Colloque, 8 juin 2010

Les avant-gardes roumaines expliquées aux… Roumains

Ioana Both
couverture
Imaginer l’avant-garde aujourd’hui. Enquête sur l’avenir de son histoire, événement organisé par Bertrand Gervais et Sylvano Santini

Mon intention est de proposer une réflexion sur la réception roumaine des avant-gardes (roumaines, aussi bien qu’occidentales), en focalisant sur le mélange idéologique de nationalisme roumain et de communisme/socialisme à la manière soviétique qui a scellé la plupart des démarches de la critique littéraire visant à établir une histoire et à formuler une axiologie littéraire du mouvement. La réflexion suivra trois moments chronologiques de cette histoire:

  1. Le retour des fils prodigues. Les avant-gardistes d’origine roumaine, après s’être fait un nom en Occident (et avoir quitté le pays en un geste radicalement iconoclaste), reviennent en Roumanie où ils sont réifiés en symboles de la valeur culturelle nationale, ayant «conquis» l’Europe. Raisons et stratégies de cette réification. Comment jouer le jeu des maîtres à penser.
  2. Le socialisme d’inspiration soviétique, imposé en Roumanie par l’occupant après 1945, est à la recherche de légitimité locale/nationale. Relecture des avant-gardes comme mouvements de la gauche prolétaire roumaine de l’entre deux guerres. La réception critique de la littérature avant-gardiste est marquée par l’idéologie officielle. Toujours y est que nombre des anciens «jeunes furieux» du mouvement se laissent prendre au jeu et jouissent des honneurs politiques du moment.
  3. Le nationalisme communiste de l’époque de Ceauşescu, tout en coupant les liens avec l’idéologie soviétique, ne renonce pas à une idéologisation (bien que plus subtile) de la perspective critique sur les avant-gardes roumaines, en redécouvrant aussi leur (supposé) capital de «représentativité nationale» de la culture roumaine en soi.

L’image des avant-gardes que dresse la critique roumaine de la deuxième moitié du XXe siècle est, en soi, un miroir des évolutions idéologiques majeures de la culture roumaine en son ensemble, à travers une histoire traumatique et souvent violente. Ouverture sur un questionnement concernant la créativité de leur postérité «critique».

Ioana Both enseigne à l’Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca depuis 1990. Elle est titulaire d’un doctorat en histoire des idées littéraires roumaines. Ses champs d’intérêt sont la littérature roumaine des 19e et 20e siècles, l’histoire des idées littéraires européennes et la théorie littéraire d’expression française. Elle a publié Sensuri ale perfecţiunii.

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