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Migration de la pratique de l’étymologie. De l’épopée à la lyrique

Ulysse Carrière-Bouchard
couverture
Article paru dans Les migrations interdiscursives: Penser la circulation des idées, sous la responsabilité de Marie-Pierre Krück et Savannah Kocevar (2021)

Nicolas de Staël, «Le soleil», 1953, huile sur toile, 16 x 24 cm, collection particulière. Disponible en ligne: https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/nicolas-de-stael-solaire-solitude-aix-en-provence-1193570/

Nicolas de Staël, «Le soleil», 1953, huile sur toile, 16 x 24 cm, collection particulière. Disponible en ligne (Crédit : Jean Louis Losi)

Pour définir l’étymologie poétique, et notamment celle de la Grèce archaïque, il faut commencer par la distinguer de ce qu’elle n’est pas. Cette pratique discursive n’est pas l’ancêtre de ce que nous avons aujourd’hui coutume de qualifier d’étymologie; si le vocable est le même, la chose, elle, est autre. L’étymologie archaïque ne recherche pas l’origine des mots: elle les veut surcoder, en faisant surgir leur signification profonde (Peraki-Kyriakidou: 480). S’il s’agit là d’une recherche d’une arkhè, cette dernière ne sera cependant pas temporelle; le champ dans lequel l’étymologie poétique poursuit l’étymon n’est pas celui de l’évolution diachronique de la langue, mais bien celui du sens réel du vocable (Sluiter: 898). On dira donc de la conception de la langue qui se dégage de l’étymologie antique, et en particulier de l’étymologie archaïque, qu’elle est essentiellement synchronique, et que lorsqu’il y a en elle une forme de temporalité, c’est celle de l’illud tempus. L’étymologie archaïque n’est donc pas une forme primitive d’une étymologie moderne qui exprimerait les premiers tâtonnements d’une universelle tendance à rechercher l’origine diachronique des mots, mais bien une pratique poétique particulière et ancrée dans l’épistémè de la Grèce archaïque.

Cette étymologie procède de la double conception d’une vérité immanente au langage, lui-même d’origine divine (Fresina: 106), et d’une correspondance essentielle entre langage et réalité. De cette définition se dégagent les contours d’une étymologie poétique comme pratique alèthurgique), c’est-à-dire une pratique ayant pour rôle de faire surgir une vérité —le terme «étymologie»  signifie d’ailleurs, en grec, «discours sur la vérité». Pour le poète, cette pratique s’articulera comme une responsabilité et un privilège du maître de vérité: ce sera à lui de montrer les liens, ignorés du commun, qui unissent le langage au réel; à lui également de faire surgir de cette unité une vérité.

L’étymologie archaïque n’est donc ni fantaisiste ni fausse. Elle opère dans un régime de vérité fondamentalement étranger au nôtre (Tsitsibakou-Vasalos: 10) dans lequel elle possède tous les critères de la vérité1La conception archaïque de l’ἀλήθεια en fait un composé a-letheia, avec un «a-» privatif portant sur le verbe λανθάνομαι, oublier (et non pas λανθάνω, passer inaperçu, pace Heidegger), ce qui place la vérité, comme pratique de la mémoire exprimée sous forme discursive, en opposition avec l’oubli. Cf. Cole: 7-28.. C’est que cette pratique discursive relève du muthos, selon la définition qu’en donne Richard P. Martin: elle est un «acte de langage à caractère autoritaire»(12). Comme le vocable recevant l’étymologie se trouve transformé en réceptacle entreposant une certaine information qu’il s’agit de décoder, ce décodage prend une valeur hautement performative. Il permet d’asseoir la prétention du poète à participer d’une connaissance particulière, cachée au commun et disponible aux seuls maîtres de vérité (Sluiter: 918).

Dans cet article, il s’agira d’abord de saisir la pratique de l’étymologie en Grèce archaïque, d’en expliquer l’essence et la fonction dans le corpus homérique et de tracer ensuite les modifications que cette pratique discursive subit lors de sa migration, depuis l’épopée, vers la lyrique de Pindare. Si les remarques proposées en introduction s’appliquent à l’étymologie archaïque en général, je m’intéresserai uniquement à l’étymologie qui porte sur les noms propres, humains et divins ici. Cet usage de l’étymologie mobilise en effet un maximum d’autorité, et ses possibilités de création de sens sont, pour le poète, les plus riches2L’étymologie des noms communs se peut souvent réduire à une glose explicative de mots rares, alors que celle portant sur les noms propres engage les destinées des humains et la nature des dieux (Bouchard: 8)..

Chez Homère, l’étymologie des noms propres opère de façon narrative (Kanavou: 9). L’étymon donné pour un vocable inscrit ce dernier dans le contexte narratif de l’œuvre, d’où la possibilité que des étymons multiples se retrouvent dans un seul texte, sans qu’il y ait là contradiction (Tsitsibakou-Vasalos, 1997: 131). Deux méthodes principales s’offrent alors au poète pour procéder à l’étymologie. Il peut réduire un nom composé, comme le sont souvent les noms grecs, à ses lexèmes constitutifs, dont il lui est possible de tirer, ensuite, des synonymes qui seront appliqués au héros. La seconde méthode consiste à assimiler le nom à un mot de sonorité similaire, dont il est par la suite rapproché (Calame: 155). Dans les deux cas, le contexte décide de l’étymologie.

Deux noms, dans le corpus homérique, possèdent une gamme étymologique particulière: Achille et Ulysse. La narrativisation de leurs étymologies respectives englobe tout le déroulement de l’Iliade et de l’Odyssée. Je compte me pencher sur l’étymologie, dans l’Odyssée, du nom Ulysse, Ὀδυσσεύς, puisque l’importance de l’identité et du nom que l’on retrouve dans ce texte en fait un modèle paradigmatique pour l’étude de l’étymologie. On y retrouve deux étymologies principales du nom Odusseus (Ulysse): ὀδύρομαι, se plaindre, et ὀδύσσομαι, haïr ou être haï. La seconde étymologie est explicitement affirmée dans le texte, lorsque le grand-père d’Ulysse, Autolycos, choisit son nom: «Jusqu’à aujourd’hui, j’ai été détesté (ὀδυσσάμενος) par beaucoup, par des hommes comme des femmes, sur la terre nourricière; qu’il se nomme donc Ulysse (Ὀδυσεὺς) (XIX, 407-409).» Toutes les apparitions du couple ὀδύσσομαι et Ὀδυσσεύς sont alors pour ainsi dire garanties de former une étymologie. Or il n’en est pas ainsi de l’autre étymologie, ὀδύρομαι. Il ne s’agit pas là d’une simple paronomase, ni d’une déclaration explicite de lien étymologique (ce qui est d’ailleurs très rare chez Homère, Kanavou, 2015: 24): c’est une apparition répétée dans un contexte narratif particulier, celui de l’absence (Louden: 35). Je tâcherai donc de montrer la particularité de l’utilisation des étymologies ὀδύρομαι, puis d’ὀδύσσομαι, que fait le texte homérique, après quoi je tenterai d’expliquer leur fonction narrative respective.

L’étymologie ὀδύρομαι apparaît très tôt dans l’Odyssée. Dès les vers 55-59 du premier chant, Athéna s’adresse en ces termes à Zeus pour lui narrer comment Calypso retient Ulysse à ses côtés:

τοῦ θυγάτηρ δύστηνον ὀδυρόμενον3Je mets en gras les termes portant l’étymologie. κατερύκει
αἰεὶ δὲ μαλακοῖσι καὶ αἱμυλίοισι λόγοισι
θέλγει, ὅπως Ἰθάκης ἐπιλήσεται· αὐτὰρ Ὀδυσσεύς,
ἱέμενος καὶ καπνὸν ἀποθρῴσκοντα νοῆσαι
ἧς γαίης, θανέειν ἱμείρεται4Sa fille retient cet homme malheureux et plaintif,/Et toujours, avec des discours doux et enjôleurs,/Elle le charme, afin qu’il oublie Ithaque; mais Ulysse/Languissant de voir ne serait-ce que la fumée s’élevant/De ses terres, désire mourir. Toutes les traductions sont de l’auteur.

L’absence d’Ulysse, son éloignement d’Ithaque, déclenche tout le procès narratif de l’Odyssée. Aussi au chant IV, vers 737-741, cette même étymologie reparaît-elle, cette fois prononcée par Pénélope, qui plaint l’absence de son époux d’Ithaque. Dès le début de l’Odyssée, on voit ainsi se dégager un processus formé par la tension entre l’absence, à Ithaque, d’Ulysse, et l’absence, pour Ulysse, d’Ithaque, un processus que flanquent les deux étymologies du nom Odysseus comme «plainte». Dans les mots de Norman Austin, Athéna «articule d’abord le nom d’Ulysse; et ses réverbérations rayonnent de l’Olympe à Ithaque, d’Ithaque à Pylos, et de là, à Sparte, jusqu’à ce que l’écho en parvienne à une île, loin, sur la mer, par-delà les chemins des hommes et des dieux» (19). Cette absence d’Ulysse, qui s’exprime comme une plainte, traverse tout le développement de l’Odyssée. On la retrouve au chant XIV, vers 174-175, cette fois prononcée par Eumée, qui parle, sans le savoir, à un Ulysse déguisé et qui lui assure que le roi d’Ithaque reviendra chez lui avant longtemps; ce à quoi Eumée répond n’en rien croire, bien qu’il désire son retour, comme d’ailleurs Laërte, Pénélope et surtout Télémaque. Ainsi que l’affirme Eumée: «Aujourd’hui c’est surtout pour le fils qu’incessamment je me plains (ὀδύρομαι), celui qu’engendra Ulysse.» Enfin, on retrouve cette étymologie au chant XIX, vers 265-267, lorsqu’Ulysse, encore déguisé, annonce à Pénélope le retour prochain de son époux:

νεμεσσῶμαί γε μὲν οὐδέν:
καὶ γάρ τίς τ᾽ ἀλλοῖον ὀδύρεται ἄνδρ᾽ ὀλέσασα
κουρίδιον, τῷ τέκνα τέκῃ φιλότητι μιγεῖσα,
ἢ Ὀδυσῆ᾽, ὅν φασι θεοῖς ἐναλίγκιον εἶναι5Je ne te blâme en rien [de pleurer Ulysse]/Car toute épouse se plaint (ὀδύρεται), en perdant son/Époux, à qui elle a donné des enfants en s’unissant d’amour,/Même s’il était autre qu’Ulysse, lui qu’on dit être semblable aux dieux.

C’est donc peu avant le dénouement de l’Odyssée qu’Ulysse demande que l’on cesse de comprendre son nom comme celui qui se plaint et que l’on plaint. Or justement, l’étymologie explicite du nom Odysseus, dont le sens est donné comme ὀδύσσομαι, intervient 200 vers plus loin. Ulysse n’est alors plus celui que l’on plaint et qui se plaint, et devient plutôt celui qui hait, et qui est haï6Sur ce sens à donner à ὀδύσσομαι, de forme simultanément moyenne-active et moyenne-passive, cf. Peradotto: 131, contre l’opinion de Stanford: 212.. Cette nouvelle étymologie est double: d’une part, elle s’inscrit dans le contexte narratif du voyage d’Ulysse, qui est voué à errer longtemps sur la mer à cause de la haine que lui portent les dieux, et, d’autre part, elle prend place dans un second contexte, celui du retour à Ithaque, qui doit se solder par le massacre des prétendants ainsi que par la pendaison des servantes et où le héros restaure son identité au moyen d’une rare violence (Louden: 28). D’ailleurs, cinq vers après l’étymologie ὀδύρομαι du chant I, aux vers 60-62, survient pour la première fois ce ὀδύσσομαι. De la description de la plainte d’Ulysse, Athéna est en effet passée à une demande, celle de laisser le héros rentrer chez lui. Elle formule cette demande comme une question lorsqu’elle la présente à Zeus:

οὔ νύ τ’ Ὀδυσσεὺς
Ἀργείων παρὰ νηυσὶ χαρίζετο ἱερὰ ῥέζων
Τροίῃ ἐν εὐρείῃ; τί νύ οἱ τόσον ὠδύσαο, Ζεῦ;7Ne t’a-t-il pas, Ulysse/Près des nefs des Achéens, offert en sacrifice des victimes/Dans la vaste Troade? Pourquoi donc le hais-tu autant, Zeus?

À la suite de cet entretien avec Athéna, Zeus promet qu’Ulysse pourra rentrer à Ithaque et que la colère de Poséidon s’évanouira.

Claude Lorrain, «L’embarquement d’Ulysse», 1646, huile sur toile, 150 x 119 cm, Louvre, Paris, France.

Claude Lorrain, «L’embarquement d’Ulysse», 1646, huile sur toile, 150 x 119 cm, Louvre, Paris, France.
(Credit : Musée du Louvre)

Ce premier chant présente la succession de deux étymologies. À la plainte d’Ulysse «retenu» auprès de Calypso succède la haine qui marquera son retour, de même qu’au livre XIX, la plainte de Pénélope pour son mari absent laisse place à la haine du grand retour (Peradotto: 125). C’est un flot de haine qui va et qui vient, des prétendants à Ulysse, d’Ulysse aux prétendants et à leurs complices, puis des familles des prétendants morts à Ulysse, une haine que seule Athéna peut abolir dans un dernier meurtre, celui d’Eupithès, le père d’Antinous. Au chant I, c’est également à Athéna que revient la tâche de démarrer le procès narratif de l’œuvre. Or, entre le départ d’Ulysse d’auprès de Calypso au chant IV, et son arrivée à Ithaque au chant XIV, on ne retrouve plus d’étymologies sur son nom —à l’exception d’un passage interpolé au vers 456 du chant X qui manque à la presque totalité des manuscrits. Elles ne paraissent, donc, que dans un contexte narratif liminal, où l’identité d’Ulysse demeure fluide8Kavanou remarque que l’étymologie intervient de façon narrative à des moments importants, sans cette précision qu’elle prend place, dans l’Odyssée, à des moments liminaux (153).: sera-t-il le héros disparu dont on pleure la perte ou celui contre qui s’épuise la haine des hommes et des dieux, et qui déversera lui-même sa haine sur les prétendants? Car au fond, et c’en est un lieu commun, l’Odyssée est un long procès de reconstitution de l’identité du héros. D’où l’importance cruciale que revêt le sens du nom propre selon sa déclinaison dans le contexte narratif. On voit ici combien le contrôle sur la pratique discursive de l’étymologie importe au poète de l’Odyssée. Elle est la marque de sa maîtrise du matériau narratif comme processus de production de sens (Tsitsibakou-Vasalos, 2007: 57), et, par là, elle s’inscrit parfaitement dans l’«omniscience à caractère divinatoire» (Detienne: 67) qui marque l’énonciation poétique de la Grèce archaïque.

L’exemple d’Ulysse, comme tant d’autres, mène à un certain ensemble de constats. D’abord, et cela procède des observations faites sur le sens narratif de l’étymologie, cette dernière est immanente: elle inclut dans le nom le réseau sémantique que tisse la narration, tandis que cette base narrative détermine la structure sémantique des noms. Le signifié du nom ne se donnant pas comme transcendant, la détermination du signifié, avec toute sa charge symbolique, se trouve effectivement assurée par le seul poète. Mais, on l’a vu, ce signifié ne transcende aucunement le procès narratif: il est déterminé par ce procès, par son inclusion dans le vocable. C’est dire, ensuite, que l’étymologie est inséparable de l’énonciation, qu’elle n’a de sens que dans l’énonciation. On se retrouve donc, comme au départ, avec une pratique discursive, un acte de langage à valeur autoritaire, à la différence que cette autorité nous apparaît maintenant comme double. L’étymologie ne relève pas uniquement d’un contrôle sur le langage et de son adéquation au réel, mais également d’un contrôle sur la parole, sur l’énoncé s’inscrivant dans le procès narratif, dans le devenir de l’œuvre. Il s’agira maintenant de voir, chez Pindare, si cette pratique discursive subira des changements en migrant de l’épopée à la lyrique.

Comme toutes les pratiques discursives autoritaires, l’utilisation de l’étymologie se trouve exacerbée chez Pindare. L’art de Pindare, ainsi que le remarque Maslov, prend en effet place dans un contexte de crise généralisée de l’autorité, et plus précisément de l’autorité littéraire (53). Cette fin-de-siècle de la Grèce archaïque est également l’époque qui verra l’apparition de la fonction-auteur individualisée. On peut donc dire, avec Maslov, que trois types d’autorité opèrent chez Pindare, soit le «on dit que» de la tradition, le «je dis que» de la fonction-auteur et le «les dieux m’ont dit que» de l’autorité sociale et politique que mobilise le religieux. La seconde, soit la fonction-auteur promise à une longue postérité, est étrangère à Homère. En effet, le corpus homérique ne s’est autorisé que tardivement d’une fonction-auteur (Maslov: 53). Chez Pindare, non seulement cette seconde forme d’autorité est-elle nouvelle, mais elle entre aussi souvent en conflit avec la première. C’est dans ce conflit, sans doute, qu’il faut chercher comment se transforme la pratique de l’étymologie en passant à la lyrique. L’aspect conservateur de la poésie homérique, comme elle s’autorise du récit traditionnel, restreint le champ de l’étymologie à des significations acceptées (Kanavou: 151) —aussi est-il logique qu’elle opère l’interprétation des noms dans le cadre des récits reçus qui leur sont associés. On trouve plutôt chez Pindare une tension nouvelle entre le «on dit que» propre à l’épopée et le «je dis que» de sa lyrique, une tension qui paraît notamment dans sa correctio devant la tradition, par exemple aux vers 20-24 de la VIIe Néméenne:

ἐγὼ δὲ πλέον᾽ ἔλπομαι
λόγον Ὀδυσσέος ἢ πάθαν διὰ τὸν ἁδυεπῆ γενέσθ᾽
[Ὅμηρον:
ἐπεὶ ψεύδεσί οἱ ποτανᾷ τε μαχανᾷ
σεμνὸν ἔπεστί τι: σοφία δὲ κλέπτει παράγοισα μύθοις:
[τυφλὸν δ᾽ ἔχει
ἦτορ ὅμιλος ἀνδρῶν ὁ πλεῖστος9Et pour moi j’imagine que/L’histoire d’Ulysse a dépassé son aventure, grâce au doux chant d’Homère/Puisqu’à ses mensonges et à sa ruse ailée/Il est quelque chose de sacré; mais l’art nous trompe et nous égare par ses histoires/Et la plupart de la masse des hommes a le cœur aveugle.

Le rapport de Pindare à Homère, de même qu’à la culture commune de la Grèce, devient un rapport critique. À partir de cette constatation, Maslov peut dire que Pindare représente un moment paradigmatique dans l’émergence de la littérature. La création littéraire prend dès lors la forme d’un lieu de tension entre un fonds culturel et littéraire commun et l’originalité individuelle; c’est dans ce lieu, ou ce moment, que s’inscrit la production littéraire.

Foucault disait que «toute tragédie grecque est une alèthurgie, c’est-à-dire une manifestation rituelle de vérité» (24). On peut étendre cette affirmation à l’épinicie telle qu’elle se présente chez Pindare. Or, chez ce poète, la vérité est négociée, et non pas donnée; elle s’inscrit dans une fonction-auteur, dans un certain «je» socialement ancré et individualisé. Cette inscription est rendue nécessaire par la base socio-économique de la poésie de Pindare, par son rôle occasionnel et par son affichage dans une relation d’échange et d’hospitalité (Maslov: 99). Mais c’est une fonction-auteur qui en même temps navigue un ensemble d’intérêts divergents. Cet ensemble traverse l’entière société des dernières décennies de la Grèce archaïque, puisque le contexte de performance de l’épinicie est nécessairement communautaire, en même temps qu’il se tourne, sans cesse, vers l’individu vainqueur. Aussi, remarque Kurke, le «je» de cette poésie est-t-il un «je» fluide et instable (158). Cette fonction-auteur fluide préside à une réutilisation de l’étymologie telle qu’elle se présentait chez Homère. Cependant, de même que la citation de la VIIe Néméenne nous présentait une fonction-auteur s’inscrivant de manière critique dans une tradition littéraire, la pratique de l’étymologie d’Homère à Pindare subira certains changements.

L’absence de dépendance radicale à une culture orale traditionnelle chez Pindare, remplacée par un rapport critique, permet effectivement une étymologie plus libre et affranchie de la narration (Quincey: 143). La VIe Olympique, par exemple, offre aux vers 43-56 une double étymologie du nom Iamos: d’abord, la naissance du héros est racontée, un récit où intervient une première étymologie, entre Ἴαμος, Iamos, et ἰῷ, iôi, venin (Salvador: 39). L’étymologie est relativement assurée, à cause du vaste détour métaphorique nécessaire à Pindare pour introduire ce terme ἰῷ. Au nouveau-né, deux serpents viennent ensuite donner du miel. Or Pindare, pour pouvoir former l’étymologie entre ἰῷ et Ἴαμος, c’est-à-dire pour faire entrer le mot «venin» qui est relativement étranger au contexte, doit substituer au terme «miel» le kenning «venin (ἰῷ) sans reproche des abeilles». Cependant, plus loin, Pindare précise:

                ἀλλ᾽ ἐν
κέκρυπτο γὰρ σχοίνῳ βατιᾷ τ᾽ ἐν ἀπειράτῳ,
ἴων ξανθαῖσι καὶ παμπορφύροις ἀκτῖσι βεβρεγμένος ἁβρὸν
σῶμα: τὸ καὶ κατεφάμιξεν καλεῖσθαί νιν χρόνῳ σύμπαντι
[μάτηρ
τοῦτ᾽ ὄνυμ᾽ ἀθάνατον10Mais dans/Un lit de jonc il avait été caché, dans un fourré profond,/Baigné par les rayons jaunes et de pourpre profond des violettes/Sur son corps délicat: pour cela sa mère proclama que pour toujours il serait appelé/Par ce nom immortel.

L’étymologie du nom Iamos est soudainement donnée comme violette. Il est intéressant de voir ici comment l’étymologie est encore narrative, quoique dans un contexte à beaucoup plus court terme. Ce qui diffère réellement d’Homère, c’est l’extrême proximité de deux étymologies différentes. Bien que toutes deux narrativisées, elles s’inscrivent dans une logique autre que celle de la grande narration homérienne. L’intérêt de Pindare est de faire surgir une structure qui organise à court terme son matériau poétique pour faire sentir, dans un bloc narratif, une unité. On trouve un autre exemple de cette utilisation de l’étymologie dans l’ouverture de la VIIe Néméenne. Par un procédé habituel, Pindare retarde et dramatise la mention du nom du vainqueur, Sogénès, qui n’apparaît qu’au huitième vers:

Ἐλείθυια, πάρεδρε Μοιρᾶν βαθυφρόνων,
παῖ μεγαλοσθενέος, ἄκουσον, Ἥρας, γενέτειρα τέκνων:
[ἄνευ σέθεν
οὐ φάος, οὐ μέλαιναν δρακέντες εὐφρόναν
τεὰν ἀδελφεὰν ἐλάχομεν ἀγλαόγυιον Ἥβαν.
ἀναπνέομεν δ᾽ οὐχ ἅπαντες ἐπὶ ἴσα:
εἴργει δὲ πότμῳ ζυγένθ᾽ ἕτερον ἕτερα. σὺν δὲ τὶν
καὶ παῖς ὁ Θεαρίωνος ἀρετᾷ κριθεὶς
εὔδοξος ἀείδεται Σωγένης μετὰ πενταέθλοις11Éleithuia, parèdre des Moires aux pensées profondes/Fille d’Héra très-puissante, écoute, génitrice des enfants: sans toi/Nous ne voyons ni la lumière ni l’obscure nuit,/Ni ne rencontrons ta sœur aux membres charmants, Hébé./Mais nous ne prenons pas notre premier souffle tous pour des fins égales:/Car de différentes choses renferment chacun dans le joug du destin. Mais avec toi/Le fils de Théarinos, qui s’est distingué par l’excellence,/Sogénès, illustre, est chanté parmi les pentathlètes.

Le sens évident du nom Sogénès pour tout Grec se compose de σῶς, sôs, sauf, et du verbe γίγνομαι, gignomai, au sens de naître. Il faut voir qu’ici, le signifiant ne porte pas l’étymologie: ce n’est pas l’affirmation selon laquelle «l’essence du nom Odusseus est odussomai», mais une autre affirmation, plus abstraite, qui construit un champ sémantique autour du sens de Sogénès, sans opérer de rapprochement sonore entre le nom et les vocables qui le composent. En effet, Éleithuia est une déesse chargée de veiller à l’accouchement, et ces premiers vers sont un long excursus sur le sens et l’importance du nom Sogénès, dont l’arrivée, au huitième vers, est mise en relief. Le thème d’une naissance en toute sûreté (préoccupation extrêmement sérieuse au Ve siècle av. J.-C.), dont l’idée est contenue dans le nom Sogénès, se trouve ainsi exposé L’étymologie n’est plus strictement narrative et peut construire une réflexion d’ordre gnomique à partir d’une étymologie développée sur la sémantique du nom, avec une observation comme «nous ne prenons pas notre premier souffle tous pour des fins égales» à partir du nom portant l’étymologie.

Dans un sens, l’étymologie du nom Sogénès, aussi longtemps que l’on suppose un contexte de performance dans la communauté de ce même Sogénès, peut s’interpréter comme une étymologie par suppression12Pour une typologie des étymologies, voir O’Hara: 59. Sheltondonne également un commentaire des principales typologies des étymologies poétiques (59). —le poète remplace entièrement le nom qu’attend l’auditeur par son étymologie. On trouve un exemple de ce type d’étymologie dans la IIe Olympique, aux vers 25-27:

ζώει μὲν ἐν Ὀλυμπίοις ἀποθανοῖσα βρόμῳ
κεραυνοῦ τανυέθειρα Σεμέλα, φιλεῖ δέ νιν Παλλὰς αἰεί,
καὶ Ζεὺς πατὴρ μάλα, φιλεῖ δὲ παῖς ὁ κισσοφόρος13Elle vit sur l’Olympe, morte dans le hurlement/De l’éclair, Sémélé aux longs cheveux, et Pallas l’aime, toujours,/Et Zeus le Père aussi, et l’aime aussi son fils, le porte-lierre.

Ce βρόμῳ, bromôi, rugissement, annonce Dionysos, le fils de Sémélé, dont une des épithètes est Βρόμιος, Bromios, le bruyant; ce même Dionysos qui intervient, sous forme d’une simple épithète, au vers 27: ὁ κισσοφόρος, le porte-lierre. Dans cette étymologie par suppression, on peut voir une forme de légitimation littéraire: ce type de discours détourné présente la fonction-auteur comme bénéficiaire d’une connaissance étrangère au commun (Sanders: 92).

Il faut placer l’étymologie κατ᾽ἀντίφρασιν dans ce même registre par antiphrase, qui est relativement fréquent chez Pindare. Il apparaît dans la IIIe Pythique aux vers 27-30, où l’antiphrase porte sur une épithète d’Apollon:

οὐδ᾽ ἔλαθε σκοπόν: ἐν δ᾽ ἄρα μηλοδόκῳ Πυθῶνι τόσσαις
[ἄϊεν ναοῦ βασιλεὺς
Λοξίας, κοινᾶνι παρ᾽ εὐθυτάτῳ γνώμαν πιθών,
πάντα ἰσάντι νόῳ14Elle n’échappa pas au regard: bien qu’il se trouvât à Pytho où l’on sacrifie les moutons, à régner sur le temple, il la perçut, lui,/Loxias, convaincu par le plus droit confident,/Son esprit voyant toute chose.

Par Loxias, Pindare entend ici Apollon; sous Loxias se tient l’adjectif λοξός, loxos, tordu, croche. Or, presque immédiatement, survient εὐθυτάτῳ, euthutatôi, le plus droit. La présence d’un antonyme à deux mots de distance, qui plus est sous la forme d’un superlatif absolu, attire l’attention du lecteur sur l’étymologie de Loxias en même temps qu’elle offre une correctio. Apollon sera certes le dieu retors, celui dont la vérité des oracles est voilée, nébuleuse —le dieu des oracles dont l’accomplissement passe par des chemins tortueux et contradictoires, mais qui, pourtant, finissent toujours par s’accomplir droitement. Apollon, poursuit Pindare, ne se mêle pas aux mensonges, ψευδέων δ᾽ οὐχ ἅπτεται, et nul ne se dérobe à lui, ni dieu ni mortel, en actes ou en desseins, κλέπτει τέ νιν οὐ θεὸς οὐ βροτὸς ἔργοις οὔτε βουλαῖς. Ce passage est plein de corrections face à la tradition: chez Hésiode (fr. 60), un corbeau avait renseigné Apollon de la tromperie de Coronis; ici, le dieu est omniscient. Aux vers 20-21 du chant XIII de l’Iliade, Poséidon se rend à Aigéai comme suit: τρὶς μὲν ὀρέξατ᾽ ἰών, τὸ δὲ τέτρατον ἵκετο τέκμωρ/Αἰγάς, «Trois fois il fit un pas en y allant, au quatrième il atteint son but,/Aigéai.» Pour Pindare, aux vers 43-44, Apollon possède un pouvoir autrement plus élevé: « βάματι δ᾽ ἐν πρώτῳ κιχὼν παῖδ᾽ ἐκ νεκροῦ/ἅρπασε», «arrivé dans son premier pas, il arracha son fils à la morte». Ces passages visent à indiquer comment l’usage de l’étymologie chez Pindare s’inscrit dans un discours sur le divin qui se veut critique face à la tradition épique. Si Apollon se nomme bien Tordu, il n’en est pas moins celui dont l’esprit omniscient est le plus droit.

Pindare se plaît aussi à former une certaine étymologie sur le nom des Muses, que l’on retrouve fréquemment dans ses épinicies. Chez lui, les Muses sont les filles de Mnèmosunè, la Mémoire; aussi poser comme il le fait l’étymologie de Μοῦσα, Mousa, Muse, comme μιμνήσκω, mimnèskô, se remémorer, semble-t-il aller de soi. Il faut cependant se souvenir de l’importance que revêt en Grèce archaïque la mémoire. Jean-Pierre Vernant formule l’activité de Mnèmosunè comme la dispensation «à ses élus [d’]une omniscience de type divinatoire […][,] elle chante tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera» (111). C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter l’étymologie qu’on trouve aux vers 11-12 de la Ière Néméenne: «μεγάλων δ᾽ ἀέθλων/Μοῖσα μεμνᾶσθαι φιλεῖ», «La Muse aime à remémorer/Les grands concours», comme aux vers 61-63 de la VIIIe Isthmique: «ἔσσυταί τε Μοισαῖον/ἅρμα Νικοκλέος/μνᾶμα πυγμάχου κελαδῆσαι», «Et il s’élance/Le chariot des Muses/Pour chanter la mémoire du boxeur Nicoclès». Ou encore, aux vers 77-82 de la VIIe Néméenne, ces vers:

Μοῖσά τοι
κολλᾷ χρυσὸν ἔν τε λευκὸν ἐλέφανθ᾽ ἁμᾷ
καὶ λείριον ἄνθεμον ποντίας ὑφελοῖσ᾽ ἐέρσας.
Διὸς δὲ μεμναμένος ἀμφὶ Νεμέᾳ
πολύφατον θρόον ὕμνων δόνει
ἡσυχᾷ15La Muse, tu sais,/À l’ivoire blanc joint l’or/Et la fleur de lys qu’elle a cueillie à la rosée des mers;/Mais, en remémorant Zeus, pour Némée/Mets en branle l’illustre concert des hymnes/Doucement.

Cette insistance du poète sur l’étymologie du nom Muse, qui la relie à la mémoire, ne relève pas d’une utilisation narrative de l’étymologie, mais bien d’une prise de position sur le sens et sur la valeur de l’art. Car la Muse, comme déesse, est toujours présente dans l’énonciation poétique; dire d’elle que son essence est Mnèmosunè est une grave déclaration. Pour Vernant, en effet, «le privilège que Mnèmosunè confère à l’aède est celui d’un contact avec l’autre monde, la possibilité d’y entrer et d’en revenir librement» (116). L’étymologie, déterritorialisée de tout contexte narratif, est ici mise au service d’une autorité qui s’extirpe à la fois de la fonction-auteur et du «on dit» de la tradition: elle sert celle issue du religieux. Encore une fois, cette utilisation novatrice de l’étymologie indique un contexte de crise.

L’étymologie chez Pindare, qu’elle fonctionne par antiphrase, par suppression ou qu’elle porte, sans narrativisation, sur le divin, est marquée par une constitution exacerbée de l’autorité. Cette dernière peut être formée comme une fonction-auteur qui s’inscrit de façon critique dans une tradition ou comme un appel à une caution divine. Dans les deux cas, l’étymologie subit une transformation en profondeur en s’extrayant du contexte narratif de l’épopée. Le corpus homérique formait la base de toute constitution de sens de ce contexte narratif au niveau des vocables recevant l’étymologie, car c’était la narration des évènements passés, soit une narration totalisante, qui organisait son monde et octroyait aux destinées des hommes leur sens (Tsitsibakou-Vasalos, 2007: 34). Mais avec la situation d’éclatement dont témoigne l’œuvre de Pindare, divers groupes sociaux et diverses relations matérielles devaient être exprimées dans un seul lieu littéraire. C’est là que venait se réunir la communauté, le poète individuel, le vainqueur aux jeux et la tradition littéraire. Cette fragmentation rendait improbable la formation d’une œuvre unie, et incertaine la position du poète; d’où la constitution d’une fonction-auteur et la nécessité de l’appel au religieux. Dans ce cadre, l’étymologie, en migrant de l’épopée, se serait déterritorialisée et aurait été mise au service d’un procès de constitution d’autorité, un procès qui devait répondre aux tensions et aux contradictions internes propres aux dernières décennies de la Grèce archaïque.

Il aurait été facile de trouver dans le développement de la fonction-auteur une naissance de l’individu, naissance corrélée à un «passage du muthos au logos». Après tout, la fonction-auteur marquait une posture critique et un remaniement de la tradition littéraire, tandis que la correctio face aux mythes et au discours sur le divin trahissait une rationalisation du discours mythique hérité de l’épopée. Les changements subis par l’étymologie lors de sa migration auraient alors relevé du développement d’un individu exerçant sa liberté créatrice. Et pourtant, ce qui s’est dégagé de cette migration de l’étymologie, c’est davantage un ensemble de pratiques visant à constituer une autorité qui pût assurer la cohérence d’un genre littéraire traversé par une multiplicité d’intérêts sociaux opposés. C’est donc ironiquement là-même où la critique s’est souvent plu à découvrir la naissance de l’individu libéral que l’attache de la superstructure à sa base matérielle put paraître la plus flagrante.

 

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Woodhead, William Dudley. 1928. Etymologizing in Greek Literature from Homer to Philo Judaeus. Toronto : University of Toronto Press, 101 p.

  • 1
    La conception archaïque de l’ἀλήθεια en fait un composé a-letheia, avec un «a-» privatif portant sur le verbe λανθάνομαι, oublier (et non pas λανθάνω, passer inaperçu, pace Heidegger), ce qui place la vérité, comme pratique de la mémoire exprimée sous forme discursive, en opposition avec l’oubli. Cf. Cole: 7-28.
  • 2
    L’étymologie des noms communs se peut souvent réduire à une glose explicative de mots rares, alors que celle portant sur les noms propres engage les destinées des humains et la nature des dieux (Bouchard: 8).
  • 3
    Je mets en gras les termes portant l’étymologie.
  • 4
    Sa fille retient cet homme malheureux et plaintif,/Et toujours, avec des discours doux et enjôleurs,/Elle le charme, afin qu’il oublie Ithaque; mais Ulysse/Languissant de voir ne serait-ce que la fumée s’élevant/De ses terres, désire mourir. Toutes les traductions sont de l’auteur.
  • 5
    Je ne te blâme en rien [de pleurer Ulysse]/Car toute épouse se plaint (ὀδύρεται), en perdant son/Époux, à qui elle a donné des enfants en s’unissant d’amour,/Même s’il était autre qu’Ulysse, lui qu’on dit être semblable aux dieux.
  • 6
    Sur ce sens à donner à ὀδύσσομαι, de forme simultanément moyenne-active et moyenne-passive, cf. Peradotto: 131, contre l’opinion de Stanford: 212.
  • 7
    Ne t’a-t-il pas, Ulysse/Près des nefs des Achéens, offert en sacrifice des victimes/Dans la vaste Troade? Pourquoi donc le hais-tu autant, Zeus?
  • 8
    Kavanou remarque que l’étymologie intervient de façon narrative à des moments importants, sans cette précision qu’elle prend place, dans l’Odyssée, à des moments liminaux (153).
  • 9
    Et pour moi j’imagine que/L’histoire d’Ulysse a dépassé son aventure, grâce au doux chant d’Homère/Puisqu’à ses mensonges et à sa ruse ailée/Il est quelque chose de sacré; mais l’art nous trompe et nous égare par ses histoires/Et la plupart de la masse des hommes a le cœur aveugle.
  • 10
    Mais dans/Un lit de jonc il avait été caché, dans un fourré profond,/Baigné par les rayons jaunes et de pourpre profond des violettes/Sur son corps délicat: pour cela sa mère proclama que pour toujours il serait appelé/Par ce nom immortel.
  • 11
    Éleithuia, parèdre des Moires aux pensées profondes/Fille d’Héra très-puissante, écoute, génitrice des enfants: sans toi/Nous ne voyons ni la lumière ni l’obscure nuit,/Ni ne rencontrons ta sœur aux membres charmants, Hébé./Mais nous ne prenons pas notre premier souffle tous pour des fins égales:/Car de différentes choses renferment chacun dans le joug du destin. Mais avec toi/Le fils de Théarinos, qui s’est distingué par l’excellence,/Sogénès, illustre, est chanté parmi les pentathlètes.
  • 12
    Pour une typologie des étymologies, voir O’Hara: 59. Sheltondonne également un commentaire des principales typologies des étymologies poétiques (59).
  • 13
    Elle vit sur l’Olympe, morte dans le hurlement/De l’éclair, Sémélé aux longs cheveux, et Pallas l’aime, toujours,/Et Zeus le Père aussi, et l’aime aussi son fils, le porte-lierre.
  • 14
    Elle n’échappa pas au regard: bien qu’il se trouvât à Pytho où l’on sacrifie les moutons, à régner sur le temple, il la perçut, lui,/Loxias, convaincu par le plus droit confident,/Son esprit voyant toute chose.
  • 15
    La Muse, tu sais,/À l’ivoire blanc joint l’or/Et la fleur de lys qu’elle a cueillie à la rosée des mers;/Mais, en remémorant Zeus, pour Némée/Mets en branle l’illustre concert des hymnes/Doucement.
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