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L’argent de Maupassant. Inconvenances intimes, familiales et sociales

Geneviève Sicotte
couverture
Article paru dans Du convenable et de l’inconvenant. Littérature française du XIXe siècle, sous la responsabilité de Véronique Cnockaert et Sophie Pelletier (2015)

Dans toutes les sociétés, l’argent fait l’objet de conventions, de prescriptions et d’interdits, il produit de l’imaginaire et des formes sociales spécifiques. Or une ambigüité, voire une contradiction, structure les représentations de l’argent dans le capitalisme moderne qui se met en place à partir de la Révolution industrielle. En effet, alors qu’il est en position de centralité dans la mentalité bourgeoise, en particulier grâce au développement de l’économie de marché, à la valeur nouvelle accordée au travail et à l’importance grandissante de la consommation, l’argent fait l’objet d’une retenue certaine dans les valeurs ouvertement exprimées de la frange la plus aisée de la bourgeoisie. Ainsi, au moment même où il acquiert dans l’histoire humaine une importance inédite, ceux qui en sont les mieux dotés nient ses dysfonctionnements, les déséquilibres qu’il produit, les injustices ou les malheurs qu’il engendre.

Dans le cas particulier de la France du XIXe siècle, ce déni se fonde sur l’adoption paradoxale, par la bourgeoisie, d’un ancien éthos aristocratique qui jugeait de bon ton de faire comme si l’argent n’existait pas, ou plutôt comme s’il ne manquait jamais. La nouvelle classe dominante se trouve à vivre selon la loi du numéraire tout en faisant comme si ce n’était pas le cas, et à imposer cette contrainte à l’ensemble des sous-classes plus ou moins homogènes qui revendiquent leur appartenance à la bourgeoisie ou aspirent à s’y intégrer.»

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