Conférence, 6 avril 2011

109 numéros, 700 collaborateurs: la revue «Steak Haché» contre «le docte pouvoir» et les «Poèmes-Parking»

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Au Québec, des écrivains et poètes ont vécu poétiquement sans rimes ni raison littéraire, en dehors de toute mécanique idéologique et propagande. Ils forment une discontinuité fragile qui n’est pas destinée à être vaincue et qu’il sera difficile d’intégrer à l’enchevêtrement identitaire sans la modifier de fond en comble. La force de leur éloignement et de leur renoncement, les faisceaux nerveux de leur ironie, sont de savantes techniques qui expriment non seulement l’affirmation de leur résistance mais aussi le refus d’un engrenage littéraire qui plie à sa logique.

La littérature a fini par constituer ici aussi un certain ordre naturel qu’il est parfaitement vain de refuser. Cette légalité littéraire ne s’accommode pas de démasquer le faux ménage des écrivains devenus images aplaties, des poètes nourris de diverses prébendes et la nature obscure d’une écriture à vocation évidemment éditoriale. Pourtant, la littérature est parfois réduite à la défensive car contre l’idéal réifié de l’harmonie littéraire, variété de fantôme idéologique consensuel, la méfiance s’actualise. La stratégie du renoncement et ses nécessaires écarts expriment, à travers la soustraction méticuleuse au pouvoir, la différence singulière que restent envers et contre tout, la poésie et l’écriture qui n’entendent pas servir le champ littéraire.

Ces différents points laissent déjà voir un peu comment tremble le terrain. Ou comment il a tremblé.

La saga de la revue «Steak Haché» peut servir d’exemple. Née en 1998, avec 109 numéros et la participation de 700 auteurs et dessinateurs, la revue stoppa fort honorablement son élan vital en 2007. Amarrée à une sorte de vie suspendue, elle jouit maintenant de sa longévité enviée et offre un panorama captivant, mais par défaut, de la vie littéraire québécoise, une sorte de reflet florissant et libre au contenu éclectique et peut-être favorable à un nouvel esprit critique. Avec son 109e numéro, la revue ouvrait ainsi symboliquement la porte à un sang neuf et indiquait un sentier de guerre laissé libre et ouvert.

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