Entrée de carnet

Les langages de l’amour délinquant dans «La Chartreuse de Parme»

Solène Thomas
couverture
Article paru dans Imaginaire de l’écrit dans le roman, sous la responsabilité de Véronique Cnockaert (2014)

Cet article se propose de relire les chapitres XVIII et XIX de La Chartreuse de Parme à la lumière du concept de «raison graphique», mis au jour par Jack Goody dans les années 1970.

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un séminaire dirigé par Véronique Cnockaert intitulé «La raison graphique dans quelques romans du XIXe siècle» (UQAM, automne 2012).

 

En amour, tout est signe.1Stendhal, De l’amour, chap. 26.

Dans une perspective anthropologique, Goody place le langage non-verbal, l’art graphique, l’oralité et l’écriture dans un même continuum: régis par des codes culturels différents, tous ces media permettent la communication et déterminent, à divers degrés, notre rapport au monde. Le concept questionne alors le lien entre contenu et expression, le système de communication adopté engageant nécessairement le contenu véhiculé. A cet égard, la mise en place de la communication amoureuse entre Fabrice et Clélia, amants de La Chartreuse de Parme, semble révélatrice d’une vision toute stendhalienne de la passion: le langage d’amour s’élabore progressivement, du plus immédiat (un regard) au plus littératien (une lettre). Mais le langage articulé, qui passait pour la forme la plus achevée de communication amoureuse, semble toujours frappé d’incomplétude ou de défaillance: il semblerait in fine que Stendhal confie l’expression de la passion à tout ce qui n’est pas verbe.
Stendhal occupe une place à part dans la constellation des romanciers français du XIXe siècle. Alors que sa période de création romanesque concorde avec celle de Balzac, on pourrait croire à bien des égards qu’il écrit plusieurs années, voire plusieurs décennies avant l’auteur de la Comédie Humaine. Son réalisme empreint de romantisme, son goût pour le sublime heurté à son refus de l’émotion, son héritage des Lumières enfin, participent d’un régime d’écriture singulier. Les personnages de Stendhal ont un rapport au monde, à l’amour et à l’écrit qui semble tout droit issu de l’Ancien Régime. C’est le cas notamment dans La Chartreuse de Parme2Toutes les notes prennent pour référence l’édition de Michel Crouzet, Paris: Librairie générale française, Le Livre de Poche, 2000. 741 p. Les références à ce roman seront désormais intégrées au corps du texte avec la mention CP.(1839); Stendhal a d’ailleurs, pour sa trame narrative, transposé en pleine épopée napoléonienne des chroniques italiennes du XVIe siècle. Il n’est dès lors guère étonnant qu’on se croie par endroits en pleine Renaissance – passion, complots, lettres et poison sont autant d’éléments qui témoignent d’un rapport anachronique au réel. Surtout, Stendhal se distingue des grands auteurs de son siècle par une différence de perspective: son œuvre ne tend nullement au roman social. Alors que Hugo, Balzac, Flaubert, Zola, peignent et étudient l’individu en tant qu’il appartient à un groupe (cercle social, corps professionnel, famille), Stendhal, lui, préserve un individualisme enflammé; ses héros sont hors groupes, singuliers et passionnés, tour à tour ridicules (Fabrice à Waterloo…) et emplis d’une volonté de puissance originelle.

Dans la perspective d’une étude littératienne des romans du XIXe siècle, tout témoigne donc d’une singularité de Stendhal, qui écrit à la fois un peu avant et un peu en marge des autres romanciers. S’il y a de la «raison graphique» à trouver dans son œuvre, pour reprendre l’expression et le concept de Jack Goody, on la situerait volontiers du côté de la passion: amour du signe, amour du code, amour de la ligne. Aussi, et dans la visée littératienne qui est la nôtre, on s’attachera plus particulièrement à l’amour et à son expression dans La Chartreuse de Parme, au sein de la prison Farnèse. Les chapitres XVIII et XIX sont, à cet égard, centraux dans le roman: ils réalisent la conversion intérieure du prisonnier et mettent en place la communication amoureuse. Fabrice, fraîchement emprisonné à la prison politique de Parme, découvre avec délices que la belle Clélia Conti qu’il a rencontrée autrefois est la fille du gouverneur de la prison. Depuis sa cellule, il peut apercevoir la chambre de la jeune fille. Fou d’amour, il entreprend de mettre en place une communication à distance avec elle, se heurtant tour à tour à ses refus pudiques, ou à des obstacles plus concrets (abat-jour qui cache la vue, absence d’encre pour écrire, etc.). L’amour de Fabrice est délinquant3Du latin delinquere (qui a aussi donné le verbe français vieilli délinquer), qui signifie «être en faute», «manquer à son devoir», «commettre un péché».: il va contre les lois, il fait désordre. Clélia, de son côté, fait tout pour confiner Fabrice dans un langage non-verbal, lui interdisant l’expression claire de ses sentiments. Or, c’est bien cet aveu d’amour qui va perturber Clélia, ce «je vous aime» transgressif au plus haut point. 

Dans quel cadre coercitif s’invente et se perfectionne le langage amoureux? L’expression du sentiment est en effet indissociable du décor de la prison qui, par les contraintes physiques et morales qu’elle exerce, rend la communication nécessairement clandestine. Mais la syntaxe n’est pas tout, et il s’agira in fine de questionner la possibilité d’un déplacement de l’émotion, qui ne surgirait pas tant dans les mots que dans tous ses contraires: les choses, les signes, les silences et les lignes. 

 

I. LES PRISONS DE LA PASSION

L’amour délinquant suppose un cadre qui l’interdise; c’est sous le nom de «prisons», au sens large, que nous désignerons ici tout ce qui fait loi et contraint les sentiments, tant le lieu physique de l’incarcération que les liens abstraits d’obéissance – à la morale, à la religion, à la famille – qui enchaînent les personnages. L’amour est hors-la-loi, et vécu comme tel.

Le lieu. La tour Farnèse, où est incarcéré Fabrice au chapitre XV, est d’abord décrite comme forteresse massive et imprenable (CP, 403-404), digne prison d’Ancien Régime où l’on met les traîtres au secret. Mais, originalité stendhalienne, la citadelle participe aussi d’une vision carcérale plus moderne, en témoigne la description des cellules, issues de la redoutable imagination du gouverneur Fabio Conti:

Un conspirateur placé dans l’une de ces chambres ne pourrait pas se plaindre à l’opinion d’être traité d’une façon inhumaine, et pourtant ne saurait avoir de communication avec personne au monde, ni faire un mouvement sans qu’on l’entendît. Le général avait fait placer dans chaque chambre de gros madriers de chêne formant comme des bancs de trois pieds de haut, et c’était là son invention capitale, celle qui lui donnait des droits au Ministère de la police. Sur ces bancs il avait fait établir une cabane en planches, fort sonore, haute de dix pieds, et qui ne touchait au mur que du côté des fenêtres. Des trois autres côtés il régnait un petit corridor de quatre pieds de large, entre le mur primitif de la prison, composé d’énormes pierres de taille, et les parois en planches de la cabane. (CP, 404-405)

Sur le modèle du panoptique de Bentham, l’ingénieux dispositif de la double-cellule s’apparente à un «panacoustique»: le prisonnier «ne saurait (…) faire un mouvement sans qu’on l’entendît». L’agencement spécifique de ces espaces jumelés (cabane du prisonnier entourée par le corridor du gardien) interdit toute intimité: le captif, enfermé dans une véritable caisse de résonance, est à la merci auditive de son geôlier. Mais partant, le principe d’univocité (le détenu est vu mais ne peut voir) ne fonctionne plus: Fabrice entend parfaitement les bruits de son geôlier Grillo, les sérénades données par le prétendant de Clélia, les pas des gardiens dans la cour. Fort heureusement, et par un jeu de ficelles romanesques invraisemblable mais délicieux, son geôlier se révèlera singulièrement porté sur la boisson et prompt à somnoler; ses fréquents assoupissements laisseront libre cours au prisonnier, qui en profitera tout de même pour scier le volet de sa cellule (!), et établir une communication silencieuse avec Clélia. La prison toute romanesque de Fabrice annule l’effet principal du panoptique, tel que le décrit Foucault: «Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action.4Michel Foucault, Surveiller et punir. [Paris]: Gallimard, 1975. p.234.» Fabrice sait bien que la surveillance est discontinue (il entend Grillo ronfler), et profite de ces failles du système pour mener à bien ses actions.

De fait, l’incarcération n’empêche pas l’expression amoureuse; mieux même, elle semble l’encourager. La cellule de Fabrice offre en effet une vue plongeante sur la volière de Clélia, «cinq à six pieds en contrebas» (CP, 406). La forteresse prend alors des allures de carcel d’amor, topos de la lyrique médiévale5Voir Sarga Moussa, «La tradition de l’amour courtois dans De l’amour et dans La Chartreuse de Parme de Stendhal», in Romantisme, 1996, n°91. pp. 53-65.; la prison est d’amour, car elle permet paradoxalement à Fabrice de se rapprocher de l’être aimé. La hauteur des lieux, tout en les isolant du reste du monde, réunit les amants par la ligne horizontale du regard – et même légèrement oblique, puisque la volière de Clélia se trouve «cinq à six pieds en contrebas». La prison prend des airs de décor théâtral, avec Fabrice et Clélia chacun à une fenêtre, tournant en ridicule les gardes et les geôliers qui, trop au ras-du-sol, sont incapables de voir ce qui se joue au-dessus de leurs têtes. La prison, en somme, n’est nullement le locus horribilis que l’on attendait, mais se révèle au contraire le lieu du bonheur et de la conquête de soi; la contrainte s’avère heureuse. Cependant, la tour Farnèse n’est pas le seul carcan qui rende hors-la-loi les amours de Fabrice et Clélia; une autre prison contraint les amants à la clandestinité.

La loi. Après la prison comme lieu, la prison comme loi; ces chaînes intérieures sont plus difficile à briser, du moins pour Clélia. Fabrice semble en effet peu concerné par les lois. Comme dénué de conscience morale, il vit son incarcération comme un émerveillement perpétuel («Notre héros se laissait charmer par les douceurs de la prison.», CP, 407). Dépourvu de tout remords quant au crime qu’il a commis, sa mise au cachot ne provoque en lui aucun sentiment de culpabilité. La pénitence n’aura pas lieu; en lieu et place du repentir chrétien logiquement attendu, Fabrice se laisse ravir par les charmes de la prison. Clélia, en revanche, a intériorisé toutes les contraintes qui pèsent sur elle: elle est esclave de la loi politique, familiale, morale et sociale. Fille du général Fabio Conti, lequel appartient au clan libéral et brigue le poste de premier ministre, sa subordination aux clans politiques va de pair avec sa soumission filiale:

Clélia était une petite sectaire de libéralisme (…). Depuis l’arrivée de Fabrice, elle était bourrelée de remords: Voilà, se disait-elle, que mon indigne cœur se met du parti des gens qui veulent trahir mon père! (CP, 418)

Contrairement à Fabrice qui n’est que légèreté, Clélia est sans cesse habitée par un profond sentiment de culpabilité, particulièrement vis-à-vis de la loi sociale, au sens large, qui veut qu’une jeune fille de bonne famille ne badine pas avec un jeune homme avec lequel elle n’est pas engagée – d’autant plus quand ce dernier a embrassé une carrière ecclésiastique. Sa honte à cet égard est récurrente, et la seule idée d’être regardée par Fabrice lui donne sujet à rougir:

Il remarqua qu’elle ne levait pas les yeux sur lui, mais ses mouvements avaient l’air gêné, comme ceux de quelqu’un qui se sent regardé. (…) Quoique, suivant toute apparence, elle veillât sur ses actions avec le plus grand soin, au moment où elle s’approcha de la fenêtre de la volière, elle rougit fort sensiblement. (CP, 414-415)

Clélia rougit d’être regardée, mais encore d’être vue regardant. Ainsi, quand Fabrice la surprend à fixer rêveusement la fenêtre de sa cellule, elle est prise d’un tremblement irrépressible, avant de «se sauver en courant» (CP, 422). Clélia est tout entière habitée par la loi, et son corps seul témoigne de son trouble amoureux.

C’est précisément dans cette tension entre le désir continuel de voir Fabrice et la culpabilité poignante de ces brefs échanges que s’origine l’escalade vers le sublime; les diverses prisons (réelle, intérieure) qui cernent les amants constituent une contrainte forte. C’est la bien la loi qui crée le délit; d’où la nécessité d’ourdir, comme un complot, un langage crypté pour dire l’amour. Ainsi la prison est-elle à la passion carcan aussi bien qu’écrin, elle devient le garde-fou et la complice paradoxale de cet amour qu’elle oblige à dissimuler. 

 

II. OURDIR UN LANGAGE D’AMOUR

L’amour du cryptage stendhalien. La nécessité, pour l’amour, de se dire dans un langage codé n’a rien d’étonnant dans un roman stendhalien; on connaît la passion de l’auteur pour tout ce qui a trait au cryptage, à l’encodage, aux alphabets secrets. Cette topique stendhalienne du langage secret innerve les situations de communication amoureuse de ses romans: les héros, qui s’aiment sans pouvoir ou sans savoir se le dire, ont recours à des subterfuges du langage, si bien que l’aveu oblique (ou incomplet, ou impossible, ou biaisé), nourrit la dynamique interne du désir. Comme l’écrit Genette: 

L’amour stendhalien est entre autres choses un système et un échange de signes. Le chiffre n’y est pas seulement un auxiliaire de la passion: le sentiment tend pour ainsi dire naturellement à la cryptographie, comme par une sorte de superstition profonde. La communication amoureuse s’accomplit donc volontiers, à la faveur de réclusions parfois complaisantes (couvents, prisons, claustrations familiales), à travers des codes télégraphiques dont l’ingéniosité simule assez bien celle du désir.6Gérard Genette, «Stendhal», in Figures II, Paris: Ed. du Seuil, 1969.

Du non-verbal… La cellule de Fabrice, on l’a vu, relève d’une sorte de «panacoustique» qui livre au geôlier les moindres bruits du prisonnier; c’est donc une communication silencieuse qui se met en place d’une fenêtre à l’autre, d’abord uniquement fondée sur le regard. Réduits au silence, les amants retombent en enfance, soit littéralement dans l’âge d’avant la parole. Il leur faut refonder le langage. Cet apprentissage, au cœur des chapitre XVIII et XIX, s’échelonnera du medium le plus silencieux, le plus direct (un regard) au plus littératien (une lettre). Ces deux chapitres centraux construisent un diptyque de la communication amoureuse, opérant le passage de la communication non-verbale (chapitre XVIII) au langage articulé (chapitre XIX). Dans les premiers temps de son incarcération, l’unique obsession de Fabrice est de voir Clélia à sa fenêtre: « Verrai-je Clélia? se dit Fabrice en s’éveillant.» (CP, 410). Il la voit en effet, et la solitude qui réunit les amants en les isolant du monde rend Fabrice assez audacieux pour saluer la jeune fille d’un geste de la main (CP, 414). Mais ce seul regard ne suffit pas à Fabrice, qui souhaite établir une communication, si rudimentaire soit-elle. Celle-ci passera par un signe de la main, ou, plus tard, par un fil de fer agité à la fenêtre; en effet, la pose d’un abat-jour sur ses fenêtres contrarie singulièrement les plans du héros. Celui-ci l’empêche de voir, ne laissant aux regards du prisonnier qu’un bout de ciel. Ayant percé un trou dans le volet de bois, il peut certes continuer à regarder l’objet de ses désirs, mais, rectifie Fabrice, le plaisir d’observer ne suffit pas: encore faut-il que Clélia se sache observée. «Si je parviens seulement à la voir, je suis heureux… Non pas, se dit-il; il faut aussi qu’elle voie que je la vois.» (CP, 416)

L’amant ne peut se contenter de regarder; il veut se savoir regardant, désir scopique troublant qui souhaite dérouter l’autre par le regard. D’où le recours au fil de fer agité dans le trou de l’abat-jour, stratagème précaire qui dit toute la pauvreté des moyens mis à disposition de Fabrice pour témoigner de son amour. C’est donc une communication silencieuse et scopique qui se met en place: regards, sourires et gestes de la main sont les maigres moyens dont Fabrice dispose, Clélia lui refusant (pour l’instant) l’accès à une forme de langage articulé. En effet, à la fin du chapitre XVIII, le narrateur nous apprend que celle-ci refuse plusieurs fois, «avec une colère excessive», une prière plusieurs fois adressée par Fabrice: «Il voulait correspondre avec elle au moyen de caractères qu’il traçait sur sa main avec un morceau de charbon.» (CP, 425) Clélia liée par les lois religieuse, sociale, morale, filiale, se refuse à accorder à Fabrice cette communication verbale: lui interdire l’accès au langage, c’est lui interdire la syntaxe claire qui permettrait un aveu d’amour sans ambages. 

…au langage articulé. La communication verbale se mettra pourtant en place au cours du chapitre XIX: face au péril imminent qui menace Fabrice, Clélia éprouve l’insuffisance du «langage des signes dans lequel elle l’[a] confiné» (CP, 428). La jeune femme craint en effet pour la vie de Fabrice, qui risque d’être empoisonné. C’est bien l’urgence et le danger qui permettent le passage au langage articulé. L’entreprise est conçue comme une initiation au langage amoureux – voire au langage tout court. Cet apprentissage se fait en trois temps, opérant un passage de la communication la plus immatérielle (le chant) à la plus concrète (la lettre manuscrite). Ainsi Clélia commence-t-elle par chanter en s’accompagnant de son piano:

A peine vit-elle Fabrice, qu’elle lui fit signe que tout était perdu: elle se précipita à son piano et, feignant de chanter un récitatif de l’opéra alors à la mode, elle lui dit, en phrases interrompues par le désespoir et la crainte d’être comprise par les sentinelles qui se promenaient sous la fenêtre: 

– Grand Dieu! vous êtes encore en vie? Que ma reconnaissance est grande envers le Ciel! (…) Je mourais d’inquiétude ne vous voyant point paraître, je vous croyais mort. Abstenez-vous de tout aliment jusqu’à nouvel avis, je vais faire l’impossible pour vous faire parvenir quelque peu de chocolat. Dans tous les cas, ce soir à neuf heures, si la bonté du Ciel veut que vous ayez un fil, ou que vous puissiez former un ruban avec votre linge, laissez-le descendre de votre fenêtre sur les orangers, j’y attacherai une corde que vous retirerez à vous, et à l’aide de cette corde je vous ferai passer du pain et du chocolat. (CP, 434-435)

Une lyrique théâtrale se met en place. La scène pourrait tenir de l’opéra, et prête même à sourire, si on imagine Clélia chantant sa longue réplique à la barbe des geôliers qui l’entourent. A ce chant d’amour commandé par l’urgence, Fabrice répond par l’écrit: on passe donc de l’immatériel (voix perdue dans le vent) à un medium visuel plus concret. 

Fabrice avait conservé comme un trésor le morceau de charbon qu’il avait trouvé dans le poêle de sa chambre: il se hâta de profiter de l’émotion de Clélia, et d’écrire sur sa main une suite de lettres dont l’apparition successive formait ces mots: 

– Je vous aime, et la vie ne m’est précieuse que parce que je vous vois; surtout envoyez-moi du papier et un crayon. (CP, 435)

Ici encore, le regard joue un rôle central dans l’échange; c’est bien parce que les amants sont réunis par une ligne oblique que Clélia peut lire le message de Fabrice. Après avoir cherché à déchiffrer le visage de l’autre, l’œil déchiffre à présent une succession de lettres, et le prisonnier (qui a de la suite dans les idées) parvient à imposer ce moyen de communication, par une petite ruse peu héroïque: 

Fabrice eut l’esprit d’ajouter: Par le grand vent qu’il fait aujourd’hui, je n’entends que fort imparfaitement les avis que vous daignez me donner en chantant, le son du piano couvre la voix. Qu’est-ce que c’est par exemple, que ce poison dont vous me parlez?

A ce mot, la terreur de la jeune fille reparut tout entière; elle se mit à la hâte à tracer de grandes lettres à l’encre sur les pages d’un livre qu’elle déchira, et Fabrice fut transporté de joie en voyant enfin établi, après trois mois de soins, ce moyen de correspondance qu’il avait si vainement sollicité. (CP, 435)

Il y a donc légère tromperie, mais peu importe puisque celle-ci permet enfin aux amants d’échanger des phrases (et non plus des regards). Déchiffrage, bégaiement: cet usage des alphabets marque un retour à l’enfance. Le mot s’écrit lentement, par succession de noir (la lettre) et de blanc (le court intervalle pour changer de lettre); cet alphabet est le pendant parfait de l’alphabet en morse alla monaca que Fabrice utilisera avec sa tante au chapitre suivant pour préparer son évasion. Enfin, troisième et dernière étape dans cette appropriation des moyens de communication: Fabrice et Clélia s’échangent des lettres et des billets, au moyen d’une corde jetée depuis la fenêtre de Fabrice jusqu’à la cour de la prison. Le rapport n’est plus horizontal mais vertical (Fabrice en haut, Clélia en bas), et les amants ne sont plus dans l’immédiateté d’un chant entendu ou d’un signe aperçu: il s’agit d’une communication indirecte, différée. Mais c’est aussi la communication la plus accomplie, la plus linéaire. La lettre, objet matériel que l’on peut relire, palper et embrasser, est d’ailleurs associée ici à la matière dans ce qu’elle a de plus charnel, c’est-à-dire les aliments (grâce à la même corde, Clélia fournit à Fabrice chocolat, pain et eau). Regard, geste de la main, chant d’amour, alphabets puis lettre: les moyens de communication se font de plus en plus concrets et de plus en plus aptes à porter des informations claires. Si Clélia a longuement résisté à l’échange de paroles, c’est qu’elle savait cette écriture hors-la-loi; si Fabrice a réclamé avec insistance la mise en place d’un échange articulé, c’est qu’il savait que seule cette syntaxe permettrait l’aveu délinquant de son amour. 

 

III. LA DICTION MUTILÉE DE L’AMOUR

Les chapitre XVIII et XIX consacrent donc l’appropriation du langage par les amants; mais signe, code ou parole, tout langage d’amour semble ici frappé d’incomplétude. Les premiers échanges de regard ou de gestes sont insuffisants, et cette proto-communication est qualifiée par le narrateur comme telle: «le langage si imparfait des signes» (CP, 433) ne permet pas l’expression adéquate de l’amour. Le passage au langage verbal est donc vécu, dans un premier temps, comme un soulagement: Clélia peut avertir Fabrice des dangers mortels qui le guettent, celui-ci peut lui avouer son amour. Mais ce langage a tôt fait d’apparaître lui aussi dans toute son incomplétude. 

Tout d’abord, le chant d’amour est volatile et éphémère, la voix féminine se perdant dans le vent. Clélia chante d’ailleurs en «phrases interrompues». Le pendant graphique de cette incomplétude est l’alphabet grâce auquel les amants communiquent: il s’agit là d’une écriture mutilée, hors de toute linéarité. La phrase ne progresse que par saccades et interruptions, faisant apparaître une par une les lettres de l’alphabet (or, comme le remarque Pierre Laforgue, y’a-t-il de signe plus arbitraire que le signe alphabétique?7Pierre Laforgue, «Écriture, signes et sens dans La Chartreuse de Parme, ou le désenchantement du monde en 1839», in Littérature, 2001, n°123. Roman Fiction. pp. 3-18.). Disséquée, la syntaxe perd de son sens. L’écriture mutilée semble finalement envahir cette scène de communication amoureuse: Clélia chante en «phrases interrompues», la succession des lettres de l’alphabet implique leur discontinuité… mais encore, Clélia déchire les pages d’un livre pour y tracer de grandes lettres, et Fabrice fait de même avec un bréviaire; ces pages arrachées et recouvertes d’encre font de l’abécédaire un palimpseste, qui masque des mots pour écrire des lettres, lesquelles serviront à former d’autres mots. On peut enfin évoquer le pain fourni par Clélia, «assez gros, garni de tous les côtés de petites croix tracées à la plume» (438). Ces petites croix indiquent à Fabrice que la nourriture est saine, attestant son origine; Clélia, en somme, «signe» le pain afin qu’il puisse être identifié comme provenant d’elle. Les petites croix fonctionnent alors comme proto-écriture, sorte d’alphabet diminué, tronqué. Le langage est comme disloqué; même la «lettre infinie» que Fabrice écrit à Clélia est plusieurs fois raturée et modifiée – et d’ailleurs, Clélia ne répond jamais à ses aveux d’amour, entretenant savamment un silence pudique. 

Autre signe de cette inefficacité du langage: le narrateur met constamment à distance l’émotion pour railler ses personnages, moquant par exemple la «petite ruse» de Fabrice (feindre de ne pas entendre pour forcer Clélia à écrire), l’extrême pudeur de Clélia, ou nous montrant encore Fabrice attendre «pendant plus de trois heures» corde en main que quelqu’un vienne prendre la lettre qui y est accrochée. Quelque chose dysfonctionne dans cette communication amoureuse. Finalement, le chapitre XIX montre une perte de l’unité du langage; contre la vacuité des mots, c’est à la matière qu’il semble falloir se fier. 

 

IV. LES MOTS ET LEURS CONTRAIRES: COMMENT REFONDER LE LYRISME?

L’échec partiel du langage d’amour, toujours incomplet ou sujet à soupçon, fait surgir la nécessité de s’en remettre aux objets: pain, carafe, livre, lampe… La matière devient le plus sûr refuge du lyrisme, la matière en tant qu’elle est signe et demande à être lue comme telle. Si on peut parler d’aveu alors même que Clélia se tait, c’est que les choses prennent le relais des mots, c’est que tout dit «je vous aime» à sa place, de ses yeux baissés à la carafe d’eau enveloppée dans un châle. 

Confier le lyrisme aux choses. Contre les mots, il s’agit d’abord d’abandonner le lyrisme aux choses. Observons les objets qui entrent en jeu dans la communication amoureuse du chapitre XIX: un piano; les pages déchirées d’un livre; une corde; du chocolat; du papier et un crayon; une carafe d’eau enveloppée dans un châle; un pain; de l’argent; un bréviaire; une encre faite de charbon et de vin. Si l’on met de côté le piano (lié à l’oralité), la corde et l’argent (d’une utilité plus pragmatique), tous les autres éléments de cette communication lient ensemble écriture, nourriture et religion. Un dense réseau symbolique se met en place, qui détourne les objets sacrés de leur fonction rituelle. Le bréviaire, tout d’abord, finit en lambeaux et doublement déchiqueté par Fabrice (pour ne pas compromettre Clélia qui a écrit dedans d’une part, pour se confectionner un abécédaire d’autre part). Le pain et le vin, éléments eucharistiques, sont détournés de leur caractère sacré: le pain garni de «petites croix» (autre symbole) est avidement embrassé par Fabrice, le vin mêlé au charbon lui sert à fabriquer une encre de fortune pour écrire à Clélia. Le charbon, image de la consomption, donc de la flamme, rappelle tout à la fois la passion amoureuse et le péril imminent du poison. Quant aux aliments transmis par Clélia (pain et chocolat), liés avant tout à la nécessité de survie, ils permettent aussi un regain d’érotisme; le chocolat, associé au plaisir et à l’amertume, rejoindra d’ailleurs l’encodage religieux de façon surprenante. Au chapitre XXII, Fabrice améliore sa recette pour se faire une nouvelle «encre de prison, formée de vin, de chocolat et de suie»; l’aliment érotique est donc fondu et joyeusement mêlé au sang du Christ et à la cendre, pour permettre l’écriture sur les pages d’une Bible – surprenant syncrétisme. Mais c’est bien la carafe d’eau qui semble cristalliser toute la tension amoureuse de la scène: cette «carafe remplie d’eau et enveloppée dans un châle» (CP, 437) réactive des images maternelles (l’eau, l’emmaillotement) mais aussi des données plus érotiques, si l’on envisage la carafe comme métaphore du corps féminin tandis que le châle, presque fétichisé («[Fabrice] couvrit ce châle de ses baisers»), devient le lieu de cet amour interdit. L’amour est donc tangible aussi bien (sinon plus) dans les choses que dans les mots. Si Fabrice écrit et s’en remet au langage, Clélia, elle, refuse une syntaxe précise et diffère son aveu en le confiant aux objets. L’usage détourné des objets religieux (pain, vin, croix, bréviaire sont tout entiers au service de la passion) peut sembler irrévérencieux: pointe d’ironie narratoriale, certes, mais il s’agit aussi d’une manière de transférer la sacralité, comme si pour Stendhal, la seule religion était d’amour. 

Stendhal en haine du langage: «le génie du soupçon». Est-ce à dire qu’on pourrait, en amour, se passer de langage? Ce serait semble-t-il le rêve de Stendhal. «Le génie poétique est mort, mais le génie du soupçon est venu au monde.8 Stendhal, Souvenirs d’égotisme, in Œuvres intimes, éd. par V. del Litto, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1981-1982, t. II. p.430.» Cette phrase de Stendhal, amplement commentée et sujette à diverses interprétations, peut largement se lire comme une perte de la confiance jadis accordée au langage; le «génie poétique» de l’inspiration, de l’adéquation entre les mots et les émotions, s’est tu pour laisser place au «génie du soupçon», à une défiance sans bornes à l’égard du langage. C’est que les mots semblent toujours impuissants à traduire l’émotion, à «rendre le bonheur» comme l’écrit Stendhal9 Stendhal, Vie de Henry Brulard, in Œuvres intimes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), t. II. p.658.. L’angoisse face à l’insuffisance du langage revient de façon répétée dans ses écrits intimes. Ainsi, au moment de décrire la félicité profonde de son séjour à Milan: 

Ici déjà les phrases me manquent; il faudra que je travaille et transcrive ces morceaux, comme il m’arrivera plus tard pour mon séjour à Milan. Où trouver des mots pour peindre le bonheur parfait (…)? La difficulté, le regret profond de mal peindre et de gâter ainsi un souvenir céleste où le sujet surpasse trop le disant me donne une véritable peine au lieu du plaisir d’écrire.10Vie de Henry Brulard, pp.658-660.

Le sujet, c’est-à-dire la substance, la chair, les lumineux contours d’un paysage, la réalité d’une émotion vécue intensément, surpasse toujours le disant; c’est pourquoi, et faute de pouvoir rendre le bonheur par le langage, Stendhal préfère s’en remettre aux blancs, aux lignes, aux signes. Blancs, tout d’abord: l’écrivain préfère confier les souvenirs heureux au silence, plutôt que de mal les peindre (voir l’éloquent: «Je sauterai le Bonheur11Souvenirs d’égotisme, p.430.»). L’écriture gâcherait irrémédiablement les souvenirs intimes et les sentiments. Mais l’angoisse de mal dire frappe aussi le champ du romanesque, en témoigne cette extraordinaire ellipse du dernier chapitre, alors que Fabrice, sorti de prison, vient de retrouver Clélia dans l’obscurité accueillante de la nuit: «Ici, nous demandons la permission de passer, sans en dire un seul mot, sur un espace de trois années. (…) Après ces trois années de bonheur divin,…» (CP, 639) La narration comme les écrits intimes sont piqués de blanc, et l’émotion confiée à ces ellipses (ou coupures). De même dans la scène de communication du chapitre XIX, l’asyndète accompagne les évocations de l’amour: «ce mot si hardi, je vous aime» (CP, 435) ou encore: «Fabrice les couvrit de baisers; il était amoureux» (CP, 438). Les deux commentaires du narrateur sont marqués par la parataxe, de même que le medium de communication alphabétique déployé par Fabrice et Clélia nécessite des intervalles d’interruption. Il semble donc nécessaire de ménager des blancs dans le noir de l’écriture: ces vides s’emplissent de sens pour devenir le dernier refuge de l’émotion. L’amour du blanc va de pair avec l’amour des lignes, puisque tous deux tentent de lutter contre la perfidie du langage: l’amour de Stendhal pour le croquis, qui éclate dans la Vie de Henry Brulard, apparaît comme une autre tentative de concurrencer les mots. Le dessin à l’encre noire, minimaliste, prolonge le texte et s’y substitue; et, conclut Genette, «La présence du croquis tord le cou à toute tentation d’éloquence.12Voir Gérard Genette, op. cit.»

C’est donc dans les coupures (ellipses, blancs) et dans les lignes qu’il faut chercher la véritable émotion stendhalienne. Cette déchirure permanente entre la sécheresse et l’émotion, la raison austère et le cœur, prend sous la plume de Jean-Pierre Richard la forme d’une hésitation sans cesse reconduite entre «connaissance et tendresse», «côté Jean-Jacques et côté Helvétius13Jean-Pierre Richard, «Connaissance et tendresse chez Stendhal», in Littérature et sensation. Stendhal Flaubert, Paris: Ed. du Seuil, 1990. p.84.». D’où le recours nécessaire au blanc et à la ligne: vide et contour ont cela en commun qu’ils demandent à être emplis, complétés par l’imagination. Ce désir impérieux de ne jamais trop dire, cette circonspection extrême, peut être reliée in fine à l’indigence des moyens mis à disposition de Fabrice pour communiquer: écrivant sur ses paumes, barbouillant des pages déchirées avec du vin et de la suie, on ne peut s’empêcher que le prisonnier doit singulièrement compter ses mots14Reste que cet aspect ne ressort pas du tout des bribes de discours direct retranscrites par le narrateur, et Fabrice traçant une à une des lettres sur sa main parle avec autant de fluidité que n’importe quel bonimenteur en plein exercice de séduction («Par le grand vent qu’il fait aujourd’hui, je n’entends que fort imparfaitement les avis que vous daignez me donner en chantant…», p.435). Une fois de plus, les mots disent autre chose que la matière – car dans une perspective réaliste, Fabrice parlerait en style télégraphique, avec des abréviations ou des phrases extrêmement courtes; à moins que Stendhal, une fois de plus emporté par la dictée de son roman, ait oublié les contraintes matérielles en jeu… Intelligenti pauca!

CONCLUSION

Question stendhalienne par excellence: comment peindre le bonheur absolu avec une encre déjà sèche? Suspicieux des mots, porteur d’une méfiance très moderne envers la syntaxe, Stendhal développe en contrepartie un amour de tout ce qui demande à être lu et interprété, qu’on pourrait appeler un amour des signes au sens large: symboles, indices, blancs éloquents, lignes et croquis. On peut dès lors parler d’une véritable passion graphique stendhalienne; l’écriture a certes ses lois, mais Stendhal cherche sans cesse à s’affranchir du langage verbal pour confier l’émotion et le lyrisme à tout ce qui n’est pas verbal: choses, silences, dessins… Ces éléments restent dans un ordre graphique et culturel, mais tentent de s’affranchir de l’ordre syntaxique. 

Gia mi fur dolci invitu a empir le carte 

I luoghi ameni.15«Jadis des lieux charmants me furent une douce invitation à couvrir des pages», ibidem, p.13.

Cette citation de l’Arioste, épigraphe de La Chartreuse de Parme, enjoint le poète à «empir le carte», c’est-à-dire à emplir des pages vierges; or que sont ces pages vides, sinon les blancs et les silences que Stendhal laisse à dessein pour que le lecteur puisse les enrichir de son imagination; sinon cette architecture géométrique de la prison, qui fonctionne comme cadre vide où naîtra et enflera clandestinement la passion absolue? Le cadre, contrainte qui confère à l’amour toute sa densité, est essentiel au bonheur. 

… donc, quels que soient les obstacles, l’amant et le prisonnier doivent réussir.16Ibid., p.431. Fabrice se souvient ici d’une maxime de l’abbé Blanès qui met en jeu la contrainte contre la volonté de puissance individuelle: «L’amant songe plus souvent à arriver à sa maîtresse que le mari à garder sa femme; le prisonnier songe plus souvent à se sauver que le geôlier à fermer sa porte; donc…»

 

Bibliographie

Foucault, Michel. 1975. Surveiller et punir: naissance de la prison. Paris: Gallimard, 360p.

Genette, Gérard. 1969. Figures II. Paris: Seuil, «Tel Quel».

Laforgue, Pierre. 2001. «Écriture, signes et sens dans La Chartreuse de Parme, ou le désenchantement du monde en 1839». Littérature, 123, p. 3-18.

Moussa, Sarga. 1996. «La tradition de l’amour courtois dans De l’amour et dans La Chartreuse de Palme de Stendhal». Romantisme, 91, p. 53-65.

Richard, Jean-Pierre. 1990. «Connaissance et tendresse chez Stendhal», dans Littérature et sensation. Stendhal Flaubert. Paris: Seuil.

Stendhal. 1839. La chartreuse de Parme. Paris: Folio, «Folio classique», 768p.

Stendhal. 1818. Oeuvres intimes. Paris: Gallimard, «Bibliothè», t. 2, Bibliothèque de la Pléiade.

  • 1
    Stendhal, De l’amour, chap. 26.
  • 2
    Toutes les notes prennent pour référence l’édition de Michel Crouzet, Paris: Librairie générale française, Le Livre de Poche, 2000. 741 p. Les références à ce roman seront désormais intégrées au corps du texte avec la mention CP.
  • 3
    Du latin delinquere (qui a aussi donné le verbe français vieilli délinquer), qui signifie «être en faute», «manquer à son devoir», «commettre un péché».
  • 4
    Michel Foucault, Surveiller et punir. [Paris]: Gallimard, 1975. p.234.
  • 5
    Voir Sarga Moussa, «La tradition de l’amour courtois dans De l’amour et dans La Chartreuse de Parme de Stendhal», in Romantisme, 1996, n°91. pp. 53-65.
  • 6
    Gérard Genette, «Stendhal», in Figures II, Paris: Ed. du Seuil, 1969.
  • 7
    Pierre Laforgue, «Écriture, signes et sens dans La Chartreuse de Parme, ou le désenchantement du monde en 1839», in Littérature, 2001, n°123. Roman Fiction. pp. 3-18.
  • 8
    Stendhal, Souvenirs d’égotisme, in Œuvres intimes, éd. par V. del Litto, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1981-1982, t. II. p.430.
  • 9
    Stendhal, Vie de Henry Brulard, in Œuvres intimes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), t. II. p.658.
  • 10
    Vie de Henry Brulard, pp.658-660.
  • 11
    Souvenirs d’égotisme, p.430.
  • 12
    Voir Gérard Genette, op. cit.
  • 13
    Jean-Pierre Richard, «Connaissance et tendresse chez Stendhal», in Littérature et sensation. Stendhal Flaubert, Paris: Ed. du Seuil, 1990. p.84.
  • 14
    Reste que cet aspect ne ressort pas du tout des bribes de discours direct retranscrites par le narrateur, et Fabrice traçant une à une des lettres sur sa main parle avec autant de fluidité que n’importe quel bonimenteur en plein exercice de séduction («Par le grand vent qu’il fait aujourd’hui, je n’entends que fort imparfaitement les avis que vous daignez me donner en chantant…», p.435). Une fois de plus, les mots disent autre chose que la matière – car dans une perspective réaliste, Fabrice parlerait en style télégraphique, avec des abréviations ou des phrases extrêmement courtes; à moins que Stendhal, une fois de plus emporté par la dictée de son roman, ait oublié les contraintes matérielles en jeu… Intelligenti pauca!
  • 15
    «Jadis des lieux charmants me furent une douce invitation à couvrir des pages», ibidem, p.13.
  • 16
    Ibid., p.431. Fabrice se souvient ici d’une maxime de l’abbé Blanès qui met en jeu la contrainte contre la volonté de puissance individuelle: «L’amant songe plus souvent à arriver à sa maîtresse que le mari à garder sa femme; le prisonnier songe plus souvent à se sauver que le geôlier à fermer sa porte; donc…»
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