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Le cliché touristique dans le Nouveau Roman

Claudia Bouliane
couverture
Article paru dans Repenser le réalisme, sous la responsabilité de Bernabé Wesley et Claudia Bouliane (2018)

Éditions Laurent-Nel. Avant 1935. «Le Mont-Saint-Michel» [Carte postale]

Éditions Laurent-Nel. Avant 1935. «Le Mont-Saint-Michel» [Carte postale]
(Credit : Éditions Laurent-Nel)

«Cette recherche, […] c’est avant tout un itinéraire […].»

—Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman

 

Avec le second après-guerre naît une nouvelle phase du développement industriel, laquelle induit le passage d’un tourisme d’élite à un tourisme de masse. Cette transformation s’inscrit dans la foulée des évolutions sociales qui ont eu cours pendant l’entre-deux-guerres, notamment en ce qui touche l’avènement de la «société des loisirs». 

Dans les années 1930, les progrès importants réalisés dans le domaine du droit du travail, avec la victoire du Front populaire et sa loi de 1936 sur les congés payés, avaient permis l’émergence d’une culture des vacances1Roland Barthes note dans son article «L’écrivain en vacances» l’intérêt sémiologique que présente cette nouvelle donne culturelle: «Les “vacances” sont un fait social récent, dont il serait d’ailleurs intéressant de suivre le développement mythologique. D’abord fait scolaire, elles sont devenues depuis les congés payés, un fait prolétarien, du moins laborieux» (Barthes: 31).. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, le processus de «touristification2Le concept de «touristification», transposé du terme anglais, circule en français depuis les années 1990, particulièrement dans les études sur l’aménagement touristique des villes (Lanfant, 1994).» prend une ampleur jusque-là inédite. La France connaît plusieurs changements qui favorisent cet essor, aux premiers rangs desquels se distinguent la production massive de voitures rendant possibles les déplacements individuels et l’extension progressive des vacances rémunérées. La conjonction de ces deux phénomènes nécessite la construction des «autoroutes des vacances», que Michel Fugain chante en 1972.

Les Français découvrent leur pays et s’aventurent sur les chemins d’Europe; ils reçoivent en retour des visiteurs provenant de partout sur le continent et même d’outre-mer. Le véritable changement s’opère en 1958, date à partir de laquelle se multiplient les nouveaux vols plus rapides et moins chers qui modifient durablement les perspectives touristiques des Occidentaux. L’établissement de grandes chaînes hôtelières (Hilton, Novotel) et la création du Club Méditerranée renforcent ce mouvement de globalisation touristique. Maints historiens du XXe siècle considèrent cette période allant de 1950 à 1980 comme le pendant touristique des Trente Glorieuses. Au cours de ces trois décennies, les nations européennes entreprennent la prise en charge de ce secteur d’activité en pleine ébullition. Se fondent des associations, des bureaux d’étude, des offices et des ministères du tourisme, autant de structures établies dans le but d’encadrer les nouveaux types de voyageurs issus de la massification touristique. L’ONU officialise cette dernière quand elle fait de 1967 «l’année internationale du tourisme» à l’initiative de l’Union internationale des organismes officiels de propagande touristique.

 

Alors qu’il occupe de plus en plus de place dans la société française, le tourisme est fréquemment thématisé dans les arts et la littérature. On ne lit plus seulement les «récits de voyage» des grands auteurs – Barrès, Cendrars, Larbaud, Morand, pour ne citer qu’eux –, mais aussi des romans dans lesquels des «Français moyens» courent le monde. Les vacances ne se limitent plus dans les œuvres des poètes, des cinéastes et des essayistes aux villégiatures en luxueux sanatorium montagnard, en maison secondaire campagnarde ou à bord d’un bateau de croisière princier, mais comprennent désormais les séjours dans les «campings sociaux», les hôtels de «deux étoiles confort», les Villages Vacances Familles et les stations balnéaires bon marché qui pullulent en France et ailleurs. Les représentations des estivants, des juillettistes, des festivaliers et autres vacanciers faites par ceux qui les accueillent, avec bienveillance ou non, foisonnent dans la production artistique et littéraire des années 1950-1980. L’observation accrue de la nouvelle espèce migratrice en constante expansion donne lieu dans les textes fictionnels de toutes formes à des typologies, des caricatures, des critiques, des attaques, des louanges, de sorte que la littérature offre une réponse singulière aux discours hégémoniques sur le tourisme. Les documents produits par et pour les touristes seraient selon certains historiens, comme Frédéric Vidal, autant d’

instruments d’apprentissage [des lieux]. Ils élaborent un langage usuel qu’il est possible de partager, notamment entre habitants/résidents et visiteurs/voyageurs. [Ils] participent aussi à un processus d’uniformisation des modes de penser et de décrire [les lieux], quels que soient les contextes locaux ou nationaux. (106)

Pour des sémiologues, au premier chef Barthes, les «Guides bleus» et autres manuels à l’usage des explorateurs dilettantes sont plutôt des «instrument[s] d’aveuglement» (Barthes:123).

Les textes littéraires proposent plusieurs contre-discours possibles à ces voix sérielles promouvant la standardisation de l’imaginaire social. Ils sont conçus à partir de leur questionnement, de leur mise à distance, de leur reprise ironique, de leur détournement humoristique, de leur dépassement symbolique, etc. Face à l’ambivalence des propos que les auteurs de l’époque tiennent sur le sujet d’actualité, on est donc en droit de se demander si, pour eux, le touriste est davantage cet «aventurier des temps modernes» que certains s’imaginent ou bien s’il appartient à une «sous-humanité privée par nature de jugement et qui outrepasse ridiculement sa condition lorsqu’elle se mêle d’en avoir un», comme le pose Barthes avec virulence (131). Autrement dit, pour ceux qui en font un motif textuel, le tourisme consiste-t-il en une tare de la société de masse, laquelle aurait pour résultat la relativisation spatiale généralisée3C’est ce qu’avance, parmi d’autres penseurs français, le sociologue Henri Lefebvre: «Le tourisme détruit le lieu touristique du seul fait qu’il y attire les foules et que le lieu (ville, paysage, musée) n’a plus d’autre intérêt que celui d’une rencontre qui pourrait se passer ailleurs, n’importe où.» (196), ou plutôt en ce que des sociologues contemporains nomment un «apprentissage sociétal» (Amirou: 233)?

 

De nombreux romans à vocation réaliste mettent en texte le pérégrin séculier de la deuxième moitié du XXe siècle. Leur lecture montre qu’ils tendent à nourrir les clichés à son sujet. Ils sont légion à représenter les touristes comme autant de têtes de bétail d’un «troupeau interchangeable», comme les désigne la narration du roman Un Singe en hiver grâce auquel Antoine Blondin obtient le Prix Interallié en 1959 (203). L’aubergiste sur lequel elle est focalisée n’a que du «mépris» pour ce «cortège falot» (204) à «l’instinct grégaire» (201) dont il suffit de laver les draps pour en oublier le passage. La majorité des textes ne font pas l’impasse sur le portrait-robot facile du niais en chemise fleurie, bermuda de coton de couleur vive, coups de soleil au visage, appareil photo en bandoulière, guide ou carte en main, etc. La plupart d’entre eux notent complaisamment son indifférence crasse pour les monuments extraordinaires qu’il envahit davantage qu’il ne les visite. La jeune guide du Musée de la Guerre de Normandie mise en scène dans Quand la mer se retire que publie Armand Lanoux en 1963, et avec lequel il remporte le Prix Goncourt, remarque narquoisement la sérialité de la bêtise chez ses clients:

Elle connaissait bien cette expression d’en dedans qu’ils avaient tous, cet air de somnambule. Encore un! Les visiteurs, un moment engourdis, s’interpellaient, gens de la campagne, bourgeois, touristes venus pour la Pentecôte qui profitaient de l’occasion; ç’eût été aussi bien un musée de coiffes ou de papillons! (20)

Ce commentaire rappelle la scène célèbre de Zazie dans le métro, paru quatre ans auparavant, où Gabriel joue bien maladroitement les guides touristiques auprès de l’opiniâtre gamine, qu’il distrait de sa méprise entre la gare de Lyon et le Panthéon en attirant son attention sur un nouvel édifice digne de mention: «Peut-être, mais maintenant c’est du passé, n’en parlons plus, tandis que ça, petite, regarde-moi ça si c’est chouette comme architecture, c’est les Invalides…» (566)

 

Une revue en surface pousserait au constat suivant: il n’y a rien de plus semblable à un touriste qu’un autre touriste. Il n’y aurait donc pas de quoi produire un roman stimulant autour de ce type absolu. Comme le note Marin de Viry dans son essai volontairement provocateur Tous touristes publié en 2010, le difficile, dans la représentation réaliste, soit non caricaturale, du tourisme de masse est qu’il s’agit d’«un débat sans contradicteur», car rares, voire inexistants, sont ceux qui se conçoivent touristes de masse, «acheteur[s] de cartes postales décervelé[s]», pour reprendre l’une de ses formules sans concession (9). Dans cette mesure, le touriste est presque toujours l’Autre: au pire, le repoussoir du protagoniste; au mieux, son faire-valoir. C’est le cas dans bon nombre de romans des années 1950-1980 où le personnage principal est appelé, pour diverses raisons, à côtoyer des groupes de voyageurs organisés. Il représente alors l’anti-touriste, soit celui qui s’extrait du groupe, qui le fuit ou s’y oppose ouvertement. Ainsi, dans Quand la mer se retire, un ancien combattant canadien décide d’abandonner sa délégation touristique composée uniquement de nommés Leclerc – on ne peut forcer davantage l’uniformité – venue visiter les plages où s’est déroulé le Débarquement de Normandie désormais reconverties en lieux de détente balnéaires: plutôt que de poursuivre le circuit des monuments aux morts indistinguables les uns des autres, des innombrables «Avenue du 6-juin» ou «Avenue de la Libération», des identiques «Place Churchill» ou «Boulevard Eisenhower» qu’on retrouve aux six coins de l’Hexagone, il choisit de s’établir trois mois durant dans le même village pour s’imprégner véritablement de la culture normande:

Le 3 au soir, Valérie et Abel avaient laissé partir le car océanique vers Cherbourg, emportant sa cargaison de Leclerc hilares. Ils ne les rejoindraient qu’au départ, au paquebot, le 12 août. Le convoyeur en était resté sans voix, sourcil froncé, suspectant leur patriotisme. (91)

La narration insiste sur la nature de marchandise des touristes de masse. Abel, plutôt pasteur que mouton, se refuse à être ainsi réifié par le système touristique. Il va tout de même se retrouver dans les bras de Bérangère, manière de bergère ayant à cœur de reconduire les brebis égarées au bercail. Elle s’est donné pour mission de consoler méthodiquement les anciens soldats qui débarquent en procession sur son rivage encore hérissé de blockhaus:  

Je suis la préposée au retour. Je suis ici pour recevoir les Canadiens qui n’ont pas pu ne pas revenir, la petite sœur de cœurs gros. Je suis payée par le Syndicat d’Initiative du Bon Dieu pour aider les soldats perdus à retrouver leur vie. […] Je les prends par la main. Je leur fais faire un petit tour et je les rends au Canada. (267)

En tombant pour cette attraction du cru, il succombe malgré lui à la sérialité touristique. Revenu au Québec après son odyssée intérieure, il ne se trouvera pas beaucoup plus avancé qu’avant son départ, le voyage ne s’avérant qu’un analgésique éphémère.

Issue semblablement d’un milieu modeste, la célibataire quarantenaire du roman L’Air de Venise que publie Solange Fasquelle en 1966 n’a pas le luxe de voyager autrement qu’en groupe avec un forfait avantageux. Elle profite néanmoins de la rencontre inattendue avec une femme du monde s’étant attachée à elle pour s’évader le plus souvent possible des programmes proposés par l’agence miteuse qui lui a vendu l’accès à la Sérénissime: «Cette femme grise, qui se dissolvait au premier regard, avait pris des couleurs, des formes. On commençait à la distinguer de la cohorte de ses semblables…» (137) Il n’empêche, sa charmante amie l’infantilise en lui commandant ses moindres gestes et la promène suivant un horaire rigide, lequel ne tolère aucun retard: «Tenez, dit-elle comme si elle parlait à une enfant. Lorsque vous avez visité un monument, il faut lire le passage qui s’y rapporte. Autrement, dans une semaine vous ne saurez même plus où vous avez été.» (145) Elle finit par se brouiller avec son inflexible guide privée, laquelle se venge et lui gâche sa relation naissante avec un compagnon de voyage qui désirait devenir son compagnon de vie.

Le père et le fils autour desquels se forme le récit de L’Arbre de Noël que signe Michel Bataille en 1967 vont bien en Corse, au bord de la Méditerranée, «comme des millions […] d’Occidentaux» (17) aisés chaque année, mais fuient la foule et partent à la recherche de «leur» plage, dans les extrémités désertes de l’île et jusque sur des terrains privés. Ils convoitent un lieu idéal qui n’aurait pas été souillé par la ruée des troupes touristiques, «une crique à la pureté polynésienne» (25). Ils sont sévèrement punis de cette incartade: un avion survolant leur oasis située trop proche d’un territoire appartenant à l’armée lâche une bombe atomique dont les rayonnements contaminent l’enfant, qui en meurt rapidement.

Sans toujours entraîner des conséquences tragiques, les extravagances des vacanciers rebelles constituent autant de grains de sable blond dans l’engrenage touristique. Lorsque la machine déraille, ce sont eux qui en font les frais. Ainsi, dans un Singe en hiver, il suffit à un aoûtien en déroute de poursuivre son séjour au-delà des mois d’après lesquels on dénomme les gens de sa sorte pour qu’on l’accuse de «détraque[r] les saisons» (207) et qu’on veuille l’exclure pour de bon de sa communauté d’accueil. Malgré ses tentatives pour s’immerger dans la vie locale, aux yeux de ses hôtes, ce résidant de passage ne mérite pas moins d’être animalisé que le transhumant commun. Bête curieuse, il dépend de leur bienveillance comme les «Gentils membres» de celle des G.O.:

Ça me rappelle ces singes égarés que j’ai vus dans certaines villes d’Orient: quand le climat devient trop rude ou qu’ils sont trop nombreux, on les rassemble et les populations se cotisent pour chauffer un train spécial qui les ramène dans leurs forêts…

L’allusion au convoi particulier n’est pas anodine dans ce roman où le discours sur les méfaits du tourisme de masse s’entrelace jusqu’à parfois se confondre avec le discours sur les ravages de la récente guerre de masse. Sous ses dehors inoffensifs, Tigreville, la petite bourgade normande au nom carnassier où se déroule le récit, cache un passé violent. Elle fut effectivement le théâtre de combats sanglants à l’issue desquels l’hôtel, alors transformé en «blockhaus» (198), fut dévasté et son jardin, planté d’arbres aux fruits macabres: «Les grilles d’enceinte sur la place étaient défoncées, la façade écornée, le toit crevé; on retrouvait des éclats d’obus dans les soupentes, dix kilos de vitres jonchaient la cour où un Canadien et un jeune marronnier s’enchevêtraient dans la mort.» (200) Après avoir renvoyé chez lui pour un dernier repos ce soldat venu d’outre-mer, l’hôtelier ayant recouvré son commerce se prépare à l’accueil de nouveaux voyageurs, qui recommenceront de débarquer à la gare plutôt que sur la plage, armés d’appareils photo plutôt que de mitrailleuses.

Dans tous ces exemples, choisis pour leur caractère représentatif parmi un vaste ensemble de textes ayant souvent remporté l’adhésion populaire ou gagné des prix prestigieux, point de salut pour le vacancier qui veut se faire aventurier: ses caprices exploratoires se soldent systématiquement par un retour dans l’ornière touristique ou par une catastrophe.

 

            Au sein de la somme des parutions en tout genre portant sur le sujet peut surprendre le grand nombre d’œuvres rassemblées sous la bannière – souvent jugée trop large – du «Nouveau Roman» qui font la part belle au tourisme de masse, lequel n’y est pas traité comme thème, mais bien comme élément producteur dans la «fabrique» du texte, pour reprendre un terme cher à Jean Ricardou. C’est le cas, notamment, de Dix heures et demie du soir en été et des Petits chevaux de Tarquinia de Marguerite Duras (1960 et 1963), d’Été indien de Claude Ollier (1963), de L’Observatoire de Cannes de Jean Ricardou (1963), de 6 810 000 litres d’eau par seconde [Niagara] de Michel Butor (1965), du Livre des fuites: un roman d’aventures de J. M. G. Le Clézio (1969), de Topologie d’une cité fantôme d’Alain Robbe-Grillet (1976). Suivant le pari que font plusieurs des auteurs rattachés à tort ou à raison à ce mouvement littéraire de «dessin[er] les premiers éléments d’une écriture réaliste d’un genre inconnu, qui est en train maintenant de voir le jour», selon les vœux qu’exprimait Robbe-Grillet en 1963 dans Pour un nouveau roman (15), il n’est pas d’objet trop commun pour la littérature, laquelle doit faire son miel de la «réalité têtue» (21) de la «vie quotidienne» (147). Tout, même l’élément le plus trivial, y serait «signe, et non pas signe de quelque chose d’autre, quelque chose de plus parfait situé hors de notre portée, mais signe de soi-même, de cette réalité qui demande seulement à être révélée.» (115) De ce point de vue, il n’est pas un réseau signifiant plus valable qu’un autre: le signe du tourisme de masse qu’est la «carte postale balnéaire» (89) constitue un objet digne d’«intervention» littéraire au même titre que la route sur laquelle Stendhal promène ses personnages aventuriers. Les récits mettant en scène des escapades de plaisance produits dans cet esprit ou dans une perspective réaliste similaire dépassent ainsi le manichéisme entre le voyageur et le touriste que soulignent tous les commentateurs des habitus et des pratiques des uns et des autres. Si dans ses écrits non fictionnels sur le voyage, Robbe-Grillet lui-même fait pareille distinction4Racontant dans le premier texte de son recueil de souvenirs Le Voyageur son aventure dans un camp de travail bulgare alors qu’il faisait partie du mouvement des jeunes communistes français, il se gausse de jeunes camarades qui s’apparentaient, davantage qu’à de nouveaux Malraux, aux «touristes qui ne comprennent pas qu’il est normal qu’on se lave peu dans un camp où il y a peu d’eau, qu’on mange mal dans un pays pauvre et qu’il y ait des punaises dans des baraques de bois.» (30), les deux termes sont généralement synonymes dans ses romans comme dans ceux de ses collègues.

 

Il ne faut pas pour autant se méprendre sur l’approche néoromanesque du phénomène social de l’heure: dans ce corpus hétérogène comme ailleurs, les clichés prolifèrent lorsqu’il est question de tourisme de masse. Les portraits de «vacanciers» – terme qui se répand au milieu du XXe siècle et que la plupart des romanciers emploient entre guillemets jusque bien avant dans les années 1960 – ont tout des chromos propres à susciter la dérision. Dans Été indien de Claude Ollier, les visiteurs de l’Empire State Building «au teint basané, coiffés de chapeaux de paille, portant l’un un appareil photographique, l’autre une caméra en bandoulière, et célébrant à l’envi les beautés du panorama de la ville» (29) n’ont rien à envier aux «vieilles peaux» trop maquillées et aux «gigolos» en bermudas (93) s’extasiant sur les splendeurs sauvages «naturbanisées» des chutes Niagara que décalquent indéfiniment 6 810 000 litres d’eau par seconde de Michel Butor.

Cela dit, les nouveaux romanciers travaillent le cliché plutôt que de le mettre à distance, ce qui contribue à renouveler la représentation littéraire des touristes de masse. Leur exceptionnelle conformité qui touche à l’interchangeabilité en fait ainsi des sujets idéaux pour l’écrivain souhaitant abolir le personnage, œuvrant à la «permanente mise en cause de l’identité», comme le prescrit Jean Ricardou dans le pendant au plaidoyer de Robbe-Grillet qu’il publie en 1971, Pour une théorie du nouveau roman. De fait, dès son premier roman, L’Observatoire de Cannes, modèle de la théorie qu’il formulera ensuite, il devient parfois impossible d’établir avec certitude si telle «voyageuse bronzée» sortant un jeu de cartes postales de son «sac de plage en toile verte d’un modèle courant», détails qui reviennent de façon obsédante, est la touriste qui voyage seule, la jeune mariée, la covergirl en déplacement pour un shooting, ou toutes ces femmes à la fois.

De manière comparable, la méconnaissance des territoires dont font preuve les touristes qu’ils dépeignent participe du flottement énonciatif qui caractérise leur esthétique, de ce flou généralisé des signifiés qui n’ont pas de référent et encore moins de signification fixes. Cette indétermination spatio-temporelle, allant parfois jusqu’à la contradiction, agit contre ce que Ricardou nomme la tentative d’«illusionnisme naturaliste»  (1971: 36) du «texte se voulant une transparence ouverte sur un sens institué au préalable» (24): «Le texte n’est pas un espace neutre où viennent s’assembler des sens inaltérables; c’est un milieu de transformation, une machine à changer le sens.» (28) Dans Topologie d’une cité fantôme, parue en 1976, les «espaces» que fait visiter Robbe-Grillet à son lecteur en compagnie d’un groupe de touristes du désastre, qui arborent toutes le «sourire absent, vaguement ennuyé, des visiteuses de musées», ne sont jamais clairement désignés. Les explications quant à la nature ou à l’histoire des lieux ruinés se multiplient, souvent incompatibles, et la guide pointant les éléments architecturaux d’une baguette de «chef d’orchestre» n’est d’aucune utilité pour les différencier:

Ce qu’il y a dehors, ce sont seulement des rues, les rues d’une ville aux trois quarts détruite, mais d’une ville moderne, ou du moins dont les constructions n’étaient vieilles que d’un siècle au plus. Sous l’effet de quelque cataclysme – incendie géant, peut-être, ou bombardement aérien – toutes les maisons hautes environ de quatre ou cinq étages, à l’origine, se sont partiellement effondrées, et aucun îlot habitable ne semble être resté debout. (28)

Les nombreuses marques d’hésitation («ou», «du moins», «au plus», «quelque», «peut-être», «semble») rompent avec l’assurance et la précision chiffrée des indications contenues dans les guides touristiques et répétées par les cicerones. Ce récit eschatologique pousse la déconstruction du phénomène social à son extrême limite, où les dehors de la pratique touristique demeurent dans toute leur absurdité alors que les sites ont eux-mêmes disparu tant de l’espace physique que de la mémoire humaine.

C’est avant tout sur la forme des récits que le tourisme de masse exerce son action. Les scènes classiques du théâtre touristique qui s’anime entre juin et septembre sont revisitées de façon à en faire ressortir des sens nouveaux. Les emplettes dans les stands à souvenirs souvent raillées par les littéraires permettent ainsi les énumérations vertigineuses qui fondent la «violente matérialité» (Ricardou, 1971: 66) de maintes œuvres publiées par le «groupe de Minuit». Dans l’étude sur Niagara de Michel Butor, la liste des items disponibles chez le marchand de babioles reproduit visuellement l’objet même de ce lieu de culte postmoderne: la chute, faisant de cette accumulation matérielle une manière de calligramme:

des drapeaux à chutes, […]

des assiettes à chutes, […]

des chemises à chutes, […]

des cendriers à chutes, […]

des médaillons à chutes en ailes de papillons, […]

des serviettes de table à chutes, […]

des cartes postales à chutes, des diapositives à chutes, des chasses d’eau miniature à chutes, des coussins à chute, des tentures, à chute, des boutons à chutes […]. (37-39)

La puissance d’attraction des objets sériels aussitôt dévalorisés qu’ils sont possédés est comparable à la force surnaturelle des litres d’eau qui s’abattent sur le sol ontarien sous le regard ébahi puis rapidement blasé des touristes venus de partout pour expérimenter cette seconde d’émerveillement.

 

Ce type de manipulation ludique des rapports texte-image se synthétise le mieux dans le traitement d’un élément particulier, lequel est commun à l’ensemble des auteurs dont les œuvres sont ici survolées: la carte postale, devenue dans les années 1950 l’«indicateur touristique» par excellence, selon l’historien du tourisme de masse Marc Boyer (2002), après avoir été l’objet pittoresque indésirable que vendait la pauvre «inconnue» que chantait Bourvil en 1945 («Les Crayons»). Il ne s’agit pas pour les nouveaux romanciers d’utiliser cette forme ultra-brève contraignante afin de lutter contre une tendance à la dissertation, comme c’est le cas de Jacques Derrida, qui écrit dans son recueil de correspondance publié sous le titre La Carte postale en 1980 avoir «joué la carte postale contre la littérature, l’inadmissible littérature» (15). Ils s’attellent plutôt à penser l’objet en lui-même, qu’ils représentent fréquemment, comme un dispositif sémiotique.

Les théoriciens du Nouveau Roman ne le conceptualisent pas à proprement parler, mais évoquent chacun sa fonction dans l’économie romanesque. Il serait, pour Jean Ricardou, un «compendium». Analysant La Mise en scène de Claude Ollier, il explique qu’une description très récurrente fonctionne «à la manière des cartes postales qui multiplient, sur un même rectangle, les vues d’une même région, cet objet disposé en les deux lieux de la superposition, comme un résumé de toute l’aventure.» (175) Pour Robbe-Grillet, la carte postale serait à lire comme un leitmotiv imagé permettant la suspension temporelle et la mise en valeur de la dimension spatiale, un instantané à explorer dans le détail:

[On attaque dans nos romans] l’impossibilité de distinguer clairement ce qui est «réel» de ce qui est mental (souvenir ou phantasme), […] la tendance des éléments à forte charge passionnelle à se transformer en «cartes-postales» [sic]. (162-163)

Elle sert avant tout à interroger le rapport au réel, lequel s’avère particulièrement problématique dans le contexte du tourisme de masse. En effet, les touristes, plongés dans un espace complètement étranger, sont souvent portés à faire une lecture suractive des signes qui les entourent.

 

Le sémioticien du tourisme de masse Dean MacCannell en explique le fonctionnement dans son ouvrage fondateur The Tourist. A New Theory of the Leisure Class, publié d’abord en 1976 puis en 1989, dans une version revue et corrigée, toujours d’actualité pour étudier ce phénomène social. Il y montre comment les touristes sont généralement en quête de vérité tout en se soumettant paradoxalement à des expériences inauthentiques. Il s’intéresse en profondeur au besoin de mystification que sous-tend la satisfaction de cette entreprise fondamentalement impossible en raison de la mise en scène des lieux à l’intention des étrangers. Il analyse comment procède habituellement la perception touristique de l’espace. En bref, le premier contact de l’individu avec le monument ou le paysage constituant le centre d’attraction qu’il en vient à désirer voir «en vrai» implique une représentation souvent magnifiée, ce que MacCannell appelle un «marqueur» (une photo, un plan, une description dans un guide). Ce marqueur, qu’il assimile au signifiant de Saussure, tend à prendre la place du signifié qu’il représente, à devenir le véritable signifié dans l’esprit du futur voyageur. Par conséquent, sa visite du lieu réel qu’il a appris à connaître par son marqueur engendre souvent une déception plus ou moins fortement ressentie. Son appréhension du site relève ainsi davantage de la reconnaissance que de la découverte. Une fois sur place, acceptant peu à peu le site tel qu’il est en réalité, il s’empresse fréquemment de créer son propre marqueur en prenant une photographie ou en achetant une carte postale, lesquelles symboliseront désormais le lieu dans son souvenir. C’est l’ultime étape dans le processus sémiotique d’appropriation de l’espace touristique, lequel s’apparente à celui du désir triangulaire décrit par René Girard.

            Ce processus est à l’œuvre dans plusieurs textes produits par des auteurs associés au courant du Nouveau Roman. Morel, le voyageur dont Ollier raconte les deux périples dans Été indien, découvre dès l’incipit du roman à quel point le territoire survolé qu’il s’apprête à explorer se distingue des marqueurs qu’il connaissait:

Toute la presqu’île surgissant en traînées d’images au tintement assourdi des syllabes réfractées dans l’air moite, clivées, disloquées: coulées de lave, touffeur, forêts enfouies… Mais le voyage, une fois encore, vient dissocier ces éléments. (7)

Arrivé in situ, il évalue constamment les différences entre les lieux qu’il parcourt et leurs représentations sur les diapositives et les cartes postales qu’un collègue lui a montrées avant son départ:

L’édifice, cette fois encore, n’est pas absolument conforme à l’image que les représentations antérieures en avaient laissée. Comme toujours, un événement étranger, imprévu, le trouble: l’environnement peut-être, bien que depuis un certain temps il soit devenu familier, ou la disposition des lieux, qui restait imprécise […]. Ou bien la simple proximité, l’affrontement immédiat, car plus aucun obstacle ne s’interpose – rien qu’une distance minime: une centaine de mètres de terrain plat. (15-16)

Les composantes naturelles du véritable lieu (la lumière, le vent, la qualité de l’air), plutôt que d’accentuer le caractère «réel» de la construction, l’enveloppent d’une manière d’ondoiement qui, même minimal, la rend pratiquement méconnaissable pour celui qui en avait étudié les fixations sur petits cartons de taille toujours identique. Tout se passe pour Morel comme si la mise en contexte du fait donné qu’est la pyramide la déréalisait. Comme, par ailleurs, le bâtiment sur le terrain duquel il se trouve ne peut plus être saisi dans son ensemble, dans sa monumentalité, mais bien selon des angles qui ne le dévoilent toujours que partiellement, il n’a guère l’impression de le voir vraiment. Et les portions auxquelles il a accès, il comprend qu’il les voit imparfaitement lorsqu’il passe en revue l’étal de cartes postales vendues à l’entrée. Les marqueurs le rattrapent sur les sites touristiques mêmes, accusant davantage l’écart entre la représentation et la réalité, mettant en lumière des détails visiblement importants qu’il n’a pas remarqués lors de sa visite effective des lieux: 

Sur la table, un jeu de cartes postales en noir et blanc représentant la pyramide, une aile restaurée d’un palais, un détail d’une fresque, une statue de dieu sans tête, dont le sexe se dissimule derrière un médaillon ovale en forme de bouclier.

À l’instar de ce bouclier, la carte postale révèle ce qu’elle cache en même temps. Autant que le rapport particulier qu’entretient le touriste ou le nouveau venu aux espaces qu’ils embrassent pour la première fois, ce sont, de manière plus générale, la complexité du regard et la pluridimensionnalité de la réalité qu’éclaire le texte d’Ollier.

 

Dans L’Observatoire de Cannes, Ricardou attribue un autre rôle formel à ces images-souvenirs. Il joue sans arrêt avec l’idée de la carte postale comme cliché du tourisme de masse, mais également comme générateur de mises en abyme, repoussant toujours la «réalité» captée par la lentille et reproduite à des milliers d’exemplaires cartonnés acquis à peu de frais dans un lointain de plus en plus irréel; plus le marqueur devient massivement accessible, plus le site réel échappe à ceux qui désirent le saisir. Des estivants, cartes postales à la main, partent en quête de la perfection dont la représentation les a attirés sur les lieux. Une fois rendus, ils s’appliquent d’abord à discerner, de même que le protagoniste d’Été indien, les différences entre les images à l’origine de leurs rêves et les panoramas sous leurs yeux, comme dans le jeu populaire des «sept erreurs». Dans un ultime geste d’appropriation symbolique, ils essaient de recomposer ces images avec leur appareil photographique personnel, allant parfois jusqu’à demander à leurs semblables de les poser afin de s’inclure eux-mêmes dans la carte postale, de faire partie du spectacle rêvé. Exacerbant cet effet itératif, un passage récurrent décrit une carte postale qui représente un photographe amateur clichant un paysage pittoresque: «C’est un touriste qui est assis, le dos à la promenade, pour prendre plus commodément une photographie de la plage, en contrebas, ou de la mer, au loin.» (36)

En plus de ce rapport ludique à la représentation, le texte travaille le flou narratif entre l’image et la «réalité» romanesque engendré par la mise en scène touristique des espaces. La narration suit par exemple la construction d’un château de sable, puis l’action se fige et devient image:

Tandis que la fillette observe ses pâtés de sable, le couple enlacé – sur le bord droit de la carte postale –, évitant l’encombrement des corps allongés, des vêtements en désordre, suit le rivage […]. Tous les gestes sont laissés en suspens par l’instantané […]. (125)

De cette manière, il n’est jamais clair s’il s’agit d’une description d’une action réelle ou d’une nouvelle carte postale. Inversement la description d’une photographie peut s’animer et devenir une scène romanesque.

Enfin, l’instance narrative piste entre autres les déplacements d’un touriste typique: homme chauve dont «l’appareil de photographie suspendu par une courroie au niveau du ventre [lequel est] à demi-caché par les deux mains qui, machinalement, le manipulent.» (26) En insistant sur la réification et sur la sérialisation d’ordinaire jugées inhérentes au tourisme de masse, ce portrait, qui revient, avec ces mêmes formulations, à de multiples reprises dans le roman, identifie l’homme-machine à reproduire les images aux images mêmes qu’il tire en d’innombrables copies. Cependant, dans un retournement qui fait en sorte que le texte ne se limite pas à ce cliché, le touriste à l’affût de vues à cadrer cesse d’être un objet littéraire, personnage confondu avec l’instrument qui est son attribut, réduit à n’être qu’une représentation issue de celui-ci, pour devenir en quelque sorte le sujet à l’origine du récit métacritique qu’est L’Observatoire de Cannes. En effet, à certains moments, la place qu’il occupe dans l’espace, les objets qu’il regarde ou photographie sont ceux-là mêmes qui sollicitent l’instance narrative. Cela permet un rapprochement entre leurs deux points de vue, voire même une identification: le touriste chauve serait-il aussi le narrateur, comme la jeune voyageuse en solo serait aussi la pin-up se produisant dans le strip-club dont la raison sociale est l’«Observatoire de Cannes», qui reprend ironiquement le slogan du véritable Observatoire de Cannes, lequel a donné son titre au roman?

 

Les textes ici évoqués indiquent que l’écrivain désirant produire un «Nouveau Roman», ou à tout le moins un roman participant de cette «écriture réaliste d’un genre inconnu» qu’attirait de ses vœux Robbe-Grillet, pourrait adopter un regard touristique face au monde familier qui l’entoure. Il procéderait ainsi à la lecture brute des signes qu’il mettrait ensuite en rapport avec leurs représentations; il décrirait les sites et les comparerait à leurs marqueurs. Il ne s’arrêterait toutefois pas là, comme le font trop de touristes à en croire les déplorations des publicistes et des chercheurs qui se sont penchés sur leur cas, mais reviendrait alors aux signes initiaux, les interrogerait en eux-mêmes, de façon à en extraire une «vérité» inédite. Ce chemin de traverse, passant par les destinations touristiques jugées emblématiques de l’inauthentique, permettrait paradoxalement de concevoir un nouvel accès au «réel», de penser un nouveau réalisme.

 

Bibliographie

Amirou, Rachid. 2012. L’imaginaire touristique. Paris: CNRS Éditions, 357p.

Barthes, Roland. 1957. Mythologies. Paris: Seuil, 267p.

Bataille, Michel. 1967. L’Arbre de Noël. Paris: Juillard, 285p.

Blondin, Antoine. 1959. Un Singe en hiver. Paris: La Table ronde, 274p.

Boyer, Marc. 2002 [12/2002apr. J.-C.]. «La carte postale, un indicateur touristique». Espaces, 199.

Butor, Michel. 1965. Six million huit cent dix mille litres d’eau par seconde. Paris: Gallimard.

Derrida, Jacques. 1980. La Carte postale. De Socrate à Freud et au-delà. Paris: Flammarion, 543p.

Fasquelle, Solange. 1966. L’Air de Venise. Paris: Grasset, 315p.

Lanfant, Marie-Françoise. 1994. «Identité, mémoire, patrimoine et «touristification» de nos sociétés». Sociétés, 46, p. 433-439.

Lanoux, Armand. 1963. Quand la mer se retire. Paris: Juillard, 295p.

Lefebvre, Henri. 1968. La vie quotidienne dans le monde moderne. Paris: Gallimard.

Ollier, Claude. 1981. L’été indien. Paris: Flammarion.

Queneau, Raymond. 1959. Zazie dans le métro. Paris: Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1888p.

Ricardou, Jean. 1971. Pour une théorie du nouveau roman. Paris: Seuil, «Tel Quel», 265p.

Robbe-Grillet, Alain. 1963. Pour un nouveau roman. Paris: Minuit, 183p.

Robbe-Grillet, Alain. 2001. Le Voyageur: textes, causeries et entretiens: 1947-2001. Paris: Christian Bourgois, 550p.

Vidal, Frédéric. 2010. «Faire la ville et pratiquer des lieux. L’histoire du tourisme sur les pas de Michel de Certeau». Revue d’Histoire des Sciences Humaines, vol. 2, 23, p. 99-115.

de Viry, Marin. 2010. Tous touristes. Paris: Flammarion, 126p.

  • 1
    Roland Barthes note dans son article «L’écrivain en vacances» l’intérêt sémiologique que présente cette nouvelle donne culturelle: «Les “vacances” sont un fait social récent, dont il serait d’ailleurs intéressant de suivre le développement mythologique. D’abord fait scolaire, elles sont devenues depuis les congés payés, un fait prolétarien, du moins laborieux» (Barthes: 31).
  • 2
    Le concept de «touristification», transposé du terme anglais, circule en français depuis les années 1990, particulièrement dans les études sur l’aménagement touristique des villes (Lanfant, 1994).
  • 3
    C’est ce qu’avance, parmi d’autres penseurs français, le sociologue Henri Lefebvre: «Le tourisme détruit le lieu touristique du seul fait qu’il y attire les foules et que le lieu (ville, paysage, musée) n’a plus d’autre intérêt que celui d’une rencontre qui pourrait se passer ailleurs, n’importe où.» (196)
  • 4
    Racontant dans le premier texte de son recueil de souvenirs Le Voyageur son aventure dans un camp de travail bulgare alors qu’il faisait partie du mouvement des jeunes communistes français, il se gausse de jeunes camarades qui s’apparentaient, davantage qu’à de nouveaux Malraux, aux «touristes qui ne comprennent pas qu’il est normal qu’on se lave peu dans un camp où il y a peu d’eau, qu’on mange mal dans un pays pauvre et qu’il y ait des punaises dans des baraques de bois.» (30)
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