Colloque, 23 avril 2015

Le regard anatomiste: de l’analyse au fétichisme

Bertrand Marquer
couverture
La chair aperçue. Imaginaire du corps par fragments (1800-1918), événement organisé par Véronique Cnockaert et Marie-Ange Fougère

Le «regard de l’anatomiste» est une expression que j’emprunte à Rafael Mandressi, auteur de l’ouvrage Le Regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident. Ce dernier dit: «Les anatomistes débarquent sur le corps humain, mus par le dessein d’exposer au grand jour ses secrets. Ils redessinent sa carte, dressent une toponymie et fixent, se faisant, une topographie nouvelle. Ils redécouvrent en somme en soumettant le corps à une mise en morceaux». Plus loin, il explique que «l’anatomie est porteuse d’un projet de fragmentation auquel ses instruments, sa démarche concrète ne sont pas étrangers et qui finira par défaire la compréhension du corps en termes unitaires». Lorsqu’il définit le regard de l’anatomiste, Rafael Mandressi l’associe à un projet de fragmentation aboutissant à ce qu’il appelle une topographie nouvelle. Arpenter le corps en le soumettant à une mise en morceaux, c’est alors permettre sa redécouverte, mais également défaire la compréhension du corps en termes unitaires.

En prenant pour fil directeur cette définition du regard de l’anatomiste, je souhaiterais envisager l’herméneutique du corps fragmentaire qui traverse le XIXe siècle à l’aune d’un seul et même imaginaire, celui de l’analyse au sens entendu par Michel Foucault dans L’essence de la clinique. Dans une perspective diachronique, d’abord, afin de montrer les conséquences de la reprise par la littérature du modèle clinique du regard perçant, qui une «singulière» métaphore désignant le regard de l’anatomiste. Puis, dans une perspective synchronique en me focalisant de manière plus précise sur ce que l’on pourrait nommer l’optique fétichiste de la littérature fin de siècle, optique fétichiste qui pervertit le pouvoir analytique du regard de l’anatomiste sans pour autant sortir de la visée clinique.

Bertrand Marquer est maître de conférences à l’Université de Strasbourg, Habilité à Diriger des Recherches, et membre «junior» de l’Institut Universitaire de France. Ses recherches portent principalement sur les rapports entre discours littéraire et discours médical au XIXesiècle, et sur l’impact de leur croisement dans l’histoire des représentations. Il est l’auteur de trois monographies: Les Romans de la Salpêtrière. Réceptions d’une scénographie clinique (Droz, 2008); Naissance du fantastique clinique (Hermann, 2014); L’Autre siècle de Messer Gaster?

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