Carnets de recherche, 2021

Écoécritures – études collaboratives et décentrées

Catherine Cyr
Jonathan Hope
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Dans un esprit de travail collaboratif, des étudiantes et étudiants explorent ici l’inscription du vivant dans les arts. Les mutations des sensibilités dans des œuvres littéraires et théâtrales seront examinées.

Avec les contributions de Geneviève Bélisle, Jessee Chouinard, Mélina Cornejo, Syrielle Deplanque, Nathalie Dion, Andréanne Dufour, Camille Garant-Aubry, Pierre-Olivier Gaumond, Diane Gauthier, Olivier Gauvin, Katherine Marin, Esther Laforce, Gabriel Lagacé-Courteau, Erika Leblanc-Belval, Pénélope Ouellet, Yannick Ouellette-Courtemanche, Viviane Payette, Lucie Quevillon, Sabrina Rinfret-Viger, Youssef Sawan, Marion Velain, Constance Walton et Élise Warren.

Articles de la publication

Syrielle Deplanque

Les figures tutélaires autochtones circumpolaires

Mon projet de thèse s’inscrit dans une recherche qui porte sur la culture et les traditions des croyances des peuples autochtones, dans l’espace circumpolaire. L’idée de conception circumpolaire et non territoriale de l’espace du Nord doit tenir compte des différences culturelles et linguistiques de ces populations. Je m’intéresse plus particulièrement aux figures tutélaires autochtones circumpolaire dans les récits autochtones et allochtones. Parmi les objectifs de mon travail, il y a tout d’abord celui de faire une étude comparative des récits endogènes et exogènes, mais également de produire une réflexion sur les similarités et les différences culturelles des premières nations de l’Arctique au travers des contes et légendes.

Viviane Payette

Des distorsions spatiales dans les textes fantastiques

Mon projet de mémoire porte sur les rites de passage, notion issue de l’ethnocritique, et plus particulièrement sur la phase liminaire, dans des nouvelles fantastiques du XIXe siècle français. L’hypothèse principale de mon travail est que, une fois face à un phénomène surnaturel, le protagoniste, qui a au préalable traversé une phase de séparation, effectue des rites et surmonte des épreuves qui, dans un roman naturaliste, lui permettrait de passer à l’étape suivante du rituel, c’est-à-dire à la phase de réintégration. Néanmoins, la mise en contact avec un événement fantastique provoque un déroutement, et enfonce le protagoniste profondément dans la phase liminaire, jusqu’à un point de non-retour. La question du rite peut sembler inadéquate dans le cadre du travail demandé, mais il en est autrement lorsque l’on prend en compte les différentes épreuves et l’environnement qui encadre ces épreuves. Effectivement, lorsque le protagoniste s’enfonce dans la phase liminaire, autour de lui prennent place des distorsions spatiales et temporelles, qui ont une influence sur les actions de ce premier.

Constance Walton

La littérature de la nature, entre poésie et engagement

Sabrina Rinfret-Viger

La guérison par le territoire dans la littérature innue

Dans le cadre de mon projet de mémoire, j’étudie la représentation de l’identité dans la production écrite contemporaine des femmes innues. Plus précisément, je prévois m’attarder sur le rapport dynamique entre le «je» et le «nous» dans les textes littéraires. J’aimerais me concentrer sur les œuvres de trois femmes, soit Joséphine Bacon, Naomi Fontaine et Natasha Kanapé Fontaine. Mon corpus n’est toutefois pas encore fixe.

Yannick Ouellette-Courtemanche

De l’usage du monde vers l’usage de la nature

Mon projet de mémoire vise à interroger les théories contemporaines de la lecture et de l’interprétation, qui organisent leur production théorique autour de la notion d’usage des textes (par exemple Yves Citton, Marielle Macé, Florent Coste), à partir de l’œuvre philosophique de Giorgio Agamben. Celui-ci propose une réflexion très intéressante sur ce qu’est que faire usage d’une chose; pour Agamben, l’usage ne se limite pas à son instrumentalité, l’usage est plus fondamentalement une catégorie ontologique: «Homme et monde sont, dans l’usage, en rapport d’immanence absolue et réciproque.» (Agamben, 2016, p. 1097) L’usage semble ainsi s’opposer à l’idée d’une appropriation privée (capitaliste) du monde, ce qui paradoxalement nous en éloigne. Mon mémoire tente ainsi de voir de quelle manière le concept ontologique et politique d’usage chez Agamben peut éclairer l’usage des textes auquel nous invitent certains théoriciens de la littérature.

Nathalie Dion

L’absence de vie comme moteur critique

Mon projet de mémoire n’étant pas encore finalisé, j’ai choisi de me pencher sur un texte qui me fascine et m’intéresse depuis longtemps par sa distance et sa froideur. J’essaierai de faire un lien entre l’absence de nature et d’êtres vivants avec les personnages de Sous béton comme point de départ d’une atmosphère dérangeante et étouffante.

Andréanne Dufour

La place de la nature dans le remembrement de la folie

Dans le cadre de mon projet de mémoire en recherche/création littéraire, je souhaite explorer les effets de l’héritage des mythes et des figures qui entourent la folie sur mon écriture. Je mettrai en relation mon expérience de la maladie mentale avec des portraits de folles du passé afin d’expliciter ce qui constitue une écriture folle —en opposition avec une écriture sur la folie— et comment une écriture du corps et de la crise permet la résilience et la réparation. C’est dans une démarche de remembrement (Metka Zupancic) que je souhaite construire ma réflexion; les portraits prendront la place d’une voix de l’Autre qui deviendra un refuge, comme une galerie de l’héritage dans laquelle je pourrai déambuler.

Gabriel Lagacé-Courteau

Discours humoristiques et écologie: un fatalisme comique (1)

L’humour est omniprésent au Québec, c’est même un des principaux moyens par lequel s’exprime le récit collectif. Les humoristes apparaissent dans le cinéma, dans les séries télévisées, sur les scènes et les spectateurs suivent la mouvance avec, par exemple, plus de 1,9 million de billets vendus pour les spectacles humoristiques en 2019.

Lucie Quevillon

L’enfant-loup

Pour transmettre des informations cruciales sur la nature en péril, sans transmettre mes propres peurs, ai-je besoin de prendre en compte l’âge du récepteur? En tant qu’adulte, comment puis-je informer, sans apeurer? Est-ce que la semence cognitive et affective va germer dans le terreau de l’innocence?

Pénélope Ouellet

Cadre éthique à l’étude des relations féminines au non-humain au sein des espaces nordiques

Pour le moment, mon projet de mémoire n’est qu’une esquisse et se construit sur des impressions qui n’ont pas encore été confirmées et consolidées par mes recherches. Mon objectif est d’établir un réseau de rapprochements entre des textes de femmes du Nord pour en relever les constantes, particulièrement en ce qui a trait aux interactions qui se dressent entre ces femmes et leurs environnements. Mon corpus sera donc constitué d’œuvres écrites par des autrices qui ont comme personnages centraux des femmes qui entretiennent des relations étroites avec le territoire.

Jessee Chouinard

La croisée des chemins: une approche écoféministe des représentations des femmes et du Nord

Bien que mon projet de mémoire ne soit pas précisé pour le moment, je m’intéresse au féminisme et à la nordicité dans les œuvres d’autrices québécoises contemporaines. Au fil de mes lectures, j’ai constaté que les femmes tout comme le Nord, au sein de la tradition littéraire québécoise, sont fréquemment sous-représentés ou encore simplifiés, relégués au rôle d’objet ou de toile de fond. Conséquemment, je me demande si la nordicité peut influencer les enjeux féministes. Le Nord peut-il influencer la prise de parole des femmes et la façon dont elles le font?

Camille Garant-Aubry

Le fragment: un retour à la (bio)diversité

Dans le cadre de ce séminaire, mon projet prend comme assise l’idée de la diversité comme étant une composante considérée comme saine d’un écosystème. En effet, cette pluralité et cette complexité du vivant contribuent à créer un système en constante évolution et interrelations. Toutefois, il arrive qu’au contraire ce dernier soit caractérisé par une homogénéité de sa biocénose, que ce soit par hasard ou accident, tel qu’avec la prolifération d’espèces envahissantes, ou par soucis de productivité et d’optimisation, tel qu’avec la mise en place de cultures de masse.

Geneviève Bélisle

Le langage comme clé pour revisiter les rapports entre humain et autre qu’humain

Chercheur et philosophe français, Olivier Remaud est aussi directeur de l’École des hautes études en sciences sociales à Paris. Ses recherches et réflexions ont pour cadre le champ des humanités environnementales et plus particulièrement la philosophie de l’environnement, un domaine qui étudie la place de l’homme au sein du milieu naturel et les valeurs morales qui découlent de ses rapports avec l’autre qu’humain. Depuis son apparition, cette discipline est passée du rejet de l’anthropocentrisme au biocentrisme, c’est-à-dire l’idée que tous les organismes vivants ont une valeur individuelle et sont égaux entre eux. Puis, est arrivé l’écocentrisme, courant qui intègre aussi le non-vivant et valorise l’interdépendance des êtres vivants et de leur milieu.

Élise Warren

Prévenir la catastrophe par une nouvelle définition de l’humanité

Spécialiste de la littérature post-apocalyptique, Laurence Pagacz s’intéresse à travers son article au mouvement des corps des personnages dans les romans dystopiques post-apocalyptiques de Jacquline Harpman et d’Éric Chevillard. En d’autres mots, elle pose la question: «Quel sens donner à un corps vivant dans un lieu mort, ou tout du moins meurtri?» (paragr. 3). Ces corps déchus, infertiles et emprisonnés s’éveillent grâce à l’écriture et la narration, offrant un sens à l’existence des personnages.

Diane Gauthier

Logique utopique et imaginaire environnemental

Dans son texte «Logique utopique et imaginaire environnemental», Barthélémy propose une réflexion sur l’incidence de la production artistique environnementale sur son public lors de sa réception. Selon lui, ces œuvres mettant en scène l’humain en relation avec son environnement, «cherchent […] à modifier de l’intérieur leurs cadres perceptifs en jouant, principalement, d’une double logique du déplacement et de l’intensité». (2012, p. 1) Cette double logique fonctionne selon quatre modalités principales : scruter le monde, adopter plusieurs points de vue différents, arrêter son regard, décentrer et déhiérarchiser le rapport entre l’humain et son environnement.

Viviane Payette

Le fantastique d’Yves Thériault sous l’optique de la nature

Dans le cadre du séminaire présent, il nous a été demandé de repenser notre sujet de mémoire en y incluant le thème dudit séminaire, c’est-à-dire la nature au Québec. Considérant que mon mémoire offre une lecture ethnocritique de nouvelles fantastiques, j’ai décidé de me pencher sur des textes fantastiques québécois qui présentent la nature comme centre d’intérêt.

Syrielle Deplanque

La figure de Sedna: une réécriture engagée

Au cours des siècles, les contes et légendes ont permis d’instaurer des cadres normatifs, bornant alors les tabous. Si ces derniers sont tombés quelque peu dans la désuétude, les grandes figures légendaires sont toujours réutilisées dans la littérature pour nous rappeler les dangers et les interdits.

Sabrina Rinfret-Viger

Liens affectifs et aspect phénoménologique de la guérison par le territoire dans la littérature innue contemporaine

Avant toutes choses, il est important de préciser la signification du terme «guérison» qui peut parfois être utilisé en tant que mot-parapluie englobant une multitude de définitions. La guérison étudiée dans le présent travail mobilise deux caractères. D’une part, le territoire agit comme un baume pour la santé des Innus. L’effet calmant de la forêt peut aider certains troubles comme l’alcoolisme. D’autre part, la guérison est aussi évoquée lorsqu’il est question de bien-être. C’est donc l’aspect plutôt symbolique d’une démarche réparatrice ou spirituelle qui est à ce moment soulevé. Dans les deux cas, le territoire occupe une place cruciale. Le rapport entre les Innus et la terre est ce qui est important. C’est pourquoi dans le cadre de ce projet j’emploierai la «guérison» comme étant la construction d’un lien affectif avec le territoire permettant quant à lui d’apaiser certains maux.

Youssef Sawan

L’empathie comme fondement d’un nouveau mode d’existence amené par l’entremise de la fiction: les relations humaines envers le plus-qu’humain

Amorçant sa réflexion à partir de l’histoire d’une harde de caribous des bois, situés en Abitibi-Témiscamingue, qui risque de disparaître au profit de l’exploitation des ressources naturelles, Hope montre la relation typique qu’entretient l’espèce humaine envers une autre, voire envers les autres et envers le territoire. Il s’agit d’une relation froide où le plus-qu’humain, n’ayant pour nous pas d’histoire, existe à peine: «Anhistorique, l’animal est pauvre en sens, il n’existe pas à proprement parler, et n’a pas d’état.» Si Hope se réfère ainsi à Heidegger pour décrire l’animal au sens large, c’est pour souligner l’ampleur du problème. Comment modifier notre relation envers le plus-qu’humain si ce dernier existe, à proprement parler, à peine pour nous.

Erika Leblanc-Belval

La fécondité d’une approche écopolitique

Emprunté à cette strophe de Kanapé Fontaine, le concept de «femme-territoire» permet à Joëlle Papillon de réfléchir le rapport intime, marqué par le désir et le plaisir, qui unit l’énonciatrice à son territoire. Son approche qu’elle nomme écopolitique permet, en plus de tenir compte des dimensions enchevêtrées à la fois écologique, politique et poétique de l’œuvre, «de mettre en lumière l’importance de l’engagement du “je” lyrique de Kanapé Fontaine.» Ce «je» féminin, par l’écriture, «se réapproprie son corps (sexuel, maternel, créateur) en le réenracinant sur le territoire».

Andréanne Dufour

Galerie de l’héritage de la folie: le portrait littéraire sous une perspective écopoétique et écoféministe

L’idée de la nature comme «organisée autour des idées d’ordre et de pouvoir, comme celle d’une matière passive destinée à être conquise, contrôlée, démantelée, a légitimé l’exploitation des ressources naturelles, et faciliter le règne de “la science, de la technologie et de l’industrie”[…]» C’est aussi de cette manière que sont perçues les femmes —d’autant plus vrai pour les femmes considérées folles— qui sont étudiées, psychanalysées, mythifiées, fixées, scrutées et relayées aux marges de la société que nous pourrions liées métaphoriquement aux cabanes dans des bois, à des nefs de fous, à des hôpitaux, des asiles, des couvents.

Gabriel Lagacé-Courteau

Discours humoristiques et écologie: un fatalisme comique (2)

L’humour est omniprésent au Québec, c’est même un des principaux moyens par lequel s’exprime le récit collectif. Les humoristes apparaissent dans le cinéma, dans les séries télévisées, sur les scènes et les spectateurs suivent la mouvance avec, par exemple, plus de 1,9 million de billets vendus pour les spectacles humoristiques en 2019.

Nathalie Dion

Baie James: Le rapport québécois à la nature et à l’Autre à l’ère d’un grand bouleversement

En avril 1971, le gouvernement Bourassa annonce le projet hydroélectrique de la Baie James, qui changera à jamais la façon dont les québécois consomment l’électricité. Ce gigantesque chantier transformera également notre rapport à l’environnement et mettra de l’avant nos rapports tendus et souvent irrespectueux avec les peuples autochtones qui vivent aux abords du territoire convoité. «Le “projet du siècle, symbole du savoir-faire technique des Québécois, doit générer plus de 100 000 emplois. Or, les Autochtones qui vivent dans cette région n’ont aucunement été consultés ni même informés que leur territoire serait en partie inondé.»

Pénélope Ouellet

Du charisme au danger: le potentiel érotique de l’ours, entre spiritualité et subversion

Dans ma première entrée, j’affirmais vouloir recomplexifier le rapport des femmes à la nature des territoires nordiques et envisager un cadre éthique à mon mémoire. Dans le cadre de ce carnet, je souhaite dans cette optique me pencher sur un cas plus précis: celui de l’ours. Il me semble que c’est l’animal tout indiqué pour aborder les questions relatives à la fois au genre et aux territoires nordiques. Je pense que ce cas particulier va me permettre, par la suite, d’entamer des réflexions plus larges sur ces rapports.

Constance Walton

L’oeuvre de Jean Désy: admiration de la nature et apaisement de l’âme

Lorsqu’il relate comment est né sont intérêt pour l’écriture de la nature, la «Nature Writing», le chercheur en études sur l’environnement David Landis Barnhill évoque le plaisir qu’il a trouvé dans la lecture de poésies, des mots simples et lumineux pour décrire des séquoias et des sommets enneigés. Il mentionne aussi qu’il ressentait alors le besoin de se rapprocher de la nature et de participer à un changement social radical. Les textes de Jean Désy, romancier, poète et médecin, correspondent bien à cette vision d’une poésie de la nature à la fois évidente et lumineuse, qui donnerait lieu à une réflexion sur la relation qui lie les hommes à leur environnement.

Yannick Ouellette-Courtemanche

D’un habiter écologique au parlement des vivants

Après ses travaux littéraires sur le rapport entre le style des livres et les styles d’existence, Marielle Macé propose dans l’essai Nos cabanes, une redéfinition de nos rapports existentiaux avec la nature. Critique de l’appropriation capitalistique du monde, qui à la fois nous dégage d’un rapport d’usage commun avec la nature et nous engage vers le lent et trop rapide désagrégement «d’un monde abimé», abimé quant aux «vivants, aux sols, au sentiment même du commun» (Macé, «Nos cabanes», 2019, p. 39), elle esquisse la forme d’un nouveau rapport au monde par lequel les vivants humains et non-humains pourront faire fructifier les possibilités de la vie.

Jessee Chouinard

La recomplexification du Nord: déterrer les enjeux de l’exploitation minière

Si mes idées de projet pour mon mémoire restent encore bien floues pour le moment, j’ai néanmoins décidé de m’intéresser à deux œuvres écrites par des femmes abitibiennes mettant en scène des personnages féminins dans le Nord du Québec. Au sein de ce corpus constitué des œuvres «117 Nord» de Virginie Blanchette-Doucet et «Rapide-Danseur» de Louise Desjardins, «des espaces régionaux précis, des lieux qui sont spécifiés, problématisés, rendus signifiants au-delà de leur rôle immédiat de décor» occupent une place importante dans les textes (Langevin, 2013). Les narratrices sont d’ailleurs conscientes que le Nord en tant que double discours, à la fois intérieur et extérieur, est constitué par des années d’accumulation discursive, ce qui leur permet d’en tenir compte afin de le déconstruire ou de le retravailler en l’investissant différemment (Chartier, 2018, p.13).

Camille Garant-Aubry

L’écoféminisme et la reconstruction des représentations

La forme fragmentaire en littérature permet «de s’exprimer sous la forme du discontinu, du décousu, de l’inachevé, de l’émietté» (Stalloni, p. 113, 2016). Autrement dit, elle présente une liberté narrative qui va au-delà des exigences de linéarité ou d’uniformité de sens, ce qui lui permet d’évoquer et de mettre en relation des éléments distincts sans avoir recours à l’explication de leur causalité ou de leur lien.

Pierre-Olivier Gaumond

La posture «relationnaliste» comme réponse au désenchantement

Dans l’article «Une dramaturgie des sciences?» du créateur en arts vivants français David Wahl se trouve le récit de rencontres sensibles entre humain et manchot. Derrière ces rencontres, je sens une réconciliation épistémologique, qui répond à ce que Morizot et Mengual décrivent comme le «grand partage de l’enchantement». Cet enchantement –ou émerveillement–, associé exclusivement aux arts, serait antagoniste à la mission scientifique et à la figure du savant –conçue comme un être sans relation avec un monde dont il tente d’arracher les secrets. La posture de Wahl –analogue à la mienne vis-à-vis l’écriture académique– constitue le cœur de cet article.

Mélina Cornejo

Dépasser l’effet dans le théâtre de marionnettes: taxidermie, étrange et sensibilité

Spécialiste des questions de représentations féministes et des marionnettes contemporaines, Dinaïg Stall aborde les rapports entre la marionnette animale et le marionnettiste humain dans son article, plus particulièrement au théâtre contemporain. En plus d’établir les fondements éthiques des représentations de la marionnette animale, elle remet en question les raisons de l’utiliser sur scène. Si on considère l’humain dans une crise de la sensibilité, soit «une crise de connaissance et de style d’attention porté sur le vivant» (Morizot, Zhong, p. 88), il est important de se demander dans quelle mesure une réelle coprésence de l’humain et de la marionnette est possible dans un but de dépasser une donnée esthétique.

Esther Laforce

Pensée écologique et hyperobjets: vers une esthétique de la hantise

Spécialiste de la littérature britannique des 18e et 19e siècles, des études de genre, du posthumanisme et des « animal studies», Timothy Morton est reconnu pour le développement d’une pensée écologique se situant dans ce que l’on nomme les «nouveaux matérialismes». Plus particulièrement, il est associé à l’ontologie orientée-objet («object-oriented ontology (OOO)») (Morton, 2013: 2), une ontologie qui place l’existence des objets, et non des humains, au fondement de la réalité.

Marion Velain

La rhétorique du contrepied ou définitions multiples de l’anthropocentrisme et absence de confrontation vers l’animal

Professeur à l’université Bordeaux 3, Yves-Charles Grandjeat s’est intéressé particulièrement à la littérature américaine postmoderne, son multiculturalisme et son ethnicité, avant de se pencher sur la question de l’écologie et des écrivains de la nature. Agrégé d’anglais avec une formation à l’École Normale Supérieure, Grandjeat s’est donc forgé un parcours d’américaniste avant de se préoccuper des questions écologiques dans la littérature américaine.

Olivier Gauvin

L’écologie queer en action: pour un changement radical

Wendy Arons est une traductrice, dramaturge et professeure de littérature dramaturgique à l’université de Canergie Mellon à Pittsburgh aux États-Unis. Elle cumule un peu plus de vingt ans d’expérience en enseignement de la littérature. Ses intérêts de recherches incluent, entre autres, la performance, l’écologie, et les écodrames. Elle tient également un blog, The Pittsburg tatler, où elle publie des textes critique sur le théâtre des nouvelles du milieu théâtral. Sa pensée s’inscrit dans le courant écocritique et l’écoféminisme. Son texte cherche à répondre à deux questions: quelle forme d’art pourra faire changer nos perceptions sur les éléments qui nous entourent, et autour de quoi s’articule ce changement.

Katherine Marin

From Posthumanism to Posthuman Ecocritic: Repenser les prolégomènes du vivant

Serpil Oppermann est professeure d’humanités environnementales à l’université de Cappadoce, en Turquie. Elle a rédigé et collaboré à la rédaction de plusieurs articles et collectifs traitant de la vaste question de l’écocritique féministe, entre autres.

Geneviève Bélisle

«L’Herbe de l’oubli» de Jean-Michel d’Hoop: une invitation à revoir notre manière d’entrer en relation avec le monde

Fondée en 1993 par l’auteur et metteur en scène belge Jean-Michel d’Hoop, la compagnie bruxelloise Point Zéro s’intéresse au rapport entre l’acteur et la marionnette et se questionne sur la frontière entre manipulateur et manipulé, entre inertie et mouvement. Créé en 2018, «L’Herbe de l’oubli» (en référence à l’absinthe, «tchernobyl» en russe) aborde l’après-catastrophe de Tchernobyl, survenue en 1986 suite à l’explosion d’un réacteur de la centrale nucléaire. Encore aujourd’hui, la radioactivité est dangereusement élevée autour de la zone d’exclusion, mais comme elle est invisible, le danger demeure difficile à concevoir. La vie semble s’y dérouler normalement: la nature y est belle, les gens y vivent et y cultivent des légumes.

Esther Laforce

«Pétrole» de François Archambault: le désarroi humain

François Archambault, dramaturge montréalais, écrit depuis le début des années 1990. De nombreuses pièces ont marqué son parcours, dont «La société des loisirs» (2003) et «Tu te souviendras de moi» (2013). Sa plus récente pièce, «Pétrole», publiée chez Atelier 10 à l’automne 2020, doit être montée en scène en 2021. Ainsi que l’explique Archambault lui-même (Archambault, 2020b et 2020a: 10-13), deux matériaux médiatiques ont inspiré son écriture durant l’été caniculaire de 2018, soit le reportage de Nathaniel Rich intitulé «Losing Earth: The Decade We Almost Stopped Climate Change» (Rich, 2018), et la démission en direct sur les ondes de France Inter du Ministre d’État de la Transition écologique et solidaire de France, Nicolas Hulot (Hulot, 2018).

Marion Velain

Renversement du regard dans Animaux d’Alexis Martin: vers la rencontre de l’autre qu’humain

Imaginée par le binôme montréalais Alexis Martin (à l’écriture) et Daniel Brière (à la mise-en-scène), tous deux membres du Nouveau Théâtre Expérimental, la pièce de théâtre «Animaux» est présentée pour la première fois au théâtre Espace Libre à Montréal en 2016. Avec un concept original, l’auteur amène les animaux de la ferme sur scène pour partager un espace avec eux. En s’écartant d’une représentation théâtrale classique pour se rapprocher d’une contemplation naturelle, Martin met en place un paradoxe saisissant sur le jeu lui-même des comédiens: la venue des animaux sur scène suppose une cohabitation entre animal et comédien déséquilibrée puisque la suite du spectacle dépend de ce que va faire l’animal.

Pierre-Olivier Gaumond

À la rencontre de Burning Vision: le temps des interrelations

Marie Clements est une comédienne, auteure, metteure en scène d’origine métis de Colombie-Britannique. Toute l’œuvre de Marie Clements s’inscrit dans une perspective résolument décoloniale et propose de nombreuses rencontres entre différents mythologies, histoires, époques. Elle participe d’un devoir de mémoire et donne la parole à ceux qui sont historiquement mis sous silence, refusant les «récits officiels» de l’Histoire.

Diane Gauthier

La cartomancie du territoire: de la prise de conscience à l’amorce d’une guérison

«La cartomancie du territoire» suscite l’intérêt sur plusieurs plans: son contenu, bien sûr mais par sa forme également. Avant d’aborder l’analyse de la pièce, quelques mots sur son auteur, Philippe Ducros. Il a été directeur artistique du théâtre Espace Libre de 2010 à 2014 et est actuellement à la tête des productions Hôtel-Motel. Auteur et metteur en scène, il a écrit plusieurs œuvres dont un roman («Eden Motel»), des carnets de voyage («La rupture du jeûne» et «Les lanceurs de pierres») ainsi que de nombreuses pièces dont «L’affiche», finaliste pour le Grand prix de la dramaturgie, «La porte du non-retour» ou encore «Dissidents», finaliste pour le Prix du Gouverneur général et pour le prix Michel-Tremblay.

Mélina Cornejo

Liminalité dans le cycle de pollution dans Fendre les lacs de Steve Gagnon

Steve Gagnon, dramaturge, acteur et metteur en scène québécois, traite beaucoup des rapports entre trauma et territoire dans ses pièces de théâtre. «Fendre les Lacs», pièce présentée pour la première fois au Festival du jamais lu en 2015, est publiée en février 2016. Cette pièce de théâtre expose les blessures des huit personnages, mais aussi du territoire dans lequel ils habitent. On remarque une forme de coprésence, peut-être même une codépendance, qui devient toxique entre la nature et l’humain. En effet, ces personnages habitent dans des petites maisonnées en plein cœur d’une forêt nommée comme morte et d’un lac dont l’eau est «trouble» (Gagnon, p. 15). Ce paysage presque postapocalyptique devient rapidement un reflet des relations toxiques qu’entretiennent les personnages entre eux, relations qui ont aussi un impact sur l’écosystème.

Élise Warren

Se déconnecter pour se reconnecter: la place du savoir dans The Unplugging d’Yvette Nolan

«The Unplugging» est une pièce écrite par Yvette Nolan et jouée pour la première fois en 2012 au Arts Club Theater à Vancouver. Avant tout une histoire d’amitié, cette fiction remet surtout en cause le rapport occidental au territoire. Dans un monde post-apocalyptique que l’on pourrait qualifier de «post-technologie», deux femmes autochtones sont bannies de leur communauté en raison de leur «inutilité»: elles sont trop vieilles pour procréer. Elena et Bern trouvent refuge dans des chalets abandonnés où elles apprennent à réinvestir les savoirs transmis par leurs ancêtres: chasser du gibier, cueillir des herbes médicinales, etc. Ce processus leur permet non seulement de survivre dans ce monde aride, mais aussi de se retrouver, de se sentir fortes, de développer un rapport nouveau entre elles et au monde.

Katherine Marin

Heroes & Saints: à l’intersection des luttes ouvrières, féministes et environnementales

La pièce «Heroes & Saints» écrite par Cherrie Moraga, qui a vu le jour en 1994, est inspirée de faits réels: les années 1960-1980 ont vu naître plusieurs mouvements des travailleur.euses latinos employés par des fermes agricoles faisant un abus excessif de pesticides. Ces produits produirent des milliers de cas de graves problèmes de santé (notamment plusieurs types de cancers infantiles et de déformations à la naissance): le pourcentage d’enfants atteints de cancer est à ce jour, dans ces communautés, anormalement élevé (Carter-Pokras et al., p. 307-308, 311).

Olivier Gauvin

L’amour: entre simplicité et nécessité

Éric Noël est une personne non-binaire qui vit à Montréal. Iel est auteur, traducteur et performeur. Depuis sa graduation du programme d’écriture dramatique de l’École Nationale de Théâtre en 2009, il a signé près d’une dizaine de pièce. En 2010, iel reçoit le prix Gratien-Gélinas pour sa pièce «Faire des enfants». En 2015, iel est lauréat de l’Aide à la création à Paris pour sa pièce «Ces regards altérés de garçons amoureux».

Erika Leblanc-Belval

Le rapport sensible aux êtres arbres des hommes Laforêt

La pièce «Les frères Laforêt» a été écrite par François Archambault en collaboration avec Patrice Dubois et Dany Michaud en 2007. Mise en scène de Patrice Dubois et produite par Janvier Toupin Théâtre d’Envergure en codiffusion avec le Théâtre de la Manufacture, la pièce a été jouée pour la première fois au théâtre La Licorne à Montréal le 3 avril 2007. Construite en tableaux regroupés en deux mouvements, la pièce raconte l’histoire de Phillipe et Daniel, deux frères qui doivent affronter la mort de leur père—également nommé Daniel—, un événement qui fait surgir discordes et confrontations.

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