Hors collection, 01/01/2012

Les paradoxes de l’altérité et la traversée des cultures dans l’oeuvre de Le Clézio

Rachel Bouvet
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La réception critique de l’oeuvre de Le Clézio a généré un certain nombre de paradoxes. Certains se rapportent à l’identité de l’auteur: s’agit-il d’un auteur français, mauricien, francophone ou bien les trois à la fois? D’autres concernent l’écart entre la première et la deuxième période, l’aridité des premiers textes ayant cédé le pas à une grande fluidité. D’autres encore touchent aux différences de réception selon les publics, cette oeuvre pouvant être considérée comme populaire, si l’on en croit le succès qu’elle a auprès du grand public et des jeunes lecteurs notamment, alors qu’elle a été quelque temps boudée par certains milieux littéraires. J’aimerais pour ma part explorer un autre paradoxe, relatif à la question de l’altérité. Comme le mentionne Marina Salles (2006: 73), l’oeuvre leclézienne «témoigne d’une pensée subtile et complexe, articulée sur la question philosophique de l’altérité.» Dans les textes publiés à partir des années 80, les protagonistes sillonnent des pays très différents les uns des autres, ce qui a pour effet de donner à la dimension culturelle une place prépondérante. Ainsi que le remarque Claude Cavallero (2009: 83), la «géographie interculturelle des romans Onitsha, La quarantaine, Révolutions, Ourania, prime désormais à l’évidence sur l’interrogation formelle […]». Or, si la diversité est très grande, il semble à première vue que les récits soient basés sur une structure d’opposition binaire, renvoyant aux fractures importantes de l’imaginaire: il suffit de penser à la distinction entre le nomadisme et la sédentarité, deux modes de vie aux antipodes l’un de l’autre; à la division entre Orient et Occident, qui constitue une ligne de force de l’imaginaire depuis des siècles; ou encore à la colonisation et à la décolonisation, ayant généré des conflits sanglants entre les peuples. D’où un certain nombre de clivages dans les romans, entre le Nord et le Sud, les colonisés et les colonisateurs, le désert et la ville, les nomades et les sédentaires, les Blancs et les coolies indiens, les administrateurs anglais et les «va-nu-pieds» noirs, les oppresseurs et les opprimés, etc. Pour comprendre le paradoxe apparent de l’altérité, je propose de réfléchir aux rapports entre littérature et culture dans le cadre général d’une sémiotique de la culture.

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Cet article est la version préliminaire de l’article publié dans Bruno Thibault et Keith Moser, dir., J.M.G. Le Clézio dans la forêt des paradoxes, Paris, L’Harmattan, collection «Études transnationales, francophones et comparées», 2012, p. 79-86. [Les numéros de page sont indiqués entre crochets]

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