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Comment rompre avec les «grands dualismes» par de nouvelles formes de co-construction du savoir?

Marceau Forêt
couverture
Article paru dans Écodramaturgies: questions, repères, dispositifs, sous la responsabilité de Catherine Cyr (2022)

           Comment rompre avec les « grands dualismes » par de nouvelles formes de co-construction du savoir ? C’est la réflexion que fait émerger en filigrane l’atelier « Tous du lichen » de la journée d’étude « Avec l’autre qu’humain. Penser, agir et écrire les coprésences ». Quatre intervenants échangent autour de questions posées une à une par Catherine Cyr. Une chaise est laissée vide, pour permettre à n’importe quel membre du public de s’asseoir et participer au débat. Lorsqu’une nouvelle personne arrive autour de la table, une autre part et laisse une place de libre. L’atelier est organisé par des chercheurs, dans le cadre d’un évènement scientifique, mais croise des méthodes pédagogiques (pédagogie active de l’aquarium) et artistiques (la table longue de Lois Weaver). Les procédés d’échange, de production et de transmission de la connaissance inhérents à l’atelier constituent une forme d’hybridation des savoirs, et semblent répondre aux interrogations de Haraway « Quelles questions nous permettent de réfléchir à d’autres questions ? […] Quels liens lient des liens ? » (Haraway, 2020, p. 25)

            Cette scénographie et cette méthodologie de l’échange rompent avec les traditionnelles tables rondes, elles sont agissantes en plusieurs sens. En effet, tout en ouvrant des possibles dialogiques entre des mondes séparés par les dualismes des Lumières, elles permettent de transgresser les normes modernes, positivistes et romantiques du chercheur dans sa tour d’ivoire ou de l’artiste frappé par le feu divin de la création. Ici, tout le monde est invité à parler. C’est un dialogue à plusieurs voix, dans lequel sont menées des réflexions transdisciplinaires.

            Pendant le débat, les participants réfléchissent graphiquement sur une feuille commune. Le papier demeurera ainsi support de réflexion, de création collective et archive de la discussion. Les auteurs convoqué (Baptiste Morizot, Anna Tsing, Olga Pouthot, Donna Haraway, Vinciane Despret, Jane Bennett, etc.) sont cités autant comme des référentiels théoriques, que comme des modes d’actions à élaborer, parfois appliqués au même moment autour de la table (l’écoute, le dialogue intergénérationnel, se laisser « contaminer » par l’autre, etc.) Aux frontières, de la création, de l’écoute, et de l’échange scientifique, la méthodologie de l’atelier participe à renouveler les formes de savoir, et s’inscrit dans une expression nouvelle de ce qui se rapprocherait des sciences participatives[1] pour exister en tant qu’une recherche créatrice, transdisciplinaire et performative.

[1] Dans un format très différent, mais dans un esprit commun d’élaboration collective du savoir en alternative aux formes « dominantes » de faire sciences, et agissant peut-être comme une sorte de contre-culture épistémique (Cornu, 2021).

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