Colloque, 24 avril 2015

«Cette main que j’ai maintenant à travers la cervelle»: chair possédée-chair cryptée ou de l’étrangeté à la diaphanéisation signifiante du corps féminin dans «Le rideau cramoisi» de Barbey d’Aurevilly

Maya Kechaou
couverture
La chair aperçue. Imaginaire du corps par fragments (1800-1918), événement organisé par Véronique Cnockaert et Marie-Ange Fougère

Le rideau cramoisi est le produit de cet artifice qui consiste à faire parler quelqu’un. Ce quelqu’un est, en l’occurrence, un ancien militaire: le vicomte de Brassard. L’effet de son récit, le sien, remonte à 35 ans. Il était jeune. Il n’avait pas, proteste-t-il, 25 ans. Pour résumer rapidement l’histoire, la nouvelle porte en titre le prétexte du récit même. C’est sous la fenêtre d’une demeure provinciale dans une petite ville de Normandie que la diligence dans laquelle voyagent le narrateur et le vicomte de Brassard s’arrête de nuit en raison d’un léger accident. C’est la même fenêtre sans persiennes, aux rideaux cramoisis éclairés par une lumière tamisée, qui avait caché une étrange aventure de jeunesse du vicomte Brassard, comme on l’apprendra par la suite du texte, qui deviendra confession du vicomte.

Jeune sous-officier de 17 ans, Brassard logeait dans cette maison chez un couple de bourgeois. Son seul intérêt était le métier des armes. La fille des hôtes, mademoiselle Albertine, rentre un jour de la pension. Les seules choses dont on parle à table reviennent à dire des politesses banales. Cependant, un soir, la main d’Albertine saisit celle de Brassard sous la table. Elle répète le geste plusieurs fois, jusqu’au jour où elle ne fait plus rien, ne donnant plus aucun signe au jeune homme. Après des semaines de silence, elle surgit une nuit dans sa chambre et ils deviennent amants. Au cours d’une de leurs étreintes, elle expire dans les bras de Brassard. Affolé, celui-ci ne sait pas que faire avec le cadavre dans sa chambre. Un corps inerte, donc, qui dévoilerait leur affaire et mettrait son honneur en péril.

Le titre de cette communication contient, en germe, l’essentiel de l’analyse que je voudrais proposer. Je parlerai, dans une première partie, d’Albertine à sa première apparition, de ce qui est révélé d’elle puis, en deuxième partie, de sa deuxième apparition-intrusion. Je terminerai dans ma troisième partie par ce qu’est la signifiance du corps d’Albertine.

Maya Kechaou est doctorante en études littéraires à l’Université du Québec à Montréal. Elle est détentrice d’une maitrise de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba en Tunisie.

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