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Le murmure et la Voix: Transcendance, politique et Compagnie chez Samuel Beckett

Stéphane Inkel
couverture
Article paru dans Imaginaire et transcendance, sous la responsabilité de Anne Élaine Cliche, Stéphane Inkel et Alexis Lussier (2003)

Depuis Platon, tout discours politique se voit assujetti à une forme quelconque de transcendance. Aussi bien l’exercice d’une parole que la pratique collective d’une langue ne sauraient se priver du fondement qu’elle instaure. Aujourd’hui, du moins en Occident, le politique n’existe plus. Il a fait place, comme on sait, à un simulacre du modèle démocratique où la liberté d’expression garantie par le 5e amendement n’est plus qu’une parodie, une parole -toujours la même- qui n’appartient plus qu’illusoirement à celui qui l’énonce. C’est ce modèle, visant à l’identité absolue de ses constituantes, que nous exportons partout. Puisque la transcendance platonicienne ne s’applique plus que comme une forme vide sur le politique, une transcendance exsangue, privée du savoir de la «forme» chargée de légitimer toute Politez’a, peut-être le salut du politique réside-t-il dans une pratique qui en ferait l’économie. C’était du moins le projet initial de Foucault dans son Histoire de la sexualité, lorsqu’il affirmait péremptoirement sa dernière conception du pouvoir: «Penser à la fois le sexe sans la loi, et le pouvoir sans le roi». Parce que cette intrication du discours politique et de la transcendance repose sur une mise à l’écart d’une voix cherchant à indiquer sa propre présence, c’est-à-dire son rapport à l’être, plutôt qu’à le signifier, il faut sans doute retourner à la pureté de cette voix pour en rendre compte. Certains romans de Samuel Beckett nous en donne les moyens. Non seulement cherchent-ils à définir la voix, mais ils travaillent parfois à en produire l’exclusion. Celle de la transcendance, justement, chassée du temple de l’écriture pour faire place à la puissance relative et souvent désespérée d’un murmure.

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