Hors collection, 01/01/2011

Les jardins littéraires de Michel Goulet ou Comment un artiste fait asseoir des textes sur des chaises

Marc André Brouillette
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Les rapports entre le jardin et l’art public sont, pourrait-on dire, ancestraux. On pense d’abord à la sculpture, qui est souvent perçue – du moins, tel qu’on le conçoit entre les XVIIe et XIXe siècles – comme un élément visant à exalter le sentiment de beauté, notamment par l’intermédiaire des représentations divines. Au XXe siècle, dans la foulée de la démocratisation de l’art et de l’évolution de l’art public, les interventions artistiques dans les jardins se diversifient, se multiplient. On s’emploie généralement – à juste titre d’ailleurs – à examiner cette relation en étudiant la manière dont une oeuvre contribue à redéfinir un espace, un lieu. Pour ma part, j’aimerais me pencher sur certaines oeuvres du sculpteur québécois Michel Goulet en inversant un peu ce rapport et en tentant de voir en quoi certaines installations de cet artiste portent en elles des traits et des signes inspirés de l’univers du jardin. Par la présence de telles composantes, les oeuvres de Goulet établissent un dialogue singulier avec l’espace extérieur et avec le passant qui les croise sur son chemin. Né en 1944, Goulet est aujourd’hui connu et reconnu1L’artiste a représenté le Canada à la Biennale de Venise en 1988, a reçu le prix Paul-Émile Borduas, la plus haute distinction en arts visuels décernée au Québec, en 1990 et le prix du Gouverneur général du Canada en arts visuels et en arts médiatiques en 2008. pour la diversité de sa pratique artistique qui se subdivise principalement en trois champs d’activité: le premier est constitué de sculptures, d’installations et d’oeuvres graphiques; le deuxième, de scénographies dont la très grande majorité a été conçue pour le metteur en scène Denis Marleau2Ses scénographies ont été présentées au Québec et au Canada, mais aussi en Suisse et en France, notamment dans la cour d’honneur du palais des Papes (1997) et prochainement à la Comédie-Française (2011).; enfin, le troisième réunit les oeuvres d’art public dont certaines ont suscité des polémiques3Au sujet de la polémique entourant l’oeuvre intitulée Les Leçons singulières (1990), lire Lamarche, 1999. et ont largement fait connaître cet artiste polyvalent. C’est sur certaines oeuvres de cette dernière catégorie que je souhaite me concentrer ici. Au fil des ans, Goulet n’a cessé d’insérer et d’interroger la chaise à l’intérieur de ses trois champs d’activité artistique. La chaise, qu’on présente souvent dans son travail comme un objet du quotidien, qui invite au repos, à la conversation ou encore à la contemplation. D’une pièce de mobilier banale et fonctionnelle – du moins, à première vue -, la chaise devient, chez Goulet, l’objet central d’un important travail de reprise et de variation dans l’espace, ce travail lui permettant d’en revisiter à la fois la structure, la fonction et l’imaginaire.

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Cet article a d’abord été publié sur Projets de paysage, en 2011.

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    L’artiste a représenté le Canada à la Biennale de Venise en 1988, a reçu le prix Paul-Émile Borduas, la plus haute distinction en arts visuels décernée au Québec, en 1990 et le prix du Gouverneur général du Canada en arts visuels et en arts médiatiques en 2008.
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    Ses scénographies ont été présentées au Québec et au Canada, mais aussi en Suisse et en France, notamment dans la cour d’honneur du palais des Papes (1997) et prochainement à la Comédie-Française (2011).
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    Au sujet de la polémique entourant l’oeuvre intitulée Les Leçons singulières (1990), lire Lamarche, 1999.
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