Pour les écrivains-voyageurs de la première moitié du XIXe siècle tels que Théophile Gautier et Gustave Flaubert, seul le spectacle de la danse permet la rencontre avec ce corps fantasmé qu’est le corps féminin oriental, autrement dissimulé par les tabous moraux et religieux. Toutefois, mis en valeur à la fois par des ornements particuliers, mais aussi et surtout par la pratique de la danse elle-même, le corps de la danseuse est une apparition morcelée qui donne naissance à une poétique elle aussi soumise à la fragmentation. Dans cette aventure du corps fragmenté, l’ambition d’une connaissance anthropologique authentique doit sans cesse lutter contre la tentation d’une mythification et d’une littérarisation du corps de cette almée dont rêve une civilisation entière.
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Que ce soit en littérature ou en peinture, la nuque revêt un potentiel fantasmatique exacerbé au XIXe siècle. Lieu de transition entre la tête et le corps, partie du corps où siège l’énergie vitale, et plus encore lieu de désir échappant au contrôle de son ou sa propriétaire, ce fragment corporel donne à lire tout un imaginaire érotique qui transparaît dans bon nombre d’œuvres littéraires et picturales.
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Constamment mis en tension dans l’imaginaire du corps, le fragment et l’entier évoquent bon nombre de questionnements. Dans «Le plus bel amour de Don Juan», Barbey d’Aurevilly explore ces avenues de l’Un et du nombre par la mise en scène des rapports entre l’élue que devient la «petite masque» et la lignée de conquises qui se réunissent pour honorer leur amant commun dans le récit.
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Au XIXe siècle, le ruban dont une jeune femme enrobe son chapeau en laissant les extrémités flotter sur sa nuque porte un nom très suggestif: «suivez-moi jeune homme». L'accessoire, comme sa dénomination, attire l'attention sur une partie du corps dont le pouvoir sensuel peut sembler surprenant, à savoir la nuque. Sous d'autres latitudes, cette partie arrière du cou est un ancestral secret de séduction.
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