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«Toutes des lesbiennes!» Antiféminisme et lesbophobie, une complicité à l’épreuve du temps

Christine Bard
couverture
Article paru dans Féminismes et luttes contre l’homophobie: de l’apprentissage à la subversion des codes, sous la responsabilité de Line Chamberland, Caroline Désy et Lori Saint-Martin (2016)

«Toutes des lesbiennes!» Cette affirmation, à propos des féministes, qui ne l’a pas entendue? C’est un véritable poncif de l’antiféminisme, auquel il n’est pas toujours aisé de répondre. Toutes, non… Quand même pas! Beaucoup oui, enfin, cela dépend de quel féminisme on parle. Cela dépend aussi de quelle époque on parle. Lesbiennes, oui, enfin, cela dépend aussi de ce que l’on entend par là. Il y a des lesbiennes croyantes mais non pratiquantes, des lesbiennes théoriques, des lesbiennes qui préfèrent se dire homosexuelles, des homosexuelles qui ne se disent pas du tout, et il y a même des hétérosexuelles qui, ayant appris à dire, après l’expulsion hors de France de Daniel Cohn-Bendit en 1968: «Nous sommes tous des juifs allemands», qui chantaient: «Nous sommes toutes des avortées / Nous sommes toutes des avorteuses / Nous sommes toutes des péripatéticiennes / Des lesbiennes et des mal baisées / Nous libèrerons la société / Nous libèrerons la sexualité» (Bernheim, 1983: 54). Ce qui est sûr, c’est que dans le «toutes des lesbiennes !», l’intention n’est pas bienveillante et qu’à l’évidence, la lesbophobie est un moyen de dénigrer le féminisme. Un antiféminisme lesbophobe donc. Ou une lesbophobie antiféministe? Les dosages, instables, varient. Partir à la recherche de ces discours/de ces pratiques n’est pas simple. Il faut faire avec la dispersion, l’hétérogénéité, l’euphémisation dans des sources documentaires disparates et dispersées. Il faut aussi historiciser cette question et la confronter à la réalité qu’elle combat autant qu’au fantasme qu’elle construit.

 

S’outiller avec les mots: antiféminisme, lesbophobie

Je voudrais d’abord expliquer pourquoi il est utile de réfléchir à l’antiféminisme même s’il me semble que le public québécois a moins à en être convaincu que le public français. Le Québec a été confronté plus tôt et plus fort à un antiféminisme moderne, le masculinisme, et à la nécessité de le combattre et de l’analyser. Le niveau de conscience de l’antiféminisme, surtout après la tuerie de l’École Polytechnique de Montréal, y est très élevé. Et pourtant, il semble que les féministes, en particulier en France, ont peine à prendre en compte l’antiféminisme dans leur stratégie. Le travail de veille militant existe, bien sûr1La revue Prochoix joue un rôle important, de même que le Planning familial., mais les intellectuels-les s’y intéressent peu. Depuis les journées d’études et le colloque que j’avais organisés à l’Université d’Angers entre 1996 et 1998, publiés en 1999 sous le titre Un siècle d’antiféminisme, il n’y a eu que très peu de publications sur cette thématique hormis le travail de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri sur le mouvement masculiniste au Québec, en 2008 et, en 2012, un Cahiers du genre conjoint à Recherches féministes sur Les antiféminismes. C’est très insuffisant si l’on veut identifier et cartographier les renouvellements actuels, réviser le logiciel interprétatif, s’entendre sur des définitions partagées.

Le temps présent, en effet, soulève de multiples questions, dont celle, classique pour l’histoire, des permanences et des changements. Entre surprise et sidération, on observe ici la remise en cause du droit à l’avortement, ailleurs de fortes mobilisations contre le mariage entre personnes de même sexe. Plusieurs mouvements d’extrême droite en Europe sont aujourd’hui portés par des femmes et non par des hommes. En France, la Manif pour tous a eu pour porte-paroles deux femmes: l’improbable Frigide Barjot et la très logique catholique traditionaliste Ludivine de la Rochère, chargée de la communication de la Conférence des évêques de France puis de la Fondation Jérôme Lejeune, l’une des principales associations du mouvement dit pro-vie. Parmi les hommes en position de pouvoir à l’extrême droite, plusieurs sont des homosexuels notoires. Le vote homosexuel n’a plus rien de spécifique: les gais-es votent pour le Front national autant que les hétérosexuels-les. Il n’y a ni «grâce de la naissance»2C’est l’historienne allemande Karin Windaus-Walser qui a utilisé cette expression pour critiquer le penchant de ses contemporaines historiennes féministes allemandes à laver les femmes de toute implication dans le nazisme parce qu’elles étaient «dominées» par les hommes. Voir «La “grâce de la naissance féminine”: un bilan» (Kandel , 2004: 225-235).en tant qu’homme ou femme dans le choix des idées de progrès, de tolérance, d’égalité des droits, ni grâce de l’orientation sexuelle.

L’identification de l’antiféminisme donne en réalité du fil à retordre. D’abord, parce que le déni est souvent présent. En tout cas l’euphémisme, ce qui représente d’ailleurs une sorte d’hommage indirect pour le féminisme. Mais aussi parce qu’au sein même de la nébuleuse féministe, les unes sont souvent les antiféministes des autres sur un continuum allant des positions modérées aux positions radicales. La disparité des positions féministes sur des questions importantes rend très complexe le choix des identifiants du féminisme. Nous le ressentons beaucoup aujourd’hui, mais à vrai dire, le féminisme a toujours été pris dans l’hétéronomie en ce sens qu’il trouve hors de lui-même des étayages philosophiques, idéologiques, politiques.

Entre féminismes donc, la distance est parfois abyssale. Prenons les exemples, pour la première vague en France, de Marguerite de Witt-Schlumberger (1853-1924) et de Madeleine Pelletier (1874-1939)3Exemples tirés de ma thèse: Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes 1914-1940 (1995).. La première, philanthrope protestante, est aussi une féministe d’importance puisqu’elle présida l’Union française pour le suffrage des femmes et occupa le poste de vice-présidente au niveau international de l’association. Mais elle est aussi une nataliste très impliquée et reconnue (elle fut membre du Conseil supérieur de la natalité), ce qui l’amena à dénoncer la «stérilité volontaire» et à réclamer la répression du «crime» d’avortement. Ses efforts ont contribué au vote de la loi de 1920 qui renforce la pénalisation de l’avortement. Selon elle, la survie de la «race» française affaiblie par la Première Guerre mondiale est en jeu. Elle a publié une brochure au titre assez saisissant: Mères de la patrie ou traîtres à la patrie (1919). De son côté, Madeleine Pelletier, néo-malthusienne, libre-penseuse, est la première féministe à défendre le droit à l’avortement, qu’elle pratique clandestinement: elle sera finalement dénoncée et placée dans un asile où elle mourra dans une détresse absolue. Elle défend la contraception et milite à la Ligue mondiale pour la réforme sexuelle. La première était mère de six enfants. La seconde revendiquait d’être restée vierge par refus de l’asservissement.

L’antiféminisme est, bien sûr, aussi présent dans les mouvements alliés du féminisme: il transcende les clivages politiques, cela a souvent été dit même si le socle réactionnaire doit rester un repère. Au nom du respect de la Nature, des écologistes vont ainsi s’opposer à la contraception, que l’on peut bien retenir comme un identifiant du féminisme4En mai 2014, le leader paysan anti-OGM José Bové, tête de liste pour les Verts aux élections européennes, s’est déclaré hostile à la procréation médicalement assistée, défendue par son propre parti, par les féministes et par le mouvement LGBT. Il le fait au nom du refus de l’instrumentalisation du vivant sans distinguer parmi les usagères les hétérosexuelles des homosexuelles.. Tirant profit de la connotation progressiste de l’écologie, les manifestants contre le mariage pour tous vont s’approprier, par exemple, le concept d’«écologie humaine»5Le Courant pour une écologie humaine a été lancé en mars 2013 par Tugdual Derville (militant Pro-Vie, anti-Pacs, très actif dans la Manif pour tous), Gilles Hériard-Dubreuil et Pierre-Yves Gomez., opérant ainsi un brouillage sémantique redoutable.

«Les outils du maître ne démoliront jamais la maison du maître», écrivait la poétesse et militante du black feminism Audre Lorde (2003: 119). On n’analyse pas non plus la maison avec ses outils. Il faut en forger de nouveaux. C’est pourquoi l’invention féministe de la notion de lesbophobie est fondamentale. Il aura fallu attendre les années 1990 pour mettre en évidence, grâce à un seul mot, ce qu’a de spécifique l’homophobie visant les femmes (le terme homophobie n’était alors pas bien vieux: il apparaît, traduit en français de l’anglais, en 1975). En France, c’est la Coordination lesbienne qui lance le mot6Voir l’article de la présidente de la CLF, Raymonde Gérard, «Lesbophobie», dans Dictionnaire de l’homophobie, sous la dir. de Louis-Georges Tin (2003).. L’existence même de cette organisation indique le besoin d’autonomie pour la cause lesbienne, entre alliances et conflits avec, d’une part, le mouvement aujourd’hui dit LGBT et, d’autre part, le mouvement féministe. Pendant longtemps, très longtemps, il n’y eut pas de mot pour décrire simplement et précisément l’hostilité à l’égard des lesbiennes. Bien sûr, l’usage du terme «homophobie» reste utile pour tout ce qui relève du sort commun des homosexuels. Mais la lesbophobie rappelle que le sexe et le genre créent un clivage, produit d’une longue histoire. Les lesbiennes sont doublement victimes de discriminations: comme femmes et comme lesbiennes7Voir par exemple Stéphanie Arc (2006).. Leur histoire s’inscrit pleinement dans tout ce qui a été déjà bien repéré pour l’histoire des femmes en général: inégalité, discriminations, pression hétérosexuelle forte, restriction des libertés, de l’autonomie, etc. L’usage hétérosexuel de l’érotisme lesbien est une spécificité, sans équivalent du côté masculin. Mais le plus frappant est certainement le silence, la discrétion, l’invisibilité qui sont, pour les lesbiennes, des ingrédients de la répression spécifique qu’elles subissent.

Ce silence prend fin au début des années 1970. Comme l’indique le titre d’un tract «historique» que distribuent des lesbiennes lors des Journées de dénonciation des crimes contre les femmes qui ont lieu à Paris les 14-15 mai 1972: «Femmes qui refusons les rôles d’épouse et de mère, l’heure est venue, du fond du silence il nous faut parler» (Picq, 2011: 183 ). Et elles prennent effectivement la parole, demandant aux homosexuelles présentes dans la salle de monter à la tribune. Cela suppose d’assumer une différence entre femmes à une époque où le mouvement se voulait encore fusionnel8Voir Christine Bard (2004): «Le lesbianisme comme construction politique». Sur ce sujet, une thèse est en cours : Ilana Eloit (LES, Londres).. Mais il apparaît nécessaire déjà de déchirer les illusions du «nous les femmes», parfois ressenti comme une forme déguisée et très performante de lesbophobie.

La négation de l’existence lesbienne remonte à fort loin. Dans l’Antiquité, les sources sont plus que minimalistes9Voir les travaux de Sandra Boehringer, notamment sa thèse: L’Homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine (2007).. Les mots manquent et, quand ils existent, ils sont rarement employés. Le contraste est grand avec la présence culturelle de la pédérastie. L’homosexualité féminine, comportement hors-norme, est pour l’essentiel commentée par des astrologues qui expliquent par l’influence des astres le dérèglement des tribades. Les auteurs latins de l’époque impériale décrivent un spectacle monstrueux et étonnant, coupé de toute réalité.

Cette inexistence se retrouve, on le sait, dans bien des États qui ne répriment que l’homosexualité masculine. Un projet de pénalisation du lesbianisme sera abandonné au Royaume-Uni dans les années 1920 par peur de faire de la publicité indirecte pour cette «déviance». En Allemagne, le paragraphe 175 du Code pénal ne concerne que les hommes. Durci sous le IIIe Reich, il conduit de nombreux homosexuels dans les camps avec un triangle rose10Voir, entre autres, Régis Schlagdenhaussen(2011).. La répression du lesbianisme ne prend pas les mêmes formes. L’invisibilité, multiforme, alimentera au sein du mouvement LGBT des tensions sur la reproduction des rapports sociaux de sexe. Comment ne pas éprouver alors le sentiment d’être doublement minorisée dans la minorité: minorité parmi les homosexuels-les, minorité parmi les femmes, groupe majoritaire mais minorisé? Minorité parmi les homosexuels-les, semble-t-il, si l’on se fie aux grandes enquêtes sur les pratiques sexuelles ou si l’on se réfère aux chiffres récents sur le mariage entre personnes de même sexe. Ce déséquilibre est généralement expliqué par la contrainte à l’hétérosexualité, plus forte pour les femmes, qui ont tendance également à rechercher la protection dans la discrétion et l’invisibilité sociales.

La minorité dans la minorité est évidemment exposée à des complexes et peut se laisser, dans son expression militante, entraîner dans une sorte de «concurrence des victimes» (Chaumont: 1997). Les sociétés contemporaines accordent une place plus importante qu’autrefois aux victimes d’une manière générale. Les luttes féministes contre les violences masculines y ont contribué; cette ambiance militante s’éloigne de l’atmosphère libertaire hédoniste et utopiste qui était celle des débuts du Mouvement de libération des femmes (MLF) et du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), juste après Mai 68. La discrimination est devenue une catégorie essentielle de l’action militante concernant le sexe et l’orientation sexuelle. De même que la prévention des «phobies»: n’oublions pas que l’invention lexicale de la lesbophobie correspond à la multiplication des néologismes construits à partir de «phobie».

C’est dans ce contexte qu’il faut situer l’invention du concept de lesbophobie. L’utilisation de ce précieux outil –heuristique– n’exclut pas l’usage du terme dont il est issu: homophobie. Au-delà des différences entre lesbiennes, gais et trans, il existe bien une haine homophobe indistincte et une haine visant spécialement les gais ou spécialement les trans qui a un impact sur la cause des femmes et la cause lesbienne. Que cette indistinction dans le terme homophobie soit en réalité androcentrée ne peut nous surprendre. C’est l’ordre genré du monde et de nos représentations qui en est responsable. Par ailleurs, les gais sont visés par une haine spécifique visant à les punir d’être des hommes qui sortent de la masculinité hégémonique. De ne pas être de vrais hommes. D’avoir des pratiques féminisantes. 

Il serait aussi regrettable de ne pas mesurer la place prise par la transphobie. Ainsi, la campagne actuelle contre la «théorie du genre» en France ne vise pas principalement les études sur le genre et celles et ceux qui les mènent et les transmettent. Elle concerne la possibilité de changer d’identité de genre. «Voulez-vous que votre fils devienne une fille?», résume un tract distribué en 2013 contre les actions d’éducation non-sexistes. Que cette campagne commence alors que les questions trans sont à l’agenda politique dans de nombreux pays, dont certains viennent de reconnaître le droit à la non-déclaration du sexe, n’est pas un hasard.

S’il faut bien tenir compte des critiques féministes adressées au terme «homophobie», bien synthétisées par Line Chamberland et Christelle Lebreton, conseillant l’emploi d’«hétérosexisme» (Chamberland, Lebreton, 2012), il paraît toujours nécessaire de nommer la haine visant l’homosexualité en général. De ce sort commun témoigne par exemple le mot «homosexualisme» pour désigner de manière péjorative une manière «homosexuelle» de voir l’humain et le monde qui correspondrait à une «anthropologie» fondée sur la production de soi, l’hédonisme, la «culture de mort».

 

Une traversée diachronique de la haine à deux têtes

Cette haine procède du fantasme du dominant craignant de voir sa domination menacée. Ce qui est logique, et, en même temps, pendant plusieurs siècles, improbable. De l’antiféminisme il est dit souvent qu’il est une «réaction»11L’introduction d’Anne-Marie Devreux et de Diane Lamoureux aux Cahiers du genre / Recherches féministes sur Les antiféminismes commence par cette phrase: «L’antiféminisme est une réaction» (n° 52, 2012).. Précisons qu’il s’agit d’une réaction par anticipation. Le féminisme n’existe pas à Athènes quand Aristophane imagine la grève des femmes. Les Amazones ont tout du mythe. Il n’y a aucune guerre des sexes en vue quand les humoristes du XVIe et XVIIe siècles imaginent un monde à l’envers rendu chaotique par la prise du pouvoir des femmes. Il n’y a aucune citoyenne révolutionnaire en pantalon quand Amar, au nom du Comité de salut public, prend le prétexte de ce pantalon imaginaire pour fermer les clubs de femmes en 1793. Il n’y a aucune Vésuvienne en activité dans le Paris révolutionnaire de 1848. L’antiféminisme a précédé le féminisme12C’est la conclusion que je tire de mes recherches sur l’inversion des rôles, pratiques et symboles sexués, en particulier dans Une histoire politique du pantalon (2010).. L’imagination précède le réel, d’une façon récurrente et troublante13Troublante au point que des historiens-nes du féminisme se sont laissés piéger par ces sources de politique-fiction, prises pour argent comptant..

L’insurrection féministe ainsi imaginée dans la longue durée repose sur des femmes entre elles, défiant l’autorité masculine, se suffisant à elles-mêmes, accédant à une activité dans la sphère publique, ce qui en soi a une connotation virile, les femmes étant plutôt désirées passives dans la sphère privée. Leur homosocialité suggère l’homosexualité. Le ton de ces discours –comédies, articles humoristiques, caricatures, etc.– n’est pas nécessairement violent. Il se veut souvent amusé et amusant.

On ne peut en dire autant de la veine misogyne qui traverse la culture occidentale depuis des siècles. La lesbienne y tient le rôle de l’hyperfemme, intensifiant tous les travers de son sexe. Le texte lesbophobe le plus ancien, en langue française, conservé à Angers, date du XIIe siècle14Ce manuscrit unique est conservé à la bibliothèque municipale d’Angers: le passage lesbophobe concerne les strophes 244 à 282. Il a été repéré et étudié par Frédérique Le Nan (Université d’Angers), que je remercie pour toutes les informations qu’elle m’a communiquées sur cette trouvaille, qu’elle a présentée à la journée d’étude «Injures sexistes et LGBTphobes» du 14 novembre 2014 à l’Université d’Angers.. Le Livre des manières, œuvre d’Étienne de Fougères, évêque de Rennes, très proche du pouvoir (Henri II de Plantagenêt), s’attaque aux femmes infidèles qui séduisent les jeunes gens et les serviteurs et s’adonnent à des relations entre femmes. Ce texte, qui rompt le silence à propos des pratiques saphiques, alors que la littérature et la poésie du Moyen Âge n’ignorent pas les sodomites, animalise les femmes, sexe perfide, et appelle à lancer les chiens contre cette «volaille» aux pratiques contre-nature, à leur jeter pierres et bâtons, à les rouer de coups avant de les tuer. Ces appels au meurtre sont banals dans la culture hétérosexiste. Au XIXe siècle, ils sont encore courants. Proudhon l’anarchiste est connu pour la violence misogyne de ses menaces à propos des «femmes insoumises»: un qualificatif qui rassemble à la fois les émancipées et les homosexuelles échappant au contrôle masculin.

Nous avons donc affaire, pendant longtemps, à une créature de fiction que l’on pourrait appeler lesboféministe. Elle hante l’imaginaire des poètes, des essayistes, des moralistes, des hommes d’Église, des scientifiques, des peintres, des humoristes… Fatale (pour les hommes, pour elle-même), elle est dangereuse, dominatrice, castratrice, écrasante, géante, engloutissante15Sur une éruption spectaculaire dans la littérature dite fin-de-siècle, voir Mireille Dottin-Orsini, 1993. … Hyperféminine, parée, bijoutée, elle séduit avec ses courbes, sa chevelure, armée de tous les sortilèges du féminin.

Fin XIXe siècle, le discours psychiatrique cerne la dangerosité de la lesbienne, hypersexuelle, hyposexuelle, stérile. Hypersexualité: la femme homosexuelle est par nécessité active, tandis que la femme hétérosexuelle se doit d’être passive. Elle est souvent assimilée à la prostituée. La femme homosexuelle est aussi l’inverse: hyposexuelle dans une société qui définit la sexualité par le coït avec pénétration du membre viril, la sexualité entre femmes semble ne pas pouvoir exister. Enfin, elle est stérile, dans une société marquée par des prescriptions religieuses qui considèrent la reproduction comme la seule fin de la sexualité. Or cette stérilité angoisse à partir de la fin du XIXe siècle, quand la peur de la «dénatalité» alimente celle de la dégénérescence. L’essor conjoint du féminisme, de l’émancipation sociale des femmes et de la visibilité homosexuelle, à travers, par exemple, l’explosion de discours sur le 3e sexe, est un phénomène remarqué (Murat, 2006). L’antiféminisme prend appui sur la stigmatisation de l’homosexualité pour dénoncer les féministes. Les féministes de cette époque abordent peu les réalités homosexuelles et affichent généralement une hétérosexualité rassurante pour l’opinion publique. La cause féministe ne sert alors la cause homosexuelle que très indirectement.

Entrons maintenant dans une deuxième phase de l’histoire de la haine à deux têtes: celle qui s’attaque à un féminisme devenu un véritable mouvement avec ses associations, ses journaux, ses militantes et ses militants, ses icônes… À partir du dernier tiers du XIXe siècle, donc. Le féminisme devient un enjeu politique clivant. Pour les uns, c’est un des ingrédients de la modernisation et de la démocratisation. Pour les autres, un danger, une aberration, une folie. Le statut de l’homosexualité change également. Très visible dans la littérature, sur la scène culturelle d’une manière générale. Très visible aussi dans les publications des psychiatres et des sexologues, qui en font une perversion. L’invention du terme «homosexuel» peut dater le début d’un militantisme gai, une cause que défend particulièrement Magnus Hirschfeld, en Allemagne, mais peu relayée en France (Tamagne, 2000). Dans le féminisme français, c’est le silence total sur l’homosexualité féminine. D’où l’intérêt du Deuxième Sexe de Beauvoir (1949), qui consacre un chapitre entier à la lesbienne, celui qui fera le plus scandale16Voir, par exemple, Cinquantenaire du Deuxième sexe (Delphy et Chaperon, 2002).. On est aujourd’hui sensible à certains propos lesbophobes de Beauvoir sur l’homosexualité comme refus de l’altérité, enfermement, mutilation, immanence, d’autant plus que les publications posthumes ont montré qu’elle n’avait pas assumé publiquement ses relations homosexuelles. Mais on doit aussi reconnaître que dans ces pages contradictoires, elle affirme aussi que le lesbianisme est un choix de vie légitime, égalitaire, propice à la réalisation de soi-même. 

Le silence du féminisme français sur l’homosexualité est assourdissant. À peine est-il brisé par la condamnation morale de la garçonne, «type social» de la jeune fille sexuellement affranchie, symptôme d’années «folles» au point de faire l’apologie de l’inversion des genres. Les féministes condamnent cette figure popularisée par le roman de Victor Margueritte, qui provoque un scandale énorme en 1922 (Bard, 1998).

De leur côté, les antiféministes ne se gênent pas pour procéder à des amalgames et désigner comme féministes toutes sortes de personnalités féminines sulfureuses. Ce commentaire haineux de Théodore Joran sur la poétesse Renée Vivien en 1908 est un exemple parmi d’autres :

Le féminisme, qui était au début la monomanie de l’égalité, est devenu l’apologie de l’instinct bestial. Il exhale une odeur équivoque de luxure. L’une de nos plus éhontées féministes, une certaine Renée Vivien, ne s’est-elle pas faite, dans un livre de mauvais vers, que les femmes riment dans leurs moments éperdus, la prêtresse moderne des «amours lesbiennes»? Cette Sapho mêle sans cesse à son «lyrisme» des déclarations féministes (Joran, 1908: 27).

Le milieu saphique parisien autour de Natalie Clifford Barney a alors peu de liens avec les féministes, qui partagent les convictions lesbophobes de leur temps, quand elles se risquent à se prononcer sur un sujet aussi délicat. En 1923 par exemple, Marguerite Guépet évoque ces «femmes dénaturées et gangrénées par un mauvais milieu qui n’engagent pas toute la féminité» (Bard, 1995: 197). Mais il est vrai que l’expression littéraire et artistique d’un certain nombre de femmes assumant leur homosexualité, à la Belle Époque ou dans les années 1920, porte des messages féministes, en tout cas interprétés comme tels. Femmes sans hommes. Femmes indépendantes. Femmes ne se définissant pas par la maternité. Femmes actives dans le désir et le plaisir. Femmes défiant la morale et l’ordre établis. Ce type de femmes pourrait effectivement personnifier le féminisme, alors même que ce dernier ne se reconnaît pas en elles et qu’elles ne se reconnaissent pas en lui. Avant Mai 68, l’homosexualité mondaine se situe plutôt à droite. On peut accepter son homosexualité et l’assumer publiquement sans pour autant vouloir changer l’ordre social. L’identification au modèle viril le plus viriloïde explique en partie l’engagement nazi de la lesbienne la plus populaire de l’entre-deux-guerres en France, la sportive Violette Morris. À l’inverse, l’artiste surréaliste Claude Cahun, pionnière de l’autoportrait transgenre, s’engage dans l’antifascisme, puis dans la résistance.

Nous entrons dans une troisième phase après Mai 68, avec, côte à côte, un mouvement féministe radical, le MLF, né en 1970, et un mouvement de libération homosexuel, le FHAR –Front homosexuel d’action révolutionnaire– constitué en 1971. Et à l’interface: des lesbiennes. Alors que des militantes vendent le «menstruel» féministe Le Torchon brûle, un passant s’exclame «Tiens, les gouines rouges!»17Entretien de l’auteure avec Christine Delphy, 1er février 2001.. C’est cette remarque ironique qui inspire le nom du premier groupe féministe et lesbien, créé en France en 1971: les Gouines rouges.

Le fantasme antiféministe lesbophobe trouve désormais un point d’appui dans la réalité avec l’existence d’un féminisme radical et d’une visibilité lesbienne militante (Bard, 2004). Entre les femmes et les homosexuels-les des deux sexes, la proximité est grande: synchronie des luttes, répertoire d’action proche (importance de l’humour et du retournement du stigmate), liberté de disposer de son corps et de choisir sa sexualité.

L’intensité de la mobilisation accroît-elle l’opposition? Selon Didier Eribon, «la répression de l’homosexualité a historiquement nourri la détermination de l’exprimer» (Eribon, 1999: 19) et, ajoute Louis-Georges Tin, «à son tour, la détermination de l’exprimer a historiquement renforcé le désir de réprimer l’homosexualité» (Tin, 2000: 9). L’hostilité à deux têtes s’exprime de manière diffuse. Des groupes spécialisés se créent, en s’adaptant à l’agenda politique. 1971: c’est la création de l’association française anti-avortement Laissez-les-vivre, présidé par le professeur Jérôme Lejeune. En 1979, pour la confirmation de la loi Veil, en 1982, pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), des manifestations rassemblent 40 à 50 000 personnes. En 1987, le mouvement pro-vie est relancé avec des commandos contre les cliniques où sont pratiquées les IVG, jusqu’à la création du délit d’entrave à IVG en 1993. Nous sommes alors en plein backlash et l’antiféminisme sort à découvert. Le mouvement lesbien, lui, s’autonomise.

Au tournant des années 2000, une troisième vague féministe se forme. Elle dénonce d’emblée l’hétérosexisme et s’approprie la pensée queer, les revendications des lesbiennes, gays, bisexuels-les et trans (LGBT), le concept de genre. C’est autour de deux enjeux d’égalité que se cristallise l’homophobie dans les années suivantes: le débat sur le pacte civil de solidarité (PACS), adopté en 1999, puis le mariage pour tous, adopté en 2013. Distinguer dans ces débats la gaiphobie de la lesbophobie paraît difficile, mais, chose certaine, on retrouve l’habituelle survisibilité masculine. L’antiféminisme y est bien présent, par exemple sous la forme d’un groupe appelé les Antigones, qui s’oppose aux Femen, guerrières féministes qui viennent perturber les défilés de la Manif pour tous. Des Hommen singent les Femen, torses nus mais visages masqués dans les manifestations. Enfin, les «pères perchés», «papas grimpeurs», «pères en colère» –des divorcés réclamant la garde de leurs enfants, se postant en haut de grues ou sur le toit de bâtiments– introduisent en France un discours masculiniste jusque-là peu présent. Simultanément à l’opposition au mariage des homosexuels-les apparaît une campagne très forte contre la «théorie du genre» qui cumule l’antiféminisme, l’homophobie, la transphobie et l’opposition au gouvernement socialiste18Voir par exemple, Laure Bereni et Mathieu Trachman (2014)..

Aujourd’hui, le discours antiféministe-lesbophobe, comme à l’époque de la première vague féministe, s’appuie sur les forces réactionnaires traditionnellement à droite, à l’extrême droite, dans l’Église catholique. Ses références intellectuelles ne sont pas spécialement en position de force institutionnelle, à l’exception du juriste spécialiste de la filiation Pierre Legendre. Mais est-ce un problème pour ceux qui placent l’université et la recherche en sciences humaines et sociales dans le système à combattre? Et puis dans le monde étudiant intervient l’Union Nationale Inter-universitaire (UNI). Un observatoire de la théorie du genre demande l’exclusion de l’université des enseignants-es et chercheurs-es spécialistes du genre. Parmi les opposants au mariage pour tous et à la théorie du genre, les jeunes sont nombreux. L’hebdomadaire Le Nouvel Observateur fait sa couverture le 13 février 2014 avec le titre «Génération réac». Or on remarque la perte d’influence chez les jeunes des références intellectuelles de leurs aînés. De plus, dans la famille conservatrice, les capitaux intellectuels du domaine des «sciences humaines et sociales» ne sont pas valorisés. Internet et la télévision sont des caisses de résonnance «modernes» pour des idées qui, elles, n’ont rien de nouveau.

 

Une rhétorique inoxydable

La rhétorique de la haine bicéphale défie le temps qui passe, même si, à la marge, elle est renforcée par des arguments exogènes à la pensée traditionaliste réactionnaire. On distinguera ici la critique du mouvement, de ses protagonistes, de ses méthodes d’une part, et la critique de sa pensée et de ses objectifs d’autre part. On s’appuiera principalement sur trois personnalités ayant une grande audience médiatique, mais représentant des sensibilités différentes: Alain Soral, Eric Zemmour et Michel Schneider. Le premier, ex-communiste, antisémite, se définit aujourd’hui comme national-socialiste. Il a publié en 1999 Vers la féminisation? Démontage d’un complot antidémocratique, réédité en 2007 avec un autre sous-titre: Pour comprendre l’arrivée des femmes au pouvoir. Le second, journaliste, réactionnaire, déplore, d’essai en essai, le déclin d’une France en perte d’identité livrée aux femmes, aux homosexuels-les et aux immigrés-es. Il a publié en 2006 Le Premier sexe. Le troisième, ancien haut fonctionnaire, écrivain et psychanalyste, fustige la «confusion des sexes», titre d’un de ses ouvrages, paru en 2007.

La disqualification de la cause passe depuis longtemps par celle des moyens militants qu’elle se donne, ou plutôt qu’on lui prête: la méconnaissance est grande et l’imagination s’emporte souvent. À l’époque de la première vague, en l’absence de militantisme homosexuel, l’importance du féminisme est soit minorée, soit exagérée. Le féminisme prétend être représentatif des femmes mais ne l’est pas: il compte peu de militantes. Les hommes qui rejoignent le mouvement dans les groupes mixtes, voire masculins, comme la Ligue des électeurs pour le vote des femmes, sont encore moins représentatifs. La pathologisation du féminisme impacte l’image de ses protagonistes. Madeleine Pelletier, déjà évoquée, mériterait, selon Théodore Joran, d’être internée en prison ou dans un asile où elle pourrait «tout à son aise caresser son rêve de chiennerie universelle» (Joran, 1908)19Cité par Christine Bard (1992: 7).. L’écart à la norme est folie, danger dont il faut protéger la société. La lesbophobie, fin XIXe siècle, était déjà une manière de dépeindre un féminisme immoral et décadent.

Plus que d’autres mouvements, le mouvement féministe est stigmatisé à travers l’image donnée de ses militantes qui, laides et desséchées, découragent l’amour (hétérosexuel). À cette force souvent jugée dérisoire –des troupes maigres, concentrées dans les beaux quartiers de Paris– on prête en même temps une influence extraordinaire. Une toute puissance louche qui suppose des accointances avec d’autres forces elles aussi suspectes: les francs-maçons, les juifs, les protestants, etc. Ces éléments déjà posés au XIXe siècle survivent jusqu’à nos jours. Véhiculés par l’extrême droite et le clergé catholique pendant des décennies, ils ont marqué la conscience collective et ont eu leur heure de gloire avec le maréchal Pétain pendant la période de la Collaboration. L’emploi par le Vatican du terme «lobby», largement repris aujourd’hui, parfois «innocemment», représente une victoire lexicale et symbolique pour les opposants à l’égalité des droits. L’évocation d’un lobby féministe, gai et lesbien ne peut que renvoyer dans l’imaginaire à des mythes entretenus par l’extrême droite sur les forces occultes qui mènent le monde, derrière les apparences de la vie démocratique. Le lobby est par nature illégitime. C’est une désignation illégitimante.

Pour Alain Soral, il y a même une mise en abyme du complot puisque, selon lui, le féminisme associé à ses alliés LGBT est manipulé; il est le jouet de l’oligarchie. Sa thèse est celle d’un «démontage d’un complot antidémocratique»: ici la misogynie s’invite. La femme étant par définition «l’être du désintérêt politique (littéralement un homme sans vision collective d’avenir», l’oligarchie a choisi d’en faire le relais privilégié de son pouvoir. D’où la parité: la féminisation du pouvoir traduit selon Soralle recul de la démocratie.

L’autre mot-clé du lexique de la dénonciation est «communautarisme», qu’il faut comprendre dans le contexte républicain français où l’universalisme est la référence politique dominante, l’expression de «communautés» n’y ayant en principe pas sa place. L’épouvantail communautariste jouant sur des réflexes toujours vifs d’anglophobie et d’américanophobie est présent à gauche comme à droite, ce qui en fait une invective un peu floue mais efficace, dans le sens où elle a un goût d’évidence. Le communautarisme consiste à préférer le même, voire à construire toutes ses relations sociales avec le même: il donne une forme idéale à une cause elle-même considérée comme un refus de l’altérité (de l’altérité de genre pour les féministes et pour les homosexuels-les; haine des hommes, androphobie des féministes).

Mais un problème sociologique surgit: «les femmes», ou «les homosexuels-les», est-ce des «communautés»? On sent bien qu’il faut dire oui pour que l’accusation tienne même si le bon sens se rebelle. La moitié de l’humanité peut-elle faire communauté? Non, alors, on y revient, le féminisme est réduit à l’expression d’une fraction socioculturelle moderniste, atypique, privilégiée.

Le féminisme et le militantisme homosexuel seraient sans objet car ni les femmes, ni les homosexuels-les ne formeraient de groupes sociaux partageant une condition commune. Seules les femmes «immatures» peuvent croire à l’existence d’une condition féminine, ou les «gays» (homosexuels du secteur tertiaire) car, explique Alain Soral, «se faire enculer n’[est] pas une activité productive mais une activité de loisir» (Soral, 1999: 65). Cette variante de la pensée antiféministe-homophobe s’inspire de Michel Clousclard, auteur marxiste qui eut une petite influence dans les années de formation d’Alain Soral (soit les années 1980). 

Les gais forment selon lui une sorte de classe de profiteurs inutiles: les classant en socio-styles20Il est important pour saisir ce mode de pensée de savoir que Soral est un des co-auteurs d’un livre à succès dans les années 1980, Les Mouvements de mode expliqués aux parents., il distingue le «pédé littéraire» qui encule «le petit Arabe en toute décomplexion», le «pédé commerçant (genre antiquaire)» qui encule «le petit Arabe pauvre contre dirhams», le «pédé intello-gauchiste (depuis mai 68), style fac de Vincennes», qui encule «le petit Arabe mais ici, grâce à l’immigration des Trente glorieuses, au nom cette fois du désir révolutionnaire» (Soral, 1999: 177). Alain Soral prolonge cette liste pour démontrer que la diversité de la galaxie homosexuelle est telle que parler d’un «parti des homosexuels» est une imposture. Le mouvement LGBT ne peut être le porte-parole d’une communauté qui n’existe pas.

Il faut sans doute aussi faire une place au mot «prosélytisme», souvent associé aux actions contre les discriminations menées dans les écoles21Signe des temps, à la suite de poursuites engagées par la Confédération nationale des associations familiales catholiques, SOS homophobie a perdu le 23 novembre 2012 l’agrément que lui avait donné le ministère de l’Éducation nationale en 2009 et qui en faisait une «association éducative complémentaire de l’enseignement public»., réfléchir à l’imaginaire du mot, qui évoque le dynamisme des sectes et révèle une croyance largement répandue dans le monde homophobe selon laquelle un prosélytisme réussi pourrait rendre homosexuel un enfant ou un adolescent. Selon ce fantasme, il serait donc possible de «rendre homosexuel», comme on «rend» une fille «virile» lorsqu’on l’incite, sous l’influence du féminisme, à faire du sport ou à s’orienter vers des métiers «masculins».

Le prosélytisme est la face douce et persuasive du militantisme tant décrié. Son autre visage est celui de la «guerre des sexes» entretenue dans les médias par des choix de vocabulaires ou d’images qui ne reflètent pas l’ensemble de la cause. Les Femen ont joué sur ce registre, avec un grand succès médiatique. Il va de soi que dans le répertoire d’action, dans les rues, l’humour, la nudité, la sexualité ou l’érotisme –des gogo danseurs en string sur les chars des marches de la fierté LGBT aux kiss-in– relient féminisme et homosexualité dans la même réprobation. 

Julien Gérard. 2012. «Le Baiser de Marseilles» [Photo]
Le «baiser de Marseille», qui a perturbé, le 23 octobre 2012, la Manif pour tous à Marseille. Les deux protagonistes de ce baiser se déclarent hétérosexuelles et solidaires de la cause homosexuelle.

Julien Gérard. 2012. «Le Baiser de Marseilles» [Photo]
Le «baiser de Marseille», qui a perturbé, le 23 octobre 2012, la Manif pour tous à Marseille. Les deux protagonistes de ce baiser se déclarent hétérosexuelles et solidaires de la cause homosexuelle.
(Credit : http://i.huffpost.com/gen/830232/original.jpg)

Résumons-nous avec une citation d’Éric Zemmour reprenant plusieurs éléments:

Les mêmes mots, les mêmes rejets, les mêmes engouements se retrouvent ainsi chez les militants homosexuels et féministes, au point que l’on peut parler d’alliance objective. Les rares hommes politiques qui assument ou revendiquent leur homosexualité sont aussi les féministes les plus ostentatoires. Il y a une rencontre sociologique, au cœur des grandes villes, entre homosexuels, militants ou pas, et femmes modernes, pour la plupart célibataires ou divorcées. Le cœur de cible de ce fameux électorat bobo. Même revenus, mêmes modes de vie, même idéologie «moderniste», «tolérante», multiculturelle. […] L’alliance n’est pas le fruit du hasard. Le féminisme est une machine à fabriquer du même. Or le désir, lui, repose sur l’attraction des différences. En réduisant les potentialités de désir entre femmes et hommes, le féminisme faisait un bon travail pour les homosexuels, il éloignait les hommes des femmes, il étendait le champ d’action des homosexuels. Les féministes s’y retrouvaient aussi car elles ont toujours considéré, en le disant ou sans oser le dire, la pénétration comme une conquête, une invasion, un viol, même lorsqu’elle est consentie. Ce qui n’est d’ailleurs pas faux. […] Au fil du temps, les femmes sont devenues les otages des homosexuels. Elles ont lié leur sort à celui de leurs ennemis (Zemmour, 2006: 25). 

La rhétorique «anti» se déploie au nom de la morale, au nom de l’ordre divin, au nom de l’ordre social, au nom de l’ordre de la nature, au nom de l’ordre juridique, au nom de l’ordre symbolique, etc.  Bref, au nom de l’ordre. Féminisme et luttes LGBT créent le désordre dans un monde pourtant parfaitement conçu selon l’harmonieuse complémentarité des sexes. La force de cette rhétorique est de jouer sur des évidences: il y a deux sexes, faits l’un pour l’autre. Un militant de Civitas lors d’une réunion publique s’exclame par exemple qu’un pénis est fait pour rentrer dans un vagin22Entendu dans une émission de France Culture, le 7 novembre 2012 : http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-civitas-2012-11-07. Consulté le 19 avril 2016. Civitas est une association catholique intégriste.. Le retour au biologique n’épargne pas certains psychanalystes, tel Michel Schneider: 

Il y a, dans la position d’avoir des enfants sans avoir à rentrer en rapport avec le sexe masculin, une peur, une haine, une crainte, une phobie du membre viril, qui fait qu’on essaye d’avoir le produit de l’accouplement sans avoir à passer par l’acte d’accouplement. Là, il y a quand même un fantasme, on a envie de dire «Mesdames, si vous voulez avoir des enfants, il y a un moyen très simple, très économique, qui ne coûte rien à personne, c’est le rapport sexuel avec un homme en chair et en os». Pourquoi avoir besoin de PMA? Pourquoi vouloir être mère quand on a choisi un mode de sexualité qui l’interdit? (Schneider, 2013) 

L’opposition au mariage homosexuel conduit à la dénonciation de la «théorie du genre», car c’est aussi dans le domaine intellectuel que les luttes se sont jouées, comme le voit bien Éric Zemmour:

Tout le travail idéologique des féministes et des militants homosexuels a consisté à «dénaturaliser» la différence des sexes, à montrer le caractère exclusivement culturel, et donc artificiel, des attributs traditionnellement virils et féminins. La déconstruction sexuelle a sapé toutes les certitudes des uns et des autres. C’était le but recherché. (Zemmour, 2006: 26)

Le «on ne naît pas femme, on le devient» de Simone de Beauvoir, largement admis il y a encore quelques années, ne va désormais plus de soi. Pour Michel Schneider,

L’État, qui donne au symbolique sa force de contrainte et de repère pour la société –et non l’inverse– ne doit pas autoriser le mariage et la filiation entre deux personnes de même sexe. Si la sexualité humaine n’est pas simplement «naturelle», elle n’est pas non plus tout entière culturelle, affranchie des lois de la reproduction. (Schneider, 2004)  

Le noyau dur de la rhétorique «anti» se réfère à la tradition. Le retour en force du religieux et spécialement de l’Église catholique est aujourd’hui patent. Le cadrage est donné par le Vatican23Voir la thèse en cours de Sara Garbagnoli (EHESS, Paris): Questo matrimonio non s’ha da fare : le “mariage homosexuel” en Italie (2000-2010): débats, enjeux, dispositions.. Déjà en 2004, le cardinal Ratzinger condamnait le féminisme, vu comme une tentative de la femme de s’ériger en rival de l’homme, ce qui aboutit à la guerre des sexes et à la confusion des identités et des rôles. Il s’alarmait de l’anthropologie du genre et de la mise sur le même plan de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, créant « un modèle nouveau de sexualité polymorphe ». Cette perspective émancipée des prédéterminations de la nature humaine amènerait l’individu à s’autodéterminer. Voilà ce qui menace l’Église elle-même à travers la mise en cause de la masculinité du fils de Dieu, de la culture patriarcale de l’Eglise, du sacerdoce ministériel réservé aux hommes24Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 31 mai 2004 (http://www.vatican.va)..

Notons que la «tradition» n’est pas seulement défendue par des traditionalistes. S’y réfèrent des conservateurs de toutes les cultures religieuses issues du monothéisme. Éric Zemmour en fait par exemple un bon résumé: 

La tradition judéo-chrétienne repose sur cette distinction essentielle, hommes et femmes séparés dans les fonctions et les rôles, séparés dans les lieux de culte (jusqu’à aujourd’hui dans les synagogues). Cette distinction s’inscrit d’ailleurs dans un cadre plus général, distinction entre sacré et profane, pur et impur, privé et public, lait et viande (les juifs n’ont pas le droit de cuire la viande avec du lait), indigène et étranger. C’est une conception du monde qui repose sur la distinction, dans tous les sens du terme. Une conception du monde que la conception moderne des genres vient délibérément subvertir. Toutes les frontières sont ainsi abolies, tout vaut tout, plus de sacré et de profane, plus de privé et de public, plus d’indigène et d’étranger, de pur et d’impur. Plus d’homme ni de femme. C’est une société du désordre qui a supplanté une société de l’ordre. (Zemmour, 2006: 27) 

L’indistinction conduit au désordre. Au désordre de l’ordre du genre, menacé, déstabilisé, voire pour certains déjà complètement écroulé ou inversé. Notons que cette hantise est aussi vieille que le féminisme. Au sens premier, le féminisme est d’ailleurs une pathologie, celle «d’un individu mâle présentant certains caractères secondaires du sexe féminin». Très révélateur, tant les féministes seront décrites comme des femmes masculinisées. Lorsqu’Alexandre Dumas fils emploie ce mot pour la première fois dans son sens moderne, en 1872, dans son pamphlet, L’Homme-femme, dans un passage destiné à montrer que l’égalité contredit la répartition des rôles voulue par la nature. En cela, le féminisme est une pathologie sociale, dangereuse pour les deux sexes:

Les féministes, passez-moi ce néologisme, disent, à très bonnes intentions d’ailleurs: tout le mal vient de ce qu’on ne veut pas reconnaître que la femme est l’égale de l’homme et qu’il faut lui donner la même éducation et les mêmes droits qu’à l’homme; l’homme abuse de sa force, etc., etc. Vous savez le reste. Nous nous permettrons de répondre aux féministes que ce qu’ils disent là n’a aucun sens. La femme n’est pas une valeur égale, supérieure ou inférieure à l’homme, elle est une valeur d’un autre genre, comme elle est un être d’une autre forme et d’une autre fonction. (Dumas, 1872: 91)

Le discours «anti» emprunte parfois la voie paternaliste, pour «protéger» les femmes et les homosexuels d’eux-mêmes. Pour Alain Soral, par exemple, la nocivité du féminisme est prouvée par les difficultés des femmes salariées-consommatrices, doublement dominées par un mari et un patron. Au foyer –référence à l’âge d’or– les femmes étaient bien plus heureuses. Ce discours passe encore mieux quand des femmes et des homosexuels-les se chargent de combattre les droits dont ils et elles pourraient bénéficier. Les exemples sont nombreux. 

À quoi les progrès de l’égalité et de la tolérance aboutissent-ils? Au «troisième sexe», à la virilisation des femmes, à la dévirilisation des hommes, à la disparition programmée du désir hétérosexuel. Citons à nouveau le psychanalyste Michel Schneider: 

L’alliance des homosexuels et des féministes tente d’imposer un modèle de relations entre les sexes où le désir d’un homme pour une femme serait une exception statistique rare, une survivance historique regrettable et le signe d’une déviance à la fois pathologique et pénale qui n’a comme circonstance atténuante que l’amour que se portent les deux partenaires. Le partage masculin entre amour et désir est battu en brèche par la conception féminine d’une sexualité qui ne doit jamais s’exercer en dehors de l’amour. L’homosexualité devient la référence de l’amour et l’amour la justification de l’homosexualité. (Schneider,  2007: 108)

Le résultat? C’est la débandade qu’exprime par exemple le dessinateur Frédéric Pajak dans son roman, La guerre sexuelle, paru en 2004. C’est le désarroi, dit-on, face à des féministes qui, à l’instar des lesbiennes, n’aiment-pas-les-hommes et s’en passent sans regrets25Voir Colette Pipon (2013). Il faut souligner l’extraordinaire récurrence du topo sur la dévirilisation (de l’homme blanc). À l’époque du suffragisme, les opposants au vote des femmes n’hésitaient pas à affirmer que «la femme» devenue électrice aimerait moins son mari (de Callias, 1926: 20) et que l’égalité des droits civiques ferait exploser les couples qui se déchireraient à propos de la politique. Et prenant des formes bien plus graves encore que l’obstruction face aux droits politiques des femmes, la hantise de la dévirilisation a profondément inspiré le virilisme nazi.

À propos des enjeux d’aujourd’hui, autour du mariage, de la filiation, de la procréation médicalement assistée (PMA), de la gestation pour autrui (GPA), de la prostitution, du viol et du harcèlement sexuel, on peut aussi entendre un brouillage idéologique venu d’anticonformistes de gauche: les positions de Marcela Lacub, par exemple, correspondent à un goût de l’incorrection politique assez fort en ce moment (que l’on constate dans le succès populaire de l’humoriste antisémite Dieudonné). Michel Schneider peut se retrouver dans cette famille qui pense se dresser contre la bien-pensance de «Big Mother»26Un pouvoir féminin qui s’est un temps présenté sous les traits de Ségolène Royal, candidate socialiste à l’élection présidentielle de 2007..

Les propos que nous venons de citer sont hétérogènes politiquement mais ils ont en commun une vision négative de la modernité et une perception pessimiste de l’avenir. Décadence, dégénérescence, déclin sont des mots-clés de ces discours. Ils activent des peurs qui dépassent les enjeux déjà décrits à propos de l’égalité des sexes et des sexualités. À l’époque de la première vague, sous l’influence d’une pensée d’extrême droite que diffusaient l’Action française et de vastes associations féminines réactionnaires, l’antiféminisme était déjà associé au nationalisme, à la xénophobie, à l’antisémitisme. L’angoisse provoquée par la baisse de la natalité, baisse qui pouvait sans preuve être imputée au féminisme et à la «mode» de l’inversion sexuelle, occupait beaucoup de place et renvoyait à la crainte de l’immigration et du métissage des races, ainsi qu’au déclin national et à la fragilisation du pays en cas de conflit armé. Les antiféministes les plus délirants redoutaient, surtout après l’hécatombe de la Première Guerre mondiale, l’extinction de ce qu’ils appelaient alors «la race».

Il y a entre le sexisme et le racisme des liens organiques qui trouvent leur écho dans l’opposition conjointe à toute égalité. L’idéologie nazie, qui doit rester au cœur de nos réflexions27Voir, par exemple, Rita Thalmann (1982)., a repris à son compte un antisémitisme qui faisait des juifs les inventeurs et propagateurs du féminisme et de la libération sexuelle. La réalité de la contribution juive à ces combats n’est pas passée inaperçue. On pense, pour la France, par exemple, au socialiste Léon Blum, objet d’une haine féroce qui passe par son homosexualisation dans les caricatures et par le rappel du contenu subversif de son essai Du mariage (1907). On pourrait aussi citer l’antisémitisme visant Simone Veil, survivante d’Auschwitz et accusée de génocide des enfants à naître lorsqu’elle défendait en tant que ministre de la Santé son projet légalisant l’interruption volontaire de grossesse (1974-1975).

On le constate en 2013, au plus fort de l’opposition au mariage pour tous : l’expression d’une forme de haine (l’homophobie) encourage l’expression d’autres haines, bénéficiant de l’ouverture d’un espace d’expression décomplexé. L’exemple le plus éloquent concerne la garde des sceaux Christiane Taubira, qui a porté le projet de loi sur le mariage pour tous. La haine prend la forme d’un racisme de peau: «la guenon mange ta banane» crie une jeune fille brandissant une peau de banane lorsque la ministre vient à Angers le 25 octobre 2013, où elle est accueillie par la Manif pour tous. Au même moment, une candidate du Front national aux élections municipales diffuse le montage de deux photos: celle de Christiane Taubira et celle d’une guenon. Najat Vallaud-Belkacem, devenue ministre de l’Éducation nationale en 2014 après avoir été ministre des Droits des femmes, est aussi victime d’attaques violentes dans les médias reliant ses positions «pro-genre» (à travers le dispositif d’éducation antisexiste: les ABCD de l’égalité) et son identité de jeune femme musulmane d’origine marocaine.

La xénophobie imprègne le discours anti, dessinant une géographie des pays amis et ennemis. Le féminisme, pour les antiféministes, c’est toujours l’ailleurs. Et il en va de même pour l’homosexualité, vice des autres (pour les Français, le vice des Allemands, des Anglais). Pour les homophobes d’Afrique ou du Moyen Orient, le vice occidental. Enfin, du point de vue politique, les idées antiféministes et homophobes conduisent à des positionnements internationaux: pro-allemands pour les Français acquis à ces idées dans les années 1930 et 1940, aujourd’hui pro-russes, anti-américains et anti-israéliens par un antisémitisme qui ne faiblit pas, bien au contraire.

Pour les adversaires de l’égalité, il ne fait aucun doute qu’il y a un seul et même combat à mener contre le féminisme et les luttes LGBT. Avoir un ennemi commun est souvent une raison suffisante pour se sentir proches et faire alliance. Pourtant l’alliance ne va jamais de soi. Les sources de division ne manquent pas; aussi paraît-il important, comme le soulignait sans cesse Audre Lorde, de reconnaître les différences qui existent au sein des vastes ensembles que les luttes politiques désignent comme «femmes» ou «LGBT»28 Dans un texte de 1980, «Âge, race, classe sociale et sexe: les femmes repensent la notion de différence», Lorde explique: «Nous devons dès à présent accepter les différences entre les femmes –qui sont nos égales, ni inférieures ni supérieures– et imaginer de nouvelles façons de nous emparer de ces différences afin d’enrichir nos visions du futur et nos luttes communes». (Lorde, 2003: 135).. Prendre au sérieux l’invective «toutes des lesbiennes !» sans se précipiter pour le nier, c’est en tout cas mettre au jour un discours de haine qui, loin de viser seulement les lesbiennes, s’adresse à l’ensemble des femmes, le plus souvent en activant d’autres haines. 

Le 12 novembre 2014 à Angers, en France, où les deux meilleures ventes du moment dans la catégorie Essais/documents sont Le suicide français, d’Éric Zemmour, et Merci pour ce moment, de Valérie Trierweiler (L’Obs, 6/11/2014).

 

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  • 1
    La revue Prochoix joue un rôle important, de même que le Planning familial.
  • 2
    C’est l’historienne allemande Karin Windaus-Walser qui a utilisé cette expression pour critiquer le penchant de ses contemporaines historiennes féministes allemandes à laver les femmes de toute implication dans le nazisme parce qu’elles étaient «dominées» par les hommes. Voir «La “grâce de la naissance féminine”: un bilan» (Kandel , 2004: 225-235).
  • 3
    Exemples tirés de ma thèse: Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes 1914-1940 (1995).
  • 4
    En mai 2014, le leader paysan anti-OGM José Bové, tête de liste pour les Verts aux élections européennes, s’est déclaré hostile à la procréation médicalement assistée, défendue par son propre parti, par les féministes et par le mouvement LGBT. Il le fait au nom du refus de l’instrumentalisation du vivant sans distinguer parmi les usagères les hétérosexuelles des homosexuelles.
  • 5
    Le Courant pour une écologie humaine a été lancé en mars 2013 par Tugdual Derville (militant Pro-Vie, anti-Pacs, très actif dans la Manif pour tous), Gilles Hériard-Dubreuil et Pierre-Yves Gomez.
  • 6
    Voir l’article de la présidente de la CLF, Raymonde Gérard, «Lesbophobie», dans Dictionnaire de l’homophobie, sous la dir. de Louis-Georges Tin (2003).
  • 7
    Voir par exemple Stéphanie Arc (2006).
  • 8
    Voir Christine Bard (2004): «Le lesbianisme comme construction politique». Sur ce sujet, une thèse est en cours : Ilana Eloit (LES, Londres).
  • 9
    Voir les travaux de Sandra Boehringer, notamment sa thèse: L’Homosexualité féminine dans l’Antiquité grecque et romaine (2007).
  • 10
    Voir, entre autres, Régis Schlagdenhaussen(2011).
  • 11
    L’introduction d’Anne-Marie Devreux et de Diane Lamoureux aux Cahiers du genre / Recherches féministes sur Les antiféminismes commence par cette phrase: «L’antiféminisme est une réaction» (n° 52, 2012).
  • 12
    C’est la conclusion que je tire de mes recherches sur l’inversion des rôles, pratiques et symboles sexués, en particulier dans Une histoire politique du pantalon (2010).
  • 13
    Troublante au point que des historiens-nes du féminisme se sont laissés piéger par ces sources de politique-fiction, prises pour argent comptant.
  • 14
    Ce manuscrit unique est conservé à la bibliothèque municipale d’Angers: le passage lesbophobe concerne les strophes 244 à 282. Il a été repéré et étudié par Frédérique Le Nan (Université d’Angers), que je remercie pour toutes les informations qu’elle m’a communiquées sur cette trouvaille, qu’elle a présentée à la journée d’étude «Injures sexistes et LGBTphobes» du 14 novembre 2014 à l’Université d’Angers.
  • 15
    Sur une éruption spectaculaire dans la littérature dite fin-de-siècle, voir Mireille Dottin-Orsini, 1993.
  • 16
    Voir, par exemple, Cinquantenaire du Deuxième sexe (Delphy et Chaperon, 2002).
  • 17
    Entretien de l’auteure avec Christine Delphy, 1er février 2001.
  • 18
    Voir par exemple, Laure Bereni et Mathieu Trachman (2014).
  • 19
    Cité par Christine Bard (1992: 7).
  • 20
    Il est important pour saisir ce mode de pensée de savoir que Soral est un des co-auteurs d’un livre à succès dans les années 1980, Les Mouvements de mode expliqués aux parents.
  • 21
    Signe des temps, à la suite de poursuites engagées par la Confédération nationale des associations familiales catholiques, SOS homophobie a perdu le 23 novembre 2012 l’agrément que lui avait donné le ministère de l’Éducation nationale en 2009 et qui en faisait une «association éducative complémentaire de l’enseignement public».
  • 22
    Entendu dans une émission de France Culture, le 7 novembre 2012 : http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-civitas-2012-11-07. Consulté le 19 avril 2016. Civitas est une association catholique intégriste.
  • 23
    Voir la thèse en cours de Sara Garbagnoli (EHESS, Paris): Questo matrimonio non s’ha da fare : le “mariage homosexuel” en Italie (2000-2010): débats, enjeux, dispositions.
  • 24
    Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 31 mai 2004 (http://www.vatican.va).
  • 25
    Voir Colette Pipon (2013)
  • 26
    Un pouvoir féminin qui s’est un temps présenté sous les traits de Ségolène Royal, candidate socialiste à l’élection présidentielle de 2007.
  • 27
    Voir, par exemple, Rita Thalmann (1982).
  • 28
    Dans un texte de 1980, «Âge, race, classe sociale et sexe: les femmes repensent la notion de différence», Lorde explique: «Nous devons dès à présent accepter les différences entre les femmes –qui sont nos égales, ni inférieures ni supérieures– et imaginer de nouvelles façons de nous emparer de ces différences afin d’enrichir nos visions du futur et nos luttes communes». (Lorde, 2003: 135).
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