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Les racines du réel: la science dans «Cosmos» de Witold Gombrowicz

Yanick Pouliot
couverture
Article paru dans La science par ceux qui ne la font pas, sous la responsabilité de Jean-François Chassay et Kim Doré (2001)

Romancier, dramaturge, essayiste, commentateur de son propre travail, Gombrowicz est avant tout penseur. Passionné précoce de philosophie -à 15 ans il lit déjà Kant, Shopenhauer, Nietzsche, Montaigne et Pascal, pour ne nommer que ceux-ci- il le demeurera jusqu’à la fin de sa vie, comme en témoigne son Cours de philosophie en six heures un quart. Dans la préface de cet ouvrage, Francesco M. Cataluccio écrit: «Ce n’est pas une légende. Il semble réellement que sa passion pour la philosophie [ …] ait sauvé Witold Gombrowicz du suicide». L’auteur en est alors aux derniers mois de sa vie et «seule la philosophie, en ce moment de décadence physique, [a] le pouvoir de mobiliser son esprit». Aussi cette passion transparaît-elle dans son oeuvre littéraire, Gombrowicz faisant siens plusieurs enjeux de la philosophie et de la science contemporaines: la théorie, dira l’écrivain, n’«intéresse [l’artiste] que dans la mesure où il peut se la faire passer dans le sang». C’est à la lumière de ces considérations que la problématique de la forme traverse son écriture; «ce qui caractérise l’humanité [selon Gombrowicz] est son incessant besoin de se donner une forme». Pour l’auteur de Ferdydurke, celle-ci se forge à travers le rapport de l’être humain à l’altérité, à l’identité et à ce qu’il nomme les «gueules». Cosmos s’inscrit comme une oeuvre phare de ce questionnement sur la forme en abordant le problème à ses racines. Qualifié par son auteur de quasi-roman policier, de «roman sur la formation de la réalité», il met en scène une phénoménologie de la perception à travers l’élaboration d’une dynamique fine entre objectivité et subjectivité du regard. «La démarche du détective est un peu, pour Gombrowicz, le symbole de ce que fait continuellement chaque individu -dans l’acte cognitif- par rapport à la réalité.» Dans une certaine mesure, elle se pose également comme une métaphore du travail de l’écrivain.

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