Cahiers ReMix, numéro 06, 2016

Le jeune homme en France au XIXe siècle: contours et mutations d’une figure

Véronique Cnockaert
Nathanaël Pono
Solène Thomas
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Cette publication numérique fait suite à une journée d’études pluridisciplinaire qui s’est tenue à l’UQAM le 17 avril 2015. Au cours de cette journée, jeunes chercheurs et professeurs d’université se sont interrogés sur les spécificités de la figure du jeune homme au XIXe siècle, dans la littérature comme dans les arts visuels.

La perception du jeune homme selon les époques s’inscrit dans l’histoire des représentations et des constructions sociales. Ainsi que le remarque Anne-Marie Sohn, «le lent processus qui, entre quatorze et vingt-cinq ans, conduit l’adolescent à l’âge d’homme reste encore largement inexploré. Il constitue pourtant une voie d’approche privilégiée pour comprendre les masculinités.» En questionnant les représentations du masculin et de la virilité, la figure du jeune homme rejoint donc le champ des gender studies.

Dans ce cadre d’une telle étude, le XIXe siècle apparaît comme particulièrement riche en mutations; suite à la Révolution française, il consacre en effet «l’emprise maximale de la vertu de virilité», selon la formule d’Alain Corbin. Un système de valeurs, de représentations et de codes masculins s’impose alors avec force. La vogue de la physiologie tend à conforter cette axiologie genrée: l’homme est perçu comme étant «naturellement» prédisposé à la vigueur. Dès l’adolescence, le garçon doit s’endurcir, éprouver sa bravoure et sa résistance dans des rixes, des duels singuliers, consommer alcool et tabac (marqueurs sociaux de la masculinité). Mais en dépit de ce triomphe de la virilité, le XIXe siècle voit aussi se brouiller les frontières entre masculin et féminin; les femmes investissent désormais des espaces familiaux, professionnels et artistiques qui étaient jusque là réservés aux seuls hommes. Elles acquièrent peu à peu le droit de circuler librement, d’aller au café ou au théâtre, de pratiquer une activité sportive, de faire des études. Jusque dans la sphère privée, les nouvelles pratiques du «flirt» jettent un trouble sur la répartition des rôles sexuels.

Les sept études qui suivent se proposent d’analyser les mécanismes de construction sociale et identitaire qui président à l’élaboration de divers «types» de jeunes hommes du XIXe siècle –l’étudiant, le soldat, le calicot, le décadent…– ainsi que les obstacles rencontrés au cours de leur devenir homme. Ce sont tour à tour la littérature, les arts visuels (illustrations, caricatures) mais aussi les champs social et historique qui sont convoqués dans ces essais qui, loin de dresser un portrait type du jeune homme français du XIXe siècle, nous en révèlent l’énigmatique multiplicité.

Crédits de ce numéro

Comité scientifique: Véronique Cnockaert, Nathanaël Pono et Solène Thomas

Révision du contenu: Véronique Cnockaert, Catherine Lavarenne, Nathanaël Pono, Geneviève Sabourin, Solène Thomas

Intégration du contenu: Nathanaël Pono

Crédits de l’image: Édouard Manet. 1868. Le Déjeuner dans l’atelier, huile sur toile, 118 × 154 cm.

La toile a été réalisée dans l’appartement familial des Manet, à Boulogne sur mer. Elle est visible à la Neue Pinakothech à Munich. Dans ce tableau, où le jeune homme est au premier plan (pour lequel le fils de Manet, Léon Leenhoff a servi de modèle), plusieurs éléments illustrent la condition du jeune homme au XIXe siècle: les armes pour la virilité, la jeune fille pour les rapports amoureux et l’homme d’âge mûr pour le passage entre les générations.

Articles de la publication

Soline Asselin

«Les hommes maigres sont de rudes hommes». Étude des fictions viriles dans «Le Ventre de Paris»

Les secousses de la Révolution se répercutent dans l’ensemble du XIXe siècle. Les changements sociaux, politiques, économiques et scientifiques transforment les façons d’appréhender les individus, leur corps et leur genre. Car le peuple qui se déclare libre, égalitaire et fraternel se trouve aux prises avec la réalité de cette déclaration. Les femmes investissent les sphères autrefois réservées aux hommes, néanmoins elles resteront exclues d’une participation politique, sous prétexte que «la loi est parole d’homme».

Patrick Bergeron

Portrait du décadent en jeune homme: considérations autour d’Henri Chambige

L’affaire se déroule dans une villa de Sidi-Mabrouk, près de Constantine, en Algérie française. Le 25 janvier 1888, Henri Chambige, un étudiant de 22 ans, a assassiné sa maîtresse, Magdeleine Grille, une femme mariée de 30 ans, et est retrouvé blessé près de son cadavre dénudé. Pour expliquer le meurtre, deux thèses s’affrontent: celle, soutenue par le jeune homme, d’un double suicide raté devenu crime passionnel, et celle, défendue par le mari et la mère de la défunte, de viol sous suggestion (hypnotisme ou drogue).

 

Éric Boulanger

La posture de la honte: représentation du jeune homme dans «La débâcle» d’Émile Zola

En cette époque de décadence où technique et science semblent contraindre le combattant à adopter la posture de la honte telle que le suggère Pierre Drieu La Rochelle, nous sommes en droit de nous demander si l’armée représente toujours un lieu où le jeune garçon peut faire l’apprentissage de la masculinité et exprimer sa virilité

Frédéric Canovas

Entre texte et image: déconstruction du masculin dans «Paul et Virginie» de Bernardin de Saint-Pierre

Le nombre de «livres à figures» (le mot «illustrations» n’apparaît que vers 1830) publiés dans les trente premières années du siècle donne le tournis. Il y a plusieurs motifs à cette véritable explosion du livre illustré: raisons techniques tout d’abord avec l’amélioration de la qualité du papier, l’invention du stéréotype (clichés), l’impression de meilleure qualité, plus rapide, moins coûteuse, mais raisons liées aussi à l’alphabétisation croissante des classes moyennes et à l’augmentation du pouvoir d’achat. En bref, le livre illustré devient un produit de consommation

Peggy Davis

Une vie de jeune homme: la satire du calicot

Le calicot fut une figure emblématique de cette jeunesse qui revendiquait sa place dans la société civile et dans le monde viril au lendemain de l’Empire. Celui qu’on surnomma calicot était le jeune commis-marchand des magasins de nouveautés, au début de sa vie professionnelle dans le commerce et au seuil de sa vie de bourgeois.

Catherine Ouellet

Androgynes de corps et d’esprit: un idéal fin-de-siècle

Les écrivains décadents (Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans, Champsaur et Gourmont, notamment), grâce à une écriture subversive souvent inspirée de leur propre mode de vie original, tournent le dos aux valeurs en vigueur et remettent en question l’ordre établi.

Nathanaël Pono

«Tu seras un enfant toute ta vie»: l’échec d’une agrégation dans «Le Petit Chose» d’Alphonse Daudet

Si, dans plusieurs romans du XIXe siècle, le jeune homme triomphe des épreuves auxquelles il est soumis, dans Le Petit Chose, sous-titré l’Histoire d’un enfant, le parcours de Daniel Eysette est toutefois marqué par l’échec.

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