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Journal d’une année à part: 11 septembre 2001 – 2002

Patrick Tillard
couverture
Article paru dans Romans internationaux, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: Haïm, Laurence (2002), Journal d’une année à part: 11 septembre 2001 – 2002, Paris, Éditions de La Martinière, 301p.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project au Labo NT2)

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Le livre se présente comme un journal de bord du 11 septembre 2001 au 11 septembre 2002. Journaliste pour Canal +, pourvue d’impressionnants moyens financiers (appartement dans le bas Manhattan à deux pas du World Trade Center, déplacements incessants dans le monde, accès aux lieux de pouvoir), l’auteure est constamment aux premières loges de l’actualité. Chambre d’écho du monde médiatique (la plupart de ses amis sont journalistes télé ou photographes de presse), ce journal retrace le quotidien dans l’après-11 septembre, observe les réactions du pays, sombre parfois dans une certaine commisération, fait un inventaire des réactions très diverses ayant toutes comme centre le 11 septembre.

Le monde de Laurence Haïm, parce qu’elle a été profondément blessée par les attentats de New York, tourne dorénavant autour de ce cauchemar. Elle entreprend des démarches pour obtenir la nationalité américaine. L’obsession du 11 septembre, partout où elle va durant cette année, à New York comme à Paris, est frappante. De la solidarité des premiers courriels reçus aux prises de position plus politiques qui suivent, le livre n’est, dans sa première moitié, qu’une seule réflexion sur l’impact des attentats.

Cynisme inconscient ou douloureuse félicité de la journaliste comblée par l’événement, la prostration et les larmes s’envolent dès lors qu’il est question de son métier, lieu sacré où la femme redonne vie à la journaliste redevenue nerveuse et enthousiaste, créant une hyperexcitabilité de circonstance, traquant le temps d’antenne, passion qui permet sans doute de survivre à la proximité des tragédies de l’Histoire. En tant que journaliste, l’auteure sait montrer les bouleversements des petits et grands faits quotidiens dans une ville traumatisée, les manifestations d’amitié ou le renouvellement d’intérêt soudain renforcés par les attentats, mais aussi le clivage politique et sensible, pour Haïm qui est française, entre la France et les États-Unis, entre les Français et les Américains.

La seconde partie du Journal est marquée par le scandale Enron que la journaliste couvre en partie, la chute du régime des Talibans, les prémisses de la guerre en Irak et les kamikazes palestiniens en Israël. Un séjour en Israël et en Palestine lui révèle l’envers de la diabolisation de Ben Laden en Occident. La glorification, par les familles des «martyrs» palestiniens, des attentats de New York et de Ben Laden est une des facettes inédites (de son point de vue) que l’auteure découvre dans le conflit israélo-palestinien.

Ce journal est aussi le témoignage d’une journaliste qui n’oublie jamais son métier, recherchant des proches de disparus pour générer de l’audience, reniflant les bons scoops, évaluant en temps média les traumatismes et les pertes, les souffrances et les désarrois. La visite, par exemple, de L. Haïm à la femme d’un cadre d’Enron qui vient de se suicider est un moment de pure débâcle de l’oiseau de proie devenue journaliste.

À la fois revue de presse, mais aussi exploration intime (rupture et doutes, amour et amitié jalonnent le livre), ce journal révèle une dépression parfois mélancolique, une sentimentalité mièvre, une innocence fausse mais donne des informations vivantes bien que très souvent interprétées à travers un pro américanisme déroutant. Reste le rôle de témoin privilégiée dans une optique purement médiatique.

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Journal (courriels, commentaires, notes de journal de bord).

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Narrateur unique.

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La narratrice habite à deux pas du World Trade Center et New York est sa ville d’élection. Les attentats apparaissent tout d’abord uniquement dans leur impact sur New York mais, dans les jours qui suivent l’effondrement des tours du World Trade Center, ce sont les attentats comme tout (New York, le Pentagone et le vol 93 d’United Airlines) qui prennent rapidement corps dans le journal de Laurence Haïm. Elle suit également de près les réactions politiques de la classe dirigeante. Les répercussions en France et aux États-Unis dominent le livre.

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Le point de vue est contemporain et vécu. C’est lorsque que Laurence Haïm doit atterir à l’aéroport de New York, le 11 septembre 2001, qu’elle apprend ce qui s’est passé. Après que l’avion se soit finalement posé à Baltimore, elle regagne N.Y. mais ne peut atteindre son appartement, trop proche des tours. Elle parvient grâce à sa carte de journaliste à pénétrer dans la zone interdite par l’armée et la police. Les descriptions d’un quotidien très perturbé, jalonné de scoops sur les recherches des corps, puis les témoignages vécus, les trajectoires personnelles de survivants permettent de mieux saisir ou d’illustrer les bouleversements au quotidien des New-Yorkais. Ce journal comble le vide d’une perception au jour le jour des bouleversements quotidiens.

Attitude face aux événements: L’attitude de Laurence Haïm est un mélange d’indignation et d’incompréhension. Ce sentiment va vite évoluer en un ensemble de sentiments (souffrance, traumatisme, recherche d’une résurrection spirituelle, mélancolie) proaméricains à la rhétorique simpliste mais qui n’empêche pas toujours l’exercice d’un œil critique (les drapeaux, le séjour au Texas).

Moyens de transport représentés, leur fonction: L’avion est présent dès le départ.

Les médias et les moyens de communication représentés, leur fonction: Ce journal est un excellent témoignage sur les enjeux actuels du métier de journaliste. Il semble parfois n’être qu’un exercice de style sur le métier. On y discerne la scission de plus en plus prononcée entre les événements et les commentaires médiatiques, entre les techniques médiatiques et la souffrance humaine. Le journal est aussi une autojustification du rôle de journaliste et des médias en général. Mais n’apparaît jamais le soupçon d’une remise en cause du formatage de l’information imposé par les médias (la visite à CBS et l’admiration inconditionnelle de Haïm pour Dan Rather ressemblent d’ailleurs à la répétition d’un entretien d’embauche). Cette absence de doute révèle une importante contribution cachée de ce journal: la certitude, l’autoconviction.

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Laurence Haïm est une journaliste française d’une quarantaine d’année, travaillant et vivant à New York, N.Y. C’est SA ville : atteindre Manhattan, c’est donc aussi la blesser elle. Les échanges de courriels avec ami(e)s, parents, collègues, amoureux, soupirants, ne seront qu’un commentaire éclaté sur les attentats et le traumatisme subi.

Les événements sont abordés d’un point de vue individuel mais aussi collectif (les courriels échangés permettent une vue surplombante des réactions des correspondants dans le monde), le contexte politique contemporain est constamment évoqué par l’intrusion à tout moment de l’actualité mondiale.

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique sur le texte.

Autres aspects à intégrer

N/A

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

4e de couverture:

Le matin du 11 septembre 2001, Laurence Haïm doit atterrir à New York quand le pilote de l’avion annonce : “Let’s pray.” C’est lorsqu’elle débarque à Baltimore qu’elle apprend la nouvelle. Depuis lors, sa vie de New-Yorkaise d’adoption n’est plus du tout la même, à cause de cette odeur tenace qui plane sur Manhattan, de cette lumière éteinte dans le regard des gens, ceux qui fuient la ville, ceux qui font semblant, et tous les autres, ceux qui ne parlent que de ça. Laurence Haïm fait partie de ceux-là.

September Eleven, c’est le nom du drame qui se rejoue par le menu dans toutes les pages de ce journal, qu’il soit question d’un dîner entre amis, d’e-mails venant de Paris ou d’une course au supermarché. Si Bridget Jones était d’origine française, new-yorkaise dans l’âme depuis plus de huit ans, elle pourrait bien prendre les traits de Laurence Haïm qui, jour après jour, nous aide à comprendre, avec humour et gravité, que cette année à part marque le début d’une ère nouvelle, inquiétante.

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

En page 8 du livre :
« On parle tout le temps de September Eleven. Cela résume attentats, maladie du charbon, peur de l’attaque chimique, alertes quotidiennes et effondrement de Wall Street. Pour moi, September Eleven est synonyme d’une société qui croit aux valeurs fondamentales de tolérance et, qui, un matin d’été, a perdu son innocence.

Avec ce journal, j’ai voulu évoquer une certaine Amérique qui défend toujours la liberté. Certains critiqueront sans doute ma naïveté mais c’est aussi grâce à cela que, de ce côté-ci de l’Atlantique, les choses avancent. »

Citer la dédicace, s’il y a lieu Aucune. Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

Il n’existe pas beaucoup de commentaires sur ce livre sur le web.

Consulter toutefois : http://www.amazon.fr/Journal-dune-ann%C3%A9e-part-septembre/dp/2846750394 [Consultée le 11 septembre 2023]
https://web.archive.org/web/20080408185629/http://www.onze-septembre.com/livre_153.php [Consultée le 11 septembre 2023]

Compte tenu du contenu du livre qui mélange idéologie et journalisme on peut également consulter http://www.france5.fr/asi/archives-forum/f7/fil7555.html?idfil=103574 [Cette pas n’est pas accessible]
Sur l’autre livre de Laurence Haïm, Une Française à N.Y. (2006), consulter : http://www.laffont.fr/ForeignRights/Livre.aspx?id=336&col=10″ Impact de l’œuvre Inconnu pour le moment (02/2007)

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Journal écrit in vivo par une journaliste, ce livre a, d’emblée, le mérite de montrer le quotidien bouleversé des New-Yorkais et l’impact des attentats sur une personne de l’establishment qui se prend ici pour son propre objet d’étude. On perçoit au cours de l’année les fissures de l’idéologie du bonheur et de la consommation aisée américaine à travers un discours éclaté qui se veut et qui mise sur une idée de la transparence, de l’authenticité et de la sincérité. Ces trois termes sont destinés à garantir la pertinence du témoignage afin de montrer la profondeur insondable de la blessure subie. Tous les thèmes du 11 septembre seront ainsi abordés : le 11 septembre et ses souffrances et ses morts, mais aussi ses répercussions sur les libertés individuelles, les arrestations massives et arbitraires d’Arabes et de Musulmans qui ont suivi aux États-Unis, puis, au cœur du désarroi social, le scandale Enron. L’omniprésence des médias dans le contrôle de l’information et les préparatifs de guerre sont abordés sous l’angle d’une certaine spontanéité d’écriture et de pensée, spontanéité due peut-être au métier et au style de la narratrice. Dans la même année, le voyage de Laurence Haïm en Israël ravive l’omniprésence de la guerre israélo-palestinienne, origine potentielle des attentats qui ont frappé les États-Unis. Avec d’un côté un Ben Laden honni par les Américains, de l’autre le même Ben Laden glorifié par les familles des kamikazes, les journalistes n’ont en effet pas fini de pouvoir commenter les tragédies et les horreurs du monde. La continuité de l’histoire est ainsi prise en compte, nulle rupture, nulle fin de l’histoire mais un cheminement continu et ses crises majeures. Ce journal permet également de s’interroger sur les médias et les journalistes et donc sur le traitement médiatique du 11 septembre. L’objectivité, credo des écoles de journalistes, ne résiste pas à la lecture de ce journal, constitué très souvent de partis pris idéologiques qui paralysent tout esprit réellement critique. L’odeur du sang et de la fumée du World Trade Center est vite dépassée par l’odeur combien plus excitante des critères d’audience déterminant la vie de millions de personnes. On pense au formatage des émissions ou des journaux, des films et des émissions de radios qui renvoient aux formatages inévitables des esprits. On peut alors considérer que ce journal participe d’une certaine mythification du 11 septembre, et le regard médiatique, avec ses effets de loupe et ses raccourcis, participe alors pleinement de la mythification en cours. Dans ce journal, cette mythification va sans ambiguïté dans la direction démocratique occidentale et surtout américaine, en négligeant une vision critique de la totalité et en privilégiant une approche centrée sur les petites histoires individuelles. Mais n’est-ce pas le propre des médias que de faire de l’audience à partir de la petite histoire et non de l’Histoire elle-même ? Cette approche aura d’inévitables répercussions concrètes dans la figure mythique du 11 septembre qui se constitue actuellement. L’ouvrage déploie ainsi les interactions du 11 septembre, suit ses répercussions quotidiennes et montre l’irréversibilité produite tant au niveau politique que quotidien en Europe, au Moyen-Orient et aux États-Unis. Donner une citation marquante, s’il y a lieu “« Je me demande si un jour Broadway fera un show made in Ben Laden, avec des danseurs déguisés en talibans, terroristes et avions dans le décor… Peut-être à New York, lorsque le deuil sera passé, on pourra rire de tout …» (p.103)

« 4. Khan. Un chauffeur du taxi pakistanais mais je ne pense pas que l’on fasse dix minutes. Mais lui aussi serait OK.
5. Une famille dont le père pompier a disparu. La femme et les quatre enfants pensent qu’il est vivant. Ils attendent… Je ne sais pas si les télés françaises ont passé une journée avec une famille qui attend mais cela me paraît fort de voir l’attente… » (p.42)

« Demande ma green card aujourd’hui. À l’avocat qui veut savoir pourquoi, je réponds que je veux obtenir la nationalité américaine. Chirac, Jospin, les 35 heures, les grèves, les vacances, je m’en fous ! Ici c’est « Anaconda » et la guerre. Et je me sens mobilisée. » (p.203)” Noter tout autre information pertinente à l’œuvre Les bombes humaines, Paris, La Martinière, 2003. Une française à New York, Paris, Laffont, 2006. Courte biographie: Laurence Haïm a été grand reporter pour l’agence CAPA et ancienne correspondante pour Canal + à New York pendant huit ans. Elle est aujourd’hui grand reporter pour la chaîne CBS. Elle a publié Journal d’une année à part aux Éditions de La Martinière en 2002. Présentation de l’éditeur : http://www.lamartiniere.fr/editeurs/index.cfm?ed=10&isbn=2846750394 [Cette pas n’est pas accessible]

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