Entrée de carnet

L’ensauvagement manqué de l’enfant chargé de songes

Anna Zerbib
couverture
Article paru dans Ensauvagement du personnage et écriture ensauvagée, sous la responsabilité de Véronique Cnockaert (2017)

Pourquoi l’ensauvagement tant désiré n’est-il pas opérant, qu’est-ce qui l’empêche, et qu’est-ce que ce texte nous apprend des conditions favorables et nécessaires à l’épreuve véritable du seuil et de son passage? Il apparaît que ces personnages, et surtout celui de Julien sur qui nous choisissons de nous centrer, tout en passant à côté d’une authentique expérience de leur liberté, ont quelque chose à nous dire sur la nature des frontières où ils demeurent et sur les possibilités de leur franchissement.

À la première lecture de L’Enfant chargé de songe1Anne Hébert, L’Enfant chargé de songes, Paris, Seuil,1992. Toutes les citations issues de l’œuvre seront signalées entre parenthèses par le sigle ECS. d’Anne Hébert, le sentiment séduisant du sauvage est partout: des prémisses d’un affranchissement à la présence forte du saltus2On s’appuie ici sur la terminologie adoptée par Philippe Descola dans son ouvrage Par-delà nature et culture, pour penser le sauvage et le domestique dans l’espace. Le saltus est ce lieu entre la domus et la silva, zone périphérique vouée à la pâture libre du bétail, espace intermédiaire en jachère. Voir Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 2005., en passant par des personnages qui ont tous affaire avec les marges. Pourtant, si l’on s’y attarde davantage, il semble que l’ombre de l’ensauvagement plane sur le livre d’Anne Hébert sans jamais vraiment s’abattre: toujours latente, elle est réduite à l’état de menace, de désir ou de promesse et l’ensauvagement des personnages est, au fond, frôlé et raté. Il est d’autant plus intéressant que, s’ensauvager, dans le roman d’Anne Hébert, est paradoxalement un geste qui correspond à une pratique de l’écriture, de l’art et donc de la culture, bien loin du lieu commun du «retour à la nature». Pourquoi l’ensauvagement tant désiré n’est-il pas opérant, qu’est-ce qui l’empêche, et qu’est-ce que ce texte nous apprend des conditions favorables et nécessaires à l’épreuve véritable du seuil et de son passage? Il apparaît que ces personnages, et surtout celui de Julien sur qui nous choisissons de nous centrer, tout en passant à côté d’une authentique expérience de leur liberté, ont quelque chose à nous dire sur la nature des frontières où ils demeurent et sur les possibilités de leur franchissement.

C’est au début du XXe siècle, au bord de la rivière Duchesnay, Julien et sa petite sœur Hélène sont élevés par leur mère Pauline, leur vie est paisible, recluse et protégée. Un jour, une jeune fille mystérieuse surgit sur un cheval gris pommelé et vient bouleverser la vie du village et surtout celle des deux adolescents. Il s’agit de Lydie, elle est «l’étrangère», «la voleuse de chevaux», «la menteuse», l’écorchée, la «boiteuse», la «chasseresse» fascinante, qui, au grand désespoir de Pauline s’est donnée pour mission et pour défi l’affranchissement de Julien et Hélène. Elle introduit dans leur vie l’écriture, puisqu’elle décide de commencer avec eux une correspondance de lettres échangées dans le creux d’un arbre, la musique, la lecture et la poésie. Hélène mourra à la suite d’une expédition en canot sur la rivière avec Lydie, Pauline mourra du chagrin inconsolable de la perte de sa fille, Lydie sera récupérée par ses parents après avoir vécu sa première relation sexuelle avec Alexis, un garçon du village qu’elle n’a pourtant cessé de repousser. Quant à Julien, il s’en va plusieurs années plus tard, vers trente ans, errer à Paris sans but, retenu dans le monde de l’enfance et le souvenir de Lydie, il formera finalement le projet de retourner au Québec, le cœur heureux, quand son amie Aline qu’il a laissée là-bas lui annonce qu’elle est enceinte.

Dans le leurre du seuil

Heurte,

Heurte à jamais.

Dans le leurre du seuil

Yves Bonnefoy3Yves Bonnefoy, Dans le leurre du seuil, Paris, Mercure de France, 1975.

Obstacles et compartiments

Le roman est divisé en quatre parties: il commence et finit à Paris, et nous sommes emmenés, au milieu, au bord de la rivière, dans le passé où s’est présentée pour Julien et Hélène la possibilité en apparence donnée mais toujours retirée de l’ensauvagement, au sens mélioratif d’un affranchissement, d’une liberté qui arrache au statique ce qui doit être dynamique, qui met en mouvement et, littéralement, en œuvre. Dans sa structure déjà, par l’usage de l’ellipse, le roman lui-même témoigne de la rupture entre les mondes qui caractérise le personnage de Julien, incapable de passer d’un monde à l’autre avec fluidité (du rêve à la réalité, de l’enfance à l’âge adulte, de la campagne à la ville, du présent au passé, de la vie à la mort et réciproquement): il ne connait pas la transition et se trouve figé sur des seuils qui sont des «impasses4Neil B. Bishop, Anne Hébert, son œuvre, leurs exils : essai, Presses Universitaires de Bordeaux, 1993, page 11.».

En effet, la façon dont les mondes sont compartimentés au lieu d’être poreux est patente dans L’Enfant chargé de songes. Nulle communication entre l’enfance et l’âge adulte, entre le rêve et la réalité, entre la vie et la mort, quand bien même on croise des fantômes dans le quotidien et quand bien même Julien projette son rêve parisien sur les pavés de Paris comme autant d’écrans: ces mondes sont confinés. Si le personnage de Julien confond d’ailleurs le rêve et le réel c’est bien parce qu’il ne circule pas de l’un à l’autre, parce qu’il est coincé entre deux mondes. Il les confond comme on intervertit sur sa droite et sa gauche, et ceci non parce que leurs frontières sont malléables et tremblantes, mais parce qu’ils sont pour lui interchangeables. Le personnage de Julien, n’est ni dans un monde, ni dans un autre, il est exclu et du rêve et du réel, et de la vie et de la mort, et de l’enfance et de l’âge adulte. Anne Ancrenat décrit ainsi Julien comme un garçon qui serait «dépossédé du monde», en «exil intérieur» dont «la claustration est extrême5Anne Ancrenat, De mémoire de femmes : la mémoire archaïque dans l’œuvre romanesque d’Anne Hébert, Montréal, Nota Bene, Collection Littérature(s), 2002, page 235.».

À Paris, «il y a comme un écran entre la ville et lui, une vitre translucide», la ville se «dérobe à son approche» (ECS, 2). Or, cette vitre, c’est lui-même: plus tard, on apprendra de Julien qu’il est «cassant comme de la vitre» (ECS, 77), c’est un personnage saltusien dont le corps découpe une fenêtre sur les autres mondes sans l’ouvrir. Pour traverser, quelque chose doit se briser mais Julien ne va pas jusque-là. Il déambule comme «un chat sur la crête d’un mur». Julien est sur le bord, mais il s’y déplace «lentement, précautionneusement» (ECS, 12), il ne cherche pas à faire éclater le seuil pour y dérouler une route. D’ailleurs, quand Camille lui demande: «D’où sortez-vous donc?» (ECS, 20), l’embarras de Julien est compréhensible: il ne sort de nulle part, au sens propre, il est partout et toujours enfermé dans le saltus. Ainsi, il est cohérent que lorsque, agacé par Camille Jouve, Julien se lève précipitamment, «s’entrechoquent son verre et la coupelle en métal du sorbet» de Camille, sans pour autant que la petite table ne se «renvers[e]» (ECS, 22). Julien fait bien trop attention pour cela, même lorsqu’il est un peu brusque, ce n’est jamais au point de faire se fissurer la vitre ou le verre: les frontières restent en place autour de lui et sont essentielles pour lui dessiner un contour, de l’extérieur: «l’espace réservé à sa silhouette longue, un peu voûtée, semble mesuré, étroitement limité, parmi les passant» (ECS, 13).

Si l’on choisit de concevoir l’ensauvagement du personnage comme un pouvoir positif de déplacement, un geste de déprise, une force centrifuge, alors Julien n’est pas un personnage ensauvagé mais est bel et bien seulement un personnage liminaire tel que l’a défini Marie Scarpa6Marie Scarpa, «Le personnage liminaire», Romantisme 2009/3 (n° 145), p. 25-35.. Comme elle, nous proposons, pour «ces figures bloquées sur les seuils, figées dans un entre-deux à la fois constitutif et définitif, “inachevées” (…)», de réserver l’étiquette de «personnage liminaire». On suggère, par contre, de distinguer ensauvagement et liminarité. Capable de circuler entre les catégories, le personnage ensauvagé n’aurait pas le seuil pour obstacle mais pour point de passage, point de contact vers les autres mondes auquel il aspire. Loin d’être un personnage «bloqué» ce serait un personnage en mouvement, un personnage mu par son désir et que son désir transforme: son passage lui a donné le désir du passage, il ne l’a pas assouvi. Son ensauvagement est une force motrice, il cherche à en renouveler l’expérience: ce n’est pas une fin en soi mais la découverte d’une puissance. Passant d’un monde à l’autre, de l’ager à la silva en passant par le saltus par exemple, ou en sens inverse, il a la spécificité de porter sur lui les marques de sa traversée, c’est un personnage hybride dont la mue n’est pas un moment ni une étape mais une condition d’existence.

Si vous avez une cicatrice profonde, c’est une porte. Une vieille, très vieille histoire, c’est aussi une porte. Si vous aimez le ciel et l’eau d’un amour presque insupportable, c’est une porte. Si vous mourrez d’envie d’une vie plus profonde, plus épanouie, plus saine, c’est une porte7Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups: histoires et mythes de l’archétype de la femme sauvage, Paris, Grasset, 1996, page 40..

Clarissa Pinkola Estés l’a bien nommé, qui exhorte les femmes à renouer avec leur nature sauvage: l’ensauvagement est affaire de porte à pousser, d’«enhardissement» contre ce qui est «apeuré, coincé, acculé». Il ne suffit pas d’éprouver la présence d’un seuil, encore faut-il s’y engager. L’ensauvagement est une «force8Ibid., page 22.» qui ne permet pas «d’échapper à tout contrôle» selon son sens «moderne, péjoratif» mais bien de se vouer soi-même à son «intégrité» c’est-à-dire d’exister dans son entier.

Selon Marie Scarpa, le personnage liminaire «faisant le détour par l’autre comme tout un chacun, ne parvient pas», lui, à «revenir de cette altérité», «il est placé souvent, dans le système des normes culturelles, du côté du pôle le moins positif ou le plus problématique9Marie Scarpa, op.cit.». «Sous-initié», «mal-initié», il semble que Julien, personnage couvert de portes fermées comme d’écailles, soit aussi à la limite du personnage principal: c’est un presque-personnage qui tient plus du personnage secondaire, et peine à devenir non pas seulement un adulte, mais bien le protagoniste du roman. Il apparaît qu’il reste un «enfant chargé de songes» c’est-à-dire, non seulement un enfant mais aussi un contenant: il est chargé comme rempli indépendamment de sa volonté, il est un réceptacle pour le rêve, on peut mettre en lui ce que l’on veut, qu’on soit l’auteur ou le lecteur, il est sans contenu, il se cherche l’étoffe et l’épaisseur d’un vrai personnage principal. Chargé de songes, il est aussi chargé du songe comme d’une mission: rêver et donc trépigner, trébucher sur le seuil demeure sa tâche unique, comme pour souligner la présence du seuil. Or, si le saltus est, pour le personnage ensauvagé, le lieu d’une articulation, la problématique de Julien est d’être un personnage saltusien désarticulé, à la façon d’un pantin dont on repère les artifices, il signale la rupture entre les mondes plutôt que d’assurer leur lien, il rappelle à tout moment la fragilité des jointures.

On peut ainsi constater que les personnages de Julien et Hélène redoutent le saltus et le crépuscule, c’est-à-dire, le lieu de passage entre domus et campus, et l’heure de passage du jour à la nuit, et inversement. La première fois qu’ils nous sont présentés, enfants, c’est en contact avec ce point de basculement spatio-temporel qui les effraye. A l’heure où «on va chercher les vaches dans les champs pour les traire» c’est-à-dire «le soir sur le coup de six heures», comme nous l’apprend plus loin le texte: les deux enfants sont:

(…) rangés sur le bord de la route, les pieds dans le ruisseau, attendant que passent tous les troupeaux. Ils craignent particulièrement les vaches sauteuses de clôture, celles qui ont des carcans autour du cou et qui peuvent, d’un instant à l’autre, charger comme de vrais taureaux, dans un meuglement sauvage et un nuage de poussière. (ECS, 29)

Ici, les vaches incarnent la menace planante du saltus: elles sont mi-mâles mi-femelles, leur meuglement est «sauvage», et elles peuvent soulever un «nuage de poussière», phénomène qui brouille les frontières entre ciel et terre, qui fait trembler les limites, permet les apparitions et les disparitions, presque de l’ordre de la sorcellerie. Les enfants préfèrent se tenir «sur le bord», bord où ils resteront, mais bord qui qui les tache, dont ils ne sortiront pas indemnes pour autant puisqu’ils sont littéralement mouillés, les pieds dans le ruisseau. Ces deux personnages sont donc à l’abri, mais surtout recelés, et cela, dès le départ et avant même la rencontre de Lydie, annonce un ensauvagement problématique, et, par la suite, impossible.

On apprend en effet, plus loin, que Julien est né dans une «minuscule maison de bois posée au bord de la route de sable» (ESC p. 33), il s’agit d’une maison «posée au bord», comme sans racine dans le sol, qui pourrait être déplacée, qui pourrait s’envoler, ils sont «tout à côté de la boulangerie», proche du cuit, du culturel10Voir Le cru et le cuit, de Claude Lévi-Strauss, tome 1 des Mythologiques, publié à Paris chez Plon en 1964., donc, et «de grands peupliers aux feuilles d’argent sans cesse en mouvement isolaient la maison et lui faisaient une sorte d’abri bruissant, tout plein de l’odeur du pain chaud» (ECS, 33). Ici, la maison a, à première vue, l’air du lieu idéal et propice pour un ensauvagement à venir, elle mêle odeur de pain et feuilles d’arbres, les peupliers sont présents mais ils sont «enculturés» puisqu’ils ont des feuilles d’argent, feuilles qui sont, en plus, en mouvement… si ce n’est qu’apparaît déjà ce verbe «isoler» qui représente Julien et ne cessera de revenir. La maison est «isolée» mais ce n’est pas tout:

(…) l’univers dans lequel ils vivaient, tous les trois […] les isolait du monde entier. On aurait pu croire que c’était ça, la vraie vie, une enfance interminable, une sorte de jardin suspendu, entre ciel et terre, où s’ébattaient mère et enfants, à l’abri du mal et de la mort. (ECS, 37)

Plusieurs problèmes se posent alors pour ces enfants: l’enfance est un lieu et non un temps, on peut donc, si l’on veut ou si l’on n’en a pas la possibilité, ne jamais la quitter: elle est un jardin mais un jardin «suspendu» «entre» le ciel et la terre c’est-à-dire au milieu de tout, flottant, non pas un point de contact ou espace interfaciel mais espace clos, fermé sur lui-même qui ne touche pas les autres mondes, ou ils sont, en plus, retenus avec leur mère.

Dès lors, même si leur contexte géographique aurait pu laisser croire aux conditions idéales d’un ensauvagement à venir pour Julien et Hélène nés dans une marge, au bord d’une route et qui plus est une route de sable, matériau fluide qui permet le fondu par excellence, il s’avère, à y regarder de plus près, que se dessine en fait, dans le décor, déjà, la difficulté, pour le saltus, de se former et d’être fécond.

Lydie ou la fin du jardin suspendu

La rencontre avec Lydie est alors déterminante:  à nouveau, le contexte et l’arrivée surprenante de la jeune fille ont l’air favorables à l’ensauvagement futur des deux enfants, tandis que transparaissent en même temps en filigrane les indices de son échec. S’opère ainsi un glissement des frontières spatio-temporelles, comme un ensauvagement du temps et de l’espace qui semble faire signe vers un affranchissement, pour Julien et Hélène, qui ont, justement alors «quatorze et seize ans» (ECS, 40). À cause d’une épidémie de polio à Québec où la rentrée est «retardée», Pauline garde, cette année-là, «ses enfants à la campagne» au bord de la rivière: d’abord, c’est «comme si les vacances continuaient sans fin», comme si l’été débordait sur l’automne, dans un dérèglement temporel exaltant (ECS, 40). La rumeur dit que la maladie vient «de ces petits fruits sauvages qui poussent à la fin de l’été, dans les haies, en bordure des champs». Quelque chose nait au bord du temps («la fin de l’été») et de l’espace («en bordure des champs») qui menace l’ordre établi. L’air est «envahi par la brume», floutant les frontières, puis, peu à peu, Hélène et Julien prennent conscience qu’une «nouvelle saison, insidieusement» (ECS, 40) s’installe autour d’eux. Une saison inconnue émerge de l’entre-deux, une saison-saltus, mystérieuse. Lydie s’annonce par des «traces» sur le sol, des «empreintes fraîches de sabots» qui sont «découvertes au matin, dans les champs, autour du village et jusque dans le petit cimetière, au bord de la rivière, tout près de l’église» (ECS, 41). Ces traits qui relient les espaces naturels et culturels, qui tracent entre eux comme un chemin en pointillé paraissent signaler l’ensauvagement qui est un décloisonnement des frontières, une déambulation. Le décor est planté et propice, pour que se présente la fille sauvage qui vient délivrer les deux enfants.

Avec Lydie, le monde de Duchesnay ne peut plus être ce «jardin suspendu» entre ciel et terre qui ne touche à rien. Lydie crée du liant, elle porte sur elle tous les contraires, elle relie les éléments et les opposés, crée surtout de nouvelles relations de «symétrie» évoquées Marie Scarpa11Marie Scarpa, op. cit., elle qui arrive, pour la première fois, juchée sur un cheval au milieu du village tenant ensemble l’humain et l’animal. Elle réconcilie ciel et terre en même temps que macrocosme et microcosme, puisque son cheval a des «nuages» sur sa robe pommelée, le ciel a la robe d’un cheval («un ciel bleu dur avec une quantité de petits nuages floconneux tout blancs» ECS, 42), et le short bleu de Lydie est «taché de poussière». Elle a été vue en «plein jour» mais comme une «reine nocturne», elle est la «somnambule», celle qui réunit éveil et sommeil. Elle tient ensemble naturel et culturel, elle qui monte à «cru» mais un «cheval de labour»; elle rassemble terre et eau avec son visage «barbouillé de terre» et ses cheveux qui sont comme des «algues»; clair et sombre, elle a les yeux «blancs» et les cheveux «noirs» (ECS, 42). Elle paraît être l’initiatrice idéale, capable d’apporter du souple, du fluide.

Pourtant, plusieurs indices annoncent que Lydie n’est pas à la hauteur du rôle d’initiatrice qu’elle se donnera, et que l’ensauvagement dont elle veut porter l’étendard sera un enfermement. D’abord, elle ne maîtrise pas son cheval, ne le protège pas, en tombe rapidement et l’insulte: «Maudite bête», elle n’est très vite plus mi-femme mi-cheval mais seulement une jeune fille capricieuse. Elle s’éloigne alors «toute raide» (ECS, 42), ce qui est loin d’être l’adjectif de l’ensauvagé par excellence. Par ailleurs, Hélène et Julien «retiennent leurs souffles» et les habitants sont «cloués sur place»: d’emblée, elle les fige au lieu d’initier chez eux un mouvement. C’est une «apparition», une «vision» (ECS, 43), le lecteur, comme les villageois, a des doutes sur son authenticité, et pire que cela, elle a tout l’air d’une actrice qui joue la comédie du sauvage: on parle du «théâtre inouï» de son entrée fracassante, et on l’entend «boiter terriblement» «sur les planches sonores du pont», véritable scène de son spectacle de sauvageonne.

Si l’on veut comprendre pourquoi Julien reste un personnage liminaire au lieu d’atteindre son ensauvagement, pourquoi la petite Hélène meurt dans le seuil qu’est la rivière, il faut s’attarder sur le personnage de Lydie, qui prétendait venir les délivrer. Presque divine sur son cheval, Lydie est en fait une Diane maléfique, une Artémis d’imposture: à l’inverse de la déesse qui s’occupe d’instituer les rites par lesquels elle accompagne les enfants «sur l’autre rive», Lydie ne permet pas le passage des adolescents à l’âge adulte. Elle ne les met pas, «en état de la quitter», puisqu’elle ne leur «donne [pas] congé» comme le ferait une Artémis selon le portrait qu’en fait Jean-Pierre Vernant12Jean Pierre Vernant, La mort dans les yeux : figures de l’autre en Grèce ancienne : Artémis, Gorgô, Paris, Pluriel, Littératures, 2008, page 21.. Ainsi, il n’est pas étonnant que Julien et Hélène «parcourent les chemins et les champs jusqu’au petit bois des Ours, dans l’espoir de voir apparaître Lydie de nouveau» (ECS, 50): ils semblent avoir deviné qu’ils sont les petits ours que Lydie devrait «lécher» pour finir de les former, comme les petites filles d’Athènes devaient, «recluses au sanctuaire d’Artémis, se faire ourses», «mimer» les ourses, pour mieux vivre, après cet éloignement de chez elle, le retour et le mariage avec un homme13Ibid.. Il est encore moins étonnant qu’ils ne l’y trouvent pas: Lydie a bien d’autres choses en tête que de permettre aux deux enfants de franchir le seuil, et, sans eux, elle s’y ennuierait trop. Rappelons aussi que Lydie n’est pas la Diane dont elle se donne l’air puisqu’elle finit par perdre sa virginité avec Alexis, ne parvenant pas à rester «indemne une fois de plus», ni à replacer «sa jupe» pour «rentrer souper en famille comme d’habitude» (ECS, 91), quand la déesse elle, a choisi la chasteté.

Dans son essai sur la chasse et les mythes du sauvage, Bertrand Hell souligne, lui, qu’Artémis est aussi associée à Hécate, divinité du monde des ombres et de la mort, qui apparaît aux magiciens et aux sorcières pour présider à leurs rites occultes sous des métamorphoses animales dont sous la forme d’une jument, ainsi Diane/Hécate conduirait de nuits des chevauchées de défunts-chasseurs14Bertrand, Hell, Le sang noir : chasse et mythes du sauvage en Europe, Paris, Flammarion,1994, page 297. à l’image de ceux de l’unique poème de Julien. Il souligne le trait le plus marquant d’Artémis: sa nature double, son pôle de chasseresse-nourricière auquel «répond celui de la chasseresse enragée», elle conjugue des énergies opposées15Ibid., page 301.. Il apparait que l’ensauvagement tel qu’il est offert par Lydie prend ainsi la forme d’une aliénation, c’est un assujettissement et un affaiblissement pour les autres personnages. Elle les nourrit pour en faire ses proies. Elle les laisse passifs, médusés, plutôt que de leur donner la puissance de se mouvoir, après ses paroles, «ils n’osent bouger de peur d’être tout à coup brutalement rejetés dans la vie de tous les jours» (ECS, 56). Mais elle les avait prévenus: «méfiez-vous des chasseurs… et des chasseresses!» (ECS, 63). Lydie joue à Diane et prévient: il y a des «enfants aux cheveux châtains qu’on peut prendre pour des chevreuils». Force est de constater que loin de permettre aux deux jeunes de s’émanciper, elle s’approprie leur mue, parfois littéralement comme lorsque Julien s’adresse à elle, sentant «sa voix qui mue lui échappant»: «Ne partez pas tout de suite!» (ECS, 58). Quand elle incitera, plus loin, Julien à s’approcher d’elle, il tombera ainsi à ses pieds «comme une bête blessée» (ECS, 96).

L’imposture de Lydie est frappante quand elle s’adresse à Hélène pour la convaincre d’embarquer dans le canot, «tu seras à jamais une grande personne, libre comme moi» (ECS, 103): Lydie est en fait une surtout, une adolescente «tannée» comme elle le dit elle-même, qui ne sait pas quoi faire de son été, délaissée par ses parents en voyage, c’est pourquoi elle ne peut initier Hélène. Le rite de passage est impossible puisqu’Hélène n’a qu’à se laisser faire et n’use pas de son corps: «tu n’auras qu’à rester assise sans bouger, au fond du canot, pendant que j’avironnerai». Au lieu de «former» Hélène, Lydie la déforme, Hélène «fond comme une bougie de Noël» à son contact (ECS, 103). Hélène est alors seulement «obéissance à la maîtresse du canot» (ECS, 104), plus que jamais encarcanée, pas d’ensauvagement envisageable, la petite sœur est condamnée à la liminarité par une jeune fille qui se rêve en la déesse des cours d’eau.

Finalement, ces personnages rêvent, et surtout, ils jouent. Lydie «joue à être infernale» dans ses lettres (ECS, 75), elle pense qu’elle est «une femme» après avoir été prise par Alexis, au point qu’elle demande à Julien de l’appeler «madame» (ECS, 93) comme on prend un nouveau nom de scène, elle trouve que Julien est devenu un «homme» puisqu’il a eu son «chagrin d’amour (ECS, 97): elle confond ensauvagement et sauvagerie, en vient même à le mordre. Camille Jouve a ainsi raison qui dit à Julien qu’il «fait le sauvage» («Quel sauvage vous faîtes» ECS, 22) quand il la fuit après leur rencontre au café: il prend l’allure d’un sauvage, et l’allure seulement, son stéréotype qui veut qu’il ne connaisse pas les codes du culturel. Pauline et Lydie s’affrontent tout en «jou[ant] à prendre le thé» (ECS, 82), Lydie «nomme [Julien] le Ténébreux, le Veuf, l’Inconsolé», comme elle attribuerait un rôle, celui du poète romantique dont on apprend et annone les vers à l’école. On est au théâtre, mieux, on est au cirque. Zoël Ouellet avait prévenu Lydie: ses «chevaux ne sont pas fait pour le cirque» (ECS, 48), mais Lydie insiste, elle y tient, et elle incite Hélène à la rejoindre à participer à son numéro: «Il faut que tu traverses ta peur, comme un cerceau de feu, comme au cirque, tu sais bien» (ECS, 103). Au nom de Lydie est souvent associée la conjonction «comme»: elle n’est pas, elle est presque, elle ressemble. Mais, si tout est spectacle, rêve, ou comédie sur fond d’ennui alors ni l’ensauvagement ni la formation ne sont possibles puisque les personnages, sont, sans cesse, non dans l’épreuve par le corps mais «dans le leurre du seuil16Selon le titre du recueil d’Yves Bonnefoy: Dans le leurre du seuilop. cit.».

Ouvrir la cage

Un travail en cours devient vite féroce. En une nuit, il retourne à l’état sauvage. À peine domestiqué, c’est un mustang auquel tu as un jour passé la longe, mais que maintenant tu ne peux plus attraper. C’est un lion que tu mets en cage dans ton bureau.

Annie Dillard17Annie Dillard, En vivant, en écrivant, traduit de l’anglais par Brice Matthieussent, Paris, Christian Bourgois, Collection: Fictives, 1996, page 70.

L’écriture: désir et rature

Tel est bien le problème de Julien: il n’a pas osé ouvrir la cage pour rencontrer son poème après l’avoir commencé. Le poème qu’il a un jour écrit pour Lydie est resté sauvage, et lui, a manqué l’occasion de s’ensauvager à son contact, il a précautionneusement refermé et verrouillé la cage. «Griffonné» sur la page de son cahier de français, son premier et seul poème est aussitôt rendu «illisible» par la longue écharpe rouge de Lydie qu’il dessine et qui «barre» la page entière (ECS, 66). Écrit en travers des lignes prévues pour le travail de l’écolier mais en-dessous du tissus rouge, le poème lui-même est un espace saltusien, situé entre les lignes droites et les volutes de la bande écarlate, mais il est un espace immédiatement inaccessible puisqu’il est barré, étranglé par l’écharpe qui s’enroule sur les mots. Le poème, dès le début, n’est pas un pont de l’école au sauvage, il est un espace clos et curieusement clos par une courbe qui aurait pu venir l’enluminer, l’entourer en ruban baroque, le mettre en valeur plutôt que de l’étouffer. Le rouge n’est d’ailleurs pas sans rappeler la couleur traditionnellement utilisée pour la correction par le maître symbolique, et en considérant les analyses de l’activité métalinguistique d’Eduardo Calil, on peut alors se demander si ce «semblant d’erreur» que peut révéler «la rature» de l’écharpe sur le poème n’est pas surtout la réaction d’un Julien scripteur, envahi par un «sentiment d’étrangeté» face à sa «propre manière d’écrire18Voir l’article de Calil Eduardo et Felipeto Cristina, «Quand la rature (se) trompe: une analyse de l’activité métalinguistique», Langage et société, 2006/3 (n° 117), p. 63-86.», comme si les mots qu’il découvrait sur le papier, étaient faux ou à rayer, parce qu’ils correspondent en fait à une part inconnue de lui-même. Pour Julien, le poème n’est d’ailleurs pas un espace personnel à explorer, il «rêve» tout de suite d’en faire cadeau à Lydie, au lieu de se l’approprier, il est œuvre à donner et non à garder, il est d’emblée fermé, et son mystère semble l’inquiéter au lieu de l’attirer. On frôle l’ensauvagement sans s’y adonner.

Encore une fois, ni décision, ni projet, les vers sont sous le signe du songe. La narration elle-même s’en éloigne après nous avoir donné le contenu des mots disparus sous le rouge: «Nous entrerons dans des villes splendides / Flambant nus / Montés sur des coursiers d’épouvante». C’est un blanc qui suit, puis, Julien se rase. Tel est son premier geste après l’écriture: «Julien, pour la première fois, se fait la barbe comme un homme» (ECS, 67). Comme, encore. Le garçon qui a écrit son premier poème aussitôt barré «contemple longuement son visage rougi par le feu du rasoir» (ECS, 67), rasoir qui agit étrangement comme l’écharpe de Lydie sur les mots, teinte et brûle. Dans ce geste d’écriture et de rature suivi du rasage qui donne lieu à l’espoir d’une future barbe, on pourrait lire le rapport paradoxal, entre peur et désir, de Julien au sauvage. D’un côté, Julien se rase mais espère devenir plus tard «virile et rude», avec «une barbe aussi frisée que sa chevelure rebelle» (ECS, 66). De l’autre, il écrit puis rature et tente, dans l’obscurité, de «ramener au grand jour des fragments de poèmes fabuleux entrevus en songe, offerts à Lydie, aussitôt ravalés dans la nuit» (ECS, 72). Il semble que le même mouvement se dessine: on arrache ce dont on souhaite en fait la repousse, on efface dans l’espoir que quelque chose de plus dru naisse sur la page, sur la peau. Comme pour endiguer la montée de l’ensauvagement chez son enfant, Pauline pose justement devant lui, tandis qu’il écrit, «une part de gâteau tout chaud qu’elle vient de cuire», c’est la domus, le cuit, qui se rappelle avec insistance devant la tentation du saltus. Il semble bien que la mère de Julien ait perçu le danger et la possible prise de liberté de son fils dans cette émergence de la parole poétique au lieu même du travail d’école, mais Pauline n’avait pas à s’inquiéter: Julien a lui-même assuré les limites de son débordement. Il s’est rasé avant même les poils d’homme, il s’est tu avant la naissance du poème.

Le lieu de l’échange des «billets doux», la grande idée de Lydie pour occuper son été avec les deux adolescents, est ainsi bien sûr défini par elle: ce sera un «vieux bouleau fourchu, au bord de la rivière, non loin de la forge, dans une espèce de petit champ en friche qui n’appartient à personne» (ECS, 65). On se remettra les billets dans un arbre carrefour entre eau et feu, en plein cœur du saltus, où peuvent pousser les mots et les enfants. C’est Lydie, celle qui «lit» et qui «dit», selon l’onomastique, qui commencera, et les enfants devront lui répondre. Lydie a donc le privilège de l’adresse, ce qu’elle permet à Hélène et Julien est un écho, là où elle s’autorise à elle-même un acte de création. On apprend ainsi que le bouleau (arbre connu entre tous pour son écorce blanche) est devenu «tout rose sous la pluie», coloré lui aussi, comme la peau et la page, par le feu du rasoir et le rouge de l’écharpe. Ainsi, en marchant vers l’arbre, Julien tente de «semer sa sœur» (ECS, 68) sans y parvenir. Ici, si «semer» est utilisé au sens familier de «s’éloigner de», «égarer», mais, on peut lire, aussi, qu’il tente de semer sa sœur dans le champ comme une graine. Il n’y parvient pas et pour cause: Lydie est celle qui a le monopole de l’acte de «planter», de faire pousser, de donner vie, elle n’offre pas à Julien la possibilité de «semer», elle ne le lui apprend pas, lui en donne seulement le désir. Lydie n’est, au fond, pas si différente de Pauline qui cherchait à retenir les enfants par le cuit, si ce n’est qu’elle ne leur offre rien de comestible: les deux lettres qu’elle leur écrit sont déposées dans «une boîte vide de biscuits anglais». Hélène, d’ailleurs, «renifle sa lettre d’un air gourmand» sous la pluie et finit par «la mâchouiller» et l’avaler après la lecture, à grand renfort d’eau de rivière pour la réduire en «bouillie». Pauline aura beau mettre la veste d’Hélène à «sécher près du poêle de la cuisine» (ECS, 67), il est trop tard, Lydie a gagné: Hélène s’est nourrie de la lettre, elle a bu l’eau de la rivière, elle est devenue pour toujours liminaire. Si Hélène s’ensauvage c’est contre Pauline, contre la figure de sa mère nourricière, mais seulement pour se donner un autre tyran.

Dans sa lettre même, Lydie est explicite: elle compare Hélène à un «tout petit bourgeon à moitié froissé, pas encore déplié, tout bouillonnant de sève, bon à croquer.» (ECS, 66). Elle donne moins aux enfants de quoi se nourrir qu’elle n’espère s’en nourrir elle-même. Elle est moins une fille sauvage qu’une sauvageonne selon la définition qu’on en donne en arboriculture: un petit arbre qui pousse spontanément, presque toujours couvert d’épines et qui sert, en jardinage, de sujet pour une greffe où implanter des bourgeons. Lydie, au lieu de semer chez les deux enfants la graine de l’ensauvagement, s’est greffée leurs rêves et leurs désirs pour mieux pouvoir pousser et absorber leur sève et leur sang. C’est une sauvageonne inversée qui, loin de permettre la croissance de ses bourgeons, aspire leur vie.

Tandis qu’Hélène lit les pieds dans les vagues du ruisseau, Julien se retire dans une «grange abandonnée» «trapue, de guingois, au bord de la route» (ECS, 71). Julien choisit une domus mais une domus qui s’écroule, désertée, une domus qui penche vers le saltus, à l’image de la porte «vermoulue», pourrie par les larves, qu’il ouvre d’un «coup de genou» (ECS, 71). Il est dans un lieu à l’image de ce moment de sa vie: un saltus avec un toit, une domus qui penche. Il ne s’est pas «mouillé» comme Hélène. Il se protège, lui. Dans la lettre de Lydie, il se voit traité d’«agneau frisé», «d’ange», de «trésor bêta», infantilisé. Cependant, de même que son premier geste d’écriture l’avait amené à se raser, la lecture de la première lettre de Lydie semble presque le faire grandir instantanément: il «examine longuement son poignet maigre émergeant de sa manche trop courte» et constate qu’il «grandi[t] à vue d’œil», comme s’il était en train de pousser sous nos yeux, tel la tige d’une plante, en accéléré. Julien vit l’humiliation comme un rite de passage: il pense que s’il grandit c’est pour mieux pouvoir se «mesurer» à Lydie. Néanmoins, la croissance «à vue d’œil», conséquence de la lecture ou de l’écriture paraît le fragiliser: le poignet est maigre, et la peau des joues irritée, le passage à l’âge d’homme est forcé.

«Lydie, Lydie, Lydie» répète Julien, dans la grange silencieuse. Et plus tard, malade, alors que toutes ses «paroles extravagantes (…) crèvent comme des bulles à la surface d’un étang obscur et profond», n’adviennent pas, donc, implosent, «un seul mot distinct se détache: «le nom de Lydie prononcé à plusieurs reprises» (ECS, 77). Julien, au lieu d’entrer en création par l’intermédiaire de l’échange épistolaire, est condamné à la répétition. Le jeune homme est, rappelons-le, «cassant comme de la vitre»: il est ce à travers quoi Lydie regarde, et surtout, la surface sur laquelle elle se reflète et s’admire. Lydie n’a pas l’intention de permettre à Julien son ensauvagement, elle a l’intention d’y contempler le sien. Elle va d’ailleurs même, lors de l’invitation chez Pauline, lui reprocher son «air farouche», et l’inciter à «changer de figure» (ECS, 83). Or, farouche se dit, en premier lieu, d’un animal sauvage qui fuit à l’approche de l’humain: Lydie voudrait s’apprivoiser Julien, et Julien demeure ainsi cet être qui «rabâche les mots anciens». Son «unique poème» est reproduit deux fois dans le texte, il y songe encore, une fois adulte, et quand il rencontre Camille Jouve, «il se répète ce nom comme une litanie» (ECS, 149) «il espère le poème» (ECS, 127), écrit de longues pages qu’il déchire aussitôt, «des lettres mortes que personne ne lira jamais» (ECS, 127). Julien écrit donc dans une langue morte, et Aline, sa nouvelle amie, le sait bien, qui ne saisit pas le sens de ses poèmes, quand il se risque à lui en lire un, sauvé de la corbeille: elle ne les comprend «pas plus que le latin d’Eglise qui a bercé son enfance» (ECS, 133). Julien lui-même semble conscient de son incapacité à avancer et de ses mouvements de ressassement, quand il finit par partir pour la France, il dit à Aline: «Tu sais bien que je reviendrai», et il le sait aussi, son attachement au retour du même.

Une fois à Paris, les lettres d’Aline sont au fond, comme celles de Lydie, des injonctions, des empêchements, des négations. «Ne prend pas froid. Ne bois pas trop de café noir.», Julien demeure un élève que ses professeures ne quittent jamais, il relit les lettres d’Aline comme «une leçon qu’il réviserait». Il ne quitte pas sa posture d’élève, il reste l’enfant qui a écrit ses premiers et derniers vers sur un cahier d’écolier. Les lettres sont encore là pour le nourrir ou l’aspirer, jamais pour lui donner l’appétit de s’émanciper. Celles d’Aline l’attendent, symboliquement, à l’hôtel parmi «les miettes du petit déjeuner» (ECS, 150).

L’ensauvagement: un geste de création

Dès lors, Camille Jouve sera la seule à dire à Julien, enfin: «Imaginez ce que vous voulez» (ECS, 149). Au moment où elle le lui suggère, elle parle de sa double vie au sujet de laquelle il s’interroge. Néanmoins, cette réponse est aussi, pour Julien, la possibilité d’enfin accéder à un pouvoir du songe qui était, jusque-là, carcan. Si elle lui fait une leçon, c’est la Leçon de ténèbres (ECS, 15), c’est-à-dire, peut-être, une invitation à céder avec confiance à l’obscur, au mystère. Cela l’amènera à choisir de vivre la séparation, étape nécessaire du rite de passage selon l’ethnologue Arnold Van Gennep19Voir l’ouvrage d’Arnold Van Gennep, Les rites de passage : étude systématique des rites, Paris, Picard, 1981.: il voudrait faire l’amour à Camille Jouve, puis la «rejeter au cœur de la ville , et «oublier jusqu’à son nom» (ECS, 150), c’est-à-dire échapper à la répétition, puisque le nom est, pour Julien, ce qui tourne sans cesse. Ainsi, «ils ont fait le nécessaire pour que s’apaise le désir et vienne la séparation», et après l’amour ils se sont «séparés comme s’ils ne s’étaient jamais connus» (ECS, 157). Mais, entre-temps, Julien a rêvé, et c’est son rêve qui l’a amené à la réalité de Camille Jouve dans sa chambre. Pour la première fois, peut-être parce qu’il a pu «imaginer ce qu’il voulait», sa rêverie a été créatrice et a influencé, et modifié le réel, jusqu’à provoquer la rencontre sexuelle avec Camille Jouve. Lui qui errait «séparé» malgré lui de la ville par son songe, s’en sépare cette fois volontairement après sa rencontre avec Camille, quand il s’isole dans sa chambre d’hôtel.: «volets clos, rideaux tirés, Julien se sépare de la ville pour la nuit» (ECS, 150). Ici, on peut lire qu’il se «sépare de la ville» pendant la nuit, ou on peut choisir de lire qu’il se «sépare de la ville» pour rejoindre la nuit, qu’entre la ville et la nuit, il choisit la nuit. Julien, donc, s’enfouit encore dans le songe mais il le décide, il réfléchit, par le rêve, à l’ensauvagement qu’il souhaite pour lui-même: la «nuit» fait de lui un «voyageur», entre les murs de sa chambre Paris est un «atlas ouvert», il «imagine des avenues profondes» et il «tente de découvrir» où se trouve Camille Jouve, l’objet de son désir (ECS, 150). Le lendemain, Julien réalise le fantasme qui était le sien, c’est la seule fois où son rêve a été un outil, une force dans sa détermination. Après avoir quitté Camille, il décide de rejoindre Aline qui est enceinte: après la séparation vient immédiatement l’agrégation, le monde est enfin «ouvert de haut en bas comme une pièce d’étoffe qui se déchire par le milieu» (ECS, 153), il décide de rentrer au Québec, heureux, prêt à devenir père. Cependant, force est de constater que «le songe est à nouveau devant lui», non plus en lui: le songe se présente à nouveau comme un écran, un horizon, et non plus comme un moyen pour agir. Dans l’épilogue, le préfixe «re» est récurent, il nous ramène à la liminarité de Julien qui a frôlé de près son ensauvagement et se range finalement: «repartir sur la mer», «l’océan à retraverser une seconde fois», l’Atlantique «recommence à perte de vue». Julien est encore, à la fin, cet être de la répétition, cet être mangé par le seuil.

Ainsi, il apparaît que si Julien ne parvient pas à s’ensauvager, c’est-à-dire à faire du seuil un passage, c’est parce qu’il ne devient pas un personnage créateur. Anne Ancrenat l’écrit en ces termes: «il ne se révolte pas, c’est à dire qu’il ne passe pas à l’acte, ni dans le domaine de la création ni dans celui de la passion amoureuse20Anne Ancrenat, op. cit., page 233.». Il semble qu’il y ait un lien fort entre le désœuvrement au sens propre et l’impossible ensauvagement: amoureux de la «créature fabuleuse» selon les mots d’Anne Hébert pour désigner Lydie (ECS, 46), Julien ne devient jamais «créateur fabulant». Malgré ses tentatives, il ne s’empare ni des mots ni de leur pouvoir ni de l’imaginaire pour sortir de Duchesnay où la vie est, «bonne et sans histoire21Je souligne.», où même Hélène, après avoir fait de la bicyclette avec Lydie, «n’a pas cru bon d’inventer une histoire22Je souligne encore.» (ECS, 47) afin d’expliquer ses blessures à sa mère. Il ne parvient pas à faire sienne une écriture qui lui permettrait de s’ouvrir un monde, troisième lieu et seul véritable monde possible pour lui qui est piégé entre le rêve et le réel, entre futur et passé, entre domus et silva. Il ne s’invente pas le monde qui lui permettrait de se faire une place pour sortir du seuil. L’écriture apparaît bien, dans le roman d’Anne Hébert, comme l’outil véritable de l’ensauvagement, or, il est frappant de constater qu’ayant abandonné ses études pour s’occuper de sa mère, à la mort de celle-ci, Julien ne devient pas poète mais «employé des Postes». Il revient à la mission dont il était chargé avec sa sœur, petit, «aller chercher le courrier, au bureau de poste de la gare» tous les soirs (ECS, 29). Il n’est même plus celui qui reçoit les missives de Lydie, il devient celui qui trie le courrier des autres, courrier dont il n’est pas même le destinataire.

C’est là qu’il rencontre Aline, cet autre être sans destination qui le regarde comme une apparition parmi les lettres de la Poste centrale. Personnage messager, Julien échoue à devenir un personnage écrivain. La seule fois où il écrit à Lydie une lettre, il le fait «comme on s’ouvre les veines» (ECS, 86): l’écriture n’est pas pour lui synonyme d’ensauvagement mais de mort, elle est une fin au lieu d’être un commencement, il le sait tout de suite, cette lettre est son «unique lettre». Il explique qu’il a peut-être «l’air d’un enfant monté en graine» mais que, pourtant, il est amoureux d’elle «comme un homme aime une femme». Comme. Mi-plante mi-homme, Julien a «l’air» de l’un, est «comme» l’autre, il n’est ni l’un ni l’autre, il est à la lisière et sa lettre se décrit comme telle, dans une impulsion qui ne répond pas à une nécessité: «je t’ai dit l’autre jour à la forge que j’avais la passion de toi, et c’était mieux que toutes les lettres du monde, plus ramassé, plus près du cri» (ECS, 86). Mieux aurait valu peut-être s’en tenir à ce cri ou tenter de l’écrire, car de sa lettre lyrique, il subira les conséquences: Lydie lui répond qu’il «lit trop» et écrit «de trop longues lettres romantiques». Et elle a raison. Julien le formule lui-même dans une envolée: la poésie et la musique «illuminent [sa] vie» et sont ainsi pour lui sources d’«éblouissement», elles l’aveuglent au lieu de l’éclairer. Après la mort de sa mère et de sa sœur, il aura «des modèles romantiques plein la tête», et «bien installé dans son fauteuil» (ECS, 124), il lira de la poésie et écoutera de la musique, il se chargera de songes comme on s’alourdit. Le rêve l’accable, lui pèse. L’art l’isole au lieu de lui permettre de rejoindre le monde et les autres.

Anne Ancrenat écrit encore, à propos de Julien: «les poèmes qu’il lit ou la musique qu’il écoute lui servent de murs protecteurs plutôt que de libération23Anne Ancrenat, op. cit., page 235.». Cependant, cela a failli se passer tout autrement pour Julien, notamment lors de l’invitation de Lydie par Pauline dans la maison familiale, pour cerner la menace. A ce moment-là, l’art est bien pour Julien une «libération» qui crée du liant. Lydie suggère que l’on écoute de la musique, et soudain, «c’est en écoutant Schubert que s’est produite cette solitude pour chacun, cet isolement, dans un poignant secret», au point que «la musique les enferme dans un cercle enchanté» (ECS, 84). Lydie a fait entrer du sauvage dans la domus par la musique, les enfants ont accédé, grâce à l’émotion procurée par la pièce de Schubert à une nouvelle solitude qui ne sépare plus de soi, mais fait habiter en soi, cette solitude si particulière qu’elle a même pour effet de nouer entre eux les solitaires par l’émotion. Cette expérience est fondatrice puisqu’elle fera murmurer Julien à Lydie: «je vais vous écrire», comme s’il prenait conscience du pouvoir transgressif de l’art, comme s’il se décidait à devenir personnage agissant. A cet instant, Julien comprend que la pratique de l’art est une forme de révolte et le lieu même de l’ensauvagement dont il rêve. Force est de constater le paradoxe saisissant de l’ensauvagement à l’œuvre: l’intrusion du sauvage dans la maison se fait par l’art et la culture et non par ce qui est traditionnellement associé à la nature. Lydie cherche à ensauvager les enfants par la lecture, la poésie et la musique, art culturel par excellence puisqu’il s’agit d’une écriture. Cette expérience de solitude qui relie, d’entrée en soi-même, à peine découverte et entrevue, Pauline sent bien qu’elle est celle de l’ensauvagement: elle l’observe, effrayée, «depuis l’encadrement de la porte» dont on ne sait s’il la soutient ou si c’est elle qui tente de le retenir. Malheureusement, il s’agit seulement d’un instant, par la suite, quand Julien adulte écoute Bach, Mozart, Beethoven, Schubert ou lit des poèmes et des romans en rentrant de chez Aline, comme pour se goinfrer de rêve après la fadeur du réel, voici qu’une «seconde existence double sa petite vie d’employé modèle et d’amant très sage» (ECS, 131). L’expérience de l’art, au lieu de permettre au personnage de devenir créateur, de s’ensauvager en créant du nouveau, d’aller à la rencontre de l’inconnu et du mystère, duplique la vie de Julien, l’enfermant à nouveau dans la rengaine, donnant naissance à un monde qui n’est jamais que parallèle au sien. Des «villes fabuleuses apparaissent entre les lignes de ses livres» (ECS, 131), et elles restent entre les lignes, coincées, comme lui, dans le seuil, parallèles encore, sans point de contact ni jonction. Il est «transporté» mais ce voyage le mène hors de lui, sans possibilité de se trouver ni de se rencontrer jamais.

Dès lors, on pourrait lire dans l’oscillation de Julien entre son désir d’agrégation et son désir d’écart, un doute plus large, celui d’un personnage de papier qui cherche à se définir comme personnage de conte ou personnage de roman. En effet, selon Daniel Fabre dans sa préface à Coutumes et destins, d’Yvonne Verdier, le conte est toujours «peu ou prou, un récit exemplaire, ses péripéties désignent la bonne voie, semée d’épreuves nécessaires»: le conte «aboutit toujours à l’achèvement et à l’installation du jeune héros24Voir l’ouvrage d’Yvonne Verdier, Coutumes et destins, et en particulière la préface de Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre: «Du rite au roman», Paris, Gallimard, 1995.». On perçoit cette tentation de Julien dans la perspective du retour au Québec à la fin, pour devenir père et aimer la douce Aline, s’installer, enfin, lui qui n’a cessé d’errer, de flotter. Cependant, son désir d’être un personnage de roman est sensible, il souhaite aussi de «faire l’épreuve de ce qui se passe quand on s’écarte [de la coutume et des rites]25Ibid.»: il conservant le rêve comme mode d’existence, se maintenant toujours à part, exclu, de côté, il refuse aussi de faire le deuil de sa mère qui le hante. Avec lui, c’est tout le roman qui hésite entre les genres et brouille les frontières. Ainsi, on pourrait lire la rencontre avec Camille Jouve comme le lieu d’un ensauvagement puisque Julien s’écarte de la route qui se trace pour lui (le retour au Québec près d’Aline enceinte), faisant signe vers une position liminaire, mais Katri Suhonen26Voir l’article de Katri Suhonen «Les enfants chargés de songe ou l’illusion patriarcale dans l’œuvre romanesque d’Anne Hébert» dans l’ouvrage collectif dirigé par Isabelle Boisclair Féminin/masculin dans l’œuvre d’Anne Hébert, Montréal, Les Editions Fides, 2008, page 107. rappelle qu’il le définit lui-même comme son «enterrement de vie de garçon», insérant alors cette expérience dans la logique rituelle du mariage qui l’attend, comme une étape vers la maturité.

Katri Suhonen souligne que la fin même du roman est ambigüe: la perspective de l’agrégation se dessine selon certains lecteurs: Julien va rentrer au pays pour y assumer ses responsabilités, et laisser derrière lui l’aventure à Paris. Pour d’autres, au contraire, il est possible que ce soit encore le début d’une nouvelle illusion. Quand il pense à son retour, Julien imagine d’ailleurs une terre «à moitié liquide, à peine sortie des eaux», comme teintée de l’eau du rêve, non pas solide mais onirique, Aline est elle-même une «terre obscure à l’horizon qui tremble avec son fruit» (ECS, 159), dont on craint la chute ou la renverse, pour lui la «terre promise se déplace et change de rive». Loin de lui permettre de s’enraciner, la terre est mouvante et instable, elle se refuse à lui comme support et se donne seulement comme ligne de fuite. Dans les deux cas, l’ensauvagement ne peut avoir lieu: ou Julien rejoint la domus ou il demeure liminaire, pris dans le seuil qui, définitivement pour lui, est un bord de mer.

Il semble que le livre d’Anne Hébert ne choisisse pas entre conte et roman, et laisse ses personnages tirer, par leurs rêveries et leurs façons de se définir, le texte dans un sens et dans l’autre. Le penchant vers le conte est partout: Lydie se définit comme «sorcière», Julien est associé à Cendrillon, les humains frôlent, dans les métaphores ou les comparaisons, leurs métamorphoses en animaux (Pauline en louve, en renarde, en seiche…), Lydie se fait même observer par un «mulot les yeux brillants» (ECS, 96), les phrases ont des allures d’«il était une fois» («Un jour, Hélène et Julien eurent quatorze et seize ans», ECS, 40), et le ton merveilleux côtoie le prosaïque. Aline est d’ailleurs caractérisée par ses «souliers rouges» qui brillent dans la mémoire de Julien sur les pavés gris de Paris, comme dans le conte d’Andersen du même nom, où la jeune fille finit par se faire couper les pieds, pieds qui continuent de danser sans elle. Malgré tout, le roman persiste, le personnage de Julien reste sur le bord des choses, fatigué, un touriste dans Paris, dont la rencontre avec Camille peut correspondre au «topos d’ouverture privilégié du roman réaliste27Jaap Lintvelt, «Un champ narratologique: Le premier jardin d’Anne Hébert» dans Louise Milot (dir.), Le roman québécois depuis 1960. Méthodes et analyses, Québec, Presses de l’Université Laval, page 150.» selon Jaap Lintvelt: il demeure ce jeune homme qui ne franchit que «le seuil de son hôtel» (ECS, 22).

 Morceaux de poèmes, ellipses, lettres, le texte se déploie et donne à vivre au lecteur une expérience d’ensauvagement de l’écriture, celle qui a été manquée par Julien parce qu’il a choisi la rature, la corbeille, plutôt que donner corps à ce qui le débordait. Il semble qu’Anne Hébert n’ait pas choisi entre les genres, mais à l’inverse de Julien, elle a choisi de ne pas choisir: elle a fait de l’hésitation une dynamique, un tremblement qui n’en est pas un de paralysie, mais bien une puissance vibratoire. Le fabuleux n’est pas, comme chez Julien «ravalé par la nuit», le fabuleux envahit le texte et avale la nuit à l’intérieur du récit: elle n’est pas hors de lui. Peut-être que si Julien avait reçu son initiation d’Annie Dillard, il aurait écrit, écrit vraiment, jusqu’à l’ensauvagement: «L’une des petites choses que je sais sur l’écriture est la suivante: dépense-la toute entière, lance-la, mise-la, perds-la, tout entière, tout de suite, à chaque fois. (…) Tout ce que tu ne donnes pas librement et en abondance devient perdu pour toi. Tu ouvres ton coffre-fort et découvre des cendres28Annie Dillard, op. cit., page 102.» et des songes.

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Vernant, Jean-Pierre. 1998. La mort dans les yeux: figure de l’Autre en Grèce ancienne: Artémis, Gorgô. Paris: Hachette, 116p.

  • 1
    Anne Hébert, L’Enfant chargé de songes, Paris, Seuil,1992. Toutes les citations issues de l’œuvre seront signalées entre parenthèses par le sigle ECS.
  • 2
    On s’appuie ici sur la terminologie adoptée par Philippe Descola dans son ouvrage Par-delà nature et culture, pour penser le sauvage et le domestique dans l’espace. Le saltus est ce lieu entre la domus et la silva, zone périphérique vouée à la pâture libre du bétail, espace intermédiaire en jachère. Voir Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 2005.
  • 3
    Yves Bonnefoy, Dans le leurre du seuil, Paris, Mercure de France, 1975.
  • 4
    Neil B. Bishop, Anne Hébert, son œuvre, leurs exils : essai, Presses Universitaires de Bordeaux, 1993, page 11.
  • 5
    Anne Ancrenat, De mémoire de femmes : la mémoire archaïque dans l’œuvre romanesque d’Anne Hébert, Montréal, Nota Bene, Collection Littérature(s), 2002, page 235.
  • 6
    Marie Scarpa, «Le personnage liminaire», Romantisme 2009/3 (n° 145), p. 25-35.
  • 7
    Clarissa Pinkola Estés, Femmes qui courent avec les loups: histoires et mythes de l’archétype de la femme sauvage, Paris, Grasset, 1996, page 40.
  • 8
    Ibid., page 22.
  • 9
    Marie Scarpa, op.cit.
  • 10
    Voir Le cru et le cuit, de Claude Lévi-Strauss, tome 1 des Mythologiques, publié à Paris chez Plon en 1964.
  • 11
    Marie Scarpa, op. cit.
  • 12
    Jean Pierre Vernant, La mort dans les yeux : figures de l’autre en Grèce ancienne : Artémis, Gorgô, Paris, Pluriel, Littératures, 2008, page 21.
  • 13
    Ibid.
  • 14
    Bertrand, Hell, Le sang noir : chasse et mythes du sauvage en Europe, Paris, Flammarion,1994, page 297.
  • 15
    Ibid., page 301.
  • 16
    Selon le titre du recueil d’Yves Bonnefoy: Dans le leurre du seuilop. cit.
  • 17
    Annie Dillard, En vivant, en écrivant, traduit de l’anglais par Brice Matthieussent, Paris, Christian Bourgois, Collection: Fictives, 1996, page 70.
  • 18
    Voir l’article de Calil Eduardo et Felipeto Cristina, «Quand la rature (se) trompe: une analyse de l’activité métalinguistique», Langage et société, 2006/3 (n° 117), p. 63-86.
  • 19
    Voir l’ouvrage d’Arnold Van Gennep, Les rites de passage : étude systématique des rites, Paris, Picard, 1981.
  • 20
    Anne Ancrenat, op. cit., page 233.
  • 21
    Je souligne.
  • 22
    Je souligne encore.
  • 23
    Anne Ancrenat, op. cit., page 235.
  • 24
    Voir l’ouvrage d’Yvonne Verdier, Coutumes et destins, et en particulière la préface de Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre: «Du rite au roman», Paris, Gallimard, 1995.
  • 25
    Ibid.
  • 26
    Voir l’article de Katri Suhonen «Les enfants chargés de songe ou l’illusion patriarcale dans l’œuvre romanesque d’Anne Hébert» dans l’ouvrage collectif dirigé par Isabelle Boisclair Féminin/masculin dans l’œuvre d’Anne Hébert, Montréal, Les Editions Fides, 2008, page 107.
  • 27
    Jaap Lintvelt, «Un champ narratologique: Le premier jardin d’Anne Hébert» dans Louise Milot (dir.), Le roman québécois depuis 1960. Méthodes et analyses, Québec, Presses de l’Université Laval, page 150.
  • 28
    Annie Dillard, op. cit., page 102.
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