spécialiste de littérature fantastique -spécifiquement de l’auteur irlandais Sheridan Le Fanu auquel elle a consacré un ouvrage chez Champion- et d’arts visuels. Elle est l’auteure de nombreux articles  sur le cinéma (Kubrick, Roeg, Epstein, Marker) et s’est intéressée ces dernières années  plus particulièrement au cinéma de science-fiction, ainsi qu’à des auteurs comme William Gibson et  Marge Piercy. Elle fait partie du laboratoire HCTI et a participé aux différents programmes centrés autour du post-humain.

Antonio Dominguez Leiva

Ultimate Sex Machine: autour de l’Orgasmatron de Woody Allen

«Le lien entre orgasme et science-fiction semble établi chez Woody Allen.

C’est en effet lors du tournage du sketch “What happens during ejaculation?” de Everything You Want to Know About Sex (1972), où il incarne en une parodie burlesque du Voyage fantastique de Richard Fleischer, un spermatozoïde récalcitrant lors de sa mise en orbite, qu’Allen se lance dans la réécriture parodique des tropes science-fictionnels qui triomphaient alors asur la lancée de La Planète des Singes et de 2001: A Space Odyssey de Kubrick.»

Edward Timke

L’ennemi ou un compagnon de la Française?: les publicités pour les appareils électro-ménagers américains en France pendant les années 1950

Dans cette présentation, Edward Timke aborde la question de l’impact de la consommation et des publicités d’appareils électroménagers américains sur le quotidien des femmes françaises dans les années 1950.

Note: Cette communication en prononcée en anglais.

Edward Timke is a doctoral candidate in the Department of Communication Studies at the University of Michigan where he researches the role of media in shaping Franco-American identities and relations.  Before Michigan, Edward served as a manager of exchanges between American, French, and Swiss universities at ISEP (International Student Exchange Programs) in Washington, DC.

Arnaud Regnauld

Persistance du lyrisme et «machinations» du sujet dans «Dictée» de Theresa Hak Kyung Cha et «Locus Solus» de Mark Amerika

Dans cette présentation, Arnaud Regnauld aborde deux oeuvre a priori antithétiques, Dictée de Theresa Hak Kyung Cha et Locus Solus de Mark Amerika, et la persistance du lyrisme à travers l’effacement du sujet qu’on trouve dans ses deux textes.

Arnaud Regnauld est professeur de littérature américaine et de traductologie à l’université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis où il vient d’être réélu aux fonctions de vice-président à la recherche. Ses recherches les plus récentes portent sur les nouvelles formes de textualité à l’ère du numérique et leur traduction ainsi que sur les rapports entre arts, littérature et philosophie.

Sylvie Bauer

«Forest electronics, radio science»: langue toxique et transmissions brouillées dans «The Flame Alphabet» de Ben Marcus

La parole est irréversible, telle est sa fatalité.

À la lecture de The Flame Alphabet écrit par Ben Marcus en 2012, on serait presque tenté de prendre à la lettre la phrase écrite par Roland Barthes à l’orée de son essai intitulé Le bruissement de la langue.

En effet, dans le roman, la parole s’avère fatale, son adresse meurtrière.

Sylvie Bauer est professeure de littérature américaine (États-Unis) à l’Université Rennes 2, où elle est rattachée à l’unité de recherche Anglophonie Communautés Écritures (ACE). Son travail de recherche porte plus précisément sur la littérature américaine contemporaine, sur les figures de l’humain, la question du corps et l’univers immoral du langage. Elle travaille également sur les questions posées par un contemporain marqué par le rapport du sujet à la machine et s’intéresse au rapport entre technologie, corps et langue. Elle est l’auteur d’une monographie sur l’œuvre de Walter Abish et d’articles sur les romans de Percival Everett, Colson Whitehead, Donald Barthelme, Steve Tomasula, Philip Roth, et plusieurs autres.

Bertrand Gervais

«The Readies» (de Bob Brown à dj readies). Un imaginaire technique du livre et de la lecture

Dans cette communication, Bertrand Gervais présente la machine à lire de Bob Brown et son évolution remixée créée par dj readies (Craig Saper) au cours des dernières années.

Gervais offre une réflexion sur la technique, le livre et la lecture, mais aussi sur l’archéologie des médias.

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