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Le dos du prisonnier et la face de Dieu: l’invention de la parole dans «L’espèce humaine» de Robert Antelme et «Shoah» de Claude Lanzmann

Pascal Caron
couverture
Article paru dans Figures de la fin: approches de l’irreprésentable, sous la responsabilité de Anne Élaine Cliche et Bertrand Gervais (2001)

Si l’histoire relate le mouvement qui porte une multiplicité de sujets singuliers, ce n’est qu’au prix de l’effacement de leur singularité, au profit d’ une vue plus générale. Plus spécifiquement, entendons ceci: l’histoire s’écrit en réponse à un effacement qu’elle précipite et contribue à combler. Les différentes formes d’oppression politique l’ont montré: il faut effacer l’histoire afin d’instaurer, par son retour, la mémoire (qui n’ est en fait qu’une mémoire panni d’autres, un récit qui vient prendre la place de ceux qui ont été effacés, mais qui vise à se confondre avec la Vérité). Avec l’accomplissement de l’effacement, ce sont d’abord les corps qui se perdent et qui fusionnent en corps-social, corps-historique. À l’ intérieur des camps d’extermination et de travail, sous le règne du IIIe Reich, l’inscription du sujet en tant que corps a subi un déplacement important. Nié dans son corps même, vu les attributs et caractéristiques qui lui devinrent soudainement intrinsèques, le détenu se vit rejeté à la position de l’étranger absolu, autre-que-I’homme, laquelle se formula par l’actualisation de l’effacement du corps avant même la négation historique de son existence.

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