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Here is New York: A Democracy of Photographs

Annie Dulong
couverture
Article paru dans Photographie, sous la responsabilité de Équipe LMP (2007)

Œuvre référencée: George, Alice Rose (dir.) (2002), Here Is New York: A Democracy of Photographs.

Disponible sur demande (Fonds Lower Manhattan Project, au Labo NT2)

   

Présentation de l’œuvre

Résumé de l’œuvre

Here is New York est né quelques jours après les attentats de septembre 2001: un photographe, Michael Shulan, a mis dans la vitrine d’un magasin vacant une photographie du World Trade Center. Des gens se sont arrêtés devant l’image, et devant l’intérêt qu’elle suscitait, Shulan, assisté d’un photographe (Gilles Peress) et d’une éditrice et curatrice (Alice Rose George), a entrepris la construction de la collection d’images. Issues autant de photographes que de simples témoins (adultes, enfants), les photographies ont été imprimées à l’aide d’imprimantes à jet d’encre puis accrochées dans la boutique vide. L’exposition, qui devait d’abord durer un seul mois, a pris tellement d’ampleur (tant par sa popularité que par l’ajout constant de photographies à la collection) qu’elle a duré plusieurs mois et été présentée dans plusieurs villes des États-Unis et à l’étranger.

Le livre regroupe environ 1000 des quelques 5000 images réunies par le projet Here is New York. Les éditeurs ont fait le choix de ne pas présenter les photographies en ordre chronologique, de telle sorte qu’il y a, dans l’ouvrage séparé en quatre parties, des retours constants aux différentes étapes: les tours avant les attentats, les impacts des avions, la chute des tours, les visages des témoins dans les rues, l’accumulation des débris et de la cendre, la fuite des témoins pendant l’effondrement des tours, les messages laissés sur les murs, les avis de recherche, etc.

Les photographies de la première partie sont en noir en blanc. Plusieurs des images semblent jouer sur l’incrédulité éprouvées par les témoins. Le noir et blanc ajoute une texture à la poussière, à la cendre et aux débris dans lesquels se trouvent les personnages.

Les photographies de la seconde partie, en couleur cette fois, ont quelque chose de cru: plusieurs images présentent des corps blessés, en sang, et il y a même, à la page 264, les lambeaux d’une jambe de femme. Il y a dans les photographies de cette partie une progression dans la destruction, de la distance d’un regard loin des tours aux gens qui marchent dans la poussière et les débris. La vulnérabilité et le découragement des témoins mais aussi des secouristes marquent ces images.

Le thème de la troisième partie semble être la cendre: messages sur les murs, épaisseur des débris dans les rues, traces des effondrements dans les objets abandonnés (fruits, vêtements, photographies, etc.).

La quatrième partie est axée sur les héros: pompiers, policiers, secouristes. Il y a dans cette partie une profusion de drapeaux et de messages sur le courage et la victoire prochaine des États-Unis. Ces images, en bref, représentent un portrait de l’Amérique unie devant l’adversité.

   

Précision sur la forme adoptée ou sur le genre

Recueil d’environ 1000 photographies.

   

Précision sur les modalités énonciatives de l’œuvre

Photographies, précédées d’un commentaire de Michael Shulan sur l’origine et la progression du projet.

   

Modalités de présence du 11 septembre

La présence du 11 septembre est-elle générique ou particularisée?

La présence du 11 septembre est particularisée et centrée sur les attentats à New York et sur leurs conséquences sur la ville (destruction, poussière, reprise de la vie quotidienne, etc.).

   

Les événements sont-ils présentés de façon explicite?

Les événements sont présentés de façon explicite. Les attentats du 11 septembre sur le World Trade Center constituent le personnage des photographies, le point de rencontre de tous les regards.

La particularité de ce projet photographique tient dans son parti pris démocratique: les images n’ont pas été choisies pour leurs qualités esthétiques mais parce qu’elles témoignaient des attentats.

Le regard sur les événements va de la contemplation à la colère et à l’incrédulité. Il y a dans certaines images une violence extrême, alors que d’autres semblent miser sur une sorte de discrétion, voire de révérence.

Moyens de transport représentés: À travers le livre, on retrouve bien sûr des photographies des avions percutant les tours, mais les moyens de transport représentés semblent davantage importants par leur immobilité, par exemple les voitures et camions de pompier détruits par les attentats. Il y a aussi des images de pompiers et de secouristes se rendant sur les lieux des attentats en autobus ou sur la plate-forme d’un camion, et ces images témoignent d’un changement important dans la rapidité des déplacements, une sorte de régression qui marque le chaos de New York le jour des attentats.

Moyens de communication représentés: Le téléphone cellulaire et la caméra sont omniprésents. Les différents moyens de communication apparaissent comme accompagnateurs des différents témoins. Plusieurs photographies présentent des gens regardant à travers leur fenêtre en parlant au téléphone pendant que le téléviseur est allumé. Les médias sont représentés dans plusieurs images: photographies des images diffusées par les médias, journaux témoignant de la catastrophe. Leur mise en abîme semble vouloir accentuer l’incrédulité et la conscience d’un moment historique éprouvés par les photographes, tout en donnant à voir les limites des chaînes télévisées le 11 septembre (absence de programme à cause des attentats, répétitions des informations, confusion des discours, etc.).

  

Quels sont les liens entre les événements et les principaux protagonistes du récit (narrateur, personnage principal, etc.)?

Même si cette question s’applique difficilement à cette oeuvre, il est possible de remarquer deux choses: les photographies représentent le regard de New Yorkais sur la catastrophe qui se déroulait sous leurs yeux. On devine que les “personnages” présents dans les photographies étaient pour la plupart sans lien avec le photographe: ils sont, au même titre que le photographe, témoins d’événements qui les dépassent.

Un certain nombre de photographies sont en fait des autoportraits. Ces photos ont pour rôle de garder une trace de la survie du photographe: visages plein de cendre et de poussière, yeux rougis par la fumée, l’équivalent, en somme, du “I was here” des graffitis.

Les photographies présentent des gens de tout horizon et de tout âge. Il y a bien sûr un lot de photographies de pompiers, policiers, médecins et même de chiens secouristes.

Il est impossible de savoir exactement le rôle des photographes amateurs dans les événements, mais il est possible de dire que, pour la plupart, ces photographes habitent ou fréquentent de près New York. Ils ont donc vécu l’attaque sur un plan peut-être plus personnel que collectif, même si les photographies de la dernière partie, en mettant l’accent sur le patriotisme des personnages photographiés, ont pour objectif de rallier autour de l’idée d’un peuple américain uni devant l’adversité, en une tentative pour ne pas donner gain de cause au terrorisme.

   

Aspects médiatiques de l’œuvre

Des sons sont-ils présents?

Aucun son.

   

Y a-t-il un travail iconique fait sur le texte? Des figures de texte?

Aucun travail iconique, sauf peut-être la couleur des pages séparant les différentes parties…

   

Autres aspects à intégrer

N/A

   

Le paratexte

Citer le résumé ou l’argumentaire présent sur la 4e de couverture ou sur le rabat

Here is New York was founded in response to the events of September 11, and to the flood of images that resulted from it. The idea was simple: to present images of the event by as many different people and from as many different perspectives as possible. In the days following September 11, the organizers asked for pictures and were inundated with slides, negatives, prints, and digital files from photographers of every description, not only top photojournalists and other professionals, but rescue workers, firemen, police officers, school children, and amateurs of every kind. In order to underline that it was the images themselves that mattered, rather than their makers, the photographs were all digitally scanned, printed out in exactly the same format, and hung from wires without attribution or frames in a Soho storefront in downtown Manhattan.

The book Here is New York will be the most comprehensive and authentic document of what occurred. It will bear witness to what seemed unimaginable, memorialize the people who perished and the rescue workers who served so
heroically. Most of all, the book will be a testimony of people speaking directly to each other about their fears, their emotions, and their desire for community. This desire is one of the strongest by-products of the horrible events of September 11. It is also what distinguishes Here is New York from any and all other books about the event.

Proceeds from the sale of the images and the book benefit The Children’s Aid Society’s WTC Relief Fund. To date, Here Is New York has donated over $600,000.00 to the Society. The democratic nature of the exhibiton has allowed it to expand to simultaneous exhibitions including shows at The Museum of Modern Art, New York; the Chicago Department of Cultural Affairs, Chicago; and The Daytona Beach Community College’s Southeast Museum of Photography. To continue to express the magnitude of this event and expound upon the democratic message of this project, exhibitions will be mounted simultaneously throughout the world this summer and fall to memorialize September 11th. The exhibitions will open in London, Tokyo, Zurich, Arles, as well as several other American locations including Washington, D.C. The pictures communicate where words are insufficient, each tells one part of this tragic story.

The Here Is New York exhibition has been featured in all of the major New York newspapers and by many local and national television networks, including CBS, PBS, NBC, ABC, CNN, and National Geographic, Oprah Winfrey, Rosie O’Donnell, Dateline, and 60 Minutes. International press from the following countries have covered the exhibition: the United Kingdom, Australia, Brazil, Canada, Germany, The Netherlands, and Japan. The book Here is New York will
receive extensive press coverage as well.

  

Intentions de l’auteur (sur le 11 septembre), si elles ont été émises

(voir dans la section Citations)

  

Citer la dédicace, s’il y a lieu

N/A

   

Donner un aperçu de la réception critique présente sur le web

From Publishers Weekly1https://web.archive.org/web/20030203123721/http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/americas/2236495.stm [Page consultée le 3 août 2023]:

On September 25, 2001, an exhibition opened in a previously vacant storefront in SoHo, perhaps 20 blocks from Ground Zero. Photographer Peress, who had been photographing the city for the New Yorker, Michael Shulan (who owned the building where the exhibit started) and two friends decided to hang pictures of the city by anybody and everybody who submitted them. The exhibition attracted thousands of submissions, and many thousands more visitors, and has toured in the U.S. and Europe, including stops at New York’s Museum of Modern Art and Washington, D.C.’s Corcoran Gallery. The slip-cased, 12″ 8 1/4″ book presents 720 color and 160 duotone (and mostly full-page) portraits of the city in crisis, with crisp printing and no captions. While many of the images may resemble those seen repeatedly over the past year, this assemblage feels direct without being voyeuristic. If it is heavy on the flags, it is because the city was festooned at the time, and the pictures convey an array of different responses, personal and political, to the tragedy. This book really does, in Whitman’s words, contain multitudes. (Copyright 2002 Reed Business Information, Inc.)

From School Library Journal Adult/High School:

This book grew out of an exhibit and sale of photographs of the September 11, 2001, World Trade Center disaster. The exhibit began when Michael Shulan taped a photograph of the towers in a vacant Soho shop window. A friend encouraged him to post more photos and on September 25 the gallery opened for a supposed three-week run. Months and thousands of pictures later, the project included a Web site and the publication of this book. Like the show itself, this book contains pages of uncaptioned photographs, almost 1000 of the more than 5000 photos submitted by some 3000 photographers. “Anybody and everybody” brought photos; those chosen for publication were selected “to give the most coherent sense of the whole.” The book opens with approximately 170 black-and-white photos; the hundreds that follow are in color. The pictures vary in composition, in viewpoint, and both in camera angle and type of equipment used. Some are macabre, some eerie, some border on the tasteless, and a few are beautiful. The book concludes with the most breathtaking and evocative piece in the entire collection-a two-page color photo of the upper reaches of the Twin Towers thrusting upward through a sea of clouds.
Dori DeSpain, Fairfax County Public Library, VA (Copyright 2002 Reed Business Information, Inc.)

New York Governor George E. Pataki, August 19, 2002: 

…A fitting tribute to the firefighters, police officers, emergency workers–all New Yorkers who showed such tremendous courage …

Rudolph Giuliani, August 19, 2002:

“…truly moving. These photos will help us remember all those affected by the tragic events of September 11th…”

(http://www.amazon.com/gp/product/product-description/3908247667/) [Page consultée le 3 août 2023]

Voir aussi: https://web.archive.org/web/20040208051115/http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/americas/2236495.stm [Page consultée le 3 août 2023]
https://www.nyhistory.org/web/default.php?section=whats_new&page=detail_… [La page n’est plus accessible.]

   

Impact de l’œuvre

L’exposition, qui ne devait durer que quelques semaines, a duré plusieurs mois et été présentée dans plusieurs villes aux États-Unis et à l’étranger.

  

Pistes d’analyse

Évaluer la pertinence de l’œuvre en regard du processus de fictionnalisation et de mythification du 11 septembre

Le projet de Here is New York témoigne du besoin d’images ressenti par les Américains mais également plus largement par les Occidentaux à la suite des attentats et il est impossible de séparer le livre de ce projet. Qu’il y ait eu dès les premiers instants des événements ce recours à la photographie parce qu’il ne fallait pas ne pas prendre cette photographie, ne pas témoigner de ce qui était vu et donc du rôle (même mineur, en tant que témoin) joué par le photographe, s’inscrit dans une pensée sensationnaliste de l’événement et du témoignage qui a pour effet de magnifier à la fois l’effet traumatique de la destruction et sa “beauté” esthétique.

Here is New York est un ouvrage essentiel pour la compréhension du processus de mythification parce qu’il permet, au fil du livre, de noter l’essor du processus de mythification et ses phases: des photographies marquant l’incrédulité, l’impuissance et la tristesse, on passe à des photographies témoignant de la colère (appel à la vengeance, menace à Ben Laden, etc.) puis à des photographies dont l’objet est clairement une héroïsation des secouristes. Cette dernière catégorie de photographies semble politique, voire même dans une logique de guerre: une façon de dire à l’ennemi qu’il n’a pas réussi.

Si le thème central de l’ouvrage est peut-être le témoignage, il n’en reste pas moins qu’il y a dans certaines images un calcul froid: les photographies de gens “posant” devant les tours en feu détonnent à côté des photographies prises sur le vif, à la manière du photo-journalisme.

À noter également le parti pris des éditeurs pour la quantité et non la qualité des images. Leur choix était de rendre visible la totalité des images, en une approche globalisante de l’événement. Malgré ce qu’il y a de réussi dans cette démocratisation de l’expression photographique, le choix éditorial d’une impression de faible qualité participe également, par la pixellisation de certaines images, à une esthétisation du témoignage. Cette esthétisation, en se cachant sous des images non lisses, imparfaites, cherche peut-être à accentuer l’impression de danger, de catastrophe, ressentie par le spectateur afin de magnifier le trauma.

   

Donner une citation marquante, s’il y a lieu

“After 9/11, New York is Everywhere.” (p. 9)

here is new york has by now amassed one of the largest photographic archives in world history devoted to a single event.” (p. 9)

“The guiding principle of here is new york is simple: if one photograph tells a story, thousands of photographs not only tell thousands of stories, but perhaps begin to tell the story if they are allowed to speak for themselves, to each other, and to the viewer directly — not framed either by glass, metal, or wood, or by preconception or editorial comment. In the political sphere it is this principle, after all, wich America’s Founding Fathers advanced when they developped the notion of democracy — that wisdom lies not in the vision and will of any one individual, or small group of individuals, but in the collective vision of us all.”

“Every picture submitted to here is new york shows without question that terrorism can never succeed anywhere.”

“Seeing is not only believing. Seeing is seeing.”

   

Noter tout autre information pertinente à l’œuvre

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