Entrée de carnet

«The Rough Element Predominates»

William S. Messier
couverture
Article paru dans Le parloir. Les usages de l’oralité en littérature québécoise, sous la responsabilité de William S. Messier (2011)

Parmi les nombreuses figures historiques marquantes qui sont représentées dans la télésérie Deadwood (dont Wil Bill Hickock, Calamity Jane, George Hearst, Wyatt Earp et Charlie Utter sont les plus célèbres), il est presque décevant que le créateur n’ait pas trouvé une petite place pour un certain Samuel Langhorne Clemens. Mieux connu sous le nom de Mark Twain, l’auteur des Adventures of Huckleberry Finn était bien au fait de la vie “rough and rugged” de la conquête de l’Ouest. Je remarque dans Roughing It, le récit autobiographique de son périple d’est en ouest à bord d’une dilligence en 1861, plusieurs éléments de la vie des pionniers dont aurait pu s’inspirer David Milch dans l’écriture de la télésérie. Cela dit, il est vrai que le voyage de Twain précède de quelques dix ans le temps historique de Deadwood.

L’écriture de Twain, dont procède, selon Hemingway, toute la littérature américaine moderne, est teintée d’exagération grotesque et d’ironie qui, même à l’époque, étaient considérées comme des moyens à la fois ingénieux et réalistes de dépeindre la vie de la frontière. Dans l’introduction de mon édition de Roughing It, Henry B. Wonham cite l’écrivain contemporain de Twain, chef de file du réalisme américain, William Dean Howells qui célébrait ces deux traits comme étant “the truest colors that could have been used, for all existence there must have looked like an extravagant joke, the humor of which was only deepened by the nether-side of tragedy” (xxxix).

Plus précisément, bien que cela m’apparaisse secondaire dans le sens où il s’agit d’un imaginaire qui s’est construit bien au-delà de la simple plume de Twain, les deux pilliers de la vie dans un camp de prospection à l’époque, selon l’écrivain, trouvent certainement leurs échos dans Deadwood. Comme en témoignait Twain en 1872, année de publication de Roughing It, dans la citation ci-dessous, la violence et l’alcool étaient les principaux moteurs sociaux. En ce sens, la télésérie met peut-être simplement au goût du jour les supposées exagérations de Twain.

“The first twenty-six graves in the Virginia cemetery were occupied by murdered men. So everybody said, so everybody believed, and so they will always say and believe. The reason why there was so much slaughtering done was that in a new mining district the rough element predominates, and a person is not respected until he has ‘killed his man.’ That was the very expression used.

[…]

The cheapest and easiest way to become an influential man and be looked up to by the community at large was to stand behind a bar, wear a cluster-diamond pin, and sell whiskey. I am not sure but that the saloonkeeper hald a shade higher rank than any other member of society. His opinion had weight. […]

To be a saloonkeeper and kill a man was to be illustrious.” (260)

Certes, il aurait été anachronique de représenter Twain dans le camp de Deadwood. Il s’agit là d’un pur fantasme de ma part. À tout le moins, ne serait-ce que pour son importance sur la réflexion sur l’oralité en fiction, un simple clin d’oeil n’aurait pas étonné. Je me dis qu’on aurait pu laisser traîner en quelque part un exemplaire du livre…

Article Wikipédia sur Deadwood, comportant notamment une liste complète des personnages historiques représentés dans la série: [lien]

Bibliographie

Twain, Mark. 2003. Roughing It. New York: Pocket Books, 515p.

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