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L’expérience de l’absence dans «La Vie voyageuse» de Maylis de Kerangal

Amira Ben Rejeb
couverture
Article paru dans Portés disparus: précarités humaines dans le roman d’enquête contemporain, sous la responsabilité de Nicolas Xanthos (2021)

Aissaoui, Marwa. Année inconnue. «Photo au port», [Photographie].

Aissaoui, Marwa. Année inconnue. «Photo au port», [Photographie].
(Credit : Marwa Aissaoui)

L’absence est au cœur du roman d’enquête et exige une nouvelle mise en forme du récit et une nouvelle perception de l’être qui se conjugue sur le mode de l’ellipse. Les romans d’enquête contemporains jouent avec la tentation de comprendre les limites de l’être, de rattraper le temps, de rattraper un être parti sans explications et d’étoffer les lieux de souvenirs et d’anecdotes.

 

Introduction

Le roman d’enquête redéfinit aussi les statuts du personnage-héros et remet en question les logiques qui orientent ses actions. Les deux personnages au cœur de l’enquête, à savoir l’enquêteur et le disparu, flottent entre présence et absence. Le récit de leurs actions est aussi défaillant que leurs actions.

La Vie voyageuse traduit le désir immense, non pas seulement de changer d’air, de décor, mais de changer de vie: s’absenter de son entourage pour découvrir son propre monde, toutes les dimensions de son existence. L’absence des disparus va révéler à la protagoniste une nouvelle dimension d’être: l’absence comme présence à soi.

La crise du personnage dans la littérature contemporaine s’illustre fortement dans les romans d’enquête à travers les personnages qui disparaissent ou meurent de façon accidentelle. De même, dans la plupart des romans d’enquête, l’enquêteur finit lui-même par se trouver plusieurs points communs avec le disparu et se confondre avec lui, pour disparaître à son tour.

La Vie voyageuse n’échappe pas à cette «tradition»: l’enquêtrice, Ariane Malauzier, ressent une distance par rapport à son milieu, elle ressent intérieurement le plaisir de se détacher du monde, de rester dans l’ombre; «c’est si délicieux de n’être personne.» (Kerangal, 2003: 40)

L’enquêtrice a fini par s’habituer à n’être que le fil d’Ariane qui conduit vers les disparus. Elle travaille dans une revue de généalogie L’Archiviste où elle enquête sur la vie des disparus; alors qu’elle est en plein dessaisissement d’elle-même, tout son être lui échappe et elle cherche un moyen de le rattraper. Dans cette enquête de l’intime, le départ semble être l’action principale qui fait avancer le récit. Comme dans tous les départs: il y a une absence à un lieu, et une présence ailleurs dans une autre situation. 

La profondeur intime de l’absence, c’est-à-dire être dans un lieu et se sentir ailleurs, est bien mesurée et illustrée dans La Vie voyageuse sur le plan du récit.

L’expérience de l’absence se trouve au cœur de La Vie voyageuse, elle en est le moteur même. Il va sans dire que l’absence est le motif principal et le fondement de toute enquête. Dans ce roman en particulier, il y a plusieurs formes d’absences qui se divisent en deux catégories distinctes: les absences accidentelles et les absences volontaires. Les absences accidentelles ont une cause passive et fatale. En effet, l’être absent se trouve frappé par la maladie d’Alzheimer ou écrasé sous le joug d’une existence morne et routinière. Cette première forme d’absence est illustrée par le personnage de Jeanne qui subit fatalement la maladie de l’effacement de soi, ou l’Alzheimer, et par Juan Torres, le frère du disparu, témoin de l’absence volontaire de son frère et victime de l’absence, qui vit dans un passé irrécupérable. Ce sont des sujets phénoménologiques qui subissent l’absence et n’entreprennent aucun départ; ce sont les «restants» par opposition aux absents actifs qui ont choisi de partir. 

La seconde forme d’absence est illustrée par les deux disparus Ignacio et Marc dont l’absence est l’expression même de leur agir, d’une volonté de vivre ailleurs.

Entre ces deux formes d’absence, il y a l’enquêtrice, Ariane. Prise dans une position ambivalente, partagée entre le désir de partir et le ressassement d’un passé heureux avec son ex-amant Marc, et chargée d’aider Jeanne dans l’effacement subi. Ariane vit aussi une sorte d’absence au monde, mais d’une manière plus intime, ce qui conjugue tout son récit sur le mode de l’absence. Elle va passer de l’absence intime et à une absence concrète qui se révèlera comme une présence à soi. Mais comment se traduit cette ambivalence de l’absence qui se fait présence ailleurs ou à soi?

L’originalité de ce roman réside entre autres dans l’expression de l’absence, autant dans le contenu du roman que dans sa forme. C’est ainsi que le récit rend palpable l’absence au monde, vécue intérieurement avant même de partir, avant l’absence concrète. Par le même procédé, le récit se conjugue sur le mode de l’intime; le cadre spatiotemporel et l’histoire obéissent au dessaisissement et aux absences chroniques que vit intimement la narratrice. C’est cet aspect de l’absence qui est analysé dans la première partie de cet article. Dans la deuxième partie, il s’agit de comprendre les manifestations de l’absence dans le récit et comment à travers l’enquête la question de l’absence devient une autre manière de concevoir l’humain: l’absence serait synonyme d’une présence à soi-même, en rupture avec toutes les contraintes extérieures. 

Cet article propose donc d’étudier la question de l’absence en deux volets: l’absence dans le roman d’enquête et l’absence qui devient une présence à soi, en se référant aux propositions théoriques de Catherine Malabou (2009) et de David Le Breton (2015: 23-50).

 

Résumé 

La Vie voyageuse de Maylis de Kerangal s’articule autour d’une enquête de l’intime. Ariane Malauzier est une trentenaire qui souffre d’un chagrin d’amour après le départ de son amant Marc et a fini par se désintéresser de la vie, et qui travaille comme journaliste dans la revue l’Archiviste, dont l’intérêt principal porte sur les origines généalogiques. Le récit commence par l’évocation d’un souvenir d’enfance. La narratrice, qui est aussi l’enquêtrice dans ce roman, se remémore un événement familial: le diner annuel qui rassemble toute la famille Malauzier dans l’appartement de la grand-mère à Paris. Lors du diner familial, sa tante Jeanne vient lui confier une mission: retrouver son premier amour de jeunesse, Ignacio Torres. Jeanne lui remet les indices qui peuvent la mener jusqu’à Ignacio, en Espagne: une vieille photo de ce premier amour et une carte postale sur laquelle on retrouve l’adresse exacte de la vieille maison des Torres. Elle lui demande de le retrouver afin de lui faire savoir, cinquante ans plus tard, qu’elle n’a jamais aimé après lui. Jeanne est atteinte d’Alzheimer, elle voudrait transmettre, avant de perdre tous ses souvenirs, un message d’amour à Ignacio. L’absence d’Ignacio est doublée dans le récit par l’absence de Marc dans la vie d’Ariane; cette disparition des deux hommes va inciter Ariane à s’absenter de Paris pour retrouver les disparus. Elle prend la route de l’Espagne, sur les traces d’Ignacio de ville en ville, et débouche finalement au Havre, où elle le retrouve. Ariane va finir par disparaître de Paris et gagner la rive des absents au Havre: là où se trouvent Ignacio, le fantôme de Marc et enfin Svevo avec qui elle retrouve le goût d’aimer et de vivre. Ariane finit par démissionner de sa vie passée, celle de la passivité et des contraintes sociales, familiales et professionnelles pour se trouver une nouvelle vie qu’elle choisit.

 

 

I. L’absence comme moteur de l’enquête

1. L’Alzheimer de Jeanne

Dès le départ, l’enquête démarre et avance à cause de l’absence, du vide laissé par le disparu, Ignacio Torres, dans la vie monotone de Jeanne. Cinquante ans après leur rencontre, la mémoire de Jeanne est menacée par l’Alzheimer, cette maladie de l’effacement et de l’absence d’identité. Elle la ravit au présent et la replonge dans le passé lointain.

Avant de s’embarquer dans l’enquête, la narratrice présente la figure de sa tante Jeanne comme l’incarnation du conformisme. Elle résume ainsi la vie de Jeanne dans un passage au ton ironique. 

La vie de Jeanne Malauzier, épouse Cordel, n’aurait jamais dû s’écarter des consignes inscrites sur la feuille de route que l’on avait déposée dans son berceau. Elle était d’ailleurs, en surface, d’une conformité exemplaire. […] Elle commença par naître à terme, le jour dit, ce qui […] fut une performance. D’emblée, elle ne surprit personne, ni ne se fit attendre, mais fut là où on l’attendait. (Kerangal: 23)

Jeanne coche donc toutes les cases requises pour bien intégrer les normes et les attentes de sa famille. Elle grandit pour devenir une jeune fille réservée qui obéit aux règles établies.

Toutefois, dans cette monotonie d’ensemble, un épisode heureux a lieu durant la guerre: la rencontre d’Ignacio, un jeune homme de seize ans, venu de Barcelone avec sa famille qui fuyait la guerre. Les Torres habitent dans le domaine des Malauzier, confinés dans la grange. C’est là le seul épisode de l’existence de Jeanne où elle transgresse les règles. Elle goûte à la liberté. Elle vit sa première relation amoureuse comme un temps heureux, et, pour reprendre l’expression de la narratrice, «un temps hors du temps» (26). 

Plus tard, Jeanne épouse Georges, un «gendre convenable»: «Le jeune ménage s’installa avenue de la Bourdonnais. Le temps passa.» (28) Le temps qui passe dans la monotonie n’arrive pas à faire oublier à Jeanne ce temps hors du temps où elle a osé s’aventurer librement et pleinement dans l’amour.

Cinquante années ont passé et Jeanne n’a pas oublié cet épisode heureux. Arrivée vers la fin de sa vie, elle réalise qu’elle est passée à côté des choses essentielles dans l’existence: l’amour et la liberté de choisir son destin. Jeanne a toujours aimé Ignacio, mais elle a épousé un aristocrate pour se conformer aux normes sociales, elle a renoncé à l’amour et à la vie pour choisir les normes. Elle découvre que sa vie est vaine, banale, vide et elle choisit de revenir sur ses pas, en quête de l’amour auquel elle a renoncé. Mais le temps ne revient pas sur ses verdicts, de là l’Alzheimer: la maladie de l’effacement de soi surgit pour Jeanne comme un refus et une déception de ce qu’a été sa vie. Sa dernière volonté est d’avouer à Ignacio qu’elle n’a jamais aimé après lui. On pourrait croire, comme le suggère Le Breton dans Disparaître de soi que cette démence est un choix de disparition. Jeanne choisit de s’absenter pour se réfugier dans «un temps hors du temps». L’Alzheimer pourrait donc être considéré comme un choix de s’absenter du monde, d’effacer une identité imposée, portée comme un fardeau, et de revenir intérieurement vers soi, vers un monde dont on a, seul, la clef.

 

2. L’effacement de l’enquêtrice

Les nombreuses hachures et ellipses narratives traduisent l’absence de la narratrice au monde qui l’entoure. Chargée de retrouver l’amour de jeunesse de sa tante, Ariane se lance dans une redécouverte de ses souvenirs avec Marc, de ses réflexions et de son désir de partir. Après le départ de son amant, plus rien ne la retient dans les lieux qu’elle habite, sauf les chaines du passé. C’est cette tension entre une sorte d’obligation familiale et éthique envers sa tante et entre le désir de partir qui va la mener à s’en aller pour l’enquête.

L’enquêtrice décide de partir à Barcelone à la demande de Jeanne. Celle-ci lui confie une liasse de billets ainsi qu’une vieille photo où elle apparaît avec son amour de jeunesse. Outre l’argent et l’empathie d’Ariane envers sa tante atteinte d’Alzheimer, tout semble dire que l’exhortation au départ émane de cette absence vécue et ressentie par Jeanne, mais aussi par Ariane, l’enquêtrice. Ariane, après sa rupture avec Marc, vit dans l’absence. Elle désinvestit le monde et le milieu auquel elle appartient, elle ne trouve plus sa place dans le noyau familial, elle ressent un détachement. 

Elle prend conscience de son propre désinvestissement, du fait de n’être plus personne. Elle est prise, semble-t-il, dans une tension entre le temps qui passe et le passé qui persiste. Le manque d’investissement et d’intérêt éprouvé envers son milieu pourrait correspondre à l’abolition du principe d’illusio énoncé par Bourdieu 1Pierre Bourdieu (1998), Les Règles de l’Art, Le Seuil, 1998, p. 36. et auquel il se réfère en analysant L’éducation sentimentale de Flaubert. L’illusio consiste à adhérer au jeu social et à assumer son rôle dans le noyau familial et social qui nous est donné; d’après Bourdieu, les personnages qui n’adhèrent pas au jeu collectif sont des personnages romanesques qui vivent une adolescence tardive. Si l’on reprend le même concept pour La Vie voyageuse, il semble certain qu’Ariane, au début du roman, ne joue pas vraiment le jeu dans son milieu: elle fait un travail qu’elle n’aime pas et fréquente des gens hors de son cercle social et professionnel, ce qui laisse entendre qu’elle préfère créer ses propres règles de jeu en dehors des catégories sociales. 

L’emploi des champs lexicaux des racines et des feuilles, de la surface et de la profondeur (le fleuve, la mer, le miroir) et des retours dans la mémoire montrent la double dimension de l’être, présent par le corps et absent par l’esprit: une surface insondable, ce qui illustre toujours l’idée d’une ellipse.

L’enquêtrice s’éclipse et se dérobe quand elle est entourée de sa famille. Elle vit dans une autre dimension entre la présence et l’absence. Lors du diner familial annuel, la narratrice donne une illustration poétique de son sentiment d’absence et surtout de cette frontière poreuse entre la présence et l’absence représentée par le miroir.

Je surgis dans le miroir, émergée en surface, absolument nette, absolument découpée. Mon reflet m’assaille. […] Son contour, ciselé à la manière d’un bas relief, semble venir à ma rencontre, pour me saisir. Un fragment de seconde et puis cela s’évanouit. Je suis immobile contre le mur et je bouge dans le miroir. Je m’enfouis et je me mets au jour […]. Je suis au milieu d’eux et je suis invisible. Eux mes semblables. Peu à peu, derrière moi, les corps des autres ne forment plus qu’un fond sombre et mouvant. […] Peu à peu, lentement, je me détache. Je peine à discerner la force de ce mouvement, mais je le sais inexorable, définitif autant qu’aléatoire. C’est à peine un éloignement et déjà une séparation. (Kerangal: 13)

Détachée du «fond sombre et mouvant» que représente la foule autour d’elle, Ariane expérimente la présence sur un mode fantomatique. Dans cette scène devant le miroir, la séparation ressentie par Ariane, ce «mouvement inexorable», est celui des départs qui va l’amener à entreprendre l’enquête. Ce moment face au miroir, décrit sur près de deux pages, est en fait un moment clé dans le roman, annonçant la séparation réelle du Paris qu’elle habite. Devant le fleuve, Ariane annonce dès les premières pages son déchirement et son désir de partir. «Je me penche au-dessus du fleuve. Je pourrais m’y jeter. Ce ne serait pas difficile. Je ferais la planche, comme j’aime tant à le faire, l’été, dans les criques et dans les rivières, et je me laisserais porter par le courant, les yeux au ciel. Je me penche encore. Marc est au bout de ce flot. Je le sais.» (17)

L’enquête vient comme une grâce lui accordant une nouvelle chance de comprendre et de vivre les enjeux profonds de l’absence. Au premier abord, les actions, soit les départs, sont motivées par des intentions de tout quitter: celles d’Ignacio Torres, de Marc et enfin de l’enquêtrice. Ainsi, les personnages qui éprouvent leur identité ou la phase qu’ils traversent comme un fardeau lourd à porter choisissent, d’une manière ou d’une autre, de disparaître, de s’absenter du monde. 

Outre la rupture avec Marc, son travail d’enquêtrice dans la revue de généalogie contribue à cet état d’effacement. Il l’amène peu à peu à disparaître et n’être qu’une médiatrice: «C’est un peu ça l’Archiviste. Difficile d’en sortir de cet antre. C’est si délicieux de n’être personne.» (40)

Parallèlement à l’enquête, elle plonge dans le passé, et l’explication d’un détail ou d’un événement de sa vie prend plus de place que le récit de l’action en soi. L’absence vient orienter tout le récit et définir le cadre spatio-temporel de l’enquête. Ariane ne maîtrise pas les étapes de l’enquête, elle se laisser guider par ses réminiscences et par les témoins qui surgissent sur son chemin.

 

3. Poétique de l’absence

La conception de l’espace est particulière dans le roman. Ariane décrit minutieusement et longuement chaque lieu qu’elle visite en lui donnant une portée philosophique. Il est important de relever que, dans le récit, on retrouve une profusion d’images poétiques des vagues, des flots, des fleuves et des ponts. L’ondulation des vagues renvoie au flottement intérieur ressenti par Ariane, et au flottement entre soi et l’autre. La narratrice résout cette énigme des flots en les assimilant à la fragmentation des rapports humains: «Alors j’étais devant l’océan. […] La densité de l’air, le mouvement lent et profond qui remuait la mer, la fragmentation infinie de l’horizon, tout cela me replaçait avec force devant la précarité des affaires humaines.» (89)

Le temps et le lieu se conjuguent sur le mode de l’intime. Tout l’espace de La Vie voyageuse sert l’expérience de l’absence et du dessaisissement de l’être. Les lieux de l’enquête sont définis, l’enquêtrice visite quatre villes avant de venir à trouver Ignacio. Elle commence à Vernières, le lieu qui a vu naitre l’amour de Jeanne et Ignacio. 

Vernières

14-15 janvier 2000

Autoroute déserte. J’avale le ruban en pointillé qui se déroule à l’infini devant mes phares. C’est fluide comme dans un rêve. […] La vitesse m’a gagnée progressivement et je remonte le long d’une ligne de fuite hachurée qui me guide dans l’obscurité comme un fil blanc. (51)

Le temps du récit change, c’est le présent de l’action. La vitesse qui gagne progressivement la narratrice sur la route peut se ressentir dans le ton du récit, la ligne hachurée pourrait faire écho aux hachures dans le récit d’enquête. Un jugement hâtif sur ses compétences d’enquêtrice se trouve vite démenti par le récit hachuré. Le récit hachuré par des retours dans le temps fait écho à la mémoire défaillante de la narratrice. Voilà qu’un détail surgit, une sensation, un souvenir intense et la narratrice s’embarque dans l’aventure intérieure sur les traces des souvenirs. L’absence est au cœur du récit et du temps dans le roman, elle se décline sous ses différentes formes littéraires: l’ellipse, l’analepse et la prolepse. Ces procédés confirment que le récit restera en mode fragmentaire et oscillatoire entre passé et présent, mais guidé dans le flou des pistes par l’objectif final de l’enquête, ce fil rouge: retrouver Ignacio.

Ariane fait une description détaillée du lieu, elle est dans sa voiture. Elle expose au lecteur tout le paysage qui l’entoure: les panneaux sur la route, les arbres arrachés, la couleur sombre de la boue en toile de fond; en somme, un paysage de la ruine et du délabrement. Subitement, au cœur de ce paysage, elle affiche son absence. Une absence rendue palpable dans le récit: la narratrice revient quelques jours plutôt, à la soirée du réveillon dans le luxueux appartement de ses amis.

Une fois enfermée dans la voiture, j’attrape la couverture à l’arrière et m’y replie, pour attendre. […] J’allume la radio. Des voix insomniaques parlent du chant des shamans. Bientôt le matin. Il me reste quelques cigarettes pour le voir venir. Il y a quelques jours, je dansais aux Lilas dans un salon décoré de bougies et de couples ivres. C’était le réveillon de l’an 2000 et je portais une robe chinoise en satin rouge rebrodé de dragons. Alex et Maya s’étaient surpassés. Organiser des fêtes est chez eux une seconde nature.

L’enquêtrice a l’art de réunir dans son esprit, au même moment, deux espaces antithétiques: un village délabré déserté et une fête dans l’appartement luxueux de ses amis. Mais, quand il s’agit d’un saut entre présence et absence, le lecteur est averti grâce à la mise en forme: dans le passage à l’absence, la narratrice passe à une nouvelle page, comme pour marquer l’alternance entre deux chapitres: présence et absence.

Vernières est décrit comme dévasté par l’absence des personnages. Le concierge de la vieille maison dans le domaine des Malauzier parle peu. Il se rappelle bien les Torres, mais semble indifférent à la requête d’Ariane. Celle-ci insiste et finit par obtenir de lui une carte postale, avec l’adresse de la maison des Torres à Barcelone. Il s’avère être un témoin efficace, il est le premier à la mettre sur la bonne piste d’enquête. Elle prend la route vers l’Espagne.

Barcelone

16-23 janvier 2000

Je roule vers l’Espagne. La couverture à l’arrière sent l’essence et la cardamome. C’est la couverture de Marc.[…] Je me suis enroulée dans cette couverture chaque soir pendant les mois qui ont suivi la disparition de Marc. Je la sortais à la tombée du jour du coffre de ma chambre où je la tenais au secret puis, selon la marche d’un rituel interminable et grotesque, je la dépliais pour bien la voir. Une fois nue, je m’y allongeais sur le dos et m’en recouvrais totalement le corps. […] Les yeux fermés je sentais venir Marc. (65)

L’enquêtrice enchaine ainsi la description minutieuse de la couverture, son odeur, son étoffe et les souvenirs qui refont surface. Dans le texte, il y a une métaphore filée du tissu 2«L’Archiviste, finalement, ça s’apparenterait plutôt à un atelier de couture. J’y couds tout le jour des vies qui ne me sont rien […] leurs tissus se mêlant ensemble pour former un patchwork aux motifs bizarres, qui me sert de vêtement […]. Je me drape dans les vies des autres […] Je déroule ces existences bien à plat devant moi comme on tire d’un coup sec sur un rouleau d’étoffe dans la boutique […]. Je faufile, brode, et assemble en un montage plausible des morceaux disparates. Je démêle les nœuds, je rapièce les trous. Je vais regarder de près les doublures. Je travaille le pli, ce qu’il découvre et ce qu’il retient. Je suis du doigt toutes les coutures. Je donne son tombée à l’ensemble. Du cousu main. Du bon boulot. C’est un peu ça L’archiviste.» (39-40); la narratrice l’assimile au tissu même de la mémoire et à la peau, cette surface poreuse de l’être à travers laquelle il garde et aspire en lui le monde et le vécu. La couverture de Marc remplace la peau d’Ariane – «une fois nue elle s’y allongeait» – comme si elle voulait échanger sa peau contre cette seconde peau, cette seconde mémoire qui retient les traces de Marc.

En parallèle avec l’image poétique de la mémoire comme tissu, il y a une certaine conception du temps sur le mode de l’absence. On assiste dans cette scène à l’absence dans la présence. En pleine enquête, Ariane se trouve ravie au présent en pensant à Marc. Le temps de l’action est suspendu pour suivre le fil du temps passé: en effet, c’est une évasion dans le temps et dans l’espace mise en relief par la poétique d’alternance entre présence et absence, présent et passé. Un détachement du temps et du lieu se fait sentir. 

Dans cette ambivalence de l’absence, il y a un espace autre, insaisissable: le non-lieu, ou la route entre les villes qu’elle visite. L’enquêtrice est tantôt dans sa voiture, tantôt dans le train et souvent au bord d’un port à contempler les bateaux qui partent. Elle est en mouvement insaisissable entre arrivée et départ, elle est ici et ailleurs. Ce procédé est un élément qui retarde l’action pour révéler l’impuissance de l’enquêtrice guidée par les témoins devant l’acte d’enquêter. Autrement, elle est incapable de décrypter les indices dans cette enquête sans l’aide et l’orientation des témoins.

 

 

II. L’absence comme mode d’habiter le monde

Munie d’une carte de Barcelone, Ariane prend la route et l’enquête démarre. Le cadre spatio-temporel est enfin établi, à la page 51 du roman: la narratrice annonce les différentes destinations et les dates de son séjour, et le roman prend la forme d’un carnet d’écriture. En effet, l’enquêtrice qui vit une absence presque involontaire part à la recherche d’Ignacio en partie à cause d’un désir de se libérer: «J’étais une captive. Tout le jour, j’oscillais entre le désir médiocre de rester dans la cage, et celui d’en sortir, imaginant alors les différents moyens de m’évader en beauté.» (70)

L’action du départ révèle une quête d’une valeur plus grandiose: la Liberté. En ce sens, les valeurs et non les intentions seraient les véritables motifs. 

 

1. Les témoins de l’absence

Une vue d’ensemble révèle que tout le récit est construit sur une logique d’opposition entre deux champs contradictoires et pourtant liés: les personnes qui restent et celles qui partent, la présence passive et l’absence active et affirmée. 

Parmi les témoins de l’absence, on retrouve Juan Torres le frère d’Ignacio. Il est une figure intéressante de la présence passive, lasse, superflue. Il est réticent face aux questions d’Ariane, mais désire tout de même prolonger les discussions avec elle, sur plusieurs jours. C’est un historien. Il appartient à ceux qui restent, qui tiennent aux «racines» familiales. Il n’a jamais quitté l’appartement familial des Torres et s’occupe de la cause familiale, comme il l’exprime. Il est en colère à cause du départ d’Ignacio. Celui-ci semble être parti pour poursuivre une carrière musicale, ce qui révolte son frère. Ariane maîtrise l’art d’écouter, elle accepte de patienter et faire patienter le lecteur en attendant ce témoignage à retardement. Elle passe une semaine entière à Barcelone guettant un indice. 

Finalement, c’est Philippo, le voisin des Torres, qui vient donner l’indice important. Il confie à Ariane une information qui va la mener vers un témoin efficace: la conjointe d’Ignacio Torres. Juste au moment où l’enquêtrice semble désespérer de Juan, son voisin, Philippo, lui dit: «C’est bien Ignacio, le pianiste aux bras croisés. La harpiste sa femme» (113). Aussitôt que cette nouvelle piste apparaît, l’enquêtrice part sur les traces d’Ignacio. 

Dans le passage où Philippo annonce cette piste à l’enquêtrice, il croit voir en elle une femme qu’il a connue. Le ton de l’enquêtrice devient ironique, elle accepte ce trait inhérent à son rôle, celui de n’être personne. «J’avais donc la tête de quelqu’un d’autre, une tête de fantôme, de revenante. C’était bien ma veine» (113).

Cependant, Ariane qui passe plus d’une semaine à Barcelone à discuter avec Juan, prend conscience que cet historien, avec son appartement rempli de journaux, sa passivité et sa colère, est l’incarnation de ce qu’elle refuse de devenir: «Juan Torres est loin d’être le premier vieux misanthrope que je croise. Ils sont légion dans les parages de L’Archiviste. C’est même un archétype banal et persistant.» (99) 

Ariane part à Vals-les-bains où elle retrouve l’ex-conjointe d’Ignacio avec son fils. Celui-ci lui confie des chèques, une nouvelle pièce du puzzle. Elle y trouve le nom et l’adresse de la compagnie d’Ignacio, au Havre.

Arrivée au Havre, où Marc avait longtemps séjourné, Ariane fait la rencontre du capitaine au port, et elle est tentée d’enquêter sur Marc en même temps que sur Ignacio. Le témoin est confus, il lui demande ce qu’elle cherche au juste. Marc, qui devait se trouver à Zanzibar, semble réapparaitre comme un fantôme hantant la mémoire d’Ariane et le Havre. Elle croit le voir et déroute le lecteur par ce dernier retour dans le passé, où elle parle de sa rencontre avec lui au Havre après la rupture. Ariane se rappelle de la scène où elle rencontre Marc, et relate leur dialogue. Le lecteur croit presque qu’elle voit Marc au Havre au moment de l’enquête. Le seul indice qui montre que c’est un souvenir vient dans cette phrase qui donne une indication temporelle: «Je me souviens qu’il faisait chaud pour septembre» (149).

Les hachures dans le récit laissent entendre que la narratrice ne maîtrise pas l’enquête: elle se lance parfois dans des réminiscences du passé et laisse l’enquête en suspens, pour y revenir plus tard. Nicolas Xanthos souligne cet aspect dans son article «Raconter dans le crépuscule du héros. Fragilités narratives dans le roman d’enquête contemporain»,

Si la possibilité du récit se complique, c’est en somme, nous disent ces romans, parce que l’être, celui qui doit raconter comme celui qu’on raconte, voit désormais fragilisées les façons habituelles d’envisager et d’énoncer son identité, son agir, sa vie ou son inscription dans le temps, parce que l’attention romanesque se porte sur des moments, des expériences, des modes d’être qui sont autant de dessaisissement, d’évanouissement, de défaillance du concept de l’homme d’action en pleine maîtrise de son univers et de ses capacités volitives et cognitives. (Xanthos, 2011a: 123)

Après ses évanouissements et ses retours dans le passé, Ariane se ressaisit. Elle continue tant bien que mal l’enquête. Elle rencontre le capitaine du port du Havre qui l’envoie enfin dans le bureau d’un certain Svevo susceptible la renseigner sur Ignacio Torres.

 

2. Le choix de l’absence: présence à soi

«Le Havre. Terminus. Descendre. La gare était bien une extrémité.» (Kerangal: 134) La finalité de l’enquête, qui devait clore le récit par une présence, débouche sur une nouvelle forme d’absence. Pour Ariane, combler l’absence va aller dans deux sens, l’un externe et l’autre interne: retrouver Ignacio et se retrouver elle-même. Ce qui se fera d’ailleurs au même niveau sur le plan du récit et sur le plan spatial. Tout le récit de l’enquête sert le passage de la présence passive à une absence vive pour l’enquêtrice, une absence paradoxale et ambivalente en soi. 

Quand Ariane trouve le disparu Ignacio, son absence semble être une présence à soi au Havre, où il mène une vie d’artiste à succès, une vie qu’il a choisie. L’enquête semble déboucher sur la prise de conscience que toute absence implique un ailleurs où elle devient présence pleine.

Jeanne, qui est à l’origine de cette enquête, finit par disparaître. Elle s’efface dans la maladie d’Alzheimer, elle est à son tour absente. Elle est devenue une forme autre d’elle même qui ne reconnaitra plus rien de sa vie passée et de son identité. C’est là que toute l’enquête semble n’avoir plus d’utilité. Ariane n’appellera plus Jeanne car celle-ci ne la reconnaitra même plus.

Déjà à Barcelone, elle avait appelé Jeanne et celle-ci commençait à tout oublier: «Jeanne au téléphone. Je l’appelle avant le dîner. Elle ne comprend pas tout de suite pourquoi. Il faut que je lui rappelle ce que je suis allée faire à Barcelone. Je perds la mémoire, ma petite Ariane. Les jours vont et le monde se dérobe sous mes pas.» (97)

Devant l’impossibilité pour Ariane de donner un but et une finalité à l’enquête, l’absence devient elle-même la finalité. Ariane fait le choix de rester au Havre, d’oublier dans les bras de Svevo, le fantôme de Marc.

La question de l’absence et de l’effacement prend un nouveau sens dans l’esprit de l’enquêtrice. L’absence devient un choix affirmé et une nouvelle naissance. Ariane découvre que ceux qui partent ne sont pas des disparus: ce sont les vrais présents dans la vie qu’ils choisissent. Ceux qui restent, notamment Jeanne et Juan, sont les véritables absents: à force de se clouer à la passivité, ils disparaissent dans une aliénation irréversible.

Ignacio est parti au Havre poursuivant son rêve, il mène une existence heureuse. Ariane arrive au Havre, elle retrouve Ignacio, lui montre les photos, parle de Jeanne. Il est enchanté, mais il est déjà loin. Ignacio affiche un sourire devant ce souvenir qui surgit du passé, il a gardé la même photo, mais il semble détaché de ce passé. Il vit au présent. Il ne pose pas de questions à Ariane sur l’enquête qu’elle a menée. «J’ai aimé qu’il demeure indifférent aux anecdotes. J’ai aimé qu’il ne me donne pas de réponse –il n’y a jamais de réponse» (153).

Il semble évident qu’en faisant le voyage de l’enquête, Ariane passe de l’autre bord de la rive. La rive des absents qui habitent pourtant le monde, et sont actifs au présent; ceux qui font le choix de leur identité et rompent avec celle qui leur a été imposée dès la naissance. 

Vers la fin du roman, quand l’enquêtrice s’approche du Havre, où Marc et Ignacio se trouvent, elle va à la source qui a déclenché cette absence en elle. Ariane se remémore le jour du départ de Marc, et prend position par rapport à l’attente. En pensant au jour du départ de Marc, elle se rend compte qu’elle refuse cette situation de femme «restante» dans le passé.

Je m’étais juré de ne pas sortir un orteil de chez moi, préférant crever de rage et de chagrin, là, dans ce Paris si vide, que de venir agiter mon mouchoir quai des Belges. […] J’imaginais son départ. Je voyais Marc […]. Puis, cette image s’élargissait et autour de nous, apparaissaient toutes les autres, ces femmes tristes qui reniflaient en chœur sur le départ de leur bonhomme, pauvres vaches qui meugleraient ce soir leurs appels de détresse quand le bateau passerait les feux de la grande digue. Jamais je ne voudrais en être, de ce troupeau de restantes. (132)

À la fin du voyage, l’esprit d’Ariane n’est plus centré sur l’image de Marc et les souvenirs qui ont jalonné son absence, mais plutôt sur la question de l’absence. Elle prend position contre l’attente passive de ces femmes: l’attente, une présence passive, est en fait un renoncement à la vie, un effacement, une véritable absence. 

Ariane prend son destin en main, elle opte pour une absence du monde de Jeanne et de Juan, le monde des restants. 

Sa prise de position révèle une femme forte, capable de rompre avec l’attente passive. Elle retrouve l’amour de nouveau au Havre. Sur les pas du disparu, Ariane finit par disparaître de Paris pour renaitre dans les bras de Svevo.

Svevo dormait tout près de moi. Nous étions seuls au monde, abandonnés. J’avais une grande envie de vivre. Je me sentais légère, neuve, loin de tout et j’étais bien. J’ai décidé de ne pas appeler Jeanne. Sûre, soudain, qu’elle me demanderait qui est-ce? Quand je lui parlerais d’Ignacio Torres. En revanche, j’allais devoir prévenir L’Archiviste pour dire que je ne rentrerais pas. Que j’étais fini et que j’étais partie pour toujours. (159)

La transformation à travers et grâce à l’absence n’est confirmée qu’à la fin du roman, quand la narratrice jette l’ancre sur la rive des absents et éprouve son existence comme un choix, libre de toute contrainte extérieure. L’acte de «démissionner» pourrait être pris comme un acte de révolte: Ariane est sortie de «cet antre» qu’elle haïssait et qui symbolise toutes les contraintes sociales et morales.

 

 

Conclusion

L’absence est toujours au cœur du roman contemporain qui sacrifie le personnage. Dans le roman de Maylis de Kerangal, l’absence apparaît non seulement comme une présence en soi, mais la femme y devient «agent3Le terme de Bourdieu est repris ici pour souligner que le sujet subit l’action et la fait, il n’est pas seulement acteur, il est agent, le personnage est dessaisi de soi quand il subit son entourage.» et sujet, elle n’est plus dans l’attente, dans le rôle passif «des restantes» où elle ne faisait que subir le départ comme une action douloureuse. Le personnage féminin rompt avec les conventions sociales de la grande bourgeoisie parisienne pour se retrouver. Ainsi pourrait-on dire que dans le roman de Maylis de Kerangal, la femme prend position, se révolte et choisit de s’absenter au monde des contraintes, pour revenir enfin à elle-même, pour retrouver la valeur de la liberté qui est la quintessence même de l’être humain. 

La Vie voyageuse permettrait en ce sens de repenser la position de la femme autant dans la société, où on la conditionne aux contraintes que sont les catégories, pour la confiner aux rôles passifs. L’absence, dans ce roman, présente une porosité, elle peut devenir présence si elle se trouve motivée par un choix, c’est une nouvelle naissance et un «Havre» de paix.

D’autre part, malgré le fait que Jeanne semble être ravie malgré elle au monde à cause de l’Alzheimer, le roman renferme une grande interrogation sur la possibilité que cet effacement cérébral soit un choix, une autre façon de tourner le dos au monde qui ne nous convient plus. En cela, cette perception confirme la réflexion que présente David Le Breton dans Disparaître de soi. Ce roman d’enquête réfléchit sur les différentes formes du départ, une condition importante dans le destin de l’être humain. Dès sa naissance, l’homme est voué à partir, un jour, et, si le départ s’avère être une nouvelle naissance, tout devient plus intéressant. Il n’y a pas qu’une seule manière d’exister, mais bien plusieurs dimensions d’être, il faut simplement trouver le langage qui les définit.

 

Bibliographie

Bourdieu, Pierre. 1992. Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire. Paris : Seuil, « Libre examen », 480 p.

Gervais, Bertrand. 1990. Récits et actions. Pour une théorie de la lecture. Longueil : Le Préambule.

Kerangal, Maylis de. 2003. La vie voyageuse. Paris : Éditions Verticales / Seuil.

Le Breton, David. 2015. Disparaître de soi: Une tentation contemporaine. Paris : Métailié, 208 p.

Malabou, Catherine. 2009. Ontologie de l’accident: Essai sur la plasticité destructrice. Paris : Léo Scheer, « Variations X », 88 p.

Ricoeur, Paul. 1984. Temps et récit 2. La Configuration du temps dans le récit de fiction. Paris : Seuil, 234 p.

Xanthos, Nicolas. 2011. « Raconter dans le crépuscule du héros. Fragilités narratives dans le roman d’enquête contemporain », dans Frances Fortier et Mercier, Andrée (dir.), La transmission narrative. Modalités du pacte romanesque contemporain. Québec : Nota Bene, p. 111-125.

Xanthos, Nicolas. 2011. Irréductibilités événementielles dans le roman d’enquête contemporain. Poétiques et imaginaires de l’événement.

Xanthos, Nicolas. 2006. Avoir le sens des valeurs: le difficile pluriel de la sémiotique narrative. <http://www.erudit.org.proxy.bibliotheques.uqam.ca:2048/revue/pr/2006/v34/n2-3/014275ar.html>.

  • 1
    Pierre Bourdieu (1998), Les Règles de l’Art, Le Seuil, 1998, p. 36.
  • 2
    «L’Archiviste, finalement, ça s’apparenterait plutôt à un atelier de couture. J’y couds tout le jour des vies qui ne me sont rien […] leurs tissus se mêlant ensemble pour former un patchwork aux motifs bizarres, qui me sert de vêtement […]. Je me drape dans les vies des autres […] Je déroule ces existences bien à plat devant moi comme on tire d’un coup sec sur un rouleau d’étoffe dans la boutique […]. Je faufile, brode, et assemble en un montage plausible des morceaux disparates. Je démêle les nœuds, je rapièce les trous. Je vais regarder de près les doublures. Je travaille le pli, ce qu’il découvre et ce qu’il retient. Je suis du doigt toutes les coutures. Je donne son tombée à l’ensemble. Du cousu main. Du bon boulot. C’est un peu ça L’archiviste.» (39-40)
  • 3
    Le terme de Bourdieu est repris ici pour souligner que le sujet subit l’action et la fait, il n’est pas seulement acteur, il est agent, le personnage est dessaisi de soi quand il subit son entourage.
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