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Regards de femmes aînées sur la vieillesse: représentations sociales et rapports au temps

Michèle Charpentier
Isabelle Marchand
Anne Quéniart
couverture
Article paru dans De l’assignation à l’éclatement. Continuités et ruptures dans les représentations des femmes, sous la responsabilité de Dominique Bourque, Francine Descarries et Caroline Désy (2013)

Quelque quarante ans après avoir massivement investi le travail rémunéré au cours de leur vie, toute une génération de Québécoises atteint présentement l’âge de la retraite1Une version plus longue de cet article et présentant seulement les résultats préliminaires de l’étude, soit ceux basés sur la moitié de l’échantillon total retenu, a été publiée dans la revue électronique Enfances, Familles, Générations (n° 13, 2010).. Fait sociohistorique nouveau, les trajectoires des septuagénaires d’aujourd’hui ont été, plus que celles des hommes, bouleversées par la «double transformation» du monde du travail et de la famille (Attias-Donfut, 2009: 189). On assiste ainsi à une pluralité de parcours et de transitions entre travail et retraite: sortie précoce, préretraite (Quéniart, 2006, 2007), maintien en emploi, réinsertion tardive ou postcarrière (Lesemann, 2007; Guillemard, 2007). Sur le plan des sciences sociales et de la gérontologie, un des effets de cette incursion des femmes dans l’univers du travail est la diversification des figures féminines du vieillissement, et notamment l’émergence des représentations autour de la «mamie» moderne, active, indépendante et engagée dans plusieurs sphères publiques, qui fait contrepoids au modèle de la femme aînée traditionnelle, centrée sur les pratiques de maternage et de soins (Langevin, 2002; Charpentier et Quéniart, 2009). À cela s’ajoute plus largement l’apparition de nouvelles conceptualisations gérontologiques à propos de la «vieillesse réussie» ou du «bien vieillir» (Rowe et Kahn, 1997; Gangbè et Ducharme, 2006). Toutefois, l’avancée en âge continue d’être marquée, dans le discours et les pratiques sociales, par la persistance de représentations négatives et de stéréotypes dégradants, notamment «l’indigence et la dépendance» (Feller, 2004) des personnes aînées. En effet, dans une société dominée par la productivité et la performance, cette «population grise» a la plupart du temps été perçue comme un groupe stagnant, immobile et timoré, caractéristiques antithétiques de toute organisation sociale moderne se voulant innovante et dynamique (Pitrou, 1997). Or, faisons-nous l’hypothèse, ces conceptions dominantes semblent être en décalage avec les expériences contemporaines des femmes à l’âge de la vieillesse.

Pour pallier cette lacune, une littérature émergente fait un pas de côté face aux approches traditionnelles et met l’accent sur «la perception qu’ont les personnes âgées de leur propre vie» (Gangbè et Ducharme, 2006: 298). Car, faut-il l’avouer, nous connaissons peu la réalité des aînés, et encore moins celle des femmes vieillissantes. C’est à partir de ce constat que nous nous sommes intéressées aux femmes âgées et à leurs représentations sociales de la vieillesse. En continuité avec les travaux précédents de Charpentier et Quéniart (2007, 2009, 2010), cet article émane d’une recherche sur le rôle des femmes aînées dans la transmission intergénérationnelle, et ce, tant au sein de la sphère privée que de la sphère publique2Le projet de recherche (CRSH 2008-2011) s’intitulait «Les femmes aînées dans l’espace public et privé: quels héritages, legs, transmission?», sous la direction de Michèle Charpentier et Anne Quéniart.. De fait, même si l’objectif premier de cette étude ne concerne pas les représentations sociales du vieillissement, ces questions se sont imposées dans les récits des femmes âgées; c’est pourquoi nous nous proposons ici de défricher, à titre exploratoire, ces thèmes. Après avoir brièvement décrit le contexte sociohistorique et l’approche théorique dans lesquels s’inscrivent nos travaux, nous nous intéresserons essentiellement aux représentations sociales qu’entretiennent les femmes aînées à propos de la vieillesse. Plus spécifiquement, nous nous attarderons sur les évocations des expressions «femmes âgées» et «femmes aînées» dans un premier temps, et dans un deuxième temps, sur les façons dont elles négocient le processus du vieillir dans une société où la jeunesse est signe de vitalité et de performance. Dans un troisième temps, l’accent sera mis sur les représentations de leur rapport au temps à l’âge de la retraite. Nous conclurons enfin cet article sur une réflexion plus holistique et soulèverons quelques enjeux relatifs à la gestion et à l’utilisation du temps aux troisième et quatrième âges. 

1. Considérations théoriques

L’allongement de l’espérance de vie, la diminution du nombre d’enfants par famille, les progrès dans le domaine biomédical ainsi que l’amélioration des conditions de vie depuis le dernier siècle sont quelques-uns des changements qui ont eu des impacts considérables non seulement sur les modalités de vieillissement des populations, mais aussi sur «les vécus» de la vieillesse. Il y a cinquante ans, la retraite définissait une frontière autour de 60-65 ans qui désignait les personnes âgées ou du troisième âge; aujourd’hui, la vieillesse se décuple en des «vieillesses» multiples, amenant ainsi l’étude de «nouveaux âges» dans le continuum du vieillir (Lalive d’Épinay, 2008). En d’autres termes, les repères marquant la vieillesse traditionnelle s’étiolent, les trajectoires se pluralisent en fonction des âges et des générations et façonnent les diverses étapes de la vie, ou encore les «temps de vie», pour emprunter l’expression de Houde (1999). Par ailleurs, sur le plan des dynamiques familiales, avec la transformation des institutions et des cadres de socialisation et les changements démographiques subséquents, nous observons un élargissement de la parentèle et une solidarité intergénérationnelle qui tend à s’accroître (Loriaux, 1995). Toutefois, les relations filiales au sein des réseaux familiaux ont, quant à elles, changé de modes: anciennement basées sur le sentiment d’appartenance à la fratrie ou à une descendance, elles apparaissent aujourd’hui plus «négociables et sélectives» (Tassé, 2002: 205). Plus encore, comme l’évoque Gaudet (2009: 128), «le poids des traditions n’est plus suffisant pour tisser des liens. La famille devient de plus en plus affective, voire plus forte, car les liens électifs sont plus riches, mais paradoxalement plus fragiles à la fois, car la force de la tradition ne résiste pas à certains conflits».

En toile de fond de ces considérations théoriques, les rapports sociaux de sexe, transversaux à toutes les sphères du social, déterminent aussi l’expérience du vieillissement. Notre recherche s’inscrit ainsi dans les tentatives récentes de rapprochements théoriques et pratiques entre les études féministes et la gérontologie. Nous estimons en ce sens que les facteurs structuraux de notre société patriarcale marquent encore les discours, les institutions et les pratiques sociales, entraînant des conséquences réelles pour les femmes, particulièrement au grand âge, et ce, sur le plan des conditions socioéconomiques, de la santé, etc. Dans le cadre de notre étude, l’approche féministe s’avère d’autant plus pertinente qu’elle reconnaît la spécificité du vécu des femmes, à savoir leurs trajectoires individuelles et collectives, lesquelles sont analysées à l’aune du continuum d’inégalités systémiques qui marquent la vie des femmes et leur avancement en âge. Enfin, notre posture féministe nous permet de considérer tant leur agentivité que les impacts des rapports de sexe sur leur vieillissement. 

2. Précisions méthodologiques

Utilisant une méthodologie qualitative et privilégiant le point de vue des principales concernées, notre cueillette de données se fait par le biais d’entrevues semi-structurées, menées auprès d’une trentaine de femmes âgées de 65 ans et plus3Précisons que le recrutement a été effectué par des sources multiples, en fonction des différents milieux de vie des aînées: associations d’aînés et groupes de femmes, résidences pour personnes âgées, paroisses et journaux de quartier, milieux de travail typiquement féminins, etc. Outre les informations visant à brosser un portrait sociodémographique de notre échantillon, l’entrevue aborde des thèmes qui s’articulent autour de deux dimensions. La première s’intéresse aux représentations des femmes aînées et des grands-mères: perceptions et images des femmes aînées, places et rôles dans la société; la deuxième vise à explorer la dynamique de la transmission intergénérationnelle: nature, type, valeurs et savoirs transmis, modes de transmission (directe/indirecte, imitation/incitation/imposition, etc.), sens de la transmission (vision du monde, mémoire, éducation), facteurs incitatifs et contraignants, etc.. Toutes les entrevues jusqu’ici réalisées ont été retranscrites et codées afin de générer des thèmes (anticipés et émergents) et d’en dégager le sens, en accord avec l’analyse par théorisation ancrée, qui vise l’élaboration d’une théorie enracinée dans la réalité empirique des faits sociaux peu étudiés (Laperrière, 1998; Paillé, 1994). Nous avons par la suite regroupé ces thèmes sous des catégories conceptuelles et mis celles-ci en relations pour ensuite élaborer des hypothèses interprétatives et les confronter avec les théories explicatives globales. Enfin, nous avons réalisé une analyse transversale du matériau afin d’établir l’existence ou l’absence de récurrences dans les contenus des discours. L’échantillon d’aînées sur lequel se base cette analyse exploratoire se compose de 25 femmes issues de trois cohortes d’âges: neuf répondantes sont âgées entre 65 et 74 ans (catégorie 1), dix ont entre 75 et 84 ans (catégorie 2) et finalement, six femmes sont âgées de 85 ans et plus (catégorie 3). Sur le plan socioéconomique, huit femmes disposent de revenus modestes à faibles, quatorze se situent dans la classe moyenne et trois vivent au sein de milieux sociaux plus nantis. La majorité des femmes sont soit mariées (9), soit veuves (9), les autres sont célibataires (3) et divorcées ou séparées (4). Hormis les trois femmes célibataires, les 22 autres ont des enfants adultes et 20 ont des petits-enfants d’âges variés. Sur le plan des trajectoires et de la formation scolaire, huit des neuf femmes de la première génération (65-74 ans) détiennent un diplôme postsecondaire et la neuvième a bénéficié de formation au sein de son entreprise, lui permettant ainsi d’accéder à un poste de professionnelle. Toutes ont donc occupé un emploi rémunéré en ayant une famille —elles sont mariées, veuves, et trois sont divorcées— et s’inscrivent dans les classes sociales moyennes à élevées. Enfin, elles se disent socialement engagées, en s’impliquant au sein de leur communauté ou en poursuivant leur activité professionnelle sous forme de bénévolat. Finalement, les femmes appartenant aux catégories 2 (75-84 ans) et 3 (85 ans et plus)4Compte tenu du nombre limité d’entrevues réalisées, aucune différence significative ne distingue les trajectoires des répondantes appartenant de l’un ou l’autre des groupes d’âge. possèdent une trajectoire similaire: elles sont mariées ou veuves et ont, pour la plupart, occupé un travail traditionnellement féminin (secrétaire, technicienne, aide familiale et ouvrière en usine) avant de se marier. Ainsi, comme le dictait les normes sociales de l’époque, elles ont été femmes au foyer et se sont consacrées à leur famille et à leurs proches. Seules trois femmes de 75 ans et plus sont restées célibataires, sans descendance; pour gagner leur vie, deux ont œuvré comme aide familiale et la troisième, comme infirmière.

3. Représentations du vieillir des femmes âgées

Dans un premier temps, l’analyse des représentations sociales5Rappelons succinctement que les représentations sociales sont des «univers d’opinions» et des «connaissances de sens commun» qui servent de régulateur des lieux communs (Maisonneuve, 1973: 213). Elles permettent de donner un sens à ses propres pensées, comportements et pratiques, comme à celles des autres et, ce faisant, de se situer en tant qu’individu au sein d’un ensemble social organisé (Jodelet, 1989). de la vieillesse des répondantes nous a permis de dégager leur vision d’elles-mêmes en tant que femme vieillissante. Un des premiers constats, toutes catégories d’âges et de statuts sociaux confondus, est la réfutation ou la mise à distance du terme «femme aînée». Pour plusieurs répondantes, l’expression est synonyme de femme isolée, passive et inactive. En cela, elle renvoie à des représentations négatives: femme malade, femme à mobilité réduite, femme habitant en centre d’hébergement, etc.:

Quelqu’un assis derrière une fenêtre, puis attendre, c’est comme une prison [les centres d’hébergement]. Ils vont faire du bingo, ils font un petit peu de ceci, de cela. (Laure, 65 ans.)

Ils sont assis sur une chaise [les aînés], puis [ils] attendent, […] pour moi, c’est ça, une vraie aînée, qui ne peut pas avancer rien. (Jeanine, 70 ans.)

[Une femme aînée], c’est quelqu’un avec de l’ostéoporose. (Barbara, 67 ans.)

Même âgée de 91 ans, Josette hésite aussi à s’identifier à une «vieille madame» puisqu’elle n’est pas malade (elle se déplace pourtant à l’aide d’une marchette). Une scission se crée ainsi dans l’esprit de plusieurs répondantes entre les femmes âgées, relativement autonomes, et les femmes aînées, ou «malades». Nous constatons que les conceptions traditionnelles de la vieillesse, qui l’amalgament d’emblée à la perte de capacités physiques et cognitives, à la fragilité et à la dépendance, sinon à la maladie, entrent en contradiction avec les récits expérientiels du vieillir. C’est notamment ce que Grenier (2009) met en relief lorsqu’elle montre comment les femmes âgées bénéficiant de services de santé publics réfutent la notion de «fragilité» basée uniquement sur des indicateurs biomédicaux et cliniques, qui en élude les dimensions cognitive et émotionnelle. Par ailleurs, d’autres répondantes mentionnent ne pas «se sentir» comme une femme aînée; elles n’ont «pas le temps de vieillir» ni «d’avoir des bobos et de s’ennuyer». Pour elles, la vieillesse est associée au ralentissement, à une inactivité tant sociale que physique et psychologique; or, elles n’ont pas le sentiment «d’être vieilles»:

C’est drôle, mais on se sent pas aînée tant que ça, on vit notre vie, je te dis mon âge, puis je me sens pas cet âge-là. (Denise, 85 ans.)

Je ne me vois pas, moi, comme [une] personne âgée. De cœur, non, je ne me sens pas là-dedans. (Bernadette, 76 ans.)

Je ne me considère pas encore comme une femme aînée… (Aline, 77 ans.)

En outre, si la plupart refusent de s’identifier à l’expression «femmes aînées» et ne se perçoivent pas de la sorte, c’est souvent parce que «femmes aînées» renvoie à l’image d’une «vieille femme» cloîtrée et placée en marge de la société. Certaines déplorent à ce propos que la vieillesse soit appréhendée comme un fardeau social, et les personnes âgées comme «des poids morts» pour la société. D’autres critiquent l’exclusion sociale que vivent les personnes âgées, et cette exclusion est imputée à la non-reconnaissance de leurs apports à la société, voire à l’occultation de leur bagage expérientiel. Cette mise à distance du terme «femme aînée» peut être aussi appréhendée comme une résistance à considérer la vieillesse comme un processus structurant toutes les dimensions de leur vie: leur identité de femme, leur place et rôle dans l’organisation sociale, position trop souvent d’à-côté, limitrophe et périphérique à l’action et à l’agir citoyens. Elles s’excluent donc sciemment de la catégorie homogénéisée «femmes âgées» en raison des représentations sociales dominantes et péjoratives attribuées aux personnes âgées, et aux femmes plus particulièrement (Perrig-Chiello, 2001).

3.1 Bien vieillir pour subvertir la vieillesse

Pour échapper à ce «ressenti» de la vieillesse et aux images stéréotypées sous-jacentes, il faut rester actives, affirment les répondantes, maintenir une vivacité d’esprit et faire preuve de disponibilité. Quelques témoignages mettent l’accent sur l’importance de préserver une acuité intellectuelle et une posture d’ouverture sur le monde, attitude permettant d’échapper au recroquevillement sur soi-même et à la taciturnité, autre représentation négative associée à la vieillesse. Plus largement, plusieurs ont mentionné vouloir rester «vivantes», maintenir leurs réseaux sociaux et préserver une curiosité citoyenne. Elles souhaitent poursuivre des projets variés, entretenir des passions et continuer leurs activités (professionnelles, d’engagement social, familiales, etc.). Les divers témoignages ci-après illustrent ces notions: 

Quand l’esprit se referme sur lui-même, c’est là qu’on devient toute ratatinée. […] Ce que j’aime bien chez certaines femmes, c’est celles qui demeurent actives, physiquement, intellectuellement, et qui ne sont pas juste centrées sur elles-mêmes. Pour moi, c’est important de rester ouvert aux autres personnes et à ce qui se passe dans le monde. (Claire, 72 ans.)

Quand on reste replié sur soi, là on vieillit. (Adèle, 73 ans.)

Je suis passionnée par ce que je fais, je sais que c’est utile, puis ça me passionne, alors j’en vois des femmes autour de moi qui ont mon âge et qui continuent de faire des choses intéressantes. (Odette, 73 ans.)

Pour certaines septuagénaires, bien vieillir indique non seulement une vie active, mais comporte aussi un caractère esthétique. «Moi, je ne vieillis pas. […] Moi, je veux faire une belle vieille!», s’exclame Bernadette (76 ans) pour signifier que le temps ne semble pas avoir d’emprise sur elle. Veiller à son apparence physique, maintenir une bonne condition physique ainsi qu’une vie sociale sont des dimensions importantes mises de l’avant par les répondantes: 

Des femmes de mon âge […] qui aiment encore se pomponner, aller à la coiffeuse, se faire faire les ongles, aller magasiner, sortir, prendre un verre de vin en mangeant… (Jeanine, 70 ans.)

J’aime bien les femmes qui font des exercices, et toutes sortes d’affaires pour se garder en forme. (Lise, 93 ans.)

Le «prendre soin de soi au féminin» apparaît ainsi associé non seulement aux normes sociales sexuées, mais aussi aux capacités de mobilité, de vitalité et de plaisir qui caractérisent typiquement la jeunesse. En revanche, plus les répondantes avancent en âge, plus l’accent est mis sur l’importance d’être en santé. De fait, nous observons que pour les répondantes âgées de 80 ans et plus, la santé, la forme physique et l’autonomie deviennent centrales dans leur définition de soi comme femme vieillissante. Par exemple, Josette, 91 ans, affirme qu’en dépit d’une fracture de la hanche, nécessitant des soins quotidiens, elle est «toujours debout», signifiant que malgré une mobilité amoindrie au cours des années, son autonomie demeure un facteur nodal dans sa représentation d’elle-même. En résumé, les répondantes concentrent leurs représentations du vieillir autour des valeurs positives d’autonomie, d’indépendance et de maintien de la santé physique et intellectuelle, état permettant de préserver une vitalité d’esprit. Ces caractéristiques associées à leur processus du vieillir leur permettent non seulement de résister aux représentations négatives considérant la vieillesse comme un problème social, mais surtout de «rester dans la vie», dans le continuum de leur existence et des projets anticipés, et non en rupture ou en marge du temps et des réalités contemporaines. 

3.2 Représentations du vieillir: accepter le passage du temps

Les répondantes ayant évoqué le vieillissement de façon plus spécifique en parlent comme d’une phase, d’une étape inévitable à laquelle il faut s’ajuster et, surtout, que l’on doit «accepter», comme y fait allusion Loraine, 77 ans: «[Il faut] accepter notre vieillesse… Accepter que notre corps change, accepter les bobos, les inconvénients, il faut accepter qu’on est rendues là.» Pour Loraine, comme pour d’autres qui ont abordé ce thème, il s’agit non seulement d’intégrer sur le plan psychologique l’avancement en âge, mais aussi les changements physiques et l’apparition des marqueurs corporels. Les transformations du corps sollicitent en l’occurrence directement les représentations qu’on a de soi-même et, en cela, «accepter la vieillesse», c’est rechercher une «congruence entre l’image de soi et l’image corporelle, [car] ce n’est pas le corps qui doit s’adapter à l’image de soi, mais l’image de soi qu’il faut accepter de voir transformée» (Vanneinwenhove, 2009: 77). Image de soi et identité doivent ainsi être mises en consonance de manière à intégrer l’idée du temps qui passe et, avec lui, l’inéluctable «limite de l’existence» (Charton, 2005: 54): «Quand tu l’acceptes [la vieillesse], tu vis bien. Tu profites plus de tous les moments parce qu’on sait, a beau dire, [mais] on ne va pas durer tout le temps. On est chanceuses» (Denise, 85 ans). Le rapport serein au temps futur invoqué par plusieurs répondantes apparaît aussi lié au fait de percevoir son existence comme étant encore significative, autrement dit au sentiment que le chemin devant soi n’est pas futile mais qu’il s’inscrit, au contraire, dans une continuité cohérente avec la trajectoire jusqu’ici parcourue (Houde, 2003). Le prolongement de l’engagement collectif semble aussi permettre ce continuum qui donne un sens au présent: «Ce n’est pas le chèque qui est important», mentionne Odette (73 ans) en parlant du travail qu’elle effectue à temps très partiel, «je sens que je suis encore bien vivante et active et, pour moi, c’est ça qui est important». Enfin, se sentir aimée et être en santé restent aussi essentiels pour appréhender avec quiétude les années de la vieillesse: 

Je me vois encore avec un bel avenir […] parce que je suis relativement en bonne santé. […] J’ai laissé ma maison, je reste chez mon garçon, et puis je suis bien heureuse-là, je me sens aimée, c’est de même que je pense que je vais finir ma vie. (Bernadette, 76 ans.) 

La façon de concevoir cette dernière phase du vieillir, qu’Erickson6Dans sa modélisation du développement humain, Erickson propose huit étapes. Voir Aumond, 1987. nomme l’intégrité personnelle, comme une période réflexive où l’individu peut soit éprouver un sentiment d’accomplissement lié au fait d’avoir eu «une vie bien remplie» ou, au contraire, être envahi par un sentiment de désespoir (Houde, 2003: 99), apparaît également tributaire de l’état de santé physique, cognitif, relationnel et socioémotif des personnes âgées. Par conséquent, l’âge des répondantes et leurs conditions de vie influencent forcément leur rapport à la vieillesse et au «bien vieillir». Contrairement à Bernadette, qui est entourée de sa famille et qui n’a pas de problème de mobilité, Lise, une veuve de 93 ans vivant dans une résidence pour personnes âgées, mentionne qu’elle ne souhaite pas vivre jusqu’à 100 ans en raison de sa condition physique altérée par son grand âge. Elle semble toutefois satisfaite de ce qu’elle a accompli dans sa vie: «Je suis heureuse malgré tout. J’ai fait ma vie, je suis rendue à 93 ans, mais j’ai fait une belle vie avec mes enfants puis tout ça. Donc, qu’est-ce que tu veux de plus? Mon temps est échu, mon temps est fini ni plus ni moins.» À cette étape-ci de sa vie, Lise fait le point sur le temps passé et sur les expériences qui l’ont accompagnée. Si la vieillesse apparaît être un moment propice pour effectuer un bilan personnel et mener une réflexion sur son existence (Aumond, 1987), le regard résigné que Lise pose sur le temps à venir est imprégné d’un sentiment de finitude, du sentiment d’un temps de vie qui se prolonge, mais qu’elle estime néanmoins achevé.

À travers ces quelques témoignages, nous avons eu l’occasion de voir qu’il existe diverses façons «d’habiter ce temps de la vieillesse» (Houde, 2003: 95). Au-delà de l’âge, le rapport à la santé, physique et mentale, façonne l’expérience de la vieillesse et le rapport au temps présent et futur. Pour celles qui n’ont pas atteint le «quatrième âge», accepter le passage du temps inclut à la fois des dimensions identitaires et relationnelles, c’est-à-dire que cela implique de s’approprier une image de soi vieillissante et d’inscrire ce temps du vieillir dans une vision du monde qui continue de donner un sens à la vie. Pour les plus âgées, le rapport au temps à cette période de la grande vieillesse semble s’opérer à travers «la séquence et les ruptures des âges» (Charton, 2005: 54). De fait, les diverses étapes du vieillir et les changements expérientiels associés au vieillissement, qu’ils soient d’ordre physique, matériel, psychologique ou autre, rendent manifestes la fin d’un parcours de vie où le temps devant soi apparaît désormais réduit. Toutefois, pour développer ce sentiment de sagesse à la mesure du temps passé et à venir, il apparaît nécessaire de prendre du recul par rapport aux représentations sociales péjoratives de la vieillesse ou encore avec certaines pratiques discursives et médiatiques infantilisantes. En cela, bien vieillir ou simplement vieillir n’est pas un état statique, mais une évolution dynamique mettant en jeu une série de facteurs d’ordre sociohistorique, culturel, symbolique et identitaire. Les représentations de la vieillesse se transforment donc constamment, sous l’influence conjointe des normes, des valeurs et des pratiques sociétales ainsi que des perceptions des individus —ici les femmes— menant à la formation d’identités composites du vieillir. Mais quelle que soit la recomposition identitaire que les femmes effectuent, une chose est certaine: l’entrée dans la vieillesse n’est pas, pour nos répondantes, une «mort sociale» pour reprendre l’expression utilisée par Guillemard (2002) à propos des représentations de la retraite. Au contraire, pour plusieurs, l’entrée dans la vieillesse crée un nouvel espace-temps, une interface salutaire s’immisçant entre le mitan de la vie et le grand âge. C’est sur cette période de la «maturescence» et ce nouveau rapport au temps invoqué par Houde (2003: 96) que nous nous attarderons dans la dernière section et en conclusion de cet article.

4. Le temps de la vieillesse: entre le temps pour soi et le temps aux autres

Vieillir sollicite d’autres dimensions de la vie que celles reliées aux représentations sociales de la vieillesse et à son identité de femmes âgées; la vieillesse ouvre une nouvelle fenêtre sur la temporalité; le rapport au temps se modifie à l’aune des trajectoires, elles-mêmes en changement à l’âge de la retraite. En effet, ralentir ou prendre congé du travail salarié permet d’oblitérer les rôles sociaux jusqu’ici endossés au sein des sphères privée et publique; l’individu s’engage dans une «transition biographique» importante où l’accent est mis sur la reconsidération des priorités personnelles et l’établissement de nouveaux projets de vie (Pennec, 2004: 99). Plus de la moitié des répondantes qui viennent de prendre leur retraite ou qui se remémorent cette période, ont mentionné ce temps de répit qui s’aménage à la suite d’un parcours au cours duquel le travail domestique, l’éducation et les soins aux enfants et aux proches avaient accaparé la majorité, sinon la totalité (pour deux d’entre elles) de leur temps. C’est souvent le départ des enfants de la maison qui laisse a posteriori l’occasion de s’occuper de soi-même, de penser à soi et de se divertir avec de «petits plaisirs». Certaines évoquent en ce sens la réalisation de voyages, l’accomplissement de rêves inassouvis ou encore leurs désirs d’investir dans de nouvelles passions:

Je peux faire des rêves, puis accomplir ce que je veux. […] Je fais des voyages, je n’en refuse aucun. Je n’en ai pas fait beaucoup dans le temps que j’élevais ma famille. (Pierrette, 73 ans) 

Je prends des cours d’aquarelle […] Il y a ce côté expression, cette sensibilité et expression de la beauté que je souhaite développer. (Odette, 73 ans)

La notion de voyage apparaît corollaire d’un désir de liberté, d’extériorité et de réalisation personnelle. De plus, le fait de vouloir se divertir est ici révélateur d’un nouveau regard sur soi et sur ses intérêts personnels dans le cadre d’une temporalité qui échappe dorénavant aux impératifs du devoir maternel ou familial. Les urgences quotidiennes propres au mitan de la vie se font évanescentes; on vit davantage dans l’«ici et maintenant» en optimisant le temps présent (Houde, 2003). Ce cycle de vie où le temps devient de plus en plus poreux, de moins en moins structuré par les obligations de la vie adulte, correspond, dans tous les récits, à la période de la retraite ou de la préretraite, que ce soit celle des femmes elles-mêmes (si elles ont eu un travail rémunéré) ou celle du conjoint (si elles sont restées au foyer). Ainsi, pour ces répondantes, qui sont mariées et qui disposent des conditions matérielles nécessaires à l’édification de tels projets, la mise au rancart des responsabilités familiales et le retrait du marché du travail permettent de «faire une belle vie», comme disait l’une d’entre elles. Cette «[mise] à distance de l’organisation antérieure des temps» (Pennec, 2004: 10) offre au surplus l’opportunité d’investir de nouveaux champs d’activité, par exemple les arts ou les études, jadis mises de côté. Enfin, dans tous ces récits, c’est la retraite qui semble être l’«acte repère» ou l’«acte inaugural» à partir duquel naît ce désir d’exploration d’un nouvel horizon de vie (Charton, 2005: 71). En effet, si le troisième âge et, de façon corolaire, la retraite, «paraissent] ouvrir sur un âge de liberté» (Lalive d’Épinay, 1995: 339), cette redéfinition du rapport aux temps demeure largement conditionnée par les positions sociales des répondantes. Issues de milieux socioéconomiques variant de moyens à plus nantis, mariées ou veuves, ces femmes en tête de la génération pivot décrite par Attias-Donfut (2000), âgées entre 65 et 75 ans, ont eu la possibilité de faire des études postsecondaires et de mener une vie professionnelle. Ayant profité des changements sociaux en matière de travail, de famille et d’éducation, plusieurs ont refusé de se cantonner dans les pratiques exclusives de maternage et du prendre soin; leurs parcours de vie sont donc marqués par plus d’individualisation et de mobilité sociale (Attias-Donfut 2009). Par conséquent, elles disposent aujourd’hui de meilleures conditions socioéconomiques que les femmes des générations antérieures et aménagent leur retraite dans une perspective de redéfinition d’espaces personnels, conjugaux et familiaux. Le temps consacré aux petits-enfants et à la famille demeure toujours présent, mais il ne mobilise pas «tout» leur temps; un esprit d’autonomie et d’indépendance marque la culture familiale de ces femmes.

En revanche, pour une majorité de répondantes des catégories 2 et 3, soit celles âgées de 75 ans et plus, les moments consacrés aux proches apparaissent monopoliser une grande part de leurs activités et instants de loisir, sinon la presque totalité de leur temps. Se distanciant donc des plus jeunes répondantes réclamant du temps à soi, des activités et des loisirs personnels, leurs discours et leurs temps libres restent focalisés sur les engagements aux proches et les responsabilités familiales. Leurs témoignages semblent ainsi refléter une «culture de mutualité» où la réciprocité dans l’échange des ressources, des soins, des services entre les générations s’effectue de façon continue (Brannen, 2006), ou selon Attias-Donfut (2009), de manière directe. Autrement dit, l’accent est mis sur la réciprocité bilatérale de l’entraide familiale et sur le soutien mutuel entre les membres de la parenté, lequel est considéré comme fondamental, voire appréhendé comme une pratique normative:

S’il arrive de quoi, tu n’as pas besoin de chercher 56 voisins, t’appelles ta sœur, t’appelles, c’est comme ça. (Jeanine, 70 ans)

Je trouve qu’ils ont besoin de moi autant que moi [d’eux]. Si ma fille se chicane avec son mari, elle s’en va voir maman. Mes petits-enfants, c’est pareil. […] À chaque soir, je m’en vais les embrasser et puis je m’en reviens à la maison. (Pauline, 65 ans)

Pour ces répondantes, issues des milieux socioéconomiques modestes et moyens, c’est l’institution familiale qui «soutient le temps», tant présent que futur (Roussel, 1989, cité dans Charton, 2005: 66). C’est dans cette perspective de solidarité intergénérationnelle que les temps sociaux de plusieurs des femmes interrogées restent quasi-exclusivement occupés par les pratiques de «grand-parentage» (Attias-Donfut et Segalen, 2002) ainsi que par «le travail du proche» (Pennec, 2009).

En somme, entre temps pour soi et temps pour les autres, le rapport au temps des répondantes se scinde en deux logiques différentes: selon leur âge et leur génération d’appartenance. Les femmes de la première cohorte de la génération des baby-boomers ont investi leurs parcours et se permettent dorénavant plus de projets autonomes et personnels. Partagé entre rôle traditionnel et rôles nouveaux au sein du privé, leur rapport au temps, notamment au moment de la retraite, est davantage vécu «comme un projet de maîtrise de l’existence» (Charon, 2005: 66). Le temps consacré à autrui est par conséquent arbitré dans une pluralité de temps sociaux à orchestrer —temps personnel, conjugal, familial et intergénérationnel. Pour les répondantes âgées de 75 et plus, la division sexuelle de l’espace et du travail, le rôle d’aidante et de soignante, les tâches de l’intérieur ainsi que le travail du proche (Pennec, 2009) caractérisent leur existence; plus encore, ces rôles participent à la définition de soi en tant que femme âgée. À la vieillesse et au grand âge, leur parcours et rapport au temps se placent sous une «logique de continuité et de tradition», dans le sillage des normes et des rôles familiaux bien circonscrits (Charton, 2005: 72). Le soutien à la famille et le travail sororal demeurent ainsi une valeur nodale canalisant la majorité de leur temps; leur trajectoire est sous-jacente au fonctionnement des organisations sociales traditionnelles. 

En filigrane de ces deux cas de figure, nous observons néanmoins que la trame temporelle du vieillir, que ce soit au troisième ou au quatrième âge, demeure inévitablement médiatisée par le souci d’autrui. En effet, même si ce temps consacré aux autres se vit et s’articule différemment, l’engagement de proximité, tel que défini par Pennec (2002)7L’engagement de proximité fait référence «aux engagements pratiqués au quotidien. La sphère retenue est celle de la proximité au sens du réseau des personnes considérées comme faisant partie des proches et au sens de la distance spatiale. Cette proximité conjugue ainsi le privé et le public, au sein de plusieurs collectifs d’appartenance entre famille, voisinage, amis, associations, etc.» (Pennec, 2002: 97)., continue d’occuper une place considérable dans la vie des femmes âgées. Nous convenons donc avec Pennec que «[même] si les femmes de cette génération [pivot] manifestent cette volonté d’exister hors de la sphère familiale, les services d’entraide intergénérationnelle continuent d’exercer sur elles une force de rappel vers les fonctions domestiques et de soin» (Pennec, 2009: 149). Cet état de fait n’est pas surprenant, puisque le domaine du privé, de la famille et du travail émotif demeure encore l’apanage des femmes; les pressions sociales et familiales, et même politiques, restent fortes pour qu’elles continuent à offrir tant de temps à autrui. 

5. Conclusion

L’étude des récits montre non seulement comment la temporalité intervient dans les représentations sociales des femmes aînées, mais aussi de quelle façon cette séquence du vieillir est mise en œuvre et actualisée aux troisième et quatrième âges. Au regard d’une vieillesse de plus en plus polymorphe, les représentations de la vieillesse vacillent toutefois entre deux pôles, à savoir l’image de l’aîné fringant et actif et celle du «vieux» ou de la «vieille» vivant en marge et dépendant (Caradec, 2004); ce sont ces dernières évocations qui apparaissent prégnantes dans l’imaginaire des femmes aînées. Rappelons que ces préconceptions sur la vieillesse fournissent une vision partielle et grossière de la situation et des réalités des personnes aînées, ce qui est d’ailleurs le propre de la stéréotypie. Les récits montrent comment les femmes âgées récusent en bloc ces préjugés homogénéisants à propos de la vieillesse, laquelle, au contraire, se vit et «s’inscrit dans des rythmes multiples» (Houde, 2003: 96), créant par le fait même une atomisation des temps sociaux pour certaines d’entre elles.

Aujourd’hui plus que jamais, de nouvelles temporalités se sont immiscées dans la vie des femmes. Après le retrait du travail salarié et le départ des enfants du foyer, le rapport au temps s’arbitre entre le temps pour soi et le temps pour autrui; temps disponible que l’on choisit de se réapproprier, d’investir ou de donner. Et ce sont les différentes configurations des relations familiales, reflétant tantôt des pratiques de réciprocité directe et indirecte, tantôt des schèmes d’entraide discontinus, qui influencent cette partition des temps sociaux. Considérant cette «nouvelle culture du vieillissement», ce sont les femmes, plus que les hommes, qui restent les premières interpellées et invitées à investir le temps laissé vacant au moment de leur retraite (Attias-Donfut, 2009: 190). Si celles qui bénéficient des conditions matérielles nécessaires réinvestissent ces espaces dans une logique d’individualité et de loisirs, les femmes demeurent néanmoins «les chevilles ouvrières» (Pitrou, 1997: 149), les gardiennes de la parentèle et des liens filiaux. Qui plus est, avec l’allongement de l’espérance de vie et, par conséquent, l’émergence de rapports multigénérationnels et de plus longue durée, les femmes âgées risquent de poursuivre leur engagement de proximité pendant longtemps; autrement dit, elles risquent de donner beaucoup plus de temps qu’elles n’en recevront (Bengston et Martin, 2001). 

Ainsi, le temps consacré à autrui continue d’informer non seulement les trajectoires personnelles et professionnelles des femmes, mais aussi leur appréhension et conjugaison des espaces-temps de la vieillesse. Dans les années à venir, n’est-il pas à craindre, avec l’effritement des ressources publiques dans une société vieillissante, que le temps disponible devienne, lui aussi, de plus en plus accaparé par ce rôle «d’aidante naturelle», position que les femmes ont d’ailleurs toujours occupée au sein des réseaux familiaux? De surcroît, puisque le vieillissement de la population et la longévité se conjuguent au féminin, mettant ainsi en scène plusieurs générations de femmes, leurs fonctions de pivots seront accrues pour plus de temps et auprès de plus de personnes (Pennec, 2009). En l’occurrence, si nous estimons que le «souci du proche est politique» (Pennec, 2009: 158), le rapport au temps des femmes âgées nous apparaît, lui aussi, éminemment lié dans ces mêmes enjeux. 

 

Références

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  • 1
    Une version plus longue de cet article et présentant seulement les résultats préliminaires de l’étude, soit ceux basés sur la moitié de l’échantillon total retenu, a été publiée dans la revue électronique Enfances, Familles, Générations (n° 13, 2010).
  • 2
    Le projet de recherche (CRSH 2008-2011) s’intitulait «Les femmes aînées dans l’espace public et privé: quels héritages, legs, transmission?», sous la direction de Michèle Charpentier et Anne Quéniart.
  • 3
    Précisons que le recrutement a été effectué par des sources multiples, en fonction des différents milieux de vie des aînées: associations d’aînés et groupes de femmes, résidences pour personnes âgées, paroisses et journaux de quartier, milieux de travail typiquement féminins, etc. Outre les informations visant à brosser un portrait sociodémographique de notre échantillon, l’entrevue aborde des thèmes qui s’articulent autour de deux dimensions. La première s’intéresse aux représentations des femmes aînées et des grands-mères: perceptions et images des femmes aînées, places et rôles dans la société; la deuxième vise à explorer la dynamique de la transmission intergénérationnelle: nature, type, valeurs et savoirs transmis, modes de transmission (directe/indirecte, imitation/incitation/imposition, etc.), sens de la transmission (vision du monde, mémoire, éducation), facteurs incitatifs et contraignants, etc.
  • 4
    Compte tenu du nombre limité d’entrevues réalisées, aucune différence significative ne distingue les trajectoires des répondantes appartenant de l’un ou l’autre des groupes d’âge.
  • 5
    Rappelons succinctement que les représentations sociales sont des «univers d’opinions» et des «connaissances de sens commun» qui servent de régulateur des lieux communs (Maisonneuve, 1973: 213). Elles permettent de donner un sens à ses propres pensées, comportements et pratiques, comme à celles des autres et, ce faisant, de se situer en tant qu’individu au sein d’un ensemble social organisé (Jodelet, 1989).
  • 6
    Dans sa modélisation du développement humain, Erickson propose huit étapes. Voir Aumond, 1987.
  • 7
    L’engagement de proximité fait référence «aux engagements pratiqués au quotidien. La sphère retenue est celle de la proximité au sens du réseau des personnes considérées comme faisant partie des proches et au sens de la distance spatiale. Cette proximité conjugue ainsi le privé et le public, au sein de plusieurs collectifs d’appartenance entre famille, voisinage, amis, associations, etc.» (Pennec, 2002: 97).
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