Article ReMix

Représentation du rapport entre corps et espace dans quelques performances dessinées: une interdépendance entre limite spatiale et corps du performeur

Virginie Peyramayou
couverture
Article paru dans Corps et espace: représentations de rapports, sous la responsabilité de Sara Bédard-Goulet, Damien Beyrouthy et Marc-André Boisvert (2019)

Tony Orrico. 2012. Penwald: 8: 12 by 12 on knees (MUNAL, Mexico City, MX). [Photographie de Berna J. Klein Ríos]. Avec l’aimable autorisation de Tony Orrico et Berna J. Klein Ríos.

Tony Orrico. 2012. Penwald: 8: 12 by 12 on knees (MUNAL, Mexico City, MX). [Photographie de Berna J. Klein Ríos]. Avec l’aimable autorisation de Tony Orrico et Berna J. Klein Ríos.
(Credit : Klein Ríos, Berna J. / Orrico, Tony)

Dans le cadre de la réflexion sur les représentations artistiques et littéraires contemporaines du rapport entre corps et espace, certaines propositions plastiques de performances dessinées activent une relation d’interdépendance, le corps et l’espace agissant de pair, pour faire émerger le graphisme. Dans ces pratiques, le corps du performeur est sollicité entièrement par le déplacement à travers l’espace plus ou moins restreint qu’il investit. Dans la performance dessinée, l’action de dessiner est ce qui constitue l’œuvre, le résultat graphique pouvant être moins significatif que la réflexion sur le processus même de la création.

On peut mettre en évidence un rapport d’interaction de l’humain qui agit sur son milieu et de l’espace de création qui influence le graphisme de l’artiste. Dans le cas de la performance dessinée, le corps du performeur pratique l’espace pour faire émerger le graphisme. La pratique du dessin dans l’espace peut se comparer à la pratique de l’espace, les deux diffèrent par les gestes générés, les expériences et les actions. La performance dessinée invite à penser le lieu du dessin, son échelle mais aussi sa capacité à générer dans un lieu d’autres espaces. Le corps dessinant expérimente des potentialités d’un espace vécu. L’espace est «un lieu pratiqué» (de Certeau, 1980: 173)1Dans cet article, la référence exacte à l’ouvrage est: de Certeau, Michel. 1990. L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris: Éditions Gallimard, 416p. par le corps, qui lui-même est un fragment d’espace. Dans la performance dessinée, l’espace est vécu, expérimenté, marqué, parfois redéfini et participe à la construction de l’œuvre. Ainsi, cette relation du corps agissant et du lieu pratiqué est au cœur de la réflexion dans ces pratiques où la limite spatiale du corps entre en considération. Le corps est un lieu de perception, d’imagination et d’appréhension de l’espace. Le corps du plasticien observé est un corps dessinant, pensant et parfois entremêlé au paysage. La réflexion suivante se concentrera sur la pratique de trois artistes: les performances nommées les Windwalks réalisées par le britannique Tim Knowles, quelques performances dessinées de l’artiste américain Tony Orrico, et enfin quelques performances de l’artiste sud-africain Robin Rhode. Dans quelle mesure le rapport entre corps et espace dans la performance dessinée met-il en forme une interaction, une dépendance mutuelle? Comment ces performances dessinées développent-elles un espace de création en lien avec l’espace pratiqué et le corps du plasticien? Comment la performance dessinée propose-t-elle une représentation de ce rapport influencée par certains phénomènes tels que la multiplication des médias?

Avec l’appui de trois pratiques différentes de la performance dessinée, ce rapport corps-espace et sa plasticité seront questionnés pour analyser leur articulation. Tout d’abord la représentation de ce rapport par le corps et l’espace sera analysée au vu des processus de création qui incluent le corps entier du plasticien. Il sera questionné la place du geste et de l’action du corps dans l’espace donné. Puis nous analyserons le rapport intermédial dans la performance dessinée, pratique intrinsèquement liée à l’espace de création par le déploiement des œuvres. Enfin, nous détaillerons l’incidence de l’espace urbain, espace de mutation et de fragmentation, sur ces œuvres.

 

Le corps du plasticien à l’œuvre

Dans les trois pratiques analysées, le corps des plasticiens est mobilisé par les gestes mis en œuvre pour dessiner: marcher, faire des gestes chorégraphiés ou encore se mettre en scène. Le geste est une manière d’être au monde, comme le remarque le philosophe et écrivain Vilém Flusser: «[..] l’être dans le monde (l’existence) se manifeste par des gestes» (Flusser, 1999: 185) Le geste du dessin, geste ancien de l’humanité, fait partie des gestes d’inscription de l’humain dans son milieu. Dans les performances dessinées suivantes, les gestes font apparaître un graphisme dans le réel avec une grande attention portée au processus de réalisation.

Le déplacement par la marche fait partie des gestes créateurs de forme dans certaines performances dessinées. L’artiste britanique Tim Knowles2Tim Knowles est un artiste né en 1969, il vit et travaille à Londres. a réalisé des performances nommées Windwalks3Documentation des œuvres visibles sur le site de l’artiste: http://www.timknowles.co.uk/Work/Windwalks/tabid/496/Default.aspx œuvres qui abordent la création dessinée par le biais de marches guidées par le vent. Chez Tim Knowles, la marche est un processus de création sensible et essentiel pour réaliser le dessin. Dans ses premières performances, il est lui-même le marcheur équipé d’un dispositif qu’il fabrique pour suivre le sens du vent dans un espace naturel puis urbain. Par la suite, des marcheurs participent volontairement à sa performance Mass Windwalk pour laquelle un dispositif plus élaboré est mis en place. Sa démarche renvoie à une série de pratiques artistiques contemporaines qui mettent en avant la marche, le déplacement dans l’espace comme constitutif de l’œuvre à la fin du XXsiècle. Ainsi Thierry Davila dans Marcher, créer: déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXsiècle, affirme que la marche est une équivalence de la création dans ces pratiquesLa marche comme processus de création génère la forme, produit les conditions de la réalisation de l’œuvre en incluant tout le corps. Le marcheur dans ce type de production a un rôle et même une responsabilité dans le franchissement d’une distance, il est le vecteur de la constitution de la forme de l’œuvre.

En outre, la marche génère une activité du corps mais aussi de l’esprit. Elle renouvelle le regard. Le marcheur découvre le paysage avec la part de hasard et d’inconnu qu’il peut rencontrer. La marche réactive des sensations. Loin d’être passif pendant la marche, l’esprit est investi par l’espace traversé. L’esprit s’engage dans le rythme et le temps de cet espace. Le marcheur découvre une altérité qui le construit, son déplacement est aussi activé par le désir de voir, de connaître un espace au-delà de la vision fragmentée qu’il en a. Cette vision fragmentée est liée à notre vision humaine: un champ de vision qui nous limite. Cette fragmentation est aussi liée à la vision de l’horizon inatteignable. Ainsi, même en changeant de point de vue, il y a toujours une partie invisible, partiellement ou complètement cachée par les limites du corps. Michel Collot écrit sur l’horizon et le regard, leur lien constant par l’inscription du corps dans le paysage: «Mon regard embrasse l’horizon, mais demeure enveloppé par lui.» (Collot,1988: 14) L’horizon nous incite à découvrir la partie invisible du paysage, à aller voir au-delà: à parcourir les paysages plus loin que cette limite. L’horizon active le désir et l’imagination. Ainsi, le travail de Tim Knowles peut être mis en relation avec d’autres pratiques d’artistes marcheurs qui produisent des performances dessinées tels que Francis Alÿs ou encore Jean-Christophe Norman. Contrairement à Tim Knowles, ces artistes marcheurs ne réalisent pas de marches guidées par un élément tel que le vent mais ils ont trouvé d’autres potentialités dans la ville pour activer leur déplacement.

Dans sa performance à Sydney Mass Windwalk en 2013, Tim Knowles expose les marcheurs au paysage. Une ouverture et une exposition du marcheur qui font écho aux propos de Thierry Davila:

Si le site inconnu ne peut rien se voir imposer quant à la perception que l’on peut en avoir, c’est peut-être et aussi parce que son exposition directe passe par l’ouverture immédiate du sujet à sa pure et simple saisie, que sa traversée expose la personne qui la réalise autant qu’elle révèle le territoire concerné, ouvre le marcheur à un autre devenir et à un autre rythme, à un autre mouvement et à d’autres déplacements que ceux encouragés par les trajets balisés. (Davila, 2007: 42)4Dans cet article, la référence exacte à l’ouvrage est: Davila, Thierry. 2002. Marcher, créer: déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle. Paris: Éditions du Regard, 200p.

Le marcheur qui participe à l’œuvre prend le risque de la déambulation dans l’espace qu’il parcourt. Il ne choisit pas son chemin puisque le vent décide de sa trajectoire dans la ville. Dans cette démarche, il est question d’un lâcher-prise du corps. Sa première marche, nommée Windwalk #1 Great Mis Tor, Dartmoor, réalisée en 2007, vient d’une idée qu’il aurait eue de marcher là où le vent le porterait. Il est parti dans le parc naturel de la région de Dartmoor en Angleterre avec un système de girouette qu’il a conçu, équipé d’un GPS et d’une caméra. Malheureusement, la girouette bougeait en fonction de son corps et non du vent, le faisant parfois tourner en rond.

Tim Knowles. 2007. Windwalk #1 – Great Mis Tor, Dartmoor [Photographie de la documentation de la performance visible sur le site internet de l’artiste].

Tim Knowles. 2007. Windwalk #1 – Great Mis Tor, Dartmoor [Photographie de la documentation de la performance visible sur le site internet de l’artiste].
(Credit : Knowles, Tim)

Dans un entretien5Conférence de l’artiste visible sur: http://tedxmontpellier.com/talk/tim-knowles/, consulté le 20 mars 2017, l’artiste juge que cette expérience n’était pas suffisamment aboutie, car il souhaitait vraiment que ce soit le vent, qui détermine le parcours de sa marche. Il réalise ainsi un système où un casque girouette équipé d’une caméra remplace la girouette tenue en main, trop imprécise pour capter uniquement le mouvement du vent. En voulant être pris par un élément extérieur, appartenant à l’espace parcouru, son corps est mené dans les creux et les chemins du paysage. Son travail renvoie à une approche phénoménologique dans laquelle le sujet est investi par le paysage qu’il perçoit. En effet, la perception de l’espace proposée par l’artiste renoue avec les sens et avec l’expérience même de celui-ci. Il n’aborde plus cet espace urbain avec la connaissance qu’il en a, par ses trajets habituels, par sa culture ou ses savoirs géographiques. La marche proposée par l’artiste place le marcheur dans une expérience du monde vécu. Cette expérience de l’espace est oubliée par les impératifs utilitaires des déplacements au quotidien dans la ville. Le marcheur, par son corps, embrasse le paysage qu’il perçoit, car il fait partie de cet environnement qu’il fréquente. Merleau-Ponty affirme cette correspondance du corps et du monde:

Visible et mobile, mon corps est au nombre des choses, il est l’une d’elles, il est pris dans le tissu du monde et (…) le monde est fait de l’étoffe même du corps. (Merleau-Ponty, 1964: 19)

Cette marche dans le territoire met en parallèle le corps du marcheur comme un espace qui est également exploré dans la performance et le territoire pratiqué comme un corps vivant. Il met en relation le corps du marcheur et le corps de l’espace investi. Le corps du promeneur et l’espace sont imaginés comme des territoires, faisant écho à l’affirmation de Marc Augé:

Au moins sur le plan de l’imagination (mais qui se confond pour de nombreuses cultures avec celui de la symbolique sociale), le corps est un espace composite et hiérarchisé qui peut être investi de l’extérieur. Si l’on a des exemples de territoires pensés à l’image du corps humain, le corps humain est très généralement, à l’inverse, pensé comme un territoire. (Augé, 1992: 79)

Les deux corps territoires: celui du marcheur et celui du plasticien, s’engagent dans une exploration mutuelle dans la performance, avec un rythme pour créer le graphisme. Dans les Windwalks, les dessins réalisés au cours des marches captent cette relation du corps et de l’espace par un dessin éphémère et intangible. Le dessin obtenu témoigne de la traversée d’un territoire, d’une marche qui se heurte à l’architecture du lieu et à des hésitations par des lignes tremblées.

Enfin, Tim Knowles engage le corps dans une pratique liée à l’évasion, à l’exploration poétique et même ludique de l’espace qui peut rappeler ce rapport à la rêverie poétique pensé par Gaston Bachelard: «La rêverie poétique, à l’inverse de la rêverie de somnolence, ne s’endort jamais. Il lui faut toujours, à partir de la plus simple image, faire rayonner des ondes d’imagination.» (Bachelard, 1957: 49)6Dans cet article, la référence exacte à l’ouvrage est: Bachelard, Gaston. 2004 [1957]. La poétique de l’espace. Paris: Presses Universitaires de France, 214p. Cette exploration, qui engage l’imagination, active aussi le désir. Le corps se déplace ainsi à la découverte du chemin sculpté par le vent.

Dans les performances de Tony Orrico, le corps du plasticien, mis en avant, est utilisé jusqu’à épuisement. Contrairement au travail des Windwalks de Tim Knowles, le corps n’effectue pas de marche guidée; il est amené à produire des gestes répétitifs qui peuvent sembler proches de chorégraphies avec contraintes. Tony Orrico a suivi des études de danse et a fait partie de compagnies renommées avant de commencer sa carrière de plasticien. Cet artiste américain, né en 1979 à Chicago, réalise un travail extrêmement physique, où l’engagement du corps, à l’inverse du travail précédent, ne relève pas de la flânerie ou de l’évasion. Il commence en 2009 une série nommée Penwald Drawings7Documentation visible sur le site de l’artiste: https://tonyorrico.com/penwald-drawings/ qui lie la chorégraphie et le dessin dans des performances dessinées réalisées en public. L’artiste allongé sur une feuille de papier ou debout face au support, travaille comme un spirographe, instrument inventé pour permettre de tracer des figures géométriques parfaites. Il dessine des cercles ou des figures symétriques à partir de son corps pour lesquels la symétrie de ses gestes produit un graphisme ordonné. Tout d’abord, il a réalisé une réflexion sur sa main dominante et la pression exercée par ses doigts sur le pinceau dans la peinture et le dessin. Puis, il a développé une démarche dans laquelle son corps entier est à l’œuvre.

Dans son œuvre Penwald: 8: 12 by 12 on knees réalisée en 2011, l’effort physique varie entre 6 et 7 heures (il a reproduit cette performance à plusieurs reprises). La circonférence de ses cercles dépend du mouvement de ses bras dans sa posture: il est à genoux sur le support. Il réalise cette fois de nombreux cercles dont la taille dépend de ce mouvement sur ses genoux et fait les écarts entre les figures en produisant de grands cercles dont le diamètre correspond à sa taille lorsqu’il est étendu au sol les bras levés. Tony Orrico engage un vocabulaire gestuel restreint et répétitif avec son corps dans l’espace pour mettre en place son graphisme régulier. Soncorps participe pleinement à la création de la représentation en réalisant des exercices physiques en tension. Ainsi, le dessin atteste et témoigne de sa présence dans l’espace de la feuille ou du mur. Les traces du corps peuvent rappeler l’œuvre de Michael Namkung Wall Sit Recolation dans laquelle le point fixe de son corps est visible sur le support par le vide créé par sa silhouette. Michael Namkung est en tension assis contre un mur dans une posture gainée inconfortable, sans chaise. À l’instar du travail de Tony Orrico, son corps est en tension dans l’espace. L’aspect athlétique de la performance est revendiqué par l’artiste qui développe le projet Drawing Gym pour mêler exercice physique et graphisme. L’espace dessiné investi par ses gestes devient un territoire exploré par la performance. Le support du dessin Penwald: 8: 12 by 12 on knees montre les vides résiduels comme frontière d’«espace atteignable». Cette expression renvoie à l’artiste plasticienne et enseignante chercheuse en art et sciences de l’art, Katrin Gattinger, qui le définit ainsi:

Délimité par des murs ou atteignable par le corps lui-même, l’espace atteignable, celui que l’on peut toucher en tendant la main, révèle dans la pratique du dessin cette nécessité d’un contact (corps/outil/support), tout comme il évoque l’espace hors de portée. (Gattinger: 155)

Ces délimitations de territoires dans le travail de Tony Orrico sont visibles dans le dessin obtenu: les espaces atteignables tracés plus ou moins régulièrement, donnent une image de l’exploration du support. Quant aux vides résiduels, ils marquent la frontière d’espace privée de contact avec le corps dessinant.

Le corps de l’artiste est son outil de mesure pour produire mais il est aussi matériau de l’œuvre. Tony Orrico l’utilise comme limite graphique dans Penwald 2: 8 circles: 8 gestures8Vidéo de la performance et photographie du dessin réalisé visibles sur le site de l’artiste: https://tonyorrico.com/penwald-drawings/archive/ , réalisée en 2009, où ses bras tendus lui servent de mesure pour créer des rayons et la circonférence des cercles; il répète les mouvements de ses bras, couché au sol en tenant un outil traceur dans chaque main. Il effectue un écart identique entre chaque cercle en roulant sur le côté. En prise avec le support, il réalise son dessin sans avoir de recul, en exécutant un effort physique durant approximativement 90 minutes pour cette performance. Il marque le support avec des gestes d’inscription difficiles et douloureux par la répétition. Michel Guérin souligne ce geste d’inscription: «Inscrire, c’est trancher, retenir la marque, entourer la différence.» (Guérin, 2008: 110) En effet, les gestes de Tony Orrico évoquent l’inscription qui suppose un effort sur la matière pour l’inciser et pour la marquer.

Dans son œuvre Waning9Documentation visible sur le site de l’artiste: https://tonyorrico.com/carbon/archive/ , réalisée à Mexico dans la galerie Marso Galeria, l’artiste mène un travail difficile contre le support de la feuille placée au mur. Il cherche à fixer les limites de son corps, puis se laisse tomber et recommence pendant environ 45 minutes. Le graphisme est à la fois une délimitation et une trace du geste de la chute. Des lignes assez fluides se croisent. Par la suite, il remplit les interstices créés par les lignes de contours qui se croisent et crée un espace plus dense. Tony Orrico travaille avec le mouvement et ce qu’il appelle la «navigation spontanée». Le plasticien  affirme:

Je navigue à travers ces lignes et à un moment cela devient une navigation très technique à travers l’espace. C’est comme un bloc d’espace. C’est là qu’intervient l’idée de densité et comment je peux apporter de la sophistication à ce bloc quel qu’il soit10Interview de l’artiste visible en vidéo Arte TV et Tracks programhttps://vimeo.com/77165927, consulté le 20 mars 2017.

Tony Orrico. 2013. Waning (Hyde Park Arts Center, Chicago, IL) [Photographie du dessin issu de la performance visible sur le site internet de l’artiste].

Tony Orrico. 2013. Waning (Hyde Park Arts Center, Chicago, IL) [Photographie du dessin issu de la performance visible sur le site internet de l’artiste].
(Credit : Orrico, Tony)

Tony Orrico fait preuve de maîtrise et de précision, et se prépare par la méditation à ses performances. Dans cette recherche d’un corps à corps physique avec le support, l’artiste a également travaillé un support papier avec ses dents dans Prepare the Plane11Documentation de la performance visible sur le site de l’artiste: https://tonyorrico.com/carbon/archive/ , réalisée en 2012 à Mexico, en mordant la feuille pendant des heures en public jusqu’à épuisement (la performance dure approximativement huit heures). Le résultat graphique montre l’empreinte de ses dents qui ont plié le papier. L’artiste ne cache pas une part de douleur et de souffrance liée à son travail. Dans cette optique, on peut penser à la pratique physique de Carolee Schneemann dans l’oeuvre Up To And Including Her Limits, commencée en 1973, pour laquelle l’artiste est suspendue par les pieds, la tête en bas et doit projeter son corps vers le mur pour dessiner. Ainsi, Tony Orrico affirme la puissance de son corps: son énergie à créer mais aussi l’effort difficile lié à cette activité. Il réalise également, grâce à la tension de son corps dans l’espace, la création d’un territoire dessiné, issu du contact avec l’espace atteint pendant sa performance.

À l’instar de Tony Orrico, Robin Rhode développe un aspect chorégraphique dans son œuvre performative. Cependant, chez Robin Rhode, la chorégraphie est liée à la mise en scène d’une narration dans son travail. Né en 1976 au Cap, l’artiste utilise son corps avec un aspect presque chorégraphique dans sa manière de «faire image» avec le dessin dans sa pratique performative. Il travaille tout d’abord en Afrique du Sud. L’histoire de ce pays est déterminante pour ses premières performances. La performance commence en général après avoir dessiné un objet sur un support, le sol ou un mur dans l’espace public. Il agit et donne l’illusion d’une interaction avec le dessin qu’il modifie au gré de la narration. Certaines rectifications qu’il fait pour ses dessins ne sont pas toujours montrées au public dans les photographies de la performance. Il garde une trace photographiée du processus ou effectue un montage vidéo pour suivre l’évolution de la performance et du graphisme. Le va-et-vient entre le corps qui mime une utilisation de l’objet et le dessin qui évolue crée un rythme. Dans l’œuvre Apparatus12Documentation visible sur le site de la galerie Lehmann Maupin: http://www.lehmannmaupin.com/artists/robin-rhode/press_release/0/artist_selected/1 , réalisée en 2009, composée de 36 photographies issues d’une performance, un performeur joue le rôle d’un dessinateur en train d’utiliser une machine à dessiner appelée perspectographe. Cette performance a aussi fait l’objet d’un montage vidéo. Le performeur essaie de tracer une figure qui apparaît et se développe en face de lui, règle l’instrument, joue avec le stylo et l’équerre en déplaçant ceux-ci.

Le corps qui évolue dans l’espace dessiné est un corps mis en scène, presque dansant. Ses gestes participent à l’investissement de l’espace. L’espace dessiné devient un territoire de possibilités et de pouvoir puisque les objets désirés y apparaissent et peuvent être accessibles par la performance. L’artiste réalise par cet espace dessiné la trame pour développer les fictions de son corps désirant.

Robin Rhode. 2009. Apparatus. [36 photographies. Détail].

Robin Rhode. 2009. Apparatus. [36 photographies. Détail].
(Credit : Rhode, Robin)

Dans les photographies conservées, le rythme est mis en avant pour narrer l’évolution par étapes de l’interaction entre le corps et l’objet dessiné dans l’espace. Dans Apparatus, la gestuelle du corps du performeur est liée à l’acte de mimer l’action de dessiner, d’observer, de déplacer ses instruments. Cependant, il n’est pas rare de trouver dans le travail de Robin Rhode des gestuelles évoquant des sports. Ainsi dans Catch Air, œuvre réalisée en 2003, l’artiste dessine une demi-lune d’une aire de skatepark en traçant une simple ligne courbe à la craie. Dans sa performance dont douze impressions numériques sur aluminium présentent les étapes, on le voit évoluer sur la demi-lune avec une planche à roulettes, s’élancer d’un côté puis glisser et progressivement remonter, avant de sauter. La gestuelle du corps développe une imitation de figure qu’un skateur peut faire avec l’élan sur ce support. Dans He got game13Documentation de l’œuvre visible dans l’interview de Robin Rhode par Selina Ting: http://www.initiartmagazine.com/interview.php?IVarchive=31 , réalisée en 2000, le corps de l’artiste vient mimer un acte sportif: un basketteur lançant son ballon dans un panier dessiné à la craie.

Ainsi, l’espace dessiné fait émerger avec la mise en scène de l’artiste la fiction d’un corps athlète, sportif, réalisant des exploits. Le corps mis en scène dans l’espace dessiné fait aussi apparaître un espace fictif idéalisé. Une transformation de l’espace urbain s’opère pour le mur ou le sol investi: l’espace donné devient le lieu d’un exploit fictif, d’un rêve possible de victoire sportive ou encore d’un espace poétique.

Robin Rhode. 2000. He got game [Impressions numériques, 12 photographies, 22,9×29,8 cm chacune].

Robin Rhode. 2000. He got game [Impressions numériques, 12 photographies, 22,9×29,8 cm chacune].
(Credit : Rhode, Robin)

Chez Robin Rhode, le dessin n’est pas le but mais le moteur de la performance. Ainsi, il évolue avec les objets disposés ou dessinés dans ses performances pour créer un ailleurs et imaginer ses fictions. Sa démarche renvoie à l’affirmation de Michel Foucault: «Mon corps, en fait, il est toujours ailleurs, il est lié à tous les ailleurs du monde, et à vrai dire il est ailleurs que dans le monde.» (Foucault, 2009: 17) Il crée un espace rêvé entre l’espace réel et l’espace de son corps. L’engagement de son corps paraît comme un mime invitant à la rêverie, à la grâce, à un récit parfois engagé politiquement.

Ainsi, les processus de réalisation du dessin témoignent de corps qui parcourent l’espace pour les besoins de la création de l’espace graphique dans un rapport d’interdépendance. Le corps du plasticien entretient des liens privilégiés avec l’espace investi dans les performances dessinées observées. Corps et espace co-construisent le territoire graphique dans la performance dessinée. Ces liens entre espace dessiné et espace du dessin développés mènent à penser son rapport intermédial qui tend vers une monumentalité de l’espace du dessin.

 

Rapport intermédial et espace de l’œuvre

Dans la performance dessinée, différents médias se côtoient pour augmenter, recadrer et amplifier le dessin qui prend une échelle de création tout autre à l’ère du numérique et de la multiplication de l’image. La notion d’intermédialité est définie par Jürgen E. Müller comme «le croisement des médias dans la production culturelle contemporaine» (Müller, 2000: 106). Cette approche récente permet d’analyser la création contemporaine au regard d’une fusion médiatique. Le rapport intermédial est le lien opérant dans une réalisation composée de plusieurs médias. Il permet de porter attention à ce qui se joue entre les éléments qui composent la performance dessinée, en l’occurrence, comment la performance permet-elle au graphisme de prendre une autre ampleur? Comment les relations entre les différentes formes produisent le graphisme et ont une incidence sur l’espace? Dans la performance dessinée, les combinaisons médiales semblent interroger les fondements du dessin. Ces pratiques graphiques constituent pour Irina O. Rajewsky, une sous-catégorie qui présente les caractéristiques, l’identité propre des médias dans leur articulation. Ainsi, l’auteure, théoricienne germanique en littératures, écrit dans son article «Intermediality, Intertextuality, and Remediation: A Literary Perspective on Intermediality», que les qualités des médias sont conservées dans les combinaisons médiales:

La qualité intermédiale de cette catégorie est déterminée par la constellation interne constituant un produit médiatique donné, c’est-à-dire qu’il est le résultat ou le processus même de la combinaison classiquement d’au moins deux médias distincts ou de formes d’articulation médiales. Ces deux médias ou formes médiales d’articulation sont présents chacun dans leur propre matérialité et contribuent à la constitution et de la signification de l’ensemble du résultat dans leur propre chemin spécifique. [Je traduis] (Rajewsky, 2005: 51-52).

L’association médiatique est porteuse de sens dans la forme combinée et chacun des médias a des spécificités reconnaissables, ainsi les œuvres composées sont constituées de ces médias intégrés mais identifiables. L’intermédialité dans la performance dessinée permet de mettre de l’avant le «faire œuvre» mais aussi la durée. De nouveaux supports sont investis et le geste de tracer est expérimenté par des postures variées. Loin du geste intime de l’artiste en atelier, la performance dessinée expose le dessin, le place dans l’espace public ou à la portée d’un spectateur qui peut participer dans certains cas à sa réalisation. La multiplication des médias invite à questionner les gestes et les territoires du dessin. Ces pratiques développent des œuvres éphémères dont les documents témoignant de leur existence tels que la vidéo ou la photographie sont exposés comme traces. L’échelle dans ces pratiques varie également avec des gestes amplifiés et des espaces parfois monumentaux. Dans le cas d’artistes qui travaillent le dessin et la performance, il s’opère un rapport simultané comme la conservatrice suisse Laurence Schmidlin, spécialiste de l’estampe et des papiers, le souligne:

Les moyens du dessin sont intégrés à même la matrice médiale de la performance, qui se définit par la simultanéité de données temporelle et spatiale à partir desquelles le corps du performer prend son essor. Une sorte de renversement a lieu puisque le corps n’est plus l’intermédiaire du dessin, mais que le dessin devient l’agent du corps. (Schmidlin, 2013: 15)

Ainsi, le dessin est entremêlé à la performance, dans la performance dessinée, et ses moyens matériels sont interrogés et parfois mis à mal dans celle-ci. On observe une déterritorialisation de l’action de dessiner, mais aussi une réactivation de sa matérialité, de ses fondements.

Les combinaisons médiales dans les Windwalks de Tim Knowles développent un graphisme à l’échelle de vastes territoires. Le dessin éphémère obtenu inscrit le déplacement du corps au gré du vent par un procédé d’enregistrement du parcours. Dans les marches en fonction du vent, la combinaison des médias –dessin, vidéo, photographie– permet de générer le graphisme. L’artiste utilise des applications pour repérer le positionnement, créer un tracé du parcours sur un écran puis produire une image imprimée ou vidéo projetée, pour rendre compte de l’expérience. L’expérience amène à considérer l’intrication des médias: le numérique, la performance, le dessin, la photographie, la vidéo et même plus subtilement la sculpture et l’architecture dans l’appréhension des volumes et l’échelle du travail. Tim Knowles tient à mettre en évidence des documents pour aider le spectateur à comprendre comment ses œuvres sont faites. Il expose les dessins imprimés ou projetés issus de ces marches, mais multiplie également les éléments tels que photographies, vidéos et objets utilisés (casques girouette). Il développe un travail dans lequel l’action et l’expérience sont essentiels pour révéler des éléments subtils et cachés. Pour son œuvre Mass Windwalk, réalisée à l’initiative de l’invitation de la ville de Sydney en 2013, cinquante marcheurs ont été équipés de casque-girouette réalisés en série pour l’évènement. Les marcheurs sont partis de Taylor Square en suivant le sens donné par la flèche du casque-girouette.

Tim Knowles. 2013. Mass Windwalk [Photographie de la documentation de la performance réalisée le 21 avril 2013 à Sydney visible sur le site internet de l’artiste].

Tim Knowles. 2013. Mass Windwalk [Photographie de la documentation de la performance réalisée le 21 avril 2013 à Sydney visible sur le site internet de l’artiste].
(Credit : Knowles, Tim)

La dispersion du groupe dans la ville a produit un spectacle étonnant par le port de ces casques singuliers pointant avec une flèche la direction suivie par ces marcheurs. Les volontaires ont participé à cette performance durant une heure sans savoir où cela les mènerait. Cette marche développe une relation de l’humain à un élément invisible pendant le temps de la performance et donne au marcheur la possibilité d’être à l’écoute du vent, de son environnement. Au lieu de chercher à maîtriser cet environnement, à le façonner et à le contrôler, il doit se laisser guider par lui. Les marches donnent lieu à un dessin réalisé en direct à Taylor Square sur écran à partir d’une application sur smartphone qui enregistre le déplacement des marcheurs. Tim Knowles déterritorialise le geste de dessiner, qui n’est plus directement fait par un contact entre le corps et le support, mais par des données émises, retranscrites, envoyées, transférées et projetées sur écran. Le dessin créé en direct, par le transfert des données du déplacement des G.P.S sur les casques des marcheurs, est éphémère. La déterritorialisation du dessin par ce dispositif technologique chez Tim Knowles, amène à reconsidérer et tracer un élément, le vent, qui était présent et utilisé par les habitants auparavant. La déterritorialisation, concept proposé par Deleuze et Guattari, implique un devenir autre du dessin qui se développe en gardant ses traits essentiels dans l’évolution des pratiques actuelles. Le dessin tracé fait signe en désignant un territoire invisible. Il révèle une strate de l’espace expérimenté.

Dans l’histoire de la région, des moulins à vent étaient construits dans la ville sur les rues Darlinghurst et Kings Cross, ils exploitaient le vent du port pour l’économie14Source: Site de CityArtsSydney: http://www.cityartsydney.com.au/artwork/windgrid-windlab-windwalk/ . Ces moulins étaient référencés sur des cartes. Ainsi, l’artiste réactive l’importance du vent, cet élément qui a été source d’activité dans la région. La performance dessinée de Tim Knowles permet de déplacer le regard vers une autre manière d’explorer la ville et de capter un élément qui a été utilisé auparavant sur ce site. En effet, l’errance du marcheur donne à cet espace urbain pratiqué une autre dimension, un territoire plus vaste que ce qu’il pouvait envisager.

Les combinaisons médiales dans l’œuvre de Tony Orrico questionnent également l’espace dessiné et l’ampleur du graphisme. Contrairement au travail de Tim Knowles, son corps dessinant n’est pas équipé de dispositif technologique. Tony Orrico produit certaines de ses œuvres en public avec une dimension spectaculaire. Son corps exposé permet de rendre visible la genèse du dessin. Dans la série des Penwald Drawings, ses gestes sont essentiellement chorégraphiés par l’artiste qui mesure mentalement ses déplacements: des mouvements symétriques, des demi-cercles et cercles. Cette série mêle le dessin, la performance, la danse et même l’installation. Un territoire graphique est marqué progressivement sous les yeux du spectateur par le corps du plasticien. Le résultat formel du dessin importe autant que le processus de création, montré et mis en scène tel un spectacle, avec un public autour du support. Cependant, au-delà de la performance en public elle-même, son travail est filmé, photographié et le dessin produit est présenté et exposé. L’importance de ces différents médias est déterminante. Ceux-ci permettent de voir l’échelle de son travail qui est dépendante de son corps inscrit dans des formats de grande ampleur. Le résultat dessiné présente les traces de cette chorégraphie avec contrainte montrant les plis et les marques générés par le corps du performeur. Le vide résiduel montre l’ampleur de ce travail dessiné. Cet espace non-investi limite le corps, il développe un intervalle et tisse un lien avec l’espace architecturé. Dans la série des Penwald Drawings, la combinaison médiale déterritorialise la question du geste, transféré de la main au corps entier. Le transfert fait émerger un dessin qui fait corps, en rupture avec la narration, qui se pense comme un espace autonome. L’artiste considère son corps dansant comme une possibilité d’interagir avec un espace intérieur et extérieur. Michel Foucault pensait justement ce rapport du corps du danseur à son espace: «Après tout, est-ce que le corps du danseur n’est pas justement un corps dilaté selon tout un espace qui lui est intérieur et extérieur à la fois?» (Foucault, 2009: 17) Son corps dessinant expérimente ses potentialités en étirant et repoussant un espace. Le support témoigne de cet espace repoussé par l’artiste qui a travaillé sur ses limites.

Grâce à la combinaison des médias, l’action de dessiner est perçue avec la dimension physique et chorégraphique que l’artiste lui donne. Ainsi, Tony Orrico réactive un élément de l’ordre de l’origine du dessin par ce geste répété, multiplié, dans ses performances.

Dans la pratique de Robin Rhode, les combinaisons de médias permettent de mettre en place des œuvres poétiques dans lesquelles l’artiste imagine des objets dessinés qui s’animent. Robin Rhode affirme qu’au cœur de son travail se trouve la performance qui est corrélée aux autres médias. Elle lie le dessin, la photographie et le montage vidéo. L’articulation intermédiale dans son travail permet de créer un rythme. En effet, différentes photographies permettent d’apprécier les étapes de ses performances; elles décomposent l’évolution du dessin et des gestes de l’artiste. Ainsi, son œuvre A Spanner in the Works of Infinity, réalisée en 2012-2013, montre un rythme de l’évolution par étapes que l’artiste met de l’avant par une série de photographies. Dans cette œuvre, l’action d’un performeur consiste à mimer la mise en mouvement de l’outil de mécanique d’une clé en croix dessinée sur le mur derrière lui. L’artiste imagine un mouvement en forme de spirale comme si l’objet, jeté tel un bâton de majorette lancé en l’air, partait vers l’infini.

Robin Rhode. 2012-2013. A Spanner in the Works of Infinity [C-Prints, 9 photographies].

Robin Rhode. 2012-2013. A Spanner in the Works of Infinity [C-Prints, 9 photographies].
(Credit : Rhode, Robin)

En plus du rythme, la combinaison médiale appuie la narration qu’il imagine dans l’espace public: un objet dessiné au sol ou sur un mur est l’occasion de créer une petite histoire. Ses performances invitent à découvrir une dynamique entre le corps et le dessin. Robin Rhode interagit avec les objets dessinés à leur taille réelle dans l’espace public, en animant ceux-ci par des séries de photographies et parfois avec un montage vidéo. Dans son travail, la combinaison médiale amène également à voir l’inaccessible. En effet, ses performances jouent sur l’appropriation d’objets dessinés alors que le performeur ne peut posséder ces objets, les toucher ou les utiliser. Ainsi se côtoient l’espace réel et l’espace fictif. La combinaison médiale renforce la caractéristique de la spontanéité et de l’inachèvement du dessin. Elle porte le regard vers un espace onirique dans l’espace public.

Dans certaines œuvres de Robin Rhode, le son est également présent. Dans l’œuvre The Score, par exemple, réalisée en 2004 à la galerie Artists Space à New York, il dessine sur un mur plusieurs instruments de musique, en public, en traçant leur contour à la peinture noire. Il mime ensuite leur utilisation en fonction d’une bande son pré-enregistrée qui diffuse la musique des instruments en essayant de suivre le rythme des sons. L’utilisation du son amplifie les mises en scène de l’artiste et renforce le caractère onirique de celles-ci en faisant appel à un autre sens du spectateur.

Ainsi les combinaisons médiales sont décisives dans les performances dessinées évoquées, car elles permettent de mettre en place une spatialisation plus vaste. La dimension intermédiale des performances dessinées invite à réfléchir à celle-ci comme une pratique intrinsèquement liée à l’espace de création par le déploiement d’œuvres de grande ampleur au regard de l’architecture ou de la ville. Elles élargissent la portée de l’espace graphique créé dans l’espace expérimenté. Les caractéristiques du dessin sont visibles dans ces performances où le corps dessinant démultiplie, amplifie le geste de dessiner pour faire signe dans l’espace. Les combinaisons médiales dans ces pratiques permettent d’accentuer les mouvements d’interdépendances du rapport entre corps et espace pour faire émerger la forme. Le rapport du corps et de l’espace est en effet lié aux combinaisons médiales opérantes dans ces performances pour questionner la porosité de l’espace intérieur et extérieur. Cependant, les phénomènes actuels influencent également ce rapport, notamment l’espace de la ville qui est un lieu privilégié pour les formes intermédiales.

 

L’incidence de l’espace urbain sur les pratiques analysées

Les phénomènes de société, les évènements actuels influencent le rapport du corps et de l’espace dans le cas des pratiques des trois artistes observés. Aussi pour limiter le questionnement, l’incidence de l’espace urbain sera plus particulièrement analysée. En effet, la ville et plus largement l’espace urbain est un environnement mouvant, un lieu de mutation, de fragmentation de l’espace, proposant un mode de vie et un rythme particulier. Elle est aussi un lieu de désir, de consommation, de surpopulation et de migration.

La série des Windwalks de Tim Knowles questionne le lien avec l’environnement qui vient modeler le graphisme obtenu. L’artiste met en lumière un élément invisible pourtant bien présent, le vent, comme un flux dans l’espace urbain. Le dispositif que l’artiste met en place dans Mass Windwalk à Sydney donne lieu à un dessin obtenu grâce aux données GPS enregistrées. L’action performative et le résultat dessiné sont directement liés à cette interaction entre le corps et l’environnement, le corps se déplaçant au gré du vent, circulant entre les architectures dans l’espace urbain. La série fait écho aux phénomènes d’incidence de l’activité humaine sur l’environnement naturel. Le graphisme représentant ce rapport du corps à l’espace montre bien les espaces architecturés qui influent sur la circulation du vent. Pour lui, il est important que le spectateur comprenne comment l’œuvre est réalisée. Ainsi, Tim Knowles souligne que le vent n’est plus utilisé à bon escient dans cette région. L’étude des vents est d’ailleurs un sujet de recherche complexe et d’actualité. Il est une force destructrice, productrice de relief mais aussi force créative si celle-ci est bien utilisée. Le travail de Tim Knowles met en avant une relation de dépendance de l’humain avec son environnement, mais aussi les tensions qu’elle suppose. On peut observer la manière dont ce rapport est affecté par l’urbanisation sur les éléments naturels dans les Windwalks de Tim Knowles. Dans la marche Seven walks from Seven Dials, qu’il réalise en 2009, le graphisme représente nettement les zones de tensions et de rencontres entre l’élément naturel et l’architecture, l’espace aménagé par l’humain. Sur son site, l’artiste présente un détail de ce dessin et commente:

Détail du dessin montrant comment le chemin sinueux du marcheur (guidé uniquement par le vent) heurte des bâtiments, des murs, des rampes, des puits de ventilation, des véhicules garés… On aperçoit la structure de la ville.15Site officiel de l’artiste: http://www.timknowles.com/Work/Windwalks/SevenDials/tabid/503/Default.aspx, consulté le 20 mars 2017

Tim Knowles révèle les espaces en marge du lieu, ce que l’anthropologue Marc Augé nomme les «non-lieux» dans la ville comme produit de la surmodernité: «Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu.» (Augé, 1992: 100) Ceux-ci renforcent l’anonymat et la perte d’identité de l’individu. Ils constituent des espaces d’indétermination et d’uniformité. Ce sont des lieux de passage dans lesquels on ne s’attarde pas tels que les zones de stationnements de véhicules ou les passages avec des aérations entre les bâtiments.

Dans son œuvre, Mass Windwalk, la performance ouvre aussi vers une réflexion sur la migration de ces marcheurs. Les volontaires qui se déplacent ce jour-là, guidés par le vent sans savoir réellement quelle va être la destination, rappellent les flux de population qui sont guidés par une envie de vivre mieux à un autre endroit et suivent ainsi des chemins très dangereux sans avoir parfois de destination clairement définie. Sa démarche traite également des flux urbains et des rythmes de ceux-ci. Ainsi, Jean-Pierre Mourey, chercheur en esthétique et sciences de l’art, décrit la présence de ces flux dans la ville contemporaine:

Ces flux de personnes, de matières (eau, gaz), d’objets et de signes transitent à des rythmes différents. Le pas du marcheur frôle ou s’éloigne des voitures qui filent à des vitesses variées, les messages visuels défilent sur les façades, les flux électroniques transitent à haut débit. (Mourey, 2012: 9)

Le corps marchant produit son rythme par les accélérations et les ralentissements. Fabien Gris, chercheur en langue et littérature françaises, signale que la marche éprouve la ville:

[…] elle permet de s’intégrer dans cet espace lui-même mouvant et en déplacements constants qu’est la ville contemporaine. Elle en épouse et en éprouve davantage les flux. Le marcheur participe du mouvement urbain global qui l’entoure, l’accompagne ou le contrarie. (Gris, 2012: 38)

Ces marcheurs peuvent aussi faire penser à des flâneurs qui parcourent la ville avec un autre rythme que celui du déplacement dynamique de beaucoup de citadins. Baudelaire et W. Benjamin ont décrit et précisé la figure du flâneur. Le lâcher-prise de cette pratique fait penser à l’une des caractéristiques évoquée par l’écrivain et sociologue Jean-Noël Blanc: «[…] toute bonne flânerie consiste à accepter de se perdre.» (Blanc, 2012: 71) La connaissance des villes par le flâneur qui peut marcher longtemps pour découvrir est différente de celle d’un individu en déplacement. Il peut se laisser surprendre. On peut également penser à la dérive. Ces marcheurs prennent le temps de découvrir et d’explorer avec insouciance, oisiveté et lenteur au cours de leur déplacement en s’opposant à une logique économique de consommation et de production dans l’espace de la ville.

Dans le travail de Tony Orrico, il est question des limites humaines et de l’inscription de l’humain dans l’espace. Sa démarche replace l’humain dans un environnement urbain dont l’échelle est parfois presque inhumaine dans un contexte de multiplication de mégapoles. Dans la performance Waning réalisée en 2012, la relation met en évidence la volonté d’inscrire à même l’espace d’un mur, recouvert d’une feuille, la manière dont son corps produit par ses limites un espace graphique. Ainsi, l’espace investi par le dessin et la partie non touchée par l’artiste communiquent pour accentuer l’incidence du geste de ce corps à l’échelle de ce mur qui renvoie l’artiste à ses propres limites spatiales. Il apparaît un dialogue entre cet espace graphique et l’espace réel qui s’immisce aussi dans l’œuvre. Il crée une image humaniste dans son travail, en plaçant l’homme comme mesure de l’œuvre; il nous évoque la formule de Protagoras: «L’homme est la mesure de toute chose.» Sa création fait revenir au sujet même. Dans l’œuvre Penwald: 8: 12 by 12 on knees, le mouvement est presque machinal; ses dessins symétriques et précis évoquent un outil. Il fragmente ses gestes, et un rythme s’opère dans son œuvre. L’œuvre de Tony Orrico matérialise un espace qui est limité par le corps. Ainsi, il rappelle l’affirmation écrite par Henri Focillon dès 1934 dans Vie des formes: «L’espace est le lieu de l’œuvre d’art, mais il ne suffit pas de dire qu’elle y prend place, elle le traite selon ses besoins, elle le définit, et même elle le crée tel qu’il lui est nécessaire.» (Focillon, 1934: 26)16Dans cet article, la référence exacte à l’ouvrage est: Focillon, Henri. 2013. Vie des formes. Paris: Presses Universitaires de France, 129p. De manière semblable, Michel Guérin soutient cette transformation de l’espace par la présence de l’œuvre:

L’œuvre se met en œuvre (en place) en tant qu’elle s’approprie un espace qui ne lui préexiste pas, mais qu’elle produit en se produisant elle-même. Toute création dans l’espace est inséparablement espace de création et création d’espace. (Guérin, 2008: 79)

Tony Orrico investit physiquement l’espace par le contact qu’il met en place dans ses performances en le mesurant et le marquant avec son corps. L’espace du dessin naît de la spatialité du corps de l’artiste dans un rapport de dépendance et de proximité. Son corps définit de nouvelles frontières inhérentes à ses membres en tension qui tracent un territoire humain. Le corps dessinant définit un dessin éloigné d’une représentation mimétique, mais à l’image d’un espace plastique ouvert sur le corps et l’espace. L’artiste affirme la présence de l’œuvre par le résultat dessiné d’un corps en action.

Quant à Robin Rhode, agissant dans l’espace urbain, il met en valeur un espace rêvé par le graphisme qui développe des objets de consommation et autres fantasmes. Il met en avant une culture populaire urbaine ainsi qu’une culture issue de la publicité et de la société de consommation. Ces cultures ont déclenché son processus créatif en évoluant autour de lui dans la ville par des images, des films et de la musique. Une partie de son travail affirme cette culture populaire, composée de réussites sportives, de basket, de skateboard, de musique. Ainsi, dans He Got game, l’artiste qui a dessiné au sol un panier de basket, se met en scène dans la gestuelle d’un basketteur qui s’apprête à marquer, et termine le mouvement jusqu’à mettre dans le panier dessiné un ballon de basket. Son œuvre envisage une forte influence de l’image de la réussite sportive véhiculée par les médias, qui façonne certains rêves. Dans ce sens, le mot performance rejoint son utilisation dans le domaine sportif, comme un acte de dépassement de ses limites. Ses propositions développent une multiplication des images par ses photographies de performances. Cette multiplication fait un pendant aux images publicitaires envahissant les villes. Cependant, il ne cherche pas l’esthétique lissée et superficielle des images publicitaires: ses mises en scène dévoilent des éléments plus sincères, parfois teintés d’humour ou d’engagement. Ainsi, l’appropriation de l’espace urbain, avec uniquement de la craie dans certains travaux, affirme une trace vernaculaire, allant au plus essentiel pour marquer l’espace et lui donner une certaine poésie. Robin Rhode s’inclut dans les espaces poétiques qu’il imagine et qu’il dessine en allant au-delà de l’espace urbain géométrique, ce qui rappelle l’affirmation de Gaston Bachelard: «L’espace habité transcende l’espace géométrique.» (Bachelard, 1957: 58)

L’artiste, ayant grandi dans un contexte politique complexe, fait aussi référence à la difficulté d’accéder à des biens de consommation. Dans certaines de ses œuvres, il développe un engagement plus politique sur la situation en Afrique du Sud, notamment dans l’œuvre Piano Chair réalisée en 2011, dans laquelle il fait référence à l’injustice sociale. Dans cette œuvre, un performeur incarne un pianiste qui essaie d’assassiner son piano dessiné au mur en lui jetant des pierres, l’attaquant à la machette, le brûlant. Il finit par le pendre en utilisant une corde. L’œuvre est visible par montage vidéo de photographies qui présentent les étapes successives de cette destruction du piano. La rébellion du musicien contre son instrument, qui est dessiné et établi dans l’espace en occupant une place importante du mur, présente la volonté de celui-ci d’anéantir son instrument de travail, incarnation de l’exploitation. L’artiste évoque les troubles et les tensions entre les populations en Afrique du Sud. Il dessine par cette image de confrontation, les tensions urbaines liées à l’injustice sociale. Il questionne l’instrumentalisation d’une partie de la population employée par ceux qui possèdent les moyens de productions et richesses.

Robin Rhode. 2011. Piano Chair. [Image extraite du montage vidéo]. Avec l’aimable autorisation de Robin Rhode, de son studio et de la galerie Lehmann Maupin.

Robin Rhode. 2011. Piano Chair. [Image extraite du montage vidéo]. Avec l’aimable autorisation de Robin Rhode, de son studio et de la galerie Lehmann Maupin.
(Credit : Rhode, Robin)

Les rapports entre corps et espace représentés dans ces performances dessinées sont influencés par les phénomènes actuels liés à la ville notamment. Ils enrichissent la réflexion des plasticiens à plusieurs niveaux, que ce soit sur le résultat graphique ou le processus même de réalisation. L’énergie déployée par le corps dans ces expérimentations de l’espace urbain, se mesurent à celui-ci, à ces flux et à son rythme. Ces œuvres existent par la transition opérante du corps qui ouvre l’espace. Les performances dessinées abordées me paraissent témoigner d’un rapport d’interdépendance entre le corps et l’espace, la forme s’ajustant au format de l’espace et au corps de l’artiste. Ces trois postures replacent le sujet dans l’espace par les corps en mouvement. Elles mettent en parallèle l’espace vécu et le corps dessinant par des liens forts. En effet, la performance dessinée développe le lien entre le territoire du corps dessinant et le territoire de l’espace expérimenté. L’espace du dessin dans la performance dessinée est négocié par le corps dans l’espace pratiqué en lien avec ses limites et ses possibilités. Le dessin issu de la performance porte les marques d’une relation de dépendance du rapport corps et espace par une émergence du graphisme parfois éphémère ou composée de vides résiduels. L’importance de l’engagement de tout le corps a été observée dans les représentations avec l’endurance et l’effort physique dans la pratique de Tony Orrico, dans la déambulation guidée par le vent dans les performances de Tim Knowles, ou encore dans la mise en scène de cet engagement pour interagir avec un dessin dans les œuvres de Robin Rhode. La génération d’un graphisme de grande ampleur grâce aux combinaisons médiales a été remarquée également dans ces performances à l’échelle de la ville pour certaines. Ces combinaisons accentuent un rythme dans le cas du travail de Robin Rhode, un mouvement chorégraphié chez Tony Orrico et une déterritorialisation du geste de dessiner dans l’œuvre de Tim Knowles. Ce rapport corps et espace dans la performance dessinée indique le processus de création questionnant le territoire des pratiques graphiques aujourd’hui, territoire qui se développe dans de grandes échelles et qui invite à penser le geste et le processus de création.

 

Bibliographie

Archer, Michael. 2002. L’Art depuis 1960. Paris : Thames & Hudson, 256 p.

Augé, Marc. 1992. Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Paris : Seuil, 160 p.

Axton, Natalie. 2015. « A Performance Artist Draws with His Teeth ». Hyperallergic. <http://hyperallergic.com/241489/a-performance-artist-draws-with-his-teeth/>.

Bachelard, Gaston. 1957. La poétique de l’espace. Paris : P.U.F, 224 p.

Blanc, Jean Noël. 2012. « Le flâneur (composition en cinq mouvements) », dans Jean-Pierre Mourey et Ramaut-Chevassus, Béatrice (dir.), Art et ville contemporaine: rythmes et flux. Saint-Étienne : Publications de l’Université de Saint-Étienne, p. 69-76.

Carrier, Johana et Marine Pagès. 2013. Roven revue critique sur le dessin contemporain.

Collot, Michel. 1988. L’horizon fabuleux. Tome 1. Paris : Librairie José Corti, 244 p.

Conte, Richard. 2009. Le dessin hors papier. Paris : Publications de la Sorbonne, 240 p.

Davila, Thierry, Julie Enckell Julliard, Françoise Jaunin et Karine Tissot. 2012. Trait papier – Un essai sur le dessin contemporain. Genève : L’Apage-Atrabile, 160 p.

Davila, Thierry. 2007. Marcher, créer: déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle. Paris : Éditions du Regard, 191 p.

de Certeau, Michel. 1980. L’invention du quotidien, tome I. Arts de faire. Paris : Union générale d’édition.

De Haas, Patrick. 1980. Le dessin contemporain (II). Vers un élargissement du champ artistique. Paris : Centre National de documentation pédagogique, 90 p.

Debat, Michelle. 2007. « Réaliser l’espace: Geste chorégraphique, geste photographique ». Ligeia Dossier sur l’art, 73-74-75, Paris : Ligeia, p. 85-97.

Deleuze, Gilles et Félix Guattari. 1980. Capitalisme et schizophrénie. Mille plateaux. Paris : Éditons de Minuit, « Critique », t. 2, 645 p.

Deleuze, Gilles et Félix Guattari. 1972. L’anti-Oedipe. Capitalisme et schizophrénie. Paris : Éditions de Minuit.

Dexter, Emma. 2006. Vitamine D. Nouvelles perspectives en dessin. Paris : Phaidon, 352 p.

Flusser, Vilém. 1999. Les Gestes. Paris : HC-D’ARTS, 216 p.

Focillon, Henri. 1934. La vie des formes. Paris : Presses Universitaires de France, 100 p. <http://classiques.uqac.ca/classiques/focillon_henri/Vie_des_formes/Vie_des_formes.html>.

Foucault, Michel. 2009. Le corps utopique, Les hétérotopies. Fécamp : Nouvelles éditions lignes, 61 p.

Gattinger, Katrin. 2014. « «À portée de main, de pied ou de roue». L’espace atteignable dans les pratiques graphiques performatives contemporaines », dans Alexandre Holin et Poisson-Cogez, Nathalie (dir.), Espaces dessinés / Espaces du dessin. Lille : Presses Universitaires du Septentrion, p. 155-167.

Goldberg, RoseLee. 2001. La Performance du futurisme à nos jours. Paris : Thames & Hudson, 256 p.

Gris, Fabien. 2012. « Marcher dans la ville: de l’errance à la promenade méthodique », dans Jean-Pierre Mourey et Ramaut-Chevassus, Béatrice (dir.), Art et ville contemporaine: rythmes et flux. Saint-Étienne : Publications de l’Université de Saint-Étienne, p. 37-57.

Guérin, Michel. 2008. L’espace plastique. Bruxelles : La Part de l’Œil, 118 p.

Ingold, Tim. 2011. Une brève histoire des lignes. Bruxelles : Zones sensibles, 256 p.

Merleau-Ponty, Maurice. 1945. Phénoménologie de la perception. Paris : Gallimard, 537 p.

Merleau-Ponty, Maurice. 1964. L’Oeil et l’esprit. Paris : Gallimard, 108 p.

Merleau-Ponty, Maurice. 2002. Causeries, 1948. Paris : Seuil, 76 p.

Mourey, Jean-Pierre. 2012. « Univers urbain, pratiques artistiques », dans Jean-Pierre Mourey et Ramaut-Chevassus, Béatrice (dir.), Art et ville contemporaine: rythmes et flux. Saint-Étienne : Publications de l’Université de Saint-Étienne, p. 9-18.

Müller, Jürgen. 2000. « L’intermédialité, une nouvelle approche interdisciplinaire: perspectives théoriques et pratiques à l’exemple de la vision de la télévision ». Cinémas: revue d’études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 10, 2-3, p. 105-134. <https://www.erudit.org/fr/revues/cine/2000-v10-n2-3-cine1881/024818ar.pdf>.

Rajewsky, Irina. 2005. « Intermediality, Intertextuality, and Remediation: A Literary Perspective on Intermediality ». Intermédialités: histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques, 6, p. 43-64. <http://id.erudit.org/iderudit/1005505ar>.

Rush, Michael. 2005. Les Nouveaux Médias dans l’art. Paris : Thames & Hudson, 248 p.

Schmidlin, Laurence. 2013. « L’évènement du dessin ». Roven revue critique sur le dessin contemporain, vol. 10, Paris : Roven, p. 11-28.

Arte TV / Track Program,. 2013. Tony Orrico, Tracks: Draw Different. Vidéo. <https://vimeo.com/77165927>.

City Arts Sydney,. 2012. « WindGrid, WindLab, WindWalk ». <http://www.cityartsydney.com.au/artwork/windgrid-windlab-windwalk/>.

Knowles, Tim. 2007. Site internet de Tim Knowles. <http://www.timknowles.com/Home/tabid/262/Default.aspx>.

Orrico, Tony. 2017. Site internet de Tony Orrico. <http://tonyorrico.com/>.

Galerie Lehmann Maupin,. 2013. Robin Rhode sur le site de la Galerie Lehmann Maupin. <https://www.lehmannmaupin.com/artists/robin-rhode/videos>.

Knowles, Tim. 2014. « Poetry in motion [Ted talk] ». <http://tedxmontpellier.com/talk/tim-knowles/>.

Stout, Katharine. 2014. Contemporary Drawing from the 1960’s to Now. Londres : Tate Publishing, 160 p.

Ting, Selina. 2010. « Interview: Robin Rhode ». Initiartmagazine. <http://www.initiartmagazine.com/interview.php?IVarchive=31>.

Type d'article:
Ce site fait partie de l'outil Encodage.