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Considérations esthétiques sur le Saguenay

Kenneth White
couverture
Article paru dans Le nouveau territoire: l’exploration géopoétique de l’espace, sous la responsabilité de Rachel Bouvet et Kenneth White (2008)

«Esthétique» est un mot difficile à manier. Comme tout terme essentiel, il aura été employé dans tant de contextes, la plupart du temps confus, qu’il a besoin d’un travail radical de carénage avant d’être susceptible d’avancer à nouveau dans l’univers du discours et de la découverte.

Pour certains, le mot évoquera en premier lieu un certain contexte fin-de-siècle où, allongés sur des divans couverts de velours pourpre, des personnages plutôt falots, adorateurs du Beau, deviseraient élégamment de l’art comme d’un domaine ultramondain, voire divin… Je mets donc tout de suite mes propres cartes de référence sur la table. Si j’emploie le terme d’«esthétique», c’est en pensant aux vingt-sept lettres sur l’«éducation esthétique de l’humanité» de Schiller, qui datent de 1795, et aux conférences sur l’esthétique de Hegel à Berlin autour de 1830. Dans un contexte dépassant largement la définition idéaliste de l’art, le commentaire de l’amateur, et l’histoire socioculturelle, ces deux esprits tentent de remonter à la source de la pratique artistique, et présentent l’art, non comme superstructure idéale, mais comme discipline de base concernant l’humanité en général. J’entends donc par ce mot un sens général des choses. Ce faisant, j’ai à mes côtés un autre philosophe, Alfred North Whitehead, qui, dans ses Adventures of Ideas, déclare: «Le point de départ le plus propice, car le plus négligé, de la pensée philosophique est la section de la théorie de la valeur que nous appelons l’esthétique»; et un autre poète, Wallace Stevens qui, dans son Opus Posthumous, postule que «l’ordre esthétique contient tous les autres ordres, tout en ne s’y limitant pas».

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