Colloque, 7 juin 2019

De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts culinaires: portrait du tueur en cannibale et copiste

Laurence Perron
couverture
Pop 2018: Genres, recyclage, franchises, fans, événement organisé par Megan Bédard, Jean-Michel Berthiaume, Catherine Côté, Fanie Demeule, Samuel Archibald, Antonio Dominguez Leiva et Sarah Grenier-Millette

«Certains articles et ouvrages (Hélène Machinal, Jack Halberstam) ont déjà saisi l’occasion de souligner à quel point la figure du tueur en série se prête aux productions écraniques sérielles, notamment parce que l’activité meurtrière du personnage devient une possibilité de fournir un écho métadiscursif au processus de réitération constante qui a cours dans la série télévisée. Dans le cas du personnage d’Hannibal Lecter, cette affirmation, qui se confirme par le choix du format télévisuel actuel adopté (Fuller), trouvait déjà ses sources dans un schéma de répétition/variation d’un médium à l’autre (Demme, Scott, Harris).

Si le personnage de Lecter est éminemment transfictionnel en raison de son rôle de serial killer, nous proposons de démontrer dans cette communication que certaines caractéristiques particulières de son modus operandi le rendent encore davantage propice à la réappropriation. À partir des théories de l’intertextualité et de l’anthropophagie culturelle (Perrone-Moisés, de Andrade), nous suggérons que le cannibalisme de Lecter ainsi que son rôle de copycat reconduisent une logique du recyclage et de l’imitation qui l’inscrivent dans une dynamique de réappropriation/métabolisation. Selon certains théoriciens, à l’origine du geste d’écriture ou de lecture, il y aurait acte de vampirisation. À partir d’une métaphore de la dévoration, nous obtenons donc une idée plus juste de ce qui se joue sur le plan intertextuel: un processus qui implique qu’il n’y ait pas seulement manducation de l’autre mais aussi transformation de ses composantes, qui incarneraient alors une manière de substance nutritive pour l’œuvre à venir. L’idée d’une fiction qui se nourrit de l’autre, qui inscrit dans sa chair une présence extérieure qu’elle métabolise, fait ainsi écho à la démarche créative et criminelle de Lecter. Nous comptons par conséquent démontrer que cette thématisation du cannibalisme et de la contrefaçon/copie permet à la production télévisuelle de Brian Fuller de formuler un commentaire autoréflexif sur sa propre pratique de reprise.» (Texte de Laurence Perron)

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