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Exil et écriture chez Hubert Aquin et Vintila Horia

Adina Ruiu
couverture
Article paru dans Imaginaire du roman québécois contemporain, sous la responsabilité de Petr Kyloušek, Max Roy et Józef Kwaterko (2006)

La polysémie littéraire de l’exil permet de rapprocher les deux écrivains, Hubert Aquin et Vintilà Horia, dans un exercice comparatiste que la dissimilitude du détail biographique semble, à première vue, ne pas autoriser. En dépit des différences de génération (Vintilâ Horia est né en 1915, Hubert Aquin en 1929) ou d’espace culturel, la comparaison pourrait prendre comme point de départ la manière dont ils transposent, dans leur parcours créateur, des mobiles existentiels ayant trait à une destinée collective. C’est d’ailleurs dans ce rapport entre l’appartenance et l’émergence de l’individualité artistique que se joue la signification de l’exil.

Un élément commun, qui se situerait au premier plan de l’analyse, mais dont je ne vais pas m’occuper dans le détail ici, serait la contribution des deux auteurs à la constitution de l’exil en tant que thème définitoire des littératures auxquelles ils appartiennent, dans le sens où ils se réclament d’une tradition assumée et réinterprétée. L’exil des Patriotes du côté québécois, l’exil de la génération de 1848 du côté roumain, deviennent, le long du passage de la récurrence au mythe, les événements porteurs d’une malédiction, mais aussi fondateurs d’une quête, et même les signes d’élection. Tout comme leurs ancêtres de 1848, les intellectuels empêchés de revenir en Roumanie après l’instauration du communisme ont vu leur exil comme provisoire et ont vécu, parfois tragiquement, la destruction de cette illusion. Quant au Québec, comme Pierre Nepveu le souligne, on constate en pleine Révolution Tranquille la prolificité du thème, liée à la dénonciation de l’aliénation culturelle, à la réinterprétation de l’histoire et à la rhétorique de l’émancipation. L’analyse de l’identité nationale qui emprunte ses concepts à l’idéologie de la décolonisation (Hubert Aquin) et le questionnement sur l’appartenance culturelle dans une Europe déchirée par la guerre et ses conséquences géopolitiques (Vintilà Horia) donnent lieu à une forte crise identitaire, dans les deux cas, et à une vision de l’écriture qui prolonge et explicite les affres de l’exil intérieur/extérieur dans une quête de l’individualité artistique.

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