Hors collection, 01/01/2005

Le désert, source d’inspiration pour Loti, écrivain-voyageur

Rachel Bouvet
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S’il est un genre littéraire qui se conçoit difficilement sans la présence de paysages, c’est bien le récit de voyage. Rares sont les récits de ce genre qui ne présentent aucune description de l’environnement physique du voyageur. Les descriptions de sites géographiques, exceptionnels ou non, les perspectives offertes par les hauteurs, permettant d’embrasser d’un seul coup d’oeil montagnes, forêts, vallées ou rivières, les panoramas à l’orée des grandes villes, les tableaux formés par les promeneurs dans les jardins abondent dans le récit de voyage, qui —faut-il le rappeler— se définit avant tout par la traversée d’un espace. Voyager, c’est voir du pays, comme on dit; écrire le voyage aura dès lors pour but de transformer le pays en paysage. Comme l’écrivait le jardinier-paysagiste René-Louis de Girardin, «[l]e long des grands chemins, et même dans les tableaux des artistes médiocres, on ne voit que du pays; mais un paysage, une scène poétique, est une situation choisie ou créée par le goût et le sentiment». Autrement dit, le paysage n’existe pas à l’état naturel, il suppose un choix effectué par un sujet, une création esthétique, où interviennent la sensibilité et l’émotion, une interaction entre un sujet et un site particulier. Cette distinction lexicale entre le pays et le paysage, que l’on retrouve dans la plupart des langues européennes, est à la base du concept d’artialisation défini par Alain Roger. Deux moyens permettent selon lui d’artialiser la nature: une intervention directe, in situ, visant à transformer la nature, en jardin par exemple; une intervention indirecte, in visu, par le biais d’un acte perceptif, d’un regard qui crée des modèles autonomes: une toile, appartenant justement au genre du «paysage», une photographie ou encore une description littéraire. Cette façon de concevoir le paysage met toutefois de côté un aspect important de la question, sur lequel se sont penchés les géographes, généralement moins soucieux de la dimension artistique que de la dimension phénoménologique. Il s’agit de l’acte de paysage, acte perceptif où entrent en jeu deux facteurs importants: d’une part, la situation spatiotemporelle du sujet, qui détermine à la fois le point de vue, le cadrage, l’horizon, la luminosité; d’autre part, les filtres culturels et esthétiques du sujet, qui jouent un rôle essentiel dans la sélection et la configuration des éléments de l’environnement physique.

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Cet article est la version préliminaire de l’article publié dans Arlette Bouloumié et Isabelle Trivisani-Moreau, dir., Le génie du lieu. Des paysages en littérature, Paris, Imago, 2005, p.257-268.

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