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La sexualité: un lieu politique d’où défaire les rapports d’oppression?

Wendy Delorme
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Article paru dans Féminismes, sexualités, libertés, sous la responsabilité de Caroline Désy, Lori Saint-Martin et Thérèse St-Gelais (2017)

«Féminismes, sexualité, liberté»: le titre du colloque anniversaire de l’IREF en 2016 a conjugué trois termes qui évoquent immédiatement le courant du féminisme sexe-positif. Écrire un texte pour l’occasion ne fut pas chose aisée, même si la liberté sexuelle, les représentations de la sexualité et le féminisme dit «sexe-positif» ou «pro-sexe» sont à mes yeux un important moteur de réflexion et d’action. 

Ce triptyque «féminismes, sexualité, liberté» a inspiré les romans que j’ai écrits, les spectacles que j’ai produits, et a nourri par ailleurs ma réflexion en tant qu’enseignante-chercheuse travaillant sur les représentations médiatiques du genre et des sexualités. Néanmoins, mon rapport à la thématique de la liberté sexuelle s’est compliqué ces dernières années. Un malaise en moi a grandi, suscité par un certain type de discours sur la liberté sexuelle en France et dans d’autres pays, sur les causes que sert ce discours, et ce qu’il sert à discréditer. 

Il me faudra revenir sur des éléments de contexte dans lesquels s’est développé ce discours, qui n’affecte pas que la France. Il m’a semblé nécessaire d’entamer une réflexion plus large sur la manière dont la notion de «liberté sexuelle» et les minorités sexuelles peuvent être paradoxalement instrumentalisées: d’une part, elles sont devenues objets discursifs dans le cadre d’une politique anti-migratoire aux fondements racistes; d’autre part, elles se voient dénier l’égalité des droits civiques.

 

L’orientation sexuelle comme variable discriminatoire

Le terme de «liberté» est associé à celui d’«égalité» et de «fraternité» dans la devise inscrite au fronton de la République française. Or on ne peut pas associer «liberté» et «égalité» avec le terme de «sexualité» sans soulever une série de questions politiques: les minorités sexuelles ont été au cœur de débats très virulents sur ce sujet. 

Les couples de même sexe peuvent aujourd’hui se marier en France grâce à la loi qu’a défendue l’ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira. Cette loi sur le mariage donne la possibilité aux personnes mariées d’adopter légalement les enfants nés de leur conjointe ou conjoint, en l’absence d’un autre parent légal (ou si ce parent légal renonce à l’autorité parentale devant un notaire et un juge des affaires familiales1On constate cependant que les juges aux affaires familiales tendent à refuser l’adoption de l’enfant du conjoint aux couples d’hommes (parce qu’en l’absence de mère, les juges suspectent qu’il y a eu recours à une gestation pour autrui, interdite en France). Les couples de femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger se voient en revanche plus facilement accorder l’adoption de l’enfant de la conjointe.). L’accès à la procréation médicale assistée (PMA) est toujours interdit aux couples de femmes et aux femmes célibataires; seuls les couples hétérosexuels peuvent y accéder.

La France a donc mis en place une égalité paradoxale qui remet l’hétérosexualité au centre et l’homosexualité, ainsi que le célibat, à la marge –même si la grande majorité des familles monoparentales sont composées de mères célibataires et des enfants qu’elles élèvent. D’un point de vue féministe matérialiste, on peut dire que ce sont les femmes célibataires qui contribuent le plus au renouvellement et à l’élevage de la force de travail du pays –et pourtant elles comptent parmi les populations les plus démunies économiquement. Mais une femme qui décide de faire volontairement un enfant sans homme n’a toujours pas accès à la PMA, pas plus que les lesbiennes et les gays.

La sexualité (le choix d’orientation sexuelle, de même que la liberté sexuelle) est ainsi une variable qui permet de questionner l’égalité en termes de droits civiques. Car la sexualité est liée aux relations et donc aux formes de légitimation des relations. Le mariage, par exemple, confère une légitimation sociale forte. Or le mariage sanctifie la relation entre deux personnes; le modèle du couple hétérosexuel est le modèle sur lequel doit se calquer toute relation pour acquérir cette légitimité sociale. Quand il s’agit de fonder une famille, le couple hétérosexuel procréateur reste le seul couple légitimé. Les autres devront aller en Belgique, en Espagne ou au Danemark pour procréer et devront obligatoirement se marier pour que leur compagnon ou compagne puisse légitimement être considéré comme parent. 

Pourtant, grâce aux techniques médicales de contraception, la sexualité n’est plus exactement synonyme de reproduction. En France, les femmes ont acquis le droit de contrôler leur fertilité, le droit de ne plus être exploitées en tant que procréatrices. Mais l’orientation sexuelle sert encore à distinguer ceux-celles qui peuvent légalement devenir géniteurs et ceux-celles qui doivent se rendre à l’étranger pour concevoir des enfants. Ce sont principalement les gays et lesbiennes ou les célibataires des classes socioéconomiques supérieures qui ont les moyens de le faire. Cette sélection par le niveau de revenus ressemble à une forme d’eugénisme économique.

J’en viens à l’importance d’introduire ici le terme de féminisme, lorsqu’il est question de sexualité et de liberté. Les opposants à la loi Taubira2Loi d’ouverture du mariage aux couples de même sexe qui fut votée après le 17 mai 2013 suite à de longs et houleux débats (voir : http://www.gouvernement.fr/action/le-mariage-pour-tous)., rassemblés par l’organisation qui s’est intitulée «La manif pour tous» (façon de détourner le concept de «mariage pour tous» afin de s’y opposer) ont clamé que les gays et lesbiennes réclamaient un «droit à l’enfant»; cela leur semblait inconcevable qu’on puisse réclamer comme un droit l’accès à la procréation médicalement assistée. Ils ne se sont pas questionnés sur le fait que les couples hétérosexuels ayant des problèmes de fertilité étaient de facto dans la même position que les couples de même sexe et les célibataires, tandis que l’accès aux matériaux et technologies permettant la procréation est accordé à ceux-là mais pas à ceux-ci. Ils ne se sont pas questionnés, puisque même en l’absence de capacité biologique du couple hétérosexuel à concevoir de façon dite «naturelle», ce couple reste le seul considéré comme légitime pour procréer, à la fois par la loi et par la société.

La sexualité, l’orientation sexuelle, est un critère qui sert donc encore aujourd’hui à distinguer deux catégories: les personnes qui sont légitimement et légalement habilitées à se reproduire, et celles qui ne le sont pas. Et pourtant, les plus fervents détracteurs de la loi Taubira ont accusé l’homosexualité de conduire à la fin de l’humanité puisque les homosexuels-les ne peuvent se reproduire entre eux; en même temps, on les empêchait légalement d’accéder aux technologies médicales de la procréation. Ces personnes affirmaient défendre les droits de l’enfant, tout en voulant par ailleurs empêcher les familles homoparentales déjà existantes de bénéficier de la même protection sociale et juridique que les familles hétéroparentales.

Durant la longue année qu’a duré le débat sur la loi sur le «mariage pour tous», la ministre de la Justice, Christiane Taubira, combattait dans l’arène de l’Assemblée nationale, avec tous ses mots en rangées de soldats, bataillons d’arguments et phrases de poètes. De sa voix infatigable, le menton levé et le verbe tendu, elle se battait.

Sur la place Denfert-Rochereau à Paris, où j’habitais alors, se massaient régulièrement des centaines de personnes lors de ce qu’ils ont appelé les «Manifs pour tous». Des personnes souriantes formant une foule colorée de bleu et rose, une foule confiante dans la certitude qu’elle était rassemblée pour le meilleur, pour l’avenir, pour les enfants. Les enfants étaient nombreux d’ailleurs, emmenés là par leurs parents comme à la kermesse, tenant haut des ballons, heureux d’être perchés sur les épaules de papa et maman, sans se douter de rien, parce que c’étaient des enfants. Des selfie en famille étaient pris à ces occasions, les gens ont posté sur Facebook des photos en souvenir de ces manifs sous un ciel clair et un soleil éclatant. La bonne humeur, la certitude qu’ils défendaient l’avenir des enfants, la logique implacable de l’argumentaire «les homos sont avec nous», «les homos ne sont pas pour le mariage», tout cela était sans doute très loin, dans l’imaginaire des manifestants, très loin de la violence que j’ai reçue en plein cœur chaque fois que je les voyais sous mes fenêtres, avec leur pancartes et leurs slogans, ou lorsque je marchais sur un de ces tags imprimés en bleu et rose sur le trottoir et que les pluies d’automne ne parvenaient pas à effacer: le slogan «pour une humanité durable» inscrit sous la silhouette d’un homme, d’une femme, d’un garçonnet et d’une fillette, se tenant tous par la main en ribambelle, censément symbolique de la famille idéale.

Dans mon pays et dans bien d’autres, lorsqu’on introduit la variable de la sexualité, Égalité et Liberté marchent sur la tête3Dans le sens que tout est sens dessus-dessous, que les choses tournent à l’inverse du bon sens, de la logique, de la justice….

Et tandis que les minorités sexuelles se voient dénier l’égalité des droits civiques, la notion de liberté sexuelle et la liberté d’orientation sexuelle sont instrumentalisées dans le cadre de politiques anti-migratoires, et servent de valeurs-boucliers aux discours racistes.
Afin d’illustrer ce phénomène, je prendrai le cas de l’Allemagne avant d’en revenir à la France et au malaise, évoqué plus haut, que suscite en moi la façon dont la «liberté sexuelle» est mobilisée aujourd’hui afin de disqualifier tout un pan de la population.

 

La liberté sexuelle comme «valeur nationale»?

L’Allemagne impose depuis 2008 un Einbürgerungstest (test d’accès à la citoyenneté), qui concerne les candidats à l’immigration. Il constitue la dernière étape du parcours de demande d’accès à la citoyenneté allemande et porte sur les compétences linguistiques en allemand, la connaissance de l’histoire de l’Allemagne, et les qualifications du candidat pour le marché du travail allemand. On exige des migrants extra-européens un certain niveau de langue allemande et de la culture allemande afin de pouvoir rester sur le sol allemand. Cette compétence n’est pas exigée des migrants intra-européens; ainsi, sans parler un mot d’allemand, des colonies de jeunes Français vivent aujourd’hui à Berlin, ville qui attire la jeunesse, les musiciens et les artistes. Il n’est pas nécessaire de parler l’allemand pour vivre à Berlin, ville cosmopolite, vous diront la plupart de ces jeunes Français. Les jeunes Turcs, eux, vous diront qu’il leur faut prendre des cours de langue et de culture allemande pour espérer pouvoir rester dans le pays. 

Comme l’Allemagne est un état fédéral, certains Länder avaient d’abord rédigé leur version de ce test (il n’y avait pas de test fédéral avant 2008). Le test du Land du Baden-Württemberg a soulevé une polémique en 2007. Originellement destiné aux migrants de pays musulmans (plus précisément les ressortissants des 57 pays de l’Organisation de la coopération islamique), il a été finalement appliqué à tous les migrants musulmans, quel que soit leur pays d’origine. Les candidats musulmans à l’immigration (majoritairement des Turcs en Allemagne) faisaient donc l’objet d’un examen visant à évaluer s’ils avaient assimilé les «valeurs» du pays d’accueil. Parmi les 30 questions aux candidats à l’immigration (toujours posées à l’oral ou sous forme de conversation) du test d’accès à la citoyenneté de ce Land, certaines portaient sur leur conception des rôles homme/femme, et sur ce qu’ils pensaient de l’homosexualité. On pouvait leur poser par exemple des questions du type : «comment réagiriez-vous si votre fils était homosexuel?». Ce qui construit en creux l’Allemagne comme pays d’ouverture et de tolérance et le candidat migrant musulman comme potentiellement arriéré, rétrograde et conservateur. 

Ce test a été beaucoup critiqué en Allemagne car il était stigmatisant pour les migrants musulmans. La nouvelle ministre du Baden-Württenberg, Bilkay Önay, d’origine turque, l’a aboli (il existe donc depuis 2008 un Einbürgerungstest effectif dans toute l’Allemagne, pour tous les migrants-es extra-européens, et qui ne comporte pas de question relative à l’orientation sexuelle).

Il faut noter que l’Allemagne vient à peine, en 2013, d’accorder aux homosexuels-les le droit d’adopter l’enfant de leur conjoint-e. Par ailleurs, le contrat d’union civile par lequel les gays et lesbiennes peuvent s’unir depuis 2001 (Eingetragene Lebenspartnerschaft Gesetz) n’équivaut pas au mariage (car pour modifier le droit au mariage, l’Allemagne devrait ouvrir sa constitution, ce qu’elle refuse de faire). L’accès à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) n’est pas accordé aux homosexuels-les. L’insémination artificielle pour les femmes célibataires n’est pas légalement interdite, mais les gynécologues ne la pratiquent généralement pas. 

Ce cas m’amène au cœur du sujet qui me préoccupe: la liberté sexuelle, la liberté des femmes à disposer de leur corps (qui est historiquement une valeur centrale du mouvement féministe), sert aujourd’hui à alimenter une rhétorique islamophobe omniprésente dans les discours médiatiques, politiques et profanes.

Certains discours qui conjuguent aujourd’hui «liberté» et «sexualité» en France le font d’une manière inquiétante. Il faut revenir aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris, un épisode traumatique pour le pays entier, et qui a donné lieu à un flux énorme de discours dans les médias et sur les réseaux sociaux. À l’heure où j’écris ce texte, nous venons de commémorer la date anniversaire de ces événements tragiques, un an après. Durant les mois qui ont suivi ces attentats, le pays entier avait besoin d’en parler, de se situer par rapport à cet événement, de comprendre et de dire son ressenti. C’était une grande catharsis après un traumatisme violent. 

Parmi ce flot multiple et polyphonique de discours, a émergé un type de rhétorique que l’on retrouvait dans la bouche ou sous la plume de personnalités politiques, de journalistes, mais aussi de simples citoyens. Ce type de discours pourrait se résumer ainsi: «C’est la République qui est attaquée, ce sont nos valeurs et notre mode de vie». Le «nous» en question désignait en réalité, implicitement, les gens qui boivent des bières en terrasse des bistrots parisiens. Ce «nous» assimilant la France et la République à un certain mode de vie hédoniste et consumériste allait de pair avec une célébration de la «liberté» française, qui désignait là explicitement la liberté pour les jeunes de fréquenter les terrasses et la liberté pour les femmes de porter des minijupes. Le sous-texte de ce discours, son contenu implicite, pourrait être résumé ainsi: «Nous” en France, on est libres de porter des minijupes. “Nous” en France on ne porte pas le voile». Ce type de discours relègue hors de la communauté nationale toute une partie de la population. Et la liberté, devenue synonyme de liberté sexuelle, est réduite à la liberté de reluquer des filles en minijupe tout en buvant des verres en terrasse.

On a alors pu lire sur les réseaux sociaux des déclarations de simples individus, ou d’artistes (le plus souvent d’hommes cisgenres hétérosexuels) affirmant que ces attaques terroristes visaient la culture française (entendue au sens de culture hédoniste et de liberté sexuelle) et clamant haut et fort leur passion pour le sexe, revendiquant explicitement leur plaisir de faire l’amour aux femmes, décrivant par le menu leurs pratiques sexuelles, expliquant que c’était une liberté et que les terroristes voulaient leur interdire cet hédonisme et cette liberté. Cette glorification de la liberté sexuelle est alors érigée en valeur fondamentale de la France –tout comme la valeur de la liberté d’expression lors des attentats contre le journal Charlie Hebdo en janvier 2015.

Ainsi, liberté d’expression et liberté sexuelle sont érigées comme des valeurs fondamentales de la France visée par les terroristes. Ce qui me semble problématique (outre le fait que le colonialisme, l’impérialisme et les interventions militaires de la France en Syrie, par exemple, sont oblitérées de ce type de discours), c’est que la valeur de liberté sexuelle devient le droit pour les hommes hétéros de parler des femmes françaises comme (au mieux) des partenaires sexuelles potentielles ou (au pire) comme des objets sexuels à qui il faut garantir, voire imposer, la liberté de porter des minijupes et de coucher avec eux.

Dans ce contexte, il devient difficile de parler de liberté sexuelle, les discours du féminisme sexe-positif sont pris dans un étau. Dans ce contexte, la liberté sexuelle me semble une valeur hégémonique occidentale appliquée contre toutes les catégories de population qui ne sont pas blanches, athées, hétérosexuelles, hédonistes et capitalistes.

Que peut être un féminisme «sexe-positif» dans un tel contexte? 

Je reste convaincue qu’on peut toujours travailler sur les rapports d’oppression à partir du langage, du discours et des représentations du sexuel. La question que je me pose, c’est celle des stratégies. 

 

La sexualité comme lieu politique d’où défaire les rapports d’oppression?

Au sein des mouvements féministes, les liens entre sexualité et rapports d’oppression font depuis longtemps l’objet d’une discussion serrée. La question des sexualités minoritaires-minorisées, du travail du sexe et de la pornographie notamment, donnent lieu à des conflits définitoires majeurs et des clivages relatifs aux enjeux et stratégies de la lutte féministe. En témoigne par exemple le clivage des années 1970 entre les lesbiennes politiques et les féministes, qui considèrent alors que l’orientation sexuelle est d’ordre personnel et lui dénient son caractère politique, son pouvoir de remise en cause des rapports d’oppression hétérosexistes.

Ce conflit politique conduisit notamment à la scission du comité de rédaction et à l’arrêt de publication de la revue Questions féministes en 1980, après la publication de l’article de Monique Wittig intitulé «La pensée straight».

Partant de la célèbre citation de Simone de Beauvoir, «on ne naît pas femme, on le devient»4Au sujet des limites du constructivisme de Beauvoir sur la question de l’hétérosexualité, voir notamment Chetcuti (2009)., Monique Wittig pousse la réflexion pour démontrer que «ce qui fait une femme, c’est une relation sociale particulière à un homme, relation que nous avons autrefois appelée de servage, relation qui implique des obligations personnelles et physiques aussi bien que des obligations économiques ⦋…⦎, relation à laquelle les lesbiennes échappent en refusant de devenir ou de rester hétérosexuelles» (2013 ⦋1980⦎: 56). Wittig en conclut (dans un autre texte) que «les lesbiennes ne sont pas des femmes» (67), ajoutant en post-scriptum: «n’est pas davantage une femme d’ailleurs toute femme qui n’est pas dans la dépendance personnelle d’un homme» (1980: 53)5Post-scriptum absent dans la version du texte parue dans le recueil La pensée straight (2013)..

L’hétérosexualité est alors dévoilée comme un régime politique, que Wittig théorise avec la notion de contrat social, empruntée à Jean-Jacques Rousseau. Le contrat social est une forme d’association qui «défend et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéit pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant» (58). Le contrat social, qu’il faut redéfinir «tant que les contractants ne sont pas satisfaits» (63), est un horizon politique, une utopie. Wittig rappelle que la promesse rousseauiste d’un contrat social devant s’accomplir pour le bien de chacun et de tous ne s’est historiquement jamais réalisée, mais elle reprend cette notion en expliquant que puisque l’hétérosexualité est la norme, le contrat social actuel est un contrat hétérosexuel. Ainsi, «vivre en société c’est vivre en hétérosexualité» (61). Or, dans ce contrat social hétérosexuel, la classe des femmes est en situation de servage, en situation subalterne. Pour Wittig, redéfinir le contrat social implique donc de «rompre avec le contrat hétérosexuel, former par exemple des “associations volontaires”, dans lesquelles la liberté de chacune est essentielle. C’est échapper à la classe des femmes, comme les serfs fugitifs qui allaient ailleurs former des “associations volontairesˮ» (Ibid.). 

Wittig définit ainsi le lesbianisme «comme une position politique et non comme une “sexualitéˮ différente»6Je reprends les termes de la «Lettre au mouvement féministe» du 1er mars 1981, republiée dans la revue Miroirs-miroirs (2015).. En cela, elle se distingue du courant majoritaire au sein du féminisme matérialiste de son époque. Une scission au sein du féminisme se crée alors autour de cette question de la sexualité.

Wittig avait vu le danger et l’impasse qui consistent à réduire la sexualité à la simple question de la liberté d’orientation sexuelle, d’en parler comme d’un choix individuel sans portée politique. Wittig montre qu’il faut adjoindre aux termes de liberté et de sexualité le terme de féminisme (comme dans le titre du colloque-anniversaire de l’IREF qui fait l’objet de la présente publication). Parce que l’équation «sexualité et liberté» n’implique pas que la liberté sexuelle, ce sont les termes d’un enjeu politique majeur, l’équation au fondement d’un débat qui remet en cause les rapports de pouvoir et d’exploitation qui structurent la société.

Ce débat féministe autour de la dimension politique du lesbianisme et le débat féministe autour du travail du sexe et de la pornographie sont corrélés. Ces deux débats concernent (notamment, mais pas exclusivement) la dimension politique de la sexualité. Ils touchent le droit de chacun-e à disposer de son corps, la question de l’autodétermination, mais aussi les rapports de production et d’oppression.

C’est pourquoi, à partir d’une posture qui est celle du lesbianisme politique, à partir d’une volonté qui est celle de réfléchir aux rapports d’oppression et d’exploitation, je me pose aujourd’hui des questions au sujet des stratégies et des enjeux du féminisme dit «pro-sexe» ou «sexe-positif».

 

Le grand backlash

Le féminisme dit sexe-positif en France vit aujourd’hui, à mon avis une période de backlash, ou de ressac. Ce ne sont pas tellement les opposants aux valeurs et au combat de ce courant du féminisme qui m’inquiètent. Les abolitionnistes, censeurs et conservateurs me semblent moins menaçants aujourd’hui que la façon dont certains principes au fondement du féminisme sexe-positif sont utilisés, ceux qui les utilisent, et ce que ces principes servent à promouvoir et à discréditer aujourd’hui.

Par féminisme «pro-sexe», je désigne en premier lieu les féministes américaines qui ont réagi durant la période des sex wars contre le mouvement féministe abolitionniste qui militait contre le travail du sexe et la pornographie. Le mouvement abolitionniste et pour la censure, qu’on a appelé parfois trop hâtivement «anti-sexe», a suscité en réponse le mouvement qu’on a appelé «pro-sexe», ou sexe-positif, termes que j’utiliserai ici de façon interchangeable (je ne reviendrai pas sur l’histoire de ce mouvement).

En France s’est développé aussi un mouvement de travailleuses et travailleurs du sexe en réaction aux lois de prohibition de la prostitution et aux discours féministes abolitionnistes. Ce mouvement produit des ouvrages, s’est doté d’organismes comme le STRASS (le Syndicat des travailleuses et travailleurs du sexe) et compte des activistes qui s’expriment dans les médias. Il vise notamment à améliorer les droits, la considération sociale et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs du sexe.

Par ailleurs, nombre d’artistes et d’auteurs-es ont travaillé sur la dimension politique du sexuel à travers une approche féministe ou queer −par la création visuelle, l’écriture littéraire, la performance, la recherche chorégraphique. Il s’agit alors de tordre les barreaux sémantiques qui encagent les corps et sexualités non hétéronormées et leur assignent une position altérisée, minoritaire, déviante, voire délictueuse. 

Le postulat commun à ces travaux, œuvres et recherches est la conviction que l’on peut, dans l’espace d’un texte ou d’une œuvre visuelle, ou le temps d’un spectacle, abolir la marque du genre7 Monique Wittig, « La marque du genre », dans  La pensée straight, 2013 (2001), p. 115-125 (texte initialement publié en anglais sous le titre «The Mark of Gender», dans Feminist Issues, n° 2, 1985). qui assigne certaines catégories à une posture subalterne, la conviction, autrement dit, que l’on peut saper les rapports d’oppression en partant du sexuel et de ses représentations. Que l’on peut changer les regards sur les corps et les sexualités, pour qu’ils soient perçus et conçus hors des lectures majoritaires et des rapports de production hégémoniques. 

Ce sont des expériences sémiopolitiques, des tentatives de décodage-recodage des représentations de la sexualité, de resémantisation des signifiants du sexuel, réalisées en littérature ou sur scène, dans des perspectives féministes et queer. Selon le contexte de réception, se pose la question de la dimension subversive de ces images, textes et performances qui s’emparent du sexuel. Car la potentialité subversive varie selon les publics et les contextes de réception, et selon le degré d’ouverture ou de clôture sémiotique des œuvres (leur caractère polysémique ou univoque).

Mais, au-delà du sempiternel débat sur le caractère subversif de telle ou telle œuvre ou discours, comment la politique des représentations du sexuel s’articule-t-elle avec la lutte contre les rapports de production et d’oppression matérielle? 

Quel est d’abord le lien entre l’espace de la scène, des arts, de la recherche, et la lutte politique, sociale, juridique, des travailleuses et des travailleurs du sexe?

Il existe des liens concrets, comme le fait que, dans certains spectacles, œuvres, travaux, les interprètes ou auteurs-es exercent par ailleurs une activité de travailleuse ou travailleur du sexe. L’expérience de chacun-e est singulière et ne peut être représentative de l’ensemble des parcours et réalités de tous-tes des travailleuses et travailleurs du sexe, mais ils et elles proposent une réflexion sur ce qu’est le travail du sexe, depuis leur position située. 

L’autre lien concret, c’est la participation de certaines artistes au débat d’idées dans le champ du féminisme sexe-positif, artistes qui s’engagent pour les droits des travailleuses et travailleurs du sexe. Des performeuses et performeurs, artistes, auteurs-es, metteurs-es en scène, vidéastes et réalisateurs-trices véhiculent un discours politique en tant que personnalités publiques. 

On peut se demander si la création artistique, par exemple, contribue à changer réellement les conditions des travailleuses et travailleurs du sexe. Cela renvoie au débat (sans issue) sur ce qui détermine en dernière instance les rapports de domination: la base (les rapports d’exploitation) ou bien la superstructure (la culture, le langage, le symbolique, etc.)?

Je reste convaincue que ce n’est pas inutile de travailler sur les représentations, convaincue que le langage et les représentations ne sont pas déconnectés du matériel, des logiques d’exploitation. Le langage contribue à forger nos cadres d’expérience du réel. Les populations stigmatisées dans le langage sont souvent celles qui sont exploitées matériellement, qui font aussi l’objet de violences économiques et physiques. 

Lutter sur le terrain des représentations afin d’agir sur les cadres d’expérience du réel, pour agir donc sur la réalité, cela reste néanmoins une question délicate. On peut défendre l’idée (que défendait Wittig) qu’en travaillant sur le langage, on peut agir sur le réel, c’est-à-dire que les œuvres produites sur nos sexualités (œuvres littéraires, œuvres visuelles) ont une incidence sur la façon dont seront perçus, considérés et traités les vécus minoritaires et minorisés. Il reste à définir dans quelle mesure de telles œuvres agissent sur les rapports de production et d’exploitation. 

Il me semble qu’en travaillant à déstigmatiser le travail du sexe, la nudité, le travail pornographique et les sexualités alternatives dans le langage et les représentations, on n’a pas pour autant mis fin aux logiques d’exploitation. On a assisté, en France et ailleurs en Occident, à l’absorption capitaliste et à la médiatisation d’une version «allégée» des discours et des représentations féministes sexe-positives. Les femmes libérées sexuellement et qui montrent leur corps, des filles qui revendiquent l’empowerment par la nudité, cela n’a pas déstructuré profondément le capitalisme ni le patriarcat. Cela ne signifie pas la même chose et n’a pas le même coût non plus selon qu’on est blanche ou pas. Athée ou pas. Selon qu’on vient de tel ou tel milieu social.

bell hooks, dans son ouvrage Ne suis-je pas une femme? Femmes noires et féminisme (1981), explique que les femmes noires ont été exploitées sexuellement, tout en étant considérées par les Blancs (et les Blanches) comme responsables de l’exploitation sexuelle qu’elles subissaient en tant que femmes esclaves, et qu’elles ont continué à subir par la suite. La respectabilité, la pudeur et la vertu étaient considérées comme des caractéristiques de femmes blanches. Les femmes noires étaient une force de travail gratuite mais aussi des reproductrices forcées, à qui l’on déniait le statut d’être humain. bell hooks cite nombre de témoignages qui montrent qu’encore aujourd’hui, les femmes noires sont considérées comme plus sexuelles que les autres, plus lascives, de moindre vertu et de moindre valeur morale. Elle publie cet ouvrage en 1981, mais il me semble que ce dont elle parle perdure dans la façon dont les femmes noires sont représentées dans les médias et la publicité aujourd’hui. La sexualité est là, toujours, avec le stéréotype de la femme lascive, de la tentatrice, de la femme plus proche d’un instinct sexuel animal et moins proche de la «civilisation» que la femme blanche. Dans une étude du magazine Vogue datant de 2008, Nana Adusei-Poku (2010), chercheuse en études postcoloniales, montre que les femmes noires dans les magazines de mode sont sous-représentées et que lorsqu’un numéro spécial est dédié aux mannequins noires, c’est pour les représenter dénudées, parées de fourrures léopard, allongées parmi des fruits exotiques.

Ni les enjeux ni les coûts ne sont les mêmes, pour les femmes blanches et pour les femmes noires, les femmes arabes, les femmes autochtones des pays colonisés, quand il s’agit de s’exprimer sur la sexualité, de militer pour ce qu’on appelle la libération sexuelle, de produire des œuvres littéraires, théâtrales ou cinématographiques qui parlent de leur sexualité.

Cela m’amène à l’autre question délicate posée par une écrivaine française, Lola Lafon, celle de la «prison de chair».

 

La prison de chair

Dans un texte intitulé «Le chant des batailles désertées» publié en 2010, Lola Lafon se questionne sur le féminisme sexe-positif, sans pour autant le nommer explicitement ainsi. Les productions textuelles ou visuelles à caractère sexuellement explicite –telles que celles issues du mouvement sexe-positif– ne contribuent-elles pas à ramener encore la catégorie des femmes et les minorités sexuelles et de genre au corps et à la sexualité, à cette «maison de chair» où les femmes notamment ont toujours été cantonnées? 

Lola Lafon (2010) écrit ceci: 

À peine libéré d’une sexualité normée et moralisée, notre corps est entré dans l’ère du libérable obligatoire. Libérable de sa graisse, de traits jugés inégaux, à plastifier, de névroses le traversant ou d’ovaires paresseux. Et voilà chacune penchée sur son «soi», le massant d’huiles essentielles et guettant religieusement la provenance des nourritures proposées à ses entrailles et différents orifices et s’employant anxieusement à lui procurer un nombre suffisant d’orgasmes, à ce corps en «fonctionnement-production» maximal, signe extérieur d’équilibre obligatoire. Car il s’agit avant tout d’être épanouie, nouveau dogme qui semble interdire le désordre quel qu’il soit. À notre chevet, nous voilà devenues nos propres nourrissons. 
Pouvoir enfin débattre du genre, de la prostitution et avoir un accès déculpabilisé à la pornographie, tout ça a un instant semblé créer de nouveaux(elles) êtres désentravé(e)s, loin d’un féminisme plus victimaire. Mais…Subversives, les femmes qui commentent inlassablement leur sexe, leur désir, comme enfermées dans une maison de chair, autophage, bientôt? Sous des apparences joyeusement trash, revoilà l’injonction éternelle faite aux femmes de retourner à leur corps, au-dedans… Me voilà remise à ma place, enfermée face à mon sexe, cette place qui a toujours été la nôtre, où les femmes sont attendues et contenues, cette maison trop chaude: l’intime. La radicalité féministe aujourd’hui semble tourner presqu’uniquement [sic] autour de ce qu’on fait, ou pas, à et avec son corps. Et quand il relève la tête de son corps, le féminisme, il fait quoi?
Il demande à l’Empire de lui faire une place, en marge ou bien au centre.

Pourquoi donc retourner dans la prison de chair? Peut-on en tordre les barreaux?

Il s’agir d’abord, pour les sujets minorisés, de se réapproprier leur corps, qui est défini, possédé, parlé par d’autres. Il me semble qu’au fondement de la démarche militante sexe-positive, au-delà de la réaction au mouvement féministe abolitionniste et pour la censure de la pornographie, il existe un besoin, une envie de beaucoup de femmes, lesbiennes, travailleuses du sexe, de dire leur vécu, leur expérience du corps, de prendre la parole plutôt que d’être racontés-es et représentés-es par d’autres en des termes et avec des images dans lesquels elles ne se reconnaissent pas, voire qui insultent leur être et qui servent des politiques publiques qui dégradent encore plus leurs conditions d’existence. Je pense par exemple à la récente loi française sur la pénalisation des clients de la prostitution qui –les travailleuses du sexe l’ont dit et redit et les sociologues qui ont écouté et observé l’ont dit aussi– contribue à fragiliser encore plus les prostituées: parce que leurs clients commettent un acte illégal, cela force les prostituées à se cacher encore plus qu’avant pour exercer. Dans la clandestinité totale, elles ont encore moins de pouvoir de négociation vis-à-vis des clients. 

Il s’agit, pour les personnes issues des minorités sexuelles et de genre, comme pour celles et ceux qui sont travailleuses et travailleurs du sexe, de défendre une expertise propre devant les questions politiques, juridiques et sociales qui traversent leurs vécus et pratiques. Il y a la volonté de parler pour soi plutôt que de laisser autrui parler de soi. C’est ce qu’ont en commun, je crois, les féministes qui font du porno queer alternatif et qui sont loin de l’industrie pornographique mainstream, et les travailleuses du sexe, prostituées, dont l’expérience est différente.

Parler pour soi touche à la politique de la représentation; or la représentation reste problématique. Car une expérience ne peut incarner toutes les autres, les personnes que les médias sollicitent ne peuvent incarner la pluralité des vécus LGBT ou la pluralité des vécus et des conditions de travail des travailleuses du sexe. Par ailleurs, les travailleuses du sexe peuvent difficilement s’exprimer dans les médias sur ces conditions de travail sans donner des munitions aux arguments des abolitionnistes, qui parlent systématiquement à leur place. Elles sont prises en étau entre les artistes queer féministes «sexe-positives» qui parlent du travail du sexe en général mais parfois sans connaître les conditions de travail réelles, et les discours abolitionnistes qui soutiennent des lois qui dégradent leurs conditions de travail et empirent les logiques d’exploitation. Et les féministes «pro-sexe» en général sont prises dans une double impasse: d’un côté la récupération néolibérale de la libération des corps et des sexualités, de l’autre l’érection de la liberté sexuelle comme valeur «occidentale» servant à discréditer les populations qui ne sont pas hédonistes, athées et court vêtues.

Comment faire usage du langage donc, comment faire usage du discours pour changer les cadres d’expérience du réel?

Il n’existe pas de réponses sous forme de mode d’emploi. J’ai l’idée qu’on peut commencer par essayer de parler pour soi autant que pour les autres, à se demander toujours qui on oublie en parlant et ce que révèle cet oubli –le tout en veillant à ne pas parler à la place des autres. Embrasser la complexité, saisir le réel dans tout ce qu’il a de dense, de compliqué, d’invivable. Nommer les étaux et les impasses dans lesquels nous sommes prises. Ne pas évacuer la question de la liberté sexuelle, mais travailler dessus en superposant les grilles de lecture pour penser les autres oppressions qui y sont liées. Ne pas renoncer aux utopies politiques parce que le contrat social se fait et se refait chaque jour, au quotidien. Je conclurai en citant une phrase de bell hooks, issue d’un entretien qu’elle a donné en 2015 et qui nous incite au changement de paradigme, qui constate combien il est nécessaire que les différents courants du féminisme se questionnent en permanence et se remettent en cause mutuellement, afin de rester un moteur de changement social:

Mon engagement militant envers le féminisme demeure fort. La raison principale en est que le féminisme est le mouvement social contemporain qui s’est le plus remis en question. […] c’est l’un des aspects les plus remarquables et formidables aspects du mouvement féministe contemporain. […] Le féminisme a changé son paradigme, cela ne s’est pas fait sans hostilité, cela ne s’est pas fait sans que certaines femmes se sentent comme si on leur imposait la question de la race. Ce changement m’émerveille encore8Citation originale: “My militant commitment to feminism remains strong, and the main reason is that feminism has been the contemporary social movement that has most embraced self-interrogation. When we, women of color, began to tell white women that females were not a homogenous group, that we had to face the reality of racial difference, many white women stepped up to the plate. I’m a feminist in solidarity with white women today for that reason, because I saw these women grow in their willingness to open their minds and change the whole direction of feminist thought, writing and action. This continues to be one of the most remarkable, awesome aspects of the contemporary feminist movement. The left has not done this, radical black men have not done this, where someone comes in and says, “Look, what you’re pushing, the ideology, is all messed up. You’ve got to shift your perspective.” Feminism made that paradigm shift, though not without hostility, not without some women feeling we were forcing race on them. This change still amazes me.” bell hooks: Buddhism, the Beats and Loving Blackness, By George Yancy and bell hooks December 10, 2015, consulté le 11/10/2016..

 

Références

ADUSEI-POKU, Nada. 2010. «White Issues, Italian Vogue’s ʽall blackʼ Issue and the Visual Imaginary», in Perspektive -Medium- Macht. Zur kulturellen Codierung neuzeitlicher Geschlechterdispositionen, sous la dir. de Ann-Kristin DÜBER et Falko SCHNICKE, Würzburg, p. 175-201.

CHETCUTI, Natacha. 2009. «De “On ne naît pas femme” … à “On n’est pas femme”. De Simone de Beauvoir à Monique Wittig», Genre, sexualité et société, n° 1, en ligne: http://gss.revues.org/477 .

hooks, bell. 2016 (1981). Ne suis-je pas une femme? Femmes noires et féminisme, traduction de l’anglais par Olga Potot, Roubaix (France): Cambourakis.

LAFON, Lola. 2010. «Le chant des batailles désertées», NRF, en ligne: http://lolalafon.toile-libre.org/blog/?p=639 . 

WITTIG, Monique. 2013 (2001). La pensée straight, trad. de l’anglais par Marie-Hélène/Sam. Bourcier, Paris: Amsterdam.

__________. 1980. «La pensée straight», Questions féministes, n° 7, p. 45-53.
 

  • 1
    On constate cependant que les juges aux affaires familiales tendent à refuser l’adoption de l’enfant du conjoint aux couples d’hommes (parce qu’en l’absence de mère, les juges suspectent qu’il y a eu recours à une gestation pour autrui, interdite en France). Les couples de femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée à l’étranger se voient en revanche plus facilement accorder l’adoption de l’enfant de la conjointe.
  • 2
    Loi d’ouverture du mariage aux couples de même sexe qui fut votée après le 17 mai 2013 suite à de longs et houleux débats (voir : http://www.gouvernement.fr/action/le-mariage-pour-tous).
  • 3
    Dans le sens que tout est sens dessus-dessous, que les choses tournent à l’inverse du bon sens, de la logique, de la justice…
  • 4
    Au sujet des limites du constructivisme de Beauvoir sur la question de l’hétérosexualité, voir notamment Chetcuti (2009).
  • 5
    Post-scriptum absent dans la version du texte parue dans le recueil La pensée straight (2013).
  • 6
    Je reprends les termes de la «Lettre au mouvement féministe» du 1er mars 1981, republiée dans la revue Miroirs-miroirs (2015).
  • 7
    Monique Wittig, « La marque du genre », dans  La pensée straight, 2013 (2001), p. 115-125 (texte initialement publié en anglais sous le titre «The Mark of Gender», dans Feminist Issues, n° 2, 1985).
  • 8
    Citation originale: “My militant commitment to feminism remains strong, and the main reason is that feminism has been the contemporary social movement that has most embraced self-interrogation. When we, women of color, began to tell white women that females were not a homogenous group, that we had to face the reality of racial difference, many white women stepped up to the plate. I’m a feminist in solidarity with white women today for that reason, because I saw these women grow in their willingness to open their minds and change the whole direction of feminist thought, writing and action. This continues to be one of the most remarkable, awesome aspects of the contemporary feminist movement. The left has not done this, radical black men have not done this, where someone comes in and says, “Look, what you’re pushing, the ideology, is all messed up. You’ve got to shift your perspective.” Feminism made that paradigm shift, though not without hostility, not without some women feeling we were forcing race on them. This change still amazes me.” bell hooks: Buddhism, the Beats and Loving Blackness, By George Yancy and bell hooks December 10, 2015, consulté le 11/10/2016.
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