Colloque, 12 avril 2018

L’animal comme médium? Controverse autour de l’exposition «Art and China after 1989: Theater of the World»

Julia Roberge Van Der Donckt
couverture
L’animal et l’humain. Représenter et interroger les rapports interespèces, événement organisé par Jérôme-Olivier Allard, Fanie Demeule, Marion Gingras-Gagné et Marie-Christine Lambert-Perreault

La récente polémique suscitée par l’exposition Art and China after 1989: Theater of the World, tenue au musée Solomon R. Guggenheim de New York à l’automne 2017, illustre parfaitement les enjeux relatifs à l’utilisation d’animaux vivants dans un contexte artistique. La controverse éclate peu après la mise en ligne d’une pétition deux semaines avant l’ouverture de l’événement. Y sont ciblées trois oeuvres impliquant des espèces variées: deux vidéos documentant des performances préexistantes, dont Dogs That Cannot Touch Each Other de Sun Yuan et Peng Yu (2003), de même que la célèbre installation de Huang Yong Ping, Theater of the World (1993), où insectes, amphibiens et reptiles sont voués à s’entredévorer. La campagne de contestation démarrée à la fin septembre acquiert rapidement un caractère viral, recueillant l’appui de plus de 600 000 internautes en moins d’une semaine. Devant un tel mouvement de contestation, la direction du Guggenheim se voit ensuite contrainte de retirer deux oeuvres de l’exposition et de présenter l’installation de Huang exempte de spécimens vivants. Le musée esquive ainsi la question de la souffrance animale, se contentant de déplorer ce qu’il considère comme une dangereuse attaque envers la liberté d’expression.

Cette affaire soulève de nombreuses questions: est-il acceptable de faire souffrir ou encore de provoquer la mort d’un animal à des fins artistiques? La censure est-elle l’approche à privilégier lors de pareilles situations? Nous appuyant sur la sociologie axiologique développée par Nathalie Heinich (2014; 2012), nous montrerons comment les acteurs impliqués dans cette controverse mobilisent des registres de valeurs incompatibles, limitant ainsi la possibilité d’un dialogue véritable en ce qui a trait aux responsabilités imparties aux institutions muséales en matière d’éthique. Mais au-delà de cette apparente impasse, nous verrons comment le spécisme de la scène artistique est peut-être sur le point de vaciller. [Texte de Julia Roberge Van Der Donckt]

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