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Dhalgren et les recommencements de la fin

Éric de Larochellière
couverture
Article paru dans Figures de la fin: approches de l’irreprésentable, sous la responsabilité de Anne Élaine Cliche et Bertrand Gervais (2001)

Dhalgren, de Samuel Ray Delany, est une métafiction qui consiste à la fois en la traversée, incessamment reprise, d’un espace-temps apocalyptique et en une investigation poétique ayant pour objet l’imaginaire de la fin en tant que tel. Le roman obéit à une double nécessité: celle de représenter l’apocalypse, ou du moins d’en dépeindre l’après-coup, et celle de voir comment le langage peut la (re)constituer. La structure du roman, dont la fin, à l’instar de Finnegans Wake, nous renvoie au début, annule et en quelque sorte renverse le principe qui, à preruière vue, semble présider au déroulement du récit: le garçon pénètre un territoire de désastre et, devenant poète, en consigne le détail, tente de mesurer l’étendue des dégâts, signant du même coup la chronique incertaine de ses découvertes: il devient le témoin des retombées de la fin, il en est l’historien dévoyé, qui arrive après. Un second déroulement se déchiffre, défilant à rebours du prermier, mais sinnultanément: le garçon qui arrive du dehors, d’ailleurs, signe avant-coureur de la chute, amène -et ne cesse de ramener- à Belloc le désastre; annonçant la fin, liant celle-ci à la trame linguistique de la ville, il l’actualise, écrivant alors dans la voix du prophète, sinon celle de l’antéchrist. L’apocalypse ne se produit qu’une fois le langage en ayant construit la représentation -ne se produit au demeurant peut-être que dans le langage.

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